Les Coeurs verts (Edouard Luntz, 1966)...
... qui vient de sortir chez René Chateau. Belle restauration du Studio Eclair. Transfert impec.
Artistiquement parlant : c'est spécial. A cheval entre le documentaire et la fiction, avec beaucoup de choses qui rappellent d'autres films de la même époque.
Au départ, la beauté de certains plans (avec de beaux dégradés de gris) m'a fait penser à la façon dont Schlesinger filmait Manchester dans "
A Kind of loving" (1962) ; sauf que le Nanterre de 1965 est loin d'être aussi photogénique. J'ai aussi pensé aux documentaires du Belge Luc de Heusch et à son film "
Jeudi on chantera comme dimanche" (1967). Sauf que dans ce dernier Bernard Fresson et Marie-France Boyer sont des comédiens professionnels. Quelques plans d'usine (assez incroyables) m'ont ramené à "
Samedi soir et dimanche matin" de Karel Reisz (1960). En entendant les voix off, c'est l'interrogatoire d'Antoine Doinel à la fin des "
400 coups" qui a refait surface. Pendant le bal, au moment du Madison, difficile de ne pas revoir les mêmes images tournées par Godard dans "
Bande à part" (1964). Sauf que -- une fois encore -- Brasseur, Frey et Anna Karina n'étaient pas des amateurs. Enfin, le défilé de gueules de voyous m'a fait penser à "
491" de Vilgot Sjöman (1964), et ça, ça n'est pas un compliment.
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Pour mémoire : deux sympathiques garçons de "491"
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Le hic, à mes yeux, c'est le niveau très irrégulier de l'interprétation. Sur certaines séquences, c'est un festival de parler faux. Ce n'est peut-être pas aussi mauvais que Michel Debord dans "
Masculin Féminin" (1966), mais ça fait saigner les oreilles. Le gars qui interprète le personnage de Jean-Pierre (un des deux héros) est mauvais comme un cochon. Même Arlette Thomas -- qui est pourtant une pro -- arrive à en faire trop sur une scène de colère.
J'ajoute qu'en dehors du personnage de Zim, les garçons du film n'invitent vraiment pas à la sympathie. Même si le réal s'efforce de ne pas aller trop loin pour éviter la censure, j'avoue que l'ébauche de "tournante" m'est restée sur l'estomac (du reste : je ne peux croire que le film soit sorti à l'époque sans une sévère interdiction aux mineurs).
Quoi qu'il en soit, c'est une vraie curiosité.
En juillet 1966, dans un journal suisse, on pouvait lire :
Plutôt que d'employer l'expression "blousons noirs", Edouard Luntz propose "Les Coeurs verts". Et l'on devine immédiatement la tendresse avec laquelle il va montrer ses personnages associaux, perdus, blessés.
C'est un film mis en scène avec des instants qui voudraient recréer la spontanéité du reportage télévisé pris sur le vif. L'équilibre n'est pas parfait et le film donne par instant l'impression d'un produit fabriqué maladroitement.
Incidemment : les scènes de chantier en santiags ; excellent !