Les Dimanches de ville D'Avray (Serge Bourguignon - 1962)
Publié : 9 janv. 09, 11:45
Ca faisait maintenant quelques années que je cherchais à le voir après avoir été très intrigué par sa citation dans Love & Pop de Hideaki Anno. Sa réputation culte et son invisibilité n'ont fait que croitre ma curiosité.
Maintenant que j'ai pu enfin le découvrir à la cinémathèque ( en présence du réalisateur ), je peux dire que les Dimanches de ville d'Avray mérite amplement sa réputation.
C'est un authentique chef d'œuvre bouleversant, un film touché par la grâce et la poésie et dont le sujet polémique rend encore plus miraculeux.
L'histoire est celle de Pierre, un pilote qui en s'écrasant lors d'une mission au Vietnam a tué une petite fille. Même s'il a perdu la mémoire, il vit traumatisé par un sentiment de culpabilité qu'il n'explique pas. Vivant désormais dans la ville D'Avray avec l'infirmière qui l'a soignée, Pierre passe ses journées à attendre. Attendre que la mémoire revienne et que sa phobie du vide disparaisse.
Quand il croise à la gare Françoise, une petite fille en pleure que son père va abandonnée dans un couvent, sa culpabilité remonte à nouveau et il devient hanté par cette petite fille au point de passer la voir dans son pensionnat. Devant la gentillesse de Pierre et après l'abandon de toute sa famille, Françoise se jette à cœur perdu dans sa relation avec Pierre qu'elle fait passer par son père. Entre ses 2 personnages d'écorchés vif, une profonde histoire d'amitié va naître... Une histoire d'amour aussi...
Le sujet est délicat par essence. Comment faire croire à une histoire d'amour entre un trentenaire et une petite de 12 ans sans tomber dans le racolage ou les sous-entendus pédophiles ?
Comment donc ? Par la pureté tout simplement.
Pierre et Françoise sont avant tout 2 marginaux qui décident de vivre en dehors de la société qui les ignore, dans leur monde à eux, un monde qui ne se soucie pas des conventions mais seulement dicté par leur tendresse et leur compréhension mutuelle. Pierre est autant le père de Françoise que son grand-frère, son amoureux et même son fils.
Ce monde dans lequel ils s'échappent chaque dimanche par le même rituel ( celui de jeter un pierre dans un étang, les ondulation de l'eau créant la porte de leur univers ) est un monde onirique où seul leur "amour" compte. Plutôt que de re-créer un monde imaginaire, Serge Bourguignon le suggère par la seule magie de sa mise en scène : un travelling cadrant leur reflet dans l'eau plutôt que directement les personnages, des plans contemplatifs de nature sur lesquelles il glisse les conversations de Pierre et Françoise. Par des effets simples, Bourguignon capte bien plus la beauté et la pureté de leur union. La fragilité aussi. Car il suffit d'un passant pour briser leur bulle et rappeler que cette relation est contre-nature et perverse pour la société "bien-pensante".
Ce décalage entre le monde cynique des adultes et celui des 2 enfants ( puisque l'amnésie de Pierre lui donne la sensibilité d'un enfant ) crée un film d'une rare mélancolie traversée de pointes émotionnelles déchirantes.
En plus de la finesse d'écrire et du jeu exceptionnel des acteurs, la mise en scène de Bourguignon est louable du début à la fin. La caméra semble jouer le rôle du prêtre célébrant pudiquement l'union des 2 personnages. Elle est un personnage à part entière, un témoin intimidé de leur amour qui n'oserait pas toujours les regarder dans les yeux, de peurs de les corrompre.
Tourné dans un Scope noir et blanc d'une beauté inhabituelle dans le cinéma français des années 60, les plans dans n'ont pas la même durée selon les personnages qu'elles captent. Si Pierre et Françoise ont droits à des plans plus brefs et plus délicat, ceux qui mettent en scène l'infirmière ( Nicole Courcel, également époustouflante ) sont à l'inverse des plans plus longs, plus pesant, claustrophobique même. C'est la même chose dans le traitement du son qui est beaucoup plus agressif pour Madeleine ( voire à ce titre la scène où, désespérée, elle appelle un ami à l'aide depuis un bistrot).
C'est justement l'une des choses qui fait la force de l'histoire, Bourguignon ne néglige pas ses personnages et on s'émeut autant pour Pierre et Françoise que pour Madeleine.
Tout ces points font des Dimanches de Ville D'Avray un film inoubliable qui étonne aujourd'hui plus que toujours par sa prise de risque de un traitement qui fera grincer les dents d'une bonne partie des personne fermés d'esprit ( certains des grincheux de la cinémathèque étaient presque révoltés qu'on puisse faire et montrer un tel "éloge de la pédophilie" ??? )
Autant dire que je vous encourage vivement à le découvrir pas tout les moyens. Ils sont cependant bien maigres mais le film ayant été diffusé rapidement sur Canal + il y a quelques années, il doit bien avoir quelques VHS en circulation.
N'esperez pas trop d'édition DVD pour le moment, Bourguignon expliquait avant la séance que la Columbia qui détient les droits du films ne veut les céder à personne en signalement fortement son attachement à cette "oeuvre de prestige" mais refuse de l'éditer elle-même.
Durant cette intervention le réalisateur expliqua aussi pourquoi le film n'était pas si connu en France alors qu'il jouit d'un statut culte au Japon et aux USA ( avec l'oscar du film étranger à la clé ) : son film fut vivement attaqué par la presse, surtout pas les Cahiers du cinéma qui n'appréciait pas du tout que ce film soit mis en avant à la place d'une réalisation de Godard, présenté aussi au festival de Venise. D'ailleurs leur lobbying marcha si bien que le film n'obtint pas le Lion D'or mais deux prix inférieur.
Maintenant que j'ai pu enfin le découvrir à la cinémathèque ( en présence du réalisateur ), je peux dire que les Dimanches de ville d'Avray mérite amplement sa réputation.
C'est un authentique chef d'œuvre bouleversant, un film touché par la grâce et la poésie et dont le sujet polémique rend encore plus miraculeux.
L'histoire est celle de Pierre, un pilote qui en s'écrasant lors d'une mission au Vietnam a tué une petite fille. Même s'il a perdu la mémoire, il vit traumatisé par un sentiment de culpabilité qu'il n'explique pas. Vivant désormais dans la ville D'Avray avec l'infirmière qui l'a soignée, Pierre passe ses journées à attendre. Attendre que la mémoire revienne et que sa phobie du vide disparaisse.
Quand il croise à la gare Françoise, une petite fille en pleure que son père va abandonnée dans un couvent, sa culpabilité remonte à nouveau et il devient hanté par cette petite fille au point de passer la voir dans son pensionnat. Devant la gentillesse de Pierre et après l'abandon de toute sa famille, Françoise se jette à cœur perdu dans sa relation avec Pierre qu'elle fait passer par son père. Entre ses 2 personnages d'écorchés vif, une profonde histoire d'amitié va naître... Une histoire d'amour aussi...
Le sujet est délicat par essence. Comment faire croire à une histoire d'amour entre un trentenaire et une petite de 12 ans sans tomber dans le racolage ou les sous-entendus pédophiles ?
Comment donc ? Par la pureté tout simplement.
Pierre et Françoise sont avant tout 2 marginaux qui décident de vivre en dehors de la société qui les ignore, dans leur monde à eux, un monde qui ne se soucie pas des conventions mais seulement dicté par leur tendresse et leur compréhension mutuelle. Pierre est autant le père de Françoise que son grand-frère, son amoureux et même son fils.
Ce monde dans lequel ils s'échappent chaque dimanche par le même rituel ( celui de jeter un pierre dans un étang, les ondulation de l'eau créant la porte de leur univers ) est un monde onirique où seul leur "amour" compte. Plutôt que de re-créer un monde imaginaire, Serge Bourguignon le suggère par la seule magie de sa mise en scène : un travelling cadrant leur reflet dans l'eau plutôt que directement les personnages, des plans contemplatifs de nature sur lesquelles il glisse les conversations de Pierre et Françoise. Par des effets simples, Bourguignon capte bien plus la beauté et la pureté de leur union. La fragilité aussi. Car il suffit d'un passant pour briser leur bulle et rappeler que cette relation est contre-nature et perverse pour la société "bien-pensante".
Ce décalage entre le monde cynique des adultes et celui des 2 enfants ( puisque l'amnésie de Pierre lui donne la sensibilité d'un enfant ) crée un film d'une rare mélancolie traversée de pointes émotionnelles déchirantes.
En plus de la finesse d'écrire et du jeu exceptionnel des acteurs, la mise en scène de Bourguignon est louable du début à la fin. La caméra semble jouer le rôle du prêtre célébrant pudiquement l'union des 2 personnages. Elle est un personnage à part entière, un témoin intimidé de leur amour qui n'oserait pas toujours les regarder dans les yeux, de peurs de les corrompre.
Tourné dans un Scope noir et blanc d'une beauté inhabituelle dans le cinéma français des années 60, les plans dans n'ont pas la même durée selon les personnages qu'elles captent. Si Pierre et Françoise ont droits à des plans plus brefs et plus délicat, ceux qui mettent en scène l'infirmière ( Nicole Courcel, également époustouflante ) sont à l'inverse des plans plus longs, plus pesant, claustrophobique même. C'est la même chose dans le traitement du son qui est beaucoup plus agressif pour Madeleine ( voire à ce titre la scène où, désespérée, elle appelle un ami à l'aide depuis un bistrot).
C'est justement l'une des choses qui fait la force de l'histoire, Bourguignon ne néglige pas ses personnages et on s'émeut autant pour Pierre et Françoise que pour Madeleine.
Tout ces points font des Dimanches de Ville D'Avray un film inoubliable qui étonne aujourd'hui plus que toujours par sa prise de risque de un traitement qui fera grincer les dents d'une bonne partie des personne fermés d'esprit ( certains des grincheux de la cinémathèque étaient presque révoltés qu'on puisse faire et montrer un tel "éloge de la pédophilie" ??? )
Autant dire que je vous encourage vivement à le découvrir pas tout les moyens. Ils sont cependant bien maigres mais le film ayant été diffusé rapidement sur Canal + il y a quelques années, il doit bien avoir quelques VHS en circulation.
N'esperez pas trop d'édition DVD pour le moment, Bourguignon expliquait avant la séance que la Columbia qui détient les droits du films ne veut les céder à personne en signalement fortement son attachement à cette "oeuvre de prestige" mais refuse de l'éditer elle-même.
Durant cette intervention le réalisateur expliqua aussi pourquoi le film n'était pas si connu en France alors qu'il jouit d'un statut culte au Japon et aux USA ( avec l'oscar du film étranger à la clé ) : son film fut vivement attaqué par la presse, surtout pas les Cahiers du cinéma qui n'appréciait pas du tout que ce film soit mis en avant à la place d'une réalisation de Godard, présenté aussi au festival de Venise. D'ailleurs leur lobbying marcha si bien que le film n'obtint pas le Lion D'or mais deux prix inférieur.