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Mary Astor (1906-1987)

Publié : 6 juin 08, 10:24
par francesco
Dans la série mes-fils-sont-des-bides je continue :mrgreen:


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120 films, une carrière qui s’étale sur 45 ans, des triomphes (et au moins un four) au théâtre, une carrière active à la télévision (elle y a joué notamment une version Boulevard du Crépuscule) et à la radio (elle enregistre ainsi un de ses plus grands rôles dans Le Grand Mensonge, Loretta Young se substituant à Bette Davis), un divorce retentissant dans les années 30, une liaison orageuse avec John Barrymore, une conversion au catholicisme et une désintoxication via les AA : c’est, en quelques mots, le résumé de la vie de Mary Astor, une des plus grandes actrices d’Hollywood, cela dit en passant.
Sa carrière s’est basée sur un étrange paradoxe : elle était une star, et une star aimée du public, mais pourtant, à partir du parlant, elle n’a que très rarement eu la vedette, de son propre choix semble-t-il. Attention, ce n’est pas d’une actrice de caractère dont il s’agit : on ne vous parle pas d’Elsa Lanchester ou de Thelma Ritter mais d’une femme qui pouvait égaler en séduction toutes ses prestigieuses partenaires.

Elle est assez peu appréciée en général du cinéphile français, troublé sans doute devant ce mélange détonant : un merveilleux visage de madone, une voix très sombre, une silhouette massive, une élégance remarquable … le tout au service de rôles de tentatrices et de femmes fatales associées dans notre mémoire au sex apeal de Laureen Bacall, Ava Gardner ou Kim Novak. Pourtant la venimeuse ambigüité qu’elle peut apporter à n’importe quel personnage nous éloigne avec un vrai bonheur de certains stéréotypes. Actrice particulièrement « concentrée », dense, « monstrueusement narcissique » pour reprendre l’expression heureuse d’un critique, elle a toujours accaparé la lumière et l’attention du spectateur quelque soit son ou sa partenaire, et ce sur des personnages souvent ingrats, voire odieux ou bien les deux à la fois. Autre source de gène peut-être.

En tous cas la plupart des rôles du muet (que je n’ai pas vus, je me fie à des synopsis) exploite une image positive et sereine du personnage, l’incomparable beauté de ses traits semblant s’accorder avec ce type de rôle (d’ailleurs ses premiers tests parlants seront jugés peu concluant, car la voix « n’allait » pas avec ce visage, il faudra une reconnaissance critique au théâtre pour les studios reviennent sur leur décision). Aux côtés de John Barrymore elle joue ainsi dans Beau Brummel (en 1924) et dans Don Juan (1926) mais la filmographie muette de Mary Astor est tellement riche qu’il faudrait y consacrer une étude réelle et approfondie.
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Elle jouait donc ainsi les leading ladies et elle garde ce statut dans beaucoup de ses films précode parallèlement à cela elle n’hésite pas à se diriger vers le second rôle féminin, de préférence complexe et peu aimable : la sœur d’Ann Harding dans Holiday en 1930 est le premier d’une longue série qui culmine avec sa peinture dérangeante d’une sensualité refoulée dans La Belle de Saïgon (1932) dans lequel elle est le contrepoint idéale de la luminosité papillonnante de Jean Harlow ou, pour rester dans les rôles célèbres, son Antoinette de Mauban du Prisonnier de Zenda (1938), dont elle fait un magnifique ange déchue par la seule grâce de sa présence sombre et de l’intensité de son regard.
Dans le registre comique elle adopte finalement une stratégie similaire et qui fonctionne parfaitement. Quand on voit son interprétation dans La Baronne de Minuit (1939) on se rend compte que c’est l’antithèse d’une actrice « légère » ou « fantaisiste » : mais elle a une espèce de hauteur souveraine pour dire les pires perfidies en restant parfaitement mondaine sans verser non plus dans la caricature de cette mondanité qu’elle incarne si bien. Du très grand art.
Une exception au milieu de ses dames du monde pas toujours sympathique : son rôle dans Dodworth (1936, un chef d’œuvre, en particulier au niveau de la direction d’acteurs) où, encore, une fois, elle ne joue la carte de la bonté éthéré, mais transmet plutôt une bonté et douceur profondément incarnée, terrienne même.

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Le début des années 40 lui est particulièrement favorable. En 1941 elle trouve ses deux plus grands rôles. L’inoubliable et insolite femme fatale du Faucons Maltais, dont le phrasé haché était obtenu par Huston en la faisant courir entre chaque prise. La pianiste égoïste du Grand Mensonge qui lui permet d’emporter un oscar et de cabotiner avec une démesure réjouissante, tout près de la parodie sans jamais y tomber. En 1942 elle retrouve Claudette Colbert, après la Baronne de Minuit pour une autre comédie célèbre : The Palm Beach Story, dans lequel elle s’essaye, si j’ai bien compris, je n’ai pas vu le film, à jouer les évaporées. Je suis curieux du résultat mais j’ai confiance en sa technique.

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Après cela commence la triste période MGM, dans laquelle on lui confit des rôles de mères douces et tendres dans des films qui peuvent être très bons (Les Quatre filles du Docteur March en 1949 et surtout Le Chant du Missouri -1944) mais dans lesquels elle n’a pour ainsi dire rien à faire. Elle se réfugie à la télévision, jusqu’à l’aube des années 60 et termine sa carrière dans le registre qu’elle apprécie davantage : la dame du monde prête à tout pour arriver à ses fins. Après Stanger in my arm (1959) elle obtint un étonnant triomphe critique pour son interprétation, effectivement glaçante, dans Les Lauriers sont coupés (1961) dans lequel elle domine chaque plan où elle apparait, vipérine à souhait, perverse même sous l’apparence de la bonne éducation.


En 1964, par l’entremise de Bette Davis restée son amie depuis Le Grand Mensonge elle peut faire ses adieux au cinéma, le temps d’un caméo qui lui offre une paire de scène mémorable (sa superbe verbale, alors que le corps est diminuée vaut son pesant d’or en particulier quand elle fustige Olivia de Havilland en pleine rue). Après cela elle décide qu’elle décide qu’elle ne jouera plus. C’était, une fois de plus, une décision personnelle, et une décision intelligente sans doute. Mary Astor pensait peut-être déjà à la postérité.

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 11:07
par Ballin Mundson
Tes articles sont intéressants.

Mais est ce que tu pourrais les aérer un peu (saute des lignes entre les paragraphes, ou insère des images comme music man) ? Parce qu'à l'écran, ça n'est pas toujours facile à lire.
francesco a écrit : un merveilleux visage de madone, une voix très sombre, une silhouette massive, une élégance remarquable … le tout au service de rôles de tentatrices et de femmes fatales associées dans notre mémoire au sex apeal de Lauren Bacall, Ava Gardner ou Kim Novak.
Depuis que j'ai lu les pages consacrées à son divorce dans Hollywood Babylon, j'ai un a priori très positif sur cette actrice que je trouvais assez guindée (à cause des ses derniers rôles). J'admire la manière dont elle semble exploiter ce scandale, dans le choix de ses rôles : femmes infidèles ou collectionnant les amants, femmes fatales, .... en décalage avec son image plutôt lisse.

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 11:13
par Ann Harding
Très bonne présentation de Mary Astor, Francesco. Mais, j'y ajouterai un point que tu n'as pas mentionné. Elle a commencé à faire du cinéma très jeune: 14 ans et ce, pas du tout de son fait, mais, poussée par un père abusif et odieux. Il avait trouvé en elle 'le gagne-pain' idéal. En lisant son autobiographie (My Life), on est absoluement tétanisé par le contrôle quasiment maladif auquel elle est soumise pendant de longues années. On vraiment en face d'un des cas d'abus de pouvoir les plus caractérisé de l'histoire des 'enfants-acteurs'. Quand elle tentera de soulever le joug paternel bien des années plus tard, elle se verra intenter un procés par ses parents qui lui réclame une pension de maintenance!!!!???? :shock:
Durant la période muette, elle tourne sans relâche. N'oublions pas qu'à l'époque il n'y a pas de syndicats des acteurs et on tourne 6/7 jours voire 7/7 jours. Et dans des conditions d'insécurité qui font rêver...J'ai vu récemment:
Two Arabians Knights (Frères d'armes, 1928) de Lewis Milestone. Une espèce de comédie 'troupière' où Louis Wolheim et William Boyd s'échappe d'un camp de prisonier en Allemagne et on suit leur péripéties à travers le pays avant d'aterrir sur un bateau en partance pour l'Arabie. En chemin, ils sauvent Mary Astor de la noyade. Elle y a un rôle plutôt décoratif en dame orientale voilée. Mais, le tournage n'eut rien d'une partie de plaisir. Elle se souvient d'avoir passé de longues journées dans l'eau graisseuse et noirâtre de San Pedro avec une robe rebrodée de sequins métalliques qui la tirait vers le fond....
Je n'ai pas vu ses deux films avec John Barrymore mais ils ont une mauvaise réputation: lourds et sans ressort dramatique. Le peu de films de Crosland avec Barrymore que j'ai vu le confirme. Ce n'est vraiment pas du bon cinéma: illustratif en diable avec Barrymore qui en fait des tonnes.
Sinon, j'aimerais bien voir Don Q, Son of Zorro (1925) avec Douglas Fairbanks Sr. Elle a l'air d'avoir passé un bon moment sur le tournage de celui-là.

Quand à ne pas vouloir être une star, elle s'en explique elle-même. Etre une star, c'est avoir son nom au-dessus du titre et surtout s'y maintenir. Elle ne se sent ni le courage, ni l'envie de supporter un tel poids. Elle préfère avoir des rôles secondaires sans être une star.

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 11:18
par Ann Harding
Ballin Mundson a écrit :Depuis que j'ai lu les pages consacrées à son divorce dans Hollywood Babylon
Eh bien, justement il n'y a pas une ligne de vrai là-dedans. Ce cher Kenneth Anger reprend les potins de l'époque qui furent étalés dans tous les journaux à scandale. Son journal intime avait été volé puis maquillé par son mari pour obtenir la garde de ses enfants. Depuis, on ne peut ouvrir un livre sans tomber sur ce potin infondé (qui semble être devenu vérité!) qui fait de Mary Astor une 'Casanova' feminine.... Elle n'avait en fait trompé son mari qu'une fois avec George S. Kaufman. :wink:

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 11:21
par Ballin Mundson
Ah Dommage.
J'aimais bien ce personnage de femme libérée créé par cette histoire.

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 11:35
par Watkinssien
J'ai toujours beaucoup aimé cette actrice et je ne comprenais pas l'acceptation lisse de son jeu.

Une actrice qui arrivait à tout rendre, aussi intense dans un rôle de méchante que dans la femme gracile et gentille.

Bien entendu, je l'adore particulièrement dans The Maltese Falcon de John Huston, en femme fatale mythomane.

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 11:43
par Randolph Carter
Quand je regarde un film avec Mary Astor,c'est l'arnaqueuse du Faucon maltais qui vient s'interposer.C'est la raison pour laquelle je ne supporte pas Le Chant du Missouri,film tellement prisé par certains. :mrgreen:

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 11:59
par francesco
Merci pour vos remarques et compléments !

Pour le post sur Garson j'ai essayé d'aérer davantage la présentation !

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 12:05
par AtCloseRange
Elle est absolument formidable dans The Palm Beach Story.

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 12:39
par Wall of Voodoo Fan
Elle est absolument méconnaissable dans Hush Hush Sweet Charlotte! :shock: Les années n'ont pas été tendres avec elles.

Dans son bouquin Hollywood Babylon, Kenneth Anger en raconte de belles sur le journal intime de l'actrice.

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 12:45
par Music Man
francesco a écrit :Dans la série mes-fils-sont-des-bides je continue :mrgreen:
9 réponses en quelques heures....c'est plutôt pas mal pour un vendredi matin ! :wink:

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 15:44
par francesco
Wall of Voodoo Fan a écrit :Elle est absolument méconnaissable dans Hush Hush Sweet Charlotte! :shock: Les années n'ont pas été tendres avec elles.

Dans son bouquin Hollywood Babylon, Kenneth Anger en raconte de belles sur le journal intime de l'actrice.
Toi, tu n'as pas lu tout le fil, sinon tu aurais su que c'était que des bêtises ! 8)
Merci à Ann Harding d'avoir rétabli la vérité !

Re: Mary Astor

Publié : 6 juin 08, 19:53
par Wall of Voodoo Fan
francesco a écrit :
Wall of Voodoo Fan a écrit :Elle est absolument méconnaissable dans Hush Hush Sweet Charlotte! :shock: Les années n'ont pas été tendres avec elles.

Dans son bouquin Hollywood Babylon, Kenneth Anger en raconte de belles sur le journal intime de l'actrice.
Toi, tu n'as pas lu tout le fil, sinon tu aurais su que c'était que des bêtises ! 8)
Merci à Ann Harding d'avoir rétabli la vérité !
C'est vrai, je l'ai survolé! :oops:

Je me suis fié aux dires de Kenneth Anger, d'autant plus qu'il en rajoute une couche dans Hollywood Babylon II!!

Re: Mary Astor

Publié : 7 juin 08, 08:56
par francesco
Comme Mary Astor n'avait pas eu le droit encore aux photos j'en ai rajouté dans le corps du message.

Re: Mary Astor

Publié : 7 juin 08, 08:57
par francesco
Comme Mary Astor n'avait pas encore eu le droit aux photos j'en ai rajoutées dans le corps du message.