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Publié : 6 janv. 08, 18:21
par Arca1943
Même si d'autres ont des galons à faire valoir (Leconte avec Monsieur Hire, Chabrol avec Les Fantômes du chapelier, Tavernier avec L'Horloger de St-Paul...), Pierre Granier-Deferre a été le meilleur adapteur de Simenon à l'écran. Or rappelons - malgré la commode amnésie de certains - à quel point l'oeuvre de Georges Simenon était méprisée de son vivant (sauf à la toute fin) par la République des lettres : littérature "facile", littérature "de gare", et ainsi de suite. (Pour un autre point de vue, lire Fruttero & Lucentini, dans la célèbre "trilogie du Crétin" - La Prédominance du crétin, La Sauvegarde du sourire, Le Retour du crétin - qui classent Simenon comme le plus grand écrivain du 20ème siècle, ex-aequo avec Kafka).

Les critiques sont presque toujours des intellectuels et quand ils se rendent compte qu'une prose n'a pas d'abord pour but de plaire à leur caste, ils sont furieux. Et certes, la même chose est vraie au cinéma. J'espère donc qu'il se passera pour certains films de Pierre Granier-Deferre la même chose qui s'est passée pour Simenon, à qui on n'en finit plus désormais de tresser des couronnes. Quand je dis "certains films", bien sûr je pense particulièrement à ses adaptations de... Simenon : Le Chat, Le Train, La Veuve Couderc, L'Étoile du Nord. Le "climat Simenon" y est extraordinairement reproduit, sans artifices ni alambics ni mots d'auteur, et s'il a pu réussir, c'est justement parce que Granier-Deferre était d'abord un artisan soucieux de raconter une bonne histoire, de construire des personnages crédibles et de ne pas ennuyer le spectateur - donc aux antipodes de la "Nouvelle Vague" - et praticien de ce genre de cinéma "où c'est la caméra qui suit l'acteur et non le contraire" (comme disait Luigi Comencini). Quelqu'un plus haut disait : "plus proche de Verneuil que de Renoir". En effet, mais pardonnez le blasphème, je pense justement que Verneuil aurait mieux convenu que Renoir pour porter Simenon à l'écran...

Publié : 6 janv. 08, 19:11
par frédéric
Major Tom a écrit :
Cosmo Vitelli a écrit :Je le croyais déjà mort :oops:

RIP
Moi aussi. :oops:

RIP
Egalement, mais c'est triste. Je connais assez mal sa filmo.

Publié : 6 janv. 08, 19:26
par Watkinssien
Je viens de voir deux très beaux films qui réhaussent l'estime (relatif) que j'avais pour ce cinéaste !

L'étoile du Nord et Une femme à sa fenêtre sont des réelles surprises, drames psychologiques élégamment mis en scène, parfaitement interprétés et menés !

Publié : 6 janv. 08, 20:44
par Major Dundee
Arca1943 a écrit :Quelqu'un plus haut disait : "plus proche de Verneuil que de Renoir". En effet, mais pardonnez le blasphème, je pense justement que Verneuil aurait mieux convenu que Renoir pour porter Simenon à l'écran...
je disais cela en essayant de rapprocher deux cinéastes, je n'essayais surtout pas d'établir un classement.
Et il n'y a vraiment pas de blasphème dans le fait de penser que Verneuil aurait mieux convenu à l'univers de Simenon que Renoir, c'est ce que je pense aussi. Cela n'enlève rien ni aux uns ni aux autres.

Publié : 6 janv. 08, 20:54
par Arca1943
Pan sur le bec, donc. Pardonnez ce malentendu.

Publié : 6 janv. 08, 21:41
par Major Dundee
Arca1943 a écrit :Pan sur le bec, donc. Pardonnez ce malentendu.
:wink:

Re: Pierre Granier-Deferre (1927-2007)

Publié : 7 mars 09, 13:30
par Jeremy Fox
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ADIEU POULET

Réalisation : Pierre Granier-Deferre
Avec Lino Ventura, Patrick Dewaere, Victor Lanoux, Julien Guiomar
Scénario: Francis Veber d’après un roman de Raf Vallet
Photographie : Jean Collomb
Musique : Philippe Sarde
Une production Les films Ariane
FRANCE – 91 mn – 1975

Pierre Granier-Deferre, réalisateur français quelque peu oublié aujourd’hui, fit les beaux jours des ‘prime time’ des chaînes hertziennes dans les années 80. Très bon artisan de notre cinéma national, il fut injustement critiqué pour son appartenance à la fameuse ‘qualité française’ que dénigrèrent en bloc et sans aucun discernement un grand nombre de journalistes qui ne juraient alors que par la Nouvelle Vague. Ce n’est pas l’endroit pour faire le procès ni des uns ni des autres, l’aveuglement s’étant infiltré aussi bien dans les deux camps, les tenants exclusifs du cinéma d’auteur comme ceux ne jurant que par le cinéma de divertissement. Heureusement, cette ‘guéguerre’ stérile est désormais terminée et il est par exemple aujourd’hui possible d’apprécier à la fois les œuvres de François Truffaut et celles d’Henri Verneuil. Pour en revenir à Granier-Deferre, le père, ses plus belles réussites sont à chercher parmi ses premières adaptations des romans de George Simenon (eux-mêmes parmi les tous meilleurs de son imposante bibliographie) : Le Chat en 1971 avec Jean Gabin et Simone Signoret, La Veuve Couderc, la même année, avec Alain Delon et toujours Simone Signoret, Le Train en 1973 avec Romy Schneider et Jean-Louis Trintignant ; mais son plus beau film est sans aucun doute, et à la quasi-unanimité, l’intriguant et vénéneux Une Etrange affaire d’après un roman de Christopher Franck avec le troublant duo interprété par Michel Piccoli et Gérard Lanvin.

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C’est Lino Ventura qui, après avoir essuyé son premier échec commercial avec La Cage, demanda à Pierre Granier-Deferre de tourner Adieu Poulet pour lui permettre de rattraper le coup. N’ayant jamais tourné de polar, le cinéaste s’y lança quand même faisant entière confiance au comédien. Le résultat est inégal mais néanmoins extrêmement sympathique grâce surtout au couple formé, pour une unique fois, par Lino Ventura et le tout jeune Patrick Dewaere. Adieu Poulet s’inspire d’une affaire réelle, celle du meurtre d’un colleur d’affiches survenu au cours d’une campagne électorale à Puteaux. Le réalisateur et son scénariste Francis Veber (qui allait tourner son premier film l’année suivante et qui aurait ensuite la carrière juteuse qu’on lui connait) transportent l’intrigue à Rouen et en profitent pour égratigner les institutions, la politique et les hautes sphères de la France giscardienne gangrénées par la corruption. Dans les années 70, de nombreux films français abordèrent le sujet avec plus ou moins de finesse, Yves Boisset en tête de file. Adieu Poulet est "une sorte de" Dirty Harry à la française, les méthodes des policiers Verjeat et Lefèvre pouvant fortement ressembler à celles utilisées par le personnage immortalisé par Clint Eastwood. En effet, les deux hommes n’hésitent pas à se transformer en ‘ripoux’ pour arriver à leurs fins.

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A ma droite, le commissaire Verjeat, la cinquantaine, homme bourru et avare de paroles, le visage fermé, n’hésitant pas à mettre le pied dans le plat au risque de se faire remonter les bretelles par sa hiérarchie mais préférant les remontrances à la perte de sa dignité : Lino Ventura égal à lui-même dans la peau d’un personnage qu’il connait par cœur ; à ma gauche un jeune loup fringant et exubérant d’à peine 30 ans, sans gêne, matamore, roublard, mais au cœur grand comme ça, prêt à tout pour en découdre si c’est pour filer un coup de main à son mentor : Patrick Dewaere, déjà fabuleux, au tout début d’une des plus belles (mais trop courte) carrière du cinéma français. La décennie suivante, après le succès foudroyant de L’arme fatale, nous en trouverons à la pelle, aussi bien dans le cinéma français qu’américain, des duos de policiers aussi incongrus mais dont l’amitié deviendra indéfectible au fil des épreuves. Découvert aujourd’hui, Adieu Poulet pourrait donc sembler vu et revu mais en 1975, Francis Veber devait être un des premiers à tester cette mixture dont il se fera une spécialité par la suite avec notamment sa trilogie bien connue mettant en avant Pierre Richard et Gérard Depardieu.

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Un scénario bien charpenté mais manquant de subtilité (la morale du ‘tous pourris’ étant là pour en témoigner), une mise en scène carrée quoique impersonnelle et sans éclat, une photographie assez laide et une composition de Philipe Sarde qui ne fait pas partie des ses plus mémorables pour un polar sans réelle surprise, ponctuée de quelques séquences à tendance ‘humoristique’ le plombant un peu (Dominique Zardi faisant le pitre en plein milieu de la seule scène d’action violente du film, le vol plané des jeunes bouddhistes…) mais bénéficiant d’excellents dialogues et forçant la sympathie par son casting sur mesure (Victor Lanoux, Julien Guiomar, Claude Rich…) et une belle histoire d’amitié entre deux hommes que tout semblait séparer (la séquence de la discussion sur le banc dans le parc après une cuite est sans doute la plus belle du film). Du cinéma populaire bien calibré et très plaisant dans la tradition du cinéma politique de l’époque dans lequel les magouilles et le pouvoir de l’argent étaient fustigés.

Re: Pierre Granier-Deferre (1927-2007)

Publié : 7 mars 09, 13:58
par Commissaire Juve
J'ai toujours beaucoup aimé ce film... Sinon, effectivement, la photographie n'est pas top (niveau téléfilm bof).

Pour l'anecdote, j'ai vu une version turque de ce film*. Le film repris scène pour scène (vraiment). Complètement hallucinant :o ... Le comédien interprétant le rôle de Ventura était une espèce de bellâtre à gros brushing, toutes les femmes (forcément "perverses") étaient d'ignobles "blondes peroxydées"... Il y avait des scènes de karaté :o ... la BO était un mélange d'un peu de tout (y compris la musique de Star Trek ! :lol: authentique) :mrgreen:

Une scène m'a particulièrement fait poiler : pendant la prise d'otages à la mairie, la version turque montrait la mairie encerclée par un régiment de militaires / policiers... Pas un seul civil... ce qui fait que la dénonciation au porte-voix du Pierre Lardatte turc tombait complètement à l'eau (puisque le public était exclusivement composé de forces de l'ordre).


* dans un autocar pendant un voyage en Espagne.

Re: Pierre Granier-Deferre (1927-2007)

Publié : 7 mars 09, 15:54
par Kevin95
J'adore l'affiche italienne du film absolument pas fidèle au film : :lol:

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Re: Pierre Granier-Deferre (1927-2007)

Publié : 7 mars 09, 16:54
par Commissaire Juve
:o - - - :mrgreen:

Re: Pierre-Granier Deferre

Publié : 23 mars 09, 15:45
par Roy Neary
Big UP !! :)

Aujourd'hui en ligne sur DVDClassik, le DVD TF1 Vidéo de Adieu Poulet, l'un des films les plus connus de Pierre Granier-Deferre.
(Avec la réactualisation du test des Égouts du Paradis, sorti chez nous chez le même éditeur)

:arrow: Adieu Poulet

Re: Pierre Granier-Deferre

Publié : 3 mai 09, 17:48
par Monnezza
Ce soir sur Paris Première, à partir de 20h40 : "La Horse" suivi de "La Métamorphose des cloportes" ! :P

Re: Pierre Granier-Deferre

Publié : 6 mai 09, 17:54
par Alphonse Tram
Adieu poulet

Je l'avais évidemment vu à la télé, mais la mémoire me faisait défaut. Film policier français des années 70 pur jus, baignant dans la politique. Lino fait sa tête, et Patrick est exubérant. L'image est plutôt fadasse : ce n'est pas de la HD ni dans les couleurs ni dans la définition. La musique marquée plutôt "moderne" n'est pas terrible non plus. ça donne un genre assez surprenant finalement, même si l'histoire n'a rien d'originale.
Des quatre titres parus chez Tf1 vidéo, c'est tout de même mon préféré grâce à tous ces acteurs que nous aimons.

Au fait : aviez vous remarqué que l'éditeur a modifié l'affichage de son logo au lancement de la galette ? Fini les éclairs sur fond de musique agressive, désormais c'est beaucoup plus doux et c'est très bien ainsi.

Re: Pierre Granier-Deferre

Publié : 4 nov. 10, 15:52
par Commissaire Juve
la métamorphose des cloportes vient de sortir chez Opening...

DVD à fuir... http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 7#p1992797

Re: Pierre Granier-Deferre

Publié : 25 avr. 11, 01:27
par Père Jules
LE CHAT

Alors moi, c'est bien simple, si vous voulez me faire chialer, il faut au moins qu'un chat meure. Paf, dans le mille Emile ! Je n'ai jamais autant détesté Simone Signoret. Surtout qu'à y regarder de près le matou à l'air vraiment cané... Bon, le film à part ça. C'est plutôt pas mal du tout. Réalisation sobre (il n'en fallait pas plus, l'esprit de Simenon s'en serait trouvé trahi), la narration est tout à fait maîtrisée (bien que j'ai trouvé les premières minutes assez maladroites) et bien entendu, l'interprétation du couple vedette est absolument remarquable. Gabin c'est tout de même un symbole, un héros populaire, un héros ordinaire. Que le film soit bon ou mauvais, lui, tient toujours la route. C'est donc sa composition (et celle du chat) qui me reste en mémoire (et cela confirme le ressenti au sortir d'une lointaine première vision). Un homme blessé, usé, humain finalement.