Le Western américain : Parcours chronologique II 1950-1954

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Pour être plus clair, te faire comprendre que je vais entièrement dans ton sens et utiliser les bonnes expressions, j'aurais préféré que le film fut pensé en couleurs :mrgreen:

Et connaissant assez bien l'étranger, il te dira la même chose ; nos phrases étaient effectivement maladroites.
L'étranger...
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par L'étranger... »

Jeremy Fox a écrit :Pour être plus clair, te faire comprendre que je vais entièrement dans ton sens et utiliser les bonnes expressions, j'aurais préféré que le film fut pensé en couleurs :mrgreen:

Et connaissant assez bien l'étranger, il te dira la même chose ; nos phrases étaient effectivement maladroites.
Oui, le film est très bien comme il est, mais je pense que je l'aurai encore plus aimé s'il avait était tourné en couleur -on ne touche pas au developpement de l'histoire ni aux personnages-, pour les décors naturels qui nous auraient encore plus imergés dans cette ode à la vie sauvage et je persiste en le comparant à Au-delà du Missouri qui -outre l'histoire- m'avait scotché par la beauté de ses couleurs. Pour moi le noir et blanc ressort mieux dans les westerns de ville, j'apprécie des films comme Le train sifflera 3 fois, La première balle tue ou 3h10 pour Yuma en NB sans me poser de questions, alors que quand je vois un film que j'adore en NB qui se passe dans de grands et beaux décors naturels, je ne peux m'empécher de me dire " - Qu'est-ce ça aurait donné s'il avait été topurné en couleur."
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Wagner
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Message par Wagner »

Ok, donc c'est bien un problème de meilleure adéquation supposée de la couleur à la nature. Personnellement je préfère également la couleur (cf. la flèche brisée), mais je ne dirais pas que le décor naturel la réclame. Pursued ou My darling Clementine n'ont rien à faire de la couleur par exemple, déjà pour la raison qu'ils n'ont pas ce côté carte postale qua possède incontestablement Au-delà du Missouri qui est une suite de beaux tableaux destinés à flatter l'oeil.

Je n'ai pas de souvenirs précis du la captive aux yeux clairs que je n'ai pas envie de redécouvrir dans l'édition montparnasse dont je me suis d'ailleurs débarassé.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Au-delà du Missouri qui est une suite de beaux tableaux destinés à flatter l'oeil
.

Se faire flatter l'oeil n'est pas nécessairement désagréable :wink:
Je n'ai pas de souvenirs précis du la captive aux yeux clairs que je n'ai pas envie de redécouvrir dans l'édition montparnasse dont je me suis d'ailleurs débarassé
Tu a bien fait ; ça ne donne presque pas envie d'aller jusqu'au bout
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Wagner »

Jeremy Fox a écrit :
Au-delà du Missouri qui est une suite de beaux tableaux destinés à flatter l'oeil
.

Se faire flatter l'oeil n'est pas nécessairement désagréable :wink:
Tout à fait, je suis très preneur de la photo de ce film, mais je me méfie un peu aussi quand je lis des choses qui ressemblent un peu à "la couleur c'est mieux que le noir et blanc" :mrgreen:

PS: et oui, je sais que la nuit du chasseur aurait dû être tourné en couleurs :mrgreen:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Wagner a écrit : mais je me méfie un peu aussi quand je lis des choses qui ressemblent un peu à "la couleur c'est mieux que le noir et blanc" :mrgreen:
Tu as raison mais tu m'as quand même quasiment insulté en osant croire que j'aurais pu penser un truc pareil :twisted: :lol:
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Wagner »

Jeremy Fox a écrit :
Wagner a écrit : mais je me méfie un peu aussi quand je lis des choses qui ressemblent un peu à "la couleur c'est mieux que le noir et blanc" :mrgreen:
Tu as raison mais tu m'as quand même quasiment insulté en osant croire que j'aurais pu penser un truc pareil :twisted: :lol:
c'est une question intéressante: pourquoi Ford tourne en Technicolor dès Sur la piste des Mohawk, qui reste un ses ses sommets esthétiques, pour ne finalement revenir qu'assez peu au procédé?
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Wagner a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
Tu as raison mais tu m'as quand même quasiment insulté en osant croire que j'aurais pu penser un truc pareil :twisted: :lol:
c'est une question intéressante: pourquoi Ford tourne en Technicolor dès Sur la piste des Mohawk, qui reste un ses ses sommets esthétiques, pour ne finalement revenir qu'assez peu au procédé?
Gregg Toland et consorts n'étaient peut-être pas des spécialistes de la couleur (là je m'avance un peu) et comme Ford aime à s'entourer de ses amis... Si ça se trouve, c'est juste une question de criconstances mais je n'en mettrais pas ma main au feu. Ford a néanmoins encore tourné une quinzaine de films en couleurs après Drums along the Mohawk mais c'est vrai que plus du tiers de sa filmo parlante est en noir et blanc. Peut-être aussi en fonction des sujets

bref, je ne sais pas répondre à ta question ; ce sont juste des suppositions.
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Message par Wagner »

la couleur passe encore, mais le technicolor n'est représenté qu'à quatre reprises je crois : de mémoire, les Mohawk, le fils du désert, la charge héroïque, et l'homme tranquille, et à chaque fois uen contribution majeur à cette extraordinaire technique
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Jeremy Fox »

Wagner a écrit :la couleur passe encore, mais le technicolor n'est représenté qu'à quatre reprises je crois : de mémoire, les Mohawk, le fils du désert, la charge héroïque, et l'homme tranquille, et à chaque fois uen contribution majeur à cette extraordinaire technique
La plus extraordinaire 8) Il n'y a qu'à revoir les premiers films en couleurs du style la fille du bois maudit :o
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par Wagner »

Jeremy Fox a écrit :
Wagner a écrit :la couleur passe encore, mais le technicolor n'est représenté qu'à quatre reprises je crois : de mémoire, les Mohawk, le fils du désert, la charge héroïque, et l'homme tranquille, et à chaque fois uen contribution majeur à cette extraordinaire technique
La plus extraordinaire 8)
Et en même temps la plus irréasliste.
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Horizons West

Message par Jeremy Fox »

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Le Traître du Texas (Horizons West , 1952) de Budd Boetticher
UNIVERSAL


Avec Robert Ryan, Julie Adams, Rock Hudson, John McIntire, Raymond Burr, James Arness, Dennis Weaver, Rodolpho Acosta
Scénario : Louis Stevens
Musique : Joseph Gershenson ; Henry Mancini & Herman Stein non crédités
Photographie : Charles P. Boyle
Un film produit par Albert J. Cohen pour la Universal


Sortie USA : 11 octobre 1952


L’année 1952 avait commencé de la plus belle des manières avec, dès ses premiers jours, la découverte d’un nouveau venu à l’intérieur du genre, le réalisateur Budd Boetticher qui venait tout récemment de troquer son vrai prénom d’Oscar contre ce pseudo de Budd qui claquait nettement plus. Il nous avait alors sacrément alléché avec l’excellent et remuant A Feu et à sang (The Cimarron Kid) qui mettait en vedette le jeune Audie Murphy. A peine dix mois après, toujours écrit par le même Louis Stevens, Le Traître du Texas vient nous confirmer que ce premier western prometteur n’était pas qu’une réussite isolée et entérine l’immense talent et l’extrême efficacité du cinéaste qui boucle ici en à peine une heure et quart une intrigue pourtant riche et ample, plus ambitieuse que celle de son western précédent. Un film qui ne paie pas de mine de prime abord mais qui dévoile ses multiples richesses au fil des visionnages (ce sera d’ailleurs vrai de tous les westerns du cinéaste). Et dès lors, on peut avancer que les westerns Universal de Boetticher, moins célébrés à juste titre que sa future série avec Randolph Scott, forment néanmoins un ensemble (un quatuor) d’une belle cohérence.

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De retour de la Guerre de Sécession après la défaite de leur camp, les frères Hammond, Dan (Robert Ryan) et Neil (Rock Hudson), accompagnés par Tiny (James Arness), retrouvent la ville d’Austin-Texas totalement métamorphosée par l’argent frais venu du Nord. Marqué par l’humiliation de la défaite, jaloux des fortunes amassées par les yankees en son absence et ne se sentant plus en phase avec la vie familiale et laborieuse dispensée au ranch, Dan décide d’amasser de l’argent le plus vite et le plus aisément possible. Il se fait d’abord présenter chez les notables et riches hommes d’affaires de la ville qui l’humilient en public lui faisant bien comprendre qu’ils ne font pas partie de la même classe. Il se rabat alors sur les laissés pour compte de la Guerre, les déserteurs et soldats des deux camps à qui il propose de former un gang de voleurs de bétails. Les bêtes, il les conduit dans la ‘Zona Libre’ entre le Mexique et le Texas où il les revend à un renégat mexicain s’étant fait nommer général de ce territoire-frontière inviolable (Rodolfo Acosta). La richesse commence à s’accumuler pour Dan. Mais, après qu’il ait tué en état de légitime défense l’opulent et vil rancher Cold Hardin (Raymond Burr), qui avait découvert ses magouilles en faisant torturer son frère, il préfère prudemment passer à autre chose toujours avec l’ambition de devenir l’homme le plus important du Texas. Avec l’aide d’hommes de lois et de juristes véreux, soutenue par la veuve de son ex-ennemi, la jolie Lorna Hardin (Julia Adams), il commence à faire régner la terreur sur la contrée, arrivant à exproprier les colons et s’approprier un maximum de terres dans la ‘légalité’. Mais, alors qu’il se monte un véritable Empire sur le dos des pauvres gens, il va bientôt être confronté aux propres membres de sa famille, notamment son frère et son père (John McIntire) qui ne supportent plus ses exactions…

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Le difficile retour à la vie civile des soldats de la Guerre de Sécession, les conflits que ça a pu générer au sein d'une même famille, ont probablement été jusqu'à présent les thèmes les plus souvent abordés dans le western avec, pour citer les plus connus, les films sur les gangs d’outlaws qui se créèrent à cette époque et qui découlèrent directement de cette nouvelle ère post-guerre civile, ceux des frères James, Younger ou les Kansas Raiders de Quantrill. Le parcours d'hommes ayant voulu diriger un État s'est trouvé également déjà abordé au sein du western au moins à deux reprises, dans La Rivière d'argent (Silver River) de Raoul Walsh avec Errol Flynn ainsi que dans Le Baron de l'Arizona (The Baron of Arizona) de Samuel Fuller avec Vincent Price. Horizons West vient les rejoindre et, s'il s'avère plus classique dans sa mise en scène et dans son traitement de l'intrigue, il n'en demeure pas moins beaucoup plus réjouissant, beaucoup plus nerveux et 'ludique'. Il fait d'ailleurs énormément penser dans son déroulement dramatique à de nombreux films de gangsters des années 30 narrant les parcours chaotiques des plus grands bandits de l'époque interprétés avec conviction par des James Cagney, Paul Muni ou Edward G. Robinson. Ascension et chute , grandeur et décadences de criminels dont Boetticher reprendra le schéma pour un de ses derniers films, La Chute d'un Caïd (The Rise and Fall of Legs Diamond) en 1960 et dont Horizons West pourrait être une sorte de brouillon.

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Le film débute par une séquence assez bucolique se déroulant au milieu de paysages de collines verdoyantes somptueusement mises en valeur par le cinéaste et son chef opérateur, le fameux Charles P. Boyle que l'on croise très régulièrement en ce moment, le collaborateur entre autres de George Sherman sur le très beau Tomahawk. Les personnages interprétés par Robert Ryan, Rock Hudson et James Arness sont sur le chemin du retour après avoir combattu dans les rangs des Confédérés. Neil (Rock Hudson), d'un naturel débonnaire, est ravi de rentrer au pays ; éternel optimiste, il a déjà oublié les conflits pour pouvoir faire table rase du passé et se tourner vers l'avenir qu'il conçoit tranquille et laborieux au sein du ranch familial. Tiny (James Arness), qui travaille au ranch des Hammond, est un jovial grand gaillard qui se voit déjà repeupler le Texas à lui tout seul (il se nomme lui-même –en français-le 'repopulateur' !). En revanche Dan (Robert Ryan) est moins frivole ; son regard est plus sombre et il a du mal à digérer la défaite Sudiste : "Je n’aime rien perdre [...] Je suis un vaincu qui rentre ruiné." Beau prologue où les trois soldats discutent de leur avenir tout en chevauchant lentement, Tiny prenant même le temps de porter secours à un agneau englué dans la boue. S'ensuit l'arrivée à Austin où les trois hommes sont étonnés de trouver une ville autrefois bruyante et animée, métamorphosée en cité 'bon chic bon genre', propre, calme et opulente. Les plans de l'arrivée dans cette ville devenue prospère s'avèrent eux aussi vraiment très réussis notamment par leurs cadrages et la beauté des décors et costumes des citadins.

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C'est d'ailleurs à ce moment que nous faisons la connaissance de Lorna Hardin, la sublimement belle Julia Adams (vous savez, l'actrice qui tombe dans les bras de James Stewart à la fin des Affameurs). Non seulement charmante mais également bonne comédienne et qui trouve ici un rôle à sa mesure, celle de l'épouse d'un rancher riche mais cruel, dédaigneux et imbu de sa personne, personnage génialement tenu par Raymond Burr dont les scènes qui l'opposent à Robert Ryan valent leurs pesants de cacahuètes, notamment la première autour d'une table de poker qui se termine par l'humiliation du 'paysan' par le notable sous forme d'une gifle magistrale (qui lui sera retournée un peu plus tard avec la même violence ; non mais !). Pour en revenir à Lorna, elle avoue à Dan, sans ambages ni honte, avoir épousé son mari uniquement pour sa richesse et n'hésite pas à se jeter dans les bras de son 'confesseur' une fois son époux tombé sous les balles de ce dernier ! Et, même si elle sait que la fortune de Dan est au moins aussi grande que celle de feu son époux, on arrive très bien à ressentir que cette fois elle est dans le même temps amoureuse. Et c'est ce qui fait la richesse de son personnage ainsi que celle du couple : Dan a beau être devenu un salaud, Lorna a beau le savoir sans nécessairement l'approuver, leur amour est bel et bien réel et surtout convaincant pour le spectateur. Malgré qu’ils soient devenus détestables vis-à-vis des autres, il n'est néanmoins pas possible de ne pas les trouver un minimum attachants d’autant que Lorna s’avère être pour ne rien gâter une femme moderne qui n'aime ni les convenances ni le code de l'honneur. Quand à l'autre personnage féminin, la petite amie de Rock Hudson (joué par Judith Braun), il est au contraire laissé sur le carreau par le scénariste ; à peine a-t-on le temps de la croiser à de brèves reprises sans qu'elle n'apporte pas grand chose à l'intrigue.

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Voici nos trois hommes de retour au ranch familial et ce sont des retrouvailles chaleureuses. S'ensuivent des scènes que l'on a peu l'habitude de trouver au sein du western, des embrassades fraternelles, le feuilletage d'un album photos autour de la mère (touchante Frances Bavier), des conversations à bâtons rompues avec le père (John McIntire, toujours parfait), la réelle tristesse qui perce du regard de Dan par le fait de ne plus se sentir à l'aise chez lui malgré son amour pour ses proches... Des scènes de tendresse familiale qui ne sont pas sans rappeler celles d'un John Ford par exemple ! A l'occasion de l'anniversaire de mariage des parents un peu plus tard dans le courant du film, on trouvera d'ailleurs une discussion très émouvante dans la cuisine entre le père et le fils aîné, Dan étant d'une grande franchise (crudité même) avec son père quant à ses rêves d'avenir : "Tu as 65 ans et ton ranch n’est toujours pas amorti. Jamais je n’aurais cette patience. A Austin les fortunes se font en 48 heures. " Bref, Dan décide de quitter le nid pour se rendre à Austin à la recherche d'une fortune aisée et rapide. Il va trouver un ami qui travaille dans une banque (John Hubbard, parfait lui aussi comme la plupart des seconds rôles) pour lui demander de lui présenter les notables de la ville. Sa devise est désormais "Je peux oublier mes convictions et mes rancœurs contre de l’argent". Mais son entrée dans la 'haute société' ne se déroule pas comme il l'aurait souhaité et il se retrouve humilié en public dans la fameuse séquence de poker évoquée plus haut. De colère, il se rend de nuit dans un camp situé proche des terres familiales, un camp où se trouvent réunis tous les 'rebuts' de la guerre, déserteurs, soldats yankee et confédérés n'ayant pas réussi à se réintégrer dans la société au retour du conflit.

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Et c'est là l'occasion une fois encore d'une vision assez neuve dans un western, celle presque fantasmatique et fantomatique de ce campement nocturne vu en plongée à partir d'un large plan d'ensemble ; nous n'y distinguons tout d'abord que de multiples trouées lumineuses issues des divers feux de camps au milieu desquels semble grouiller une faune bigarrée et tumultueuse ; parmi celle-ci, un personnage haut en couleur, 'Dandy Taylor' qui offre l'occasion à Dennis Weaver (Duel de Steven Spielberg) de tenir son premier rôle au cinéma, assez mémorable d'ailleurs de par son sourire carnassier et ses tenues extravagantes. Après que Dan ait prouvé sa force et son courage par un combat à mains nus d'une grande nervosité (Robert Ryan use d'ailleurs de ses poings à plusieurs reprises et avec une grande efficacité tout au long du film et semble prendre un malin plaisir à découvrir son torse qu'il dévoilait déjà avidement dans Plus fort que la loi - Best of the Bad Men l'année précédente ; sur les deux affiches aussi d'ailleurs), il prend la tête de cette bande d'hommes qui n'ont plus rien à perdre, promettant à ses 'épaves de la guerre' la fortune par le vol de bétails. Boetticher en profite alors brièvement pour nous offrir des plans identiques à ceux du Red River de Howard Hawks mais en Technicolor ; le troupeau ayant traversé le Rio Grande, nous voilà dans la ‘Zona Libre’, territoire frontière dominé par un renégat mexicain s'étant fait élire Général et achetant le bétail et autres biens, fixant lui-même ses prix ; en échange de quoi, les bandits peuvent venir se réfugier dans cette 'République' sans loi. Encore une nouveauté du scénario et encore une amusante mais courte prestation de Rodolfo Acosta dans le costume de ce dictateur d'opérette.

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De retour au Texas, Dan va distribuer ses premiers gains à sa famille. Son amour pour les siens préfigure les relations qui se tisseront entre les membres de la Mafia notamment dans la trilogie du Parrain de Coppola. Et c'est encore un détail qui fait du personnage de Dan un homme parfois touchant. Mais tout se gâte par la suite. Cord Hardin ayant fait le rapprochement entre Dan et les voleurs de bétail fait torturer Neil (fouetté à coups de ceinturon) qui, comme les spectateurs le savent, n'est absolument pas au courant des magouilles de son frère. Dan viendra à son secours tuant Cord et certains de ses hommes. Mais, par l'intermédiaire de faux témoignage de la veuve du mort, Dan sera acquitté et innocenté. Il va pouvoir entreprendre de réaliser ses rêves de grandeur en se faisant aider par des hommes de lois et des juristes véreux : "Tout au sommet, on jurera que je n’ai jamais rien fait de mal". Sa tête enfle, sa cruauté aussi ; il perd tout sens moral tout en en étant parfaitement conscient, hanté par des démons qu'il n'arrive pas à faire taire : "Cruauté et ambition sont ancrées en moi" avouera t-il à son père venu l'arrêter à la toute fin du film que je ne vous raconterais pas même si elle semblait inéluctable et qui s'avèrera une nouvelle fois assez émouvante, Boetticher et son scénariste abandonnant leur antihéros à son sort non glorieux sans avoir versé une larmichette à son encontre. Il faut dire que le talent de Robert Ryan et l'écriture du personnage par Louis Stevens (déjà scénariste du précédent western de Boetticher et auteur de l'histoire qui nous est contée ici) sont tellement riches qu’ils ont réussi à nous faire éprouver de l'empathie pour cet homme pourtant devenu haïssable sous presque toutes les coutures, pratiquant comme il respire l'extorsion, le meurtre, la corruption et même le parricide.

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D'ailleurs, les auteurs nous délivrent aussi une séquence assez étonnante qui fait tanguer nos plus profondes convictions. Était-ce voulu, je ne saurais le dire et je n’y crois pas à vrai dire ; mais le résultat est là ! Dan ayant été arrêté, les habitants d'Austin, excédés par ses exactions, décident de le lyncher. Jusqu'à présent, lorsque l'on trouvait une telle séquence dans un western, c'était pour fustiger la bêtise d'une foule en furie allant pendre un homme que nous savions innocent. Mais à ce moment de l'intrigue, Dan a dépassé toutes les bornes s'est transformé en un véritable salopard que nous avons appris à détester, spoliant et tuant sans vergogne les fermiers et notables se mettant en travers de son chemin, venant même d'assassiner l'un de ceux lui ayant mis le pied à l'étrier. Bref, tranquillement installés dans notre fauteuil de spectateurs amorphes, on en jubilerait presque de le voir se faire pendre haut et court malgré nos croyances en la non-violence et nos certitudes quant à l’horreur de la peine de mort. Mais voici que Rock Hudson débarque, s'étant fait élire shérif, décidant de sauver son frère du lynchage et, par la même occasion, de nous délivrer de la mauvaise conscience qui s'était emparé de nous pour avoir osé en appeler à la pendaison ! Finalement, rien ne vaut un bon procès ! Manque de bol, Robert Ryan réussit à s'enfuir non sans avoir descendu froidement un des principaux protagonistes de l'histoire, qui plus est l'un des plus sympathiques. Et on en revient à ce paradoxe : pourquoi n'ont ils pas laissé faire la foule ? Rassurez-vous, les auteurs ne nous laisserons pas sur ce dilemme et ne revendiquerons aucunement cette justice expéditive. Nous non plus en fin de compte mais tout ceci nous aura néanmoins déstabilisé quelques instants. Un exemple parmi tant d'autres de la richesse du scénario que j'avoue n'avoir pas décelé à la première vision, de sa capacité à nous retourner comme des crêpes.

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Ceux qui auraient voulu à juste titre sauter les sept paragraphes d'explications de texte (je n'y suis pour rien si Boetticher me fait devenir prolixe plus que de raison) peuvent reprendre la lecture ici même ! Parlant à plusieurs reprises de la richesse du scénario et des personnages, il fallait bien essayer d'être convaincant d'autant plus qu'il existe peu de littérature autour de ce film très souvent considéré comme mineur. Mineur certes et pas aussi génialement épuré que par la suite mais néanmoins intéressant et passionnant de bout en bout. Historiquement, nous trouvons également quelques réflexions très intéressantes sur cette période historique où les profiteurs de tout poil ont pu s'en mettre plein les poches grâce à la reconstruction du pays et à l'absence des Texas Rangers, les milices ayant été 'démobilisées'. Si la fond vient d'être longuement abordée, la forme ne lui est pas inférieure. La mise en scène est déjà imparable, d'une efficacité à toute épreuve dans les séquences d'action (les coups font très mal) et remplie de plans superbement travaillés ; et dès lors le cinéaste prend son temps à filmer les paysages et les décors, ce qui est bien appréciable. Habitué des durées courtes avec lesquelles il s'en sort toujours avec maestria, pour une fois justement, même si l'affaire est rondement menée et parfaitement exécutée, il lui aurait fallu un peu plus de temps pour approfondir les nombreuses pistes sur lesquelles il nous lance et pour pouvoir étoffer encore plus les personnages (dont les évolutions sont parfois assez brutales), donner encore plus d'ampleur à son intrigue qui se termine par une fin émouvante qui fait nous rendre compte que paradoxalement, nous avons bel et bien apprécié ce personnage détestable grâce notamment aussi au talent de Robert Ryan qui porte le film sur ses larges et solides épaules.

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Une très jolie réussite que ce deuxième western assez sombre (et heureusement sans aucun humour, ce qui aurait été totalement incongru) d'un cinéaste qui n'a pas fini de nous étonner. Un western très bien dialogué, qui prend parfois chemins de traverse imprévus, qui se suit sans ennui et dans lequel les acteurs s'avèrent très bons à l'exception d'un Rock Hudson encore un peu terne. Outre Robert Ryan, parfait dans un personnage assez complexe, Julie Adams (superbement photographiée) ne manque pas non plus de talent et tous les seconds rôles sont parfaitement campés, Raymond Burr en tête, infect à souhait. Esthétiquement, c'est un régal pour les yeux, les décors et les costumes s'avérant opulents et chatoyants (voir le superbe domaine et la magnifique propriété du personnage de Raymond Burr), magnifiés par un glorieux Technicolor. Les extérieurs sont également splendidement photographiés même si peu nombreux, le film, basé en quelque sorte sur le schéma des films de gangsters, se déroulant avant tout dans les intérieurs de saloons, salles de jeux, tribunaux, salons, banques ou bureaux. En cette décennie bénie par les dieux du western hollywoodien, la compagnie Universal de continuer sur sa lancée à n’apporter presque que du bonheur aux aficionados du genre ; du bonheur en Technicolor qui plus est ! On en redemande !
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Jeremy Fox a écrit :A suivre : Le gaucho (Way of a Gaucho) de Jacques Tourneur avec Rory Calhoun
Un ami westernien m'en a passé une excellente copie en vost. :wink:
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Re: Horizons West

Message par Jeremy Fox »

L'étranger... a écrit :
Jeremy Fox a écrit :A suivre : Le gaucho (Way of a Gaucho) de Jacques Tourneur avec Rory Calhoun
Un ami westernien m'en a passé une excellente copie en vost. :wink:
Tiens, nous avons peut-être le même ami 8)
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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 2 (50

Message par feb »

M. Fox, respect pour cette chronique très détaillée et riche en captures, félicitations...on sent que Boetticher est un peu ton réalisateur "Red Bull", il te donne des ailes :mrgreen: Je ne l'ai pas enregistré lorsqu'il est passé dans l'intégrale Robert Ryan sur TCM, je vais peut être me laisser tenter par le SIdonis qui semble honnête en qualité d'image.
Wagner a écrit :la couleur passe encore, mais le technicolor n'est représenté qu'à quatre reprises je crois : de mémoire, les Mohawk, le fils du désert, la charge héroïque, et l'homme tranquille, et à chaque fois uen contribution majeur à cette extraordinaire technique
Tu as oublié quelques gros morceaux de Ford tournés dans avec cette technique : The searchers (celui-là difficile de l'oublier quand je regarde ma signature :mrgreen: ) et Mogambo. The long gray line, Les deux cavaliers et Les cheyennes sont également des films tournés en Technicolor :wink:
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