Drums across the river
Publié : 28 avr. 12, 21:33
La Rivière sanglante (Drums across the River, 1954) de Nathan Juran
UNIVERSAL
Avec Audie Murphy , Walter Brennan , Lisa Gaye , Lyle Bettger , Hugh O'Brian , Jay Silverheels , Mara Corday , Emile Meyer, Morris Ankrum , Bob Steele
Scénario : John K. Butler & Lawrence Roman
Musique : Joseph Gershenson
Photographie : Harold Lipstein (Technicolor 1.85)
Un film produit par Melville Tucker pour la Universal
Sortie USA : Juin 1954
Alors que le studio Universal fut durant les premières années de la décennie le champion de la série B westernienne, on sent, qualitativement parlant (et à quelques exceptions près), un sacré relâchement depuis le début 1954. Les budgets semblent s’être resserrés (d’où une esthétique moins léchée, un rendu moins agréable à l’œil) et les quelques nouveaux producteurs paraissent être moins ambitieux et faire moins attention quant à la qualité d’écriture des scripts, au choix du casting… Il y eut pour commencer les deux mauvais westerns de George Sherman sortis quelques mois plus tôt et voilà que Nathan Juran, qui avait l’année précédente délivré deux westerns très sympathiques pour la firme (Quand la poudre parle - Law and Order avec Ronald Reagan ainsi que Le Tueur du Montana – Gunsmoke, déjà avec Audie Murphy), réalise un nouveau western, cette fois à l’intrigue bien trop banale et aux protagonistes bien trop caricaturaux pour arriver à nous captiver. Cet affaiblissement qualitatif, on le remarque même au travers des bandes originales, bien faiblardes en rapport à certains scores précédents signés par les excellents Herman Stein ou Hans J. Salter. La seule chose sur laquelle le studio ne veut toujours rien lâcher est sa volonté de ne tourner les scènes d’extérieurs qu’en décors naturels (ici encore bien choisis) sans jamais utiliser la moindre transparence même au sein des séquences mouvementées. C’est déjà ça de gagné et c’est une des raisons pour lesquelles les amoureux du western apprécient tant les productions d’un studio qui se moque le moins possible de son public ! Ceci dit, les nouvelles productions ont pour l’instant perdues un peu de la magie qui caractérisait celles qui s'étendaient en gros de 1947 à 1953. Gageons et espérons que ce ne soit qu’un passage à vide !
Crown City, petite ville du Colorado s’étant édifiée suite à la découverte de mines d’or dans les alentours. En cette fin de 19ème siècle, les habitants se demandent s’ils vont continuer à pouvoir y vivre plus longtemps, les gisements étant presque épuisés. Il reste cependant des filons qui n’ont pas encore été touchés ; le problème est qu’ils se situent de l’autre côté de la rivière San Juan, dans les montagnes du territoire de la tribu des Utes sur lequel, suite à un traité, les hommes blancs n’ont pas le droit de pénétrer. Gary Bannon (Audie Murphy), qui gère une petite entreprise de fret avec son père Sam (Walter Brennan), se laisse convaincre par Frank Walker (Lyle Bettger) d’aller malgré tout prospecter en territoire indien afin d’éviter la faillite. Sam, qui connait bien et respecte la tribu des Utes, tente de s’interposer mais son fils n’en fait qu’à sa tête (d’autant qu’il hait les indiens responsables de la mort de sa mère) et le voilà parti avec Walker et ses hommes. En réalité, Walker nourrit le projet de créer un incident avec les indiens : il pense que si une guerre est déclenchée entre colons et indiens, ces derniers seront reconduits dans des réserves, laissant le champ libre pour pouvoir exploiter les mines d’or situées dans les montagnes. A peine le groupe a t’il franchi la rivière qu’il est pris en embuscade par les Utes. Sam, qui est parvenu à rattraper le convoi réussit à parlementer avec le chef de la tribu (Morris Ankrum) mais Walker et ses hommes arrivent néanmoins à créer l’incident fatal en tuant trois indiens venus parlementer. Voyant la tournure que prennent les évènements, Gary commence à vouloir changer de camp mais il n’est pas au bout de ses peines puisque, sentant qu’il ne le suivra pas dans ses noirs desseins, Walker fait tout pour le discréditer auprès de ses concitoyens…
Des blancs cherchant à créer un conflit avec les indiens dans le seul but de profiter de la confusion. Des Indiens pacifiques mais qui ne souhaitent pas être délogés ni que l’on vienne empiéter sur le bout de territoire qu’on leur a difficilement accordé. Un homme raciste finissant par comprendre qu’il l’était à tort, que l’on ne doit pas juger un peuple sur un seul de ses membres… Intentions évidemment tout à fait louables mais rien de bien neuf à se mettre sous la dent. Du déjà vu et revu mais surtout en bien mieux ! Le Western de Nathan Juran est de nouveau un véhicule pour la star maison, Audie Murphy. Ce dernier se fait pourtant voler la vedette par Walter Brennan mais aussi par les vicieux ‘Bad Guy’ interprétés par Lyle Bettger et Hugh O’Brian. Malheureusement leur jeu est tellement caricatural et répétitif que finalement, qu'ils soient ternes, pittoresques ou picaresques, aucun protagoniste n’arrive vraiment à attirer notre attention. Nous visionnons donc ce pauvre western sans passion ni intérêt, comme les spectateurs de l’époque d’ailleurs qui boudèrent le film. Un échec commercial assez justifié par le fait que l’ensemble fait ressentir comme un air de bâclage et puisqu’il s’agissait alors d’un des moins bons films avec Audie Murphy. Il faut dire que Melville Tucher à la production est loin d'avoir une filmographie mirobolante à son actif au contraire par exemple d'un Aaron Rosenberg qui avait d’ailleurs produit le premier western de Nathan Juran (Law and Order), d’une toute autre qualité. Non qu’il ait été plus original mais mieux écrit, mieux rythmé, plus efficace. A travers le western à la Universal, on se rend encore mieux compte du fait, qu’à l'époque des studios, le producteur comptait souvent presque tout autant que le réalisateur dans le résultat final qui, et notamment dans la série B, dépendait plus du travail d'une équipe que de la personnalité d'un auteur.
Si ce Drums across the River est moins palpitant que les westerns précédents de Nathan Juran, c’est aussi à cause de son intrigue paresseuse, banale et guère palpitante (malgré une bonne dose d'action), les scénaristes de ce dernier étant bien moins doués que DD Beauchamps. Car sinon, la mise en scène, même si sans aucun génie, s’avère toujours plutôt correcte, nous proposant mêmes quelques rares séquences assez réussies comme cette bagarre à poings nus dans un grand baquet de récupération d’eau, une pendaison se déroulant sous une pluie battante et surtout cette belle scène des obsèques du chef indien dans un lieu désert et venté. A notifier encore une autre jolie scène dans le campement indien qui voit Audie Murphy perdre ses préjugés racistes lorsqu’il se rend au chevet du vieux chef mourant, interprété par Morris Ankrum, qui lui fait comprendre qu’il ne faut pas juger un groupe à la bêtise d’un de ses membres, expliquant aussi qu’il faut toujours combattre les ennemis de la paix : « I fought the enemies of peace, no matter who, while I lived. I will fight them after my death. » Pour le reste, à l’image du personnage féminin qui n’a d’autre fonction que de se jeter dans les bras du héros à la toute dernière image, rien de vraiment intéressant à piocher au sein de ce tout petit western pro-indien.