Allez hop ! Revu pour le plaisir deux bons épisodes des premières saisons :
saison 3 épisode 4 - Subconscient (Double Exposure, 1973, Richard Quine)
Outre le nom prestigieux du réalisateur... et dans le futur celui de son scénariste (Stephen J.Cannell), le principal atout de l'épisode tient en son criminel, le Dr Bart Kepple incarné par le toujours excellent Robert Culp dont c'est la 3ème et dernière apparition en coupable
*. Ce professionnel du marketing use de sa spécialité - l'imagerie subliminale - pour se débarrasser d'un gros client prêt à dénoncer une autre de ses douteuses pratiques d'influence (une assistante sexy qu'on ne verra jamais
**).
Le... sel de l'épisode (jeu de mot inside
) vaut surtout pour le duel Falk-Culp, visiblement aussi complices que le seront l'acteur-vedette avec Patrick Mc Goohan. Joutes d'autant plus intéressantes qu'il s'agit d'un des épisodes où Columbo est très tôt convaincu de tenir son coupable et que celui-ci en a lui aussi très vite conscience et sait que l'inspecteur... sait qu'il le sait.
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Pour preuve, ce grand moment lorsque Columbo vient d'apprendre à Kepple le meurtre de son projectionniste et lui demande de le conduire sur les lieux du crime. A ceci près qu'il s'est bien gardé de lui préciser où. Arrivés à un carrefour, le décidément très malin Kepple stoppe pour demander si il faut prendre à droite ou à gauche. Si il n'avait pas cette présence d'esprit, il signait son crime. Petit sourire épaté de Columbo, bon perdant. "Nice try, though" ("C'était bien essayé") ajoute Kepple, très content de son brillant réflexe défensif.
Autre séquence complice et amusante lorsque Columbo vient déranger Kepple à sa partie de golf. Même si c'est une situation classique dans une série où l'inspecteur a l'habitude de s'incruster dans les loisirs luxueux de ses suspects. Parmi les gimmicks récurrents : la prétention et l'auto-satisfaction du criminel (dès leur rencontre, Kepple appuie à plusieurs reprises sur le fait qu'il ne faut pas l'appeler
Monsieur mais
Docteur) et a contrario la modestie de la condition de Columbo qui goûte pour la première fois du caviar et se déclare embarrassé d'avoir "
15$ dans la bouche".
Côté seconds couteaux, le fantaisiste Chuck McCann prête sa drôle de gueule au personnage du projectionniste qui rêve de se lancer dans l'immobilier (son p'tit truc de métier amusera les pros
) et Robert Middleton, familier des séries TV, campe avec son physique impressionnant le "gros client" qui ne se laisse pas... impressionner. Dans le rôle de sa veuve, Louise Latham entre dans la catégorie : "
Mais où l'ai-je donc déjà vue "
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Bon sang mais c'était bien sûr... en mère possessive de Tippi Hedren dans Marnie !
Passé le retournement classique où Columbo prend son homme à son propre jeu, le twist final est original mais je ne sais pourquoi un peu décevant. Défaut mineur comparé au plaisir d'avoir suivi Falk et Culp.
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Pas convaincu que l'astuce de Kepple pour tromper l'examen balistique avec son "convertisseur de calibre" tienne debout...
Par contre - et là, c'est sûr et certain - l'insert d'une diapositive 24x36 dans un film cinéma 35mm exigerait un gros travail de conversion (cf l'explication technique donnée sur IMDB).
(*) Culp est le premier cas de méchant récurrent de la série qui en connaîtra bien d'autres. Il fera aussi une apparition amicale en père influent d'un des deux étudiants assassins de Criminologie appliquée (Columbo goes to college - 1990), un des meilleurs épisodes des saisons tardives (s10 ep1).
(**) Bizarrement, son nom apparaît au générique comme interprétée par Arlene Martel alors qu'on ne la verra jamais (à moins qu'elle ne soit la pin-up rapidement entrevue en diapo dans le film publicitaire que projette Kepple à ses clients). Il semblerait que cette mystérieuse Tanya Baker soit une private joke de Stephen J.Cannell (peut-être influencé par le générique trompeur du récent Limier de Mankiewicz).
Hasard (?) amusant : Arlene Martel avait partagé l'affiche avec Robert Culp dans Demon with a glass hand (1963), l'un des plus fabuleux épisodes d'Au-delà du réel.
/////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
saison 4 épisode 6 - État d’esprit (A Deadly State of Mind, 1975, Harvey Hart)
Où Columbo affronte un autre spécialiste de la manipulation mentale (un autre Mabuse en quelque sorte) avec le Dr Collier, psychiatre adepte de l'hypnose qui vit une liaison avec une jeune patiente fragilisée. Jusque là, rien qu'une très ordinaire histoire de transfert et de dépendance soigneur-soigné. Dans le feu d'une altercation avec le - évidemment trop vieux - mari de son amante, Collier le tue (un des rares cas de crime non prémédité dans la série). Il va user de son emprise pour dans un premier temps la rendre complice de son acte et qu'elle invente une minable histoire de cambriolage ayant mal tourné. Puis, sentant que son état psychologique la rend trop vulnérable aux questions de la police, pour la mener au suicide dans un état d'hypnose. Un second crime beaucoup plus dans la lignée des meurtriers columbiens.
Après Culp, voici un nouveau cas d'acteur récurrent auquel sera confronté l'inspecteur : George Hamilton et - pardon pour l'expression vulgaire et méchante - sa "face d'anchois"
* de playboy californien.
Sa maîtresse et future victime est jouée par Lesley Ann Warren, encore dans son époque télévisuelle où elle n'apparaissait que sous le nom de Lesley Warren (comme dans l'équipe de
Mission: Impossible) avant une intéressante seconde carrière au cinéma chez Sydney Pollack et Alan Rudolph. Son jeu est disons-le assez bancal mais ça passe car son personnage est de toute façon celui d'une jeune femme déséquilibrée.
On peut nettement préférer l'autre figure féminine - et totalement à l'opposé - jouée par Karen Machon en consoeur assistante (et apparemment aussi maîtresse occasionnelle) de Collier.
Le déroulement de l'enquête et de l'intrigue est d'un intérêt moyen, pour ne pas dire parfois un peu mou, à l'image de ce pauvre Hamilton qui fournira une meilleure prestation 16 ans plus tard dans
Caution: Murder Can Be Hazardous to Your Health. Les explications de la jeune veuve ne résisteraient pas même à l'analyse d'un flic débutant. Si l'épisode reste malgré tout marquant, c'est d'abord pour l'astuce machiavélique du bon docteur qui se paie le "luxe" de provoquer un crime à distance sous les yeux de l'inspecteur et surtout pour celle encore plus géniale trouvée par Columbo pour faire de son suspect... le propre témoin oculaire de son premier crime !
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Trouvaille vraiment extra, une des meilleures de toute la série mais qui ne colle pas si on l'analyse à froid. Vous me direz que c'est sans importance puisque son but était justement de prendre "à chaud" le coupable. Si ce dernier, fort de son intelligence supérieure et de ses talents de manipulateur avait réfléchi cinq secondes avant de s'écrier que le "témoin oculaire" était bidon... il aurait déjoué le piège de Columbo. Car enfin, si il sait que le témoin qu'on lui présente est aveugle, il devrait tranquillement sourire et se taire, laisser l'enquête suivre son cours et une fois au tribunal, son avocat démonterait aussitôt ce faux-témoignage. A vrai dire, son astuce n'ayant alors pas fait mouche, Columbo n'aurait même pas osé se ridiculiser en citant cette tentative dans son compte-rendu.
Comme quoi ce docteur n'a pas le sang-froid de celui de l'épisode précédent qui lui, ne tombera qu'à la suite de deux processus indépendants de sa volonté (la pièce de monnaie et l'insert subliminal).
(*) Je sais que c'est pas correct d'attaquer le physique mais j'y peux rien si sa tête me fait rire. Chaque fois que je vois Hamilton, j'ai l'impression d'un Warren Beatty qui se serait pris un coup de fer à repasser.