Death on the Nile (Mort sur le Nil) (John Guillermin, 1978)
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J’ai appris à lire avec Tata Christie et Tonton Poirot. Aussi les adaptations cinématographiques ont-elles très vite attiré mon attention. Celle-ci a été la première et m’a tapé dans l’oeil. J’ai un délicieux souvenir de soirée estivale chez un copain devant la télé, face à cette intrigue qui m’avait passionné. L’espèce de huis-clos sur ce bateau à roue le long du Nil est assez prenante. Hélas, je la vois aujourd’hui sur une copie de très piètre qualité. Je n’ai que le souvenir coloré de la diffusion télé de mon enfance pour contrebalancer cette déconvenue. Cette revoyure ne m’a pas autant procuré de plaisir visuel. Dommage.
De même, avec l’âge mon regard sur le jeu des acteurs s’est-il endurci, ou aiguisé? Quoiqu’il en soit, certains comédiens me paraissent très en deçà de leurs petits camarades. Simon MacCorkindale, pour ne citer que lui, me semble mauvais comme un cochon.
Dans cette catégorie, Lois Chiles, Olivia Hussey, Jon Finch et dans une certaine mesure Jane Birkin ne sont pas non plus toujours irréprochables. Même David Niven semble un peu en retrait par rapport au plaisir partagé qu’éprouvent manifestement d’autres comédiens.
Par exemple, il est évident que Bette Davis se régale à jouer l’aristocrate emmerdeuse, sous la coupe d’une Maggie Smith des grands soirs. Leur duo impayable me met en joie.
Même si elle en fait des tonnes dans le rôle d’une écrivaine alcoolique et salace, la charge d’Angela Lansbury aboutit à une plus-value comique non négligeable.
J’ai surtout été très admiratif du jeu de Mia Farrow. Elle se coltine un personnage compliqué, allant de la jalousie hystérique à l’effondrement. Il y a là de quoi perdre très facilement une actrice. Le péril de la farce, du grotesque n’est pas loin, mais la comédienne parvient magistralement, je ne sais comment au juste, à garder une certaine mesure. De fait, elle n’est pas insupportable, reste crédible de bout en bout.
J’ai bien aimé également la prestation de Jack Warden qui reste sobre. La VF n’est pas des plus maîtrisées avec son accent germanique trop prononcé pour être tout à fait réaliste. M’enfin, le jeu du comédien est plus que correct et sauve l’affaire.
Et je finis bien entendu par le bonbon sucré qu’est Peter Ustinov. Lui aussi fait le cabot, voyons! C’est heureux. Je trouve que l’Hercule Poirot qu’il construit, aussi différent du Poirot christien qu’il ouisse être, n’en demeure pas moins un Poirot accrocheur, charmeur. Du Poirot originel, il a su garder la vanité, la très haute opinion de lui même, mais également une certaine philosophie de vie pleine de pondération et de bon sens. Il lui a ajouté cette rondeur, presque de la jovialité, qui rend le bonhomme finalement très sympathique, ce qui n’est pas toujours évident dans les romans. En tout cas, on sent la personnalité pleine d’humour et d’auto-dérision de Peter Ustinov, ce qui en fait un Hercule Poirot remarquable par bien des aspects. Pas étonnant que de nombreuses productions ont été entreprises sur sa figure débonnaire par la suite pour incarner à nouveau ce personnage. Avec tout le respect qu’on doit à un acteur comme Albert Finney, son Hercule Poirot (“Le crime de l’Orient-Express”) fait quelque peu pale figure avec celui de Peter Ustinov.
Concernant l’intrigue et l’adaptation du roman, j’ai trouvé cette enquête plutôt bien écrite. Le whodunit classique fait monter la sauce doucement, mais sûrement. La présentation de tous les personnages est peut-être toujours un peu fastidieuse, mais elle l’est moins que dans d’autres films du genre.
L’insertion de séquences d’illustrations lors de l’échafaudage des hypothèses proposées par Poirot est une très bonne idée. Éclairante. Elle participe avec efficacité de la montée de tension jusqu’à la classique réunion où le détective belge fait son numéro de dissection devant l’assemblée de protagonistes. Dans le tempo, magnifique, pour la surprise finale.
Je n’ai pas vérifié où se situe le film dans la chronologie des adaptations christiennes, mais il a été si marquant pour moi que je me l’imagine aisément comme le premier, le fondamental, l’angulaire. “Meurtre au soleil” ne doit pas être très éloigné. Je me rappelle qu’il y a plusieurs comédiens qu’on retrouve dans les deux productions (Jane Birkin et peut-être Maggie Smith ou d’autres?). Si mes souvenirs sont bons, ce sont les deux seules adaptations de Poirot comestibles. Je crois me rappeler un ou deux téléfilms avec Peter Ustinov dans le rôle mais dont la qualité scénaristique et formelle laissait à désirer. Et je n’avais pas été conquis par “Le crime de l’Orient-Express”. Alors pourquoi ne goûterais-je pas à la saveur de ce “Mort sur le Nil”, pour une énième fois sans parcimonie?