L’avventura
Probablement l’un des sésames du cinéma moderne, en ce qu’il rompt de façon radicale avec la narration et la psychologie traditionnelles, invente une structure faite de temps morts, de pauses, d’interstices, révélateurs impitoyables de ces minuscules éboulements qui, peu à peu, viennent à bout de toutes les raisons de vivre, d’aimer ou de mourir. Les décors, photographiés de façon immensément picturale, y sont souvent des espaces vides qui renvoient au vide intérieur de personnages en crise qui y évoluent. C’est le film-manifeste de l’introspection, de la confusion des sentiments, de l’incommunicabilité, qui relève de l’esthétique du désenchantement et suscite une émotion paradoxale dans sa sécheresse même.
6/6
La nuit
Une nouvelle fois, les héros d’
Antonioni sont des névrosés hantés par l’échec sentimental ou social, qui suivent une errance sans but dans des paysages gris où la caméra s’enlise lentement. Un homme et une femme en pleine faillite conjugale se cherchent, s’évitent, se croisent, arpentent un décor vidé de sens : le cinéaste traduit une dislocation, une fragmentation, et développe un univers où l’humain semble s’extraire du monde. Je trouve tout cela assez aride, j’ai du mal à être touché.
3/6
L’éclipse
Le dernier volet de la trilogie sur l’incommunicabilité moderne est aussi le plus radicalement dédramatisé, réduisant quasiment à néant la matière narrative au profit d’une écriture procédant par correspondances, en phase avec l’indicible de la vie intérieure des protagonistes. Désenchantement, instabilité, fragilité des sentiments sont une fois de plus radiographiés en une dérive abstraite et flottante, qui tente de saisir le vide de l’existence. J’aime particulièrement la fin, cet exercice de sensorialité montrant la ville en une succession de plans fixes et épurés.
4/6
Le désert rouge
Premier film en couleurs pour
Antonioni, qui en fait un usage assez stupéfiant. Prolongeant le questionnement de ses trois précédents films, le cinéaste visualise le mal-être et le désarroi de son héroïne en une expression purement visuelle, l’exprimant par des taches brumeuses, des halos presque surréels, et par la création d’un univers hivernal asphyxié et toxique. Ce travail presque subjectiviste des états d’âme offre un nouveau relief aux préoccupations habituelles de l’auteur, plus que jamais esthète fasciné de la plasticité du monde.
4/6
Blow up
Dissection du réel en un effilochage progressive de la matérialité des choses, comme si le monde sensible glissait dans l’abstraction. Le héros est photographe, son obsession d’une image qu’il analyse jusqu’à l’obsession lui fait perdre pied, ouvre un gouffre de perception et d’interprétation.
Antonioni traduit le vertige par un montage virtuose, un travail très élaboré sur les superpositions d’images, la stylisation des formes et des couleurs. D’un point de vue métaphysique, c’est sans doute passionnant, mais l’aridité absolue de ce manifeste théorique, son absence de toute sentimentalité me laisse à quai, voire m’ennuie sévèrement.
3/6
Zabriskie point
Je tiendrais à peu près le même commentaire pour celui-ci. Il y a des choses que j’aime, comme le jeu cocasse du protagoniste, aux commandes d’un avion qu’il s’amuse à faire voler en rase-mottes au-dessus de l’héroïne. Dans ces instants,
Antonioni tire du désert et de ses talents de plasticien matière à un enivrement sensoriel, un vrai plaisir de la rétine. Mais ailleurs que le film est sec, désincarné, intellectualisé à l’extrême ! Je m’y accroche rarement, je perçois les intentions (métaphoriser l’idéal de liberté et de contestation de l’époque hippie) sans qu’elles ne m’emportent jamais.
2/6
Profession : reporter
Même fascination du vide et de l’ineffable, même structure de l’enquête que dans
Blow Up (sauf qu’ici c’est le disparu qui la mène), même questionnement sur la nature de l’espace, l’état des lieux, qui renvoie directement à l’intériorité du protagoniste : c’est du
Antonioni pur jus. Est-ce par sa démarche en suspens, par son mystère latent, par sa virtuosité indécidable à traduire en images le basculement dans l’absence, l’extinction des choses, l’inquiétude existentielle de son héros ? Toujours est-il que j’ai ressenti devant ce film un trouble, une fascination que je n’éprouvais pas lors des précédents opus, et que je perçois bien ce que sa réflexion, ses principes de mise en scène, proposent d’assez vertigineux.
5/6
Pas vu les autres.
Mon top :
1.
L’avventura (1960)
2.
Profession : reporter (1975)
3.
L’éclipse (1962)
4.
Le désert rouge (1964)
5.
La nuit (1961)
Cinéaste moderne par excellence, dont l’intellectualité est souvent contrebalancée par une attention presque sensualiste à la réalité des choses, des êtres et des lieux,
Antonioni est sans conteste un auteur très important, même si la radicalité de son expression me laisse souvent sur le bas-côté.