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Publié : 3 janv. 07, 00:26
par Major Dundee
En tout cas, c'est un monument à la gloire du cinoche français ce film :!:

Publié : 3 janv. 07, 12:37
par Watkinssien
Un grand film, noir et malin. Commençant comme une comédie, le film vire peu à peu à une charge féroce et désenchantée sur l'humanité en général. L'atmosphère de l'Occupation n'a jamais été autant rendue avec cette propension des ténèbres, la traversée se faitde nuit, où le travail sur le son est tout à fait remarquable.

Pour revenir sur la fin :
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Je ne considère aucunement, mais alors aucunement la fin du métrage comme un happy end. Certes, elle est atténuée par rapport au roman, mais l'amertume est totale. Gabin, l'artiste, l'avantagé, le favorisé s'en sort, le chanceux, qui se sentira coupable sûrement toute sa vie; Bourvil, de son côté, le nanti, l'oublié, le pauvre type, est encore réduit à porter des valises. Triste constat pour une fin, faussement heureuse.

Publié : 3 janv. 07, 12:47
par Commissaire Juve
Dans un registre voisin, mais avec une charge "moindre", un côté plus "grand public", je signale une autre adaptation de Marcel Aymé : Le chemin des écoliers, de Michel Boisrond... toujours une histoire d'Occupation, avec Bourvil, Ventura, Delon, Brialy, Françoise Arnoul, Mondy... Il vient de sortir en édition kiosque.

On y retrouve la peinture cynique des Français naïfs ou débrouillards ou limite malhonnêtes vers la fin de l'Occupation.

J'ajoute un commentaire de Kayman !
kayman a écrit :...

Sinon tres bon film, original et bien foutu, sur ces français ni collabos ni resistants qui cherchent à passer le sale moment le mieux possible. Les dialogues sont tres bons. On voit en effet peu Lino, mais il tape bien quand il se pose là, marrant de voir Delon en jeune un peu niais.

Publié : 3 janv. 07, 20:56
par Truffaut Chocolat
Outre le justesse de la mise en scène et l'intelligence du scénario, le film doit beaucoup à la gouaille de Gabin et à la passivité de Bourvil (qu'on retrouvera dans ses rôles futurs, toujours en contrepoint d'un caractère fort). Ah, la scène avec De Funès...

Re: Notez les films naphtas - Octobre 2009

Publié : 4 oct. 09, 03:15
par Profondo Rosso
La traversée de Paris de Claude Autant-Lara (1956)

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Grand récit comique et picaresque que cette odyssée nocturne où Bourvil et Jean Gabin doivent passer du 100 kg de cochon en contrebande dans le Paris occupé. Sous couvert de comédie Autant-Lara dévoile la réalité de la France occupée d'alors (sujet encore tabou dans la France Gaullienne à l'époque "toute la France a résisté") avec des policiers tour à tour bienveillant où menaçant, la délation et la bassesse humaine cotoyant l'humanisme le tout avec les allemands en retrait mais ombre menaçante de tout les instants. Toutes ces contradictions sont concentré dans le personnage de Gabin, anarchiste fricotant avec les allemands, s'adonnant au marché noir "pour voir" et capable de partir dans des colères mémorables devant l'apathie de ses concitoyens. Visuellement époustouflant avec un Autant-Lara reconstituant en studio un Paris nocturne qui réussit à être à la fois artificiel, documentaire et terriblement menaçant et oppressant. Tellement fort qu'il arrive même à subvertir le happy end final imposé par les producteurs, énorme. Jaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaannnnnnnbieeeeeeeer j'veux 2000 fraaaaaaaaanncs !!!/6 :mrgreen:

Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara, 1956)

Publié : 22 févr. 10, 19:33
par garaison
Quel film....Un des quatres films colorisés dans la carriere de Gabin. Pour celui-ci on peut vraiment se demander pourquoi? La quasi totalité du film se passe la nuit!

Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara, 1956)

Publié : 22 févr. 10, 19:47
par Watkinssien
garaison a écrit :Quel film....Un des quatres films colorisés dans la carriere de Gabin. Pour celui-ci on peut vraiment se demander pourquoi? La quasi totalité du film se passe la nuit!
On peut se demander pourquoi coloriser les films en général, tellement le résultat est moche et irrespectueux du travail du chef op !

Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Publié : 8 sept. 10, 16:38
par hansolo
Je découvre ce petit chef d'oeuvre avec des acteurs phénoménaux et un réalisation sublime!

- « Qu’est ce que vous êtes venus foutre sur Terre, nom de Dieu ? Vous n’avez pas honte d’exister ? »

- « Salauds de pauvres ! »

Inoubliable !!!

Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Publié : 8 sept. 10, 17:16
par Kevin95
Du mou, du mou rien que du mou !

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Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara, 1956)

Publié : 8 sept. 10, 18:57
par hansolo
Alligator a écrit :
A la limite, si je cherche la petite bête, je reste un peu perplexe sur la fin,
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celle qui s'achève sur la plaque d'immatriculation du camion, avec les bruits de bottes lugubres, se suffisait amplement à elle même.
Je ne comprends pas le happy-end. ... L'horreur fait table rase de cette légèreté.
Et le film nous rejoue un ultime rebondissement avec la découverte du personnage de Bourvil après guerre, vivant. Sans raison valable.
Dans le film, il est clairement suggéré que le personnage joué par Bourvil part au STO. Or environ 5% d'entre eux sont morts en Allemagne, il n'est donc pas surprenant que Marcel Martin en ait réchappé!

Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Publié : 30 nov. 10, 20:59
par Nestor Almendros
Le film dépeint une époque étrange, trouble, où les repères sont faussés, décalés. La France est occupée, la population lutte pour sa propre survie et pour un confort qui puisse rendre agréable ce quotidien surréaliste. On se méfie logiquement des allemands (l'ennemi envahisseur) en même temps qu'on peut voir au coin d'une sortie de métro un soldat donner la pièce à un aveugle qui joue la Marseillaise, ou rencontrer un gradé qui s'intéresse à l'art et aux peintres français. Rien n'est très net, tranché, et le quotidien ne fait que réserver des surprises de ce genre. Pendant un instant on se croit sauvé, mais à la seconde d'après on est emmené dans un camion pour être fusillé. On est un quidam invisible en temps de paix, et l'on vit des évènements tout sauf tranquilles pendant la guerre.

Ces temps de privation de liberté troublent les personnalités: si les allemands sont automatiquement relégués au rang d'envahisseur (et de menace), les français n'en sont pas forcément blanchis pour autant par leur statut de victime. Ni occupants ni occupés n'ont finalement le beau rôle. Même pour les français de la débrouille, le film montre les abus de pouvoir et de position sociale, utilisant le contexte particulier d'une société en guerre pour peindre un tableau très ambigu de la nature humaine. Si le scénario évoque des situations historiques (le marché noir ou les tickets de rationnement par exemple), les réflexes humains finissent par s'y dévoiler sous leurs vrais jours, les comportements accentuant les rapports de force et de domination. En ces temps de disette, l'épicier (Louis de Funès) en profite pour vendre sous le manteau, au prix fort, la viande raréfiée. Il entasse également dans sa cave des centaines de conserves réservées à son business personnel alors que sa boutique est officiellement vide de toute marchandise. Il a trouvé avec Martin (Bourvil) un plus faible que lui et en profite pour le sous-payer à des tâches dangereuses où il risque sa vie. C'est la même chose avec le tenancier de bar qui exploite la jeune juive à la façon d'un Ténardier. Les comportements sont d'autant plus honteux que ces personnages se révèlent faibles, lâches, factices, creux, sans réelle présence. Il suffit de quelques remontrances musclées de Grandgil (Jean Gabin) pour rendre Jambier plus généreux (il laisse fuir les billets de ses mains) ou les patrons du bar tout de suite moins menaçants et moins sûrs d'eux. Ces apprentis opportunistes voient leur pouvoir de domination se dégonfler instantanément sitôt qu'un souffle de normalité (comme il existe en temps de paix) leur arrive au visage. Parqués dans la peur et la médiocrité ils acceptent les contraintes de la guerre et se l'accaparent, abusent de leur situation de pouvoir potentiel. L'histoire montre que la guerre stigmatise les individualités et provoque des réactions de survie plutôt contradictoires: après l'arrestation, quand les soldats quittent la rue, le couple de bouchers apeuré et caché dans sa boutique pleure finalement de joie et de soulagement au dépend du danger encouru par Martin et Grandgil venus pour eux. Ce dernier est l'un des rares personnages intègres de l'histoire. Malgré l'époque et les temps difficiles il est resté le même qu'en temps de paix, tenant tête à l'injustice et ne se laissant pas abandonner vers la facilité, la lâcheté ou l'abus de pouvoir. Martin est plus fragile, dissimulant un bon fond, inoffensif, derrière une force apparente (rapidement déjouée).

Le récit est plutôt bien mené, profitant habilement du suspense (les patrouilles) et mêlant bien la comédie et le drame. On est parfois surpris de certaines trouvailles de mise en scène à la fois sobres, malines et efficaces, comme l'arrestation vue de l'intérieur de la boucherie. Je reste encore assez surpris de la dernière séquence (dont on parle en début de topic) qui se passe après la Libération, quelques années plus tard. Le court dialogue est bien vu, garde la cohérence avec l'ensemble (allusion aux valises). Mais sa brièveté et son utilité relative à l'histoire (au premier abord) font vraiment penser à une sorte de happy-end rajoutée à la dernière minute pour expliquer ou soulager le spectateur sur le destin des personnages. Sauf que là encore, ce n'est pas aussi simple: la fin supposée heureuse est plutôt nuancée. Les personnages se retrouvent mais sont aussitôt éloignés, là où l'on pouvait croire à une amitié durable renforcée par la guerre. J'aurais évidemment préféré une conclusion plus sèche, plus amère, lorsque le camion quitte le QG allemand...

Le master du blu-ray de la collection Gaumont Classiques est de très bonne facture. La définition est assez précise sans être renversante. Les quelques gros plans (de Gabin, notamment) donnent une bonne impression sans enlever le sentiment d'un léger "dégrainage" (le grain est très discret dans le film). Le plus gros souci pour moi, en cherchant un peu, vient des contrastes parfois irréguliers. C'est un défaut que je pense avoir déjà rencontré sur un autre Gaumont Classique (LE GENERAL DELLA ROVERE) et qui me semble pourtant facilement évitable. On croise régulièrement dans le film des plans dont la densité des noirs n'est pas la même d'une image à l'autre. Peu impactant en théorie, l'effet disgracieux est beaucoup plus visible si la scène entière est dans la pénombre: ainsi la fameuse scène de la cave de Jambier propose des noirs profonds excepté dans quelques plans épars (sur Bourvil qui joue de l'accordéon pour camoufler le bruit du cochon qu'on abat) où les noirs sont "moins collés", tendent plus vers le gris. C'est vraiment dommage, on a frôlé la perfection, d'autant que ces rares plans moins contrastés laissent apparaitre des instabilités chimiques de la pellicule (effet plus voyant que si les noirs avaient été "profonds"). L'unité visuelle de la scène est ainsi un peu fragilisée, pour ceux qui aiment pinailler comme moi de temps en temps :wink:

Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Publié : 30 nov. 10, 22:24
par Federico
Nestor Almendros a écrit : Je reste encore assez surpris de la dernière séquence (dont on parle en début de topic) qui se passe après la Libération, quelques années plus tard. Le court dialogue est bien vu, garde la cohérence avec l'ensemble (allusion aux valises). Mais sa brièveté et son utilité relative à l'histoire (au premier abord) font vraiment penser à une sorte de happy-end rajoutée à la dernière minute pour expliquer ou soulager le spectateur sur le destin des personnages. Sauf que là encore, ce n'est pas aussi simple: la fin supposée heureuse est plutôt nuancée. Les personnages se retrouvent mais sont aussitôt éloignés, là où l'on pouvait croire à une amitié durable renforcée par la guerre. J'aurais évidemment préféré une conclusion plus sèche, plus amère, lorsque le camion quitte le QG allemand...
Je trouve la fin telle qu'elle est pleine d'amertume, peut-être plus encore que si le film s'était terminé sur la rafle. Le temps de guerre qui pouvait permettre à un prolo et à un grand bourgeois d'être sur un pied d'égalité (même si on ne peut pas vraiment parler de fraternité d'arme, leur colline à tenir n'est qu'un cochon :wink: ) a laissé place aux classes distinctes. On sent bien le côté alors anar et très pessimiste d'Autant-Lara (qui bien plus tard hélas fricotera avec un parti nauséabond).
La traversée de Paris appartient à la veine noire du cinéma populaire de la France des années 50. Quelques années plus tard, avec le retour aux affaires de de Gaulle, l'optimisme (parfois forcé) sera de rigueur avec son non-dit rassembleur d'un pays de 40 millions de Résistants. Et les spectateurs iront rire avec des Français également débrouillards et grandes gueules mais confrontés à des Occupants plus ridicules que méchants (Babette s'en va-t-en guerre, La grande vadrouille etc.).

Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara, 1956)

Publié : 1 déc. 10, 13:22
par pak
garaison a écrit :Quel film....Un des quatres films colorisés dans la carriere de Gabin. Pour celui-ci on peut vraiment se demander pourquoi? La quasi totalité du film se passe la nuit!
A propos de la couleur et ce film, il faut savoir que si le film a été tourné en N&B, c'est pour des questions de budget revu à la baisse quand Marcel Aymé a refusé que son nom soit associé au projet. L'écrivain, très contrarié par la prestation de Bourvil dans l'adaptation du Passe-muraille, avait exprimé son complet désaccord à la composition du casting. S'il trouvait trop vieux pour son rôle Gabin (mais il pouvait faire avec), il fut outré que Bourvil soit le second rôle principal car il craignait des clowneries peu en rapport avec la trame de l'histoire. Rendue frileuse et craignant un échec commercial à cause de cette position (publique) d'Aymé, la production imposa alors une réduction de budget qui passait par un tournage en N&B.

Devant le succès artistique, critique et publique du film, Marcel Aymé fut beau joueur (d'autant qu'il apprécia beaucoup le film, le considérant alors comme la meilleure représentation cinématographique d'un de ses travaux) et présenta ses excuses à Bourvil et Autant-Lara.

Et l'un des arguments utilisé à l'époque quant à la qualité du film était notamment l'utilisation du N&B, apportant un réalisme bienvenu à l'histoire car s'intégrant aux images N&B de la seconde guerre mondiale que l'on était habitué de voir. C'est donc d'autant plus regrettable d'avoir voulu coloriser ce film (même si quelque soit le film, ce procédé est immonde dans son rendu, et peu respectueux du travail fait sur la photo et les éclairages... ).

Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Publié : 1 déc. 10, 14:37
par Nestor Almendros
L'anecdote de Marcel Aymé racontée par Pak est évoquée dans le documentaire en bonus (avec des extraits des correspondances de l'auteur au réalisateur avant le tournage et après la projection). Globalement le docu est intéressant, l'analyse d'Eric Assous est pertinente, mais cela reste un peu mou. Le docu devient très intéressant au bout de 20mn avec les interventions de la scripte et de Max Douy (décorateur, visiblement très calé en prise de vue). On aperçoit aussi quelques documents de tournage (feuilles de service, lettres manuscrites, croquis proches du storyboard) et on peut regretter que l'ensemble du documentaire, décidément trop sage, n'ait pas plus choisi de s'investir dans les anecdotes de tournage...

Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara, 1956)

Publié : 1 déc. 10, 15:42
par hansolo
pak a écrit :Et l'un des arguments utilisé à l'époque quant à la qualité du film était notamment l'utilisation du N&B, apportant un réalisme bienvenu à l'histoire car s'intégrant aux images N&B de la seconde guerre mondiale que l'on était habitué de voir. C'est donc d'autant plus regrettable d'avoir voulu coloriser ce film (même si quelque soit le film, ce procédé est immonde dans son rendu, et peu respectueux du travail fait sur la photo et les éclairages... ).
J'avais tendance à penser la même chose, mais depuis que j'ai vu le rendu sur le coffret Harryhaussen de 3 de ses premières œuvres colorisées avec goût et respect; je jugerais désormais sur piece!