Toujours sur Uri Zohar : trois films appelés la "trilogie de la plage" qui présente le même cadre et le même genre de personnages (des maris pas très fidèles et en pleine crise). Ce sont aussi ses 3 derniers films avant avant que le cinéaste ne devienne un rabbin ultra-orthodoxe.
Les voyeurs (1972)
Un homme marié passe plus de temps à tromper à sa femme qu'à s'occuper de sa femme dont il et pourtant amoureux. Son meilleur ami tout aussi immature que lui et surveillant sur une plage essaye en général de profiter de ses conquêtes une fois qu'elles sont abandonnées.
Un film en scope et en couleur pour un scénario qui met en avant un humour potache et une poignées de personnages masculins machistes et idiots. Zohar n'est pas très tendre avec cette génération de tringleurs sans but, sans vision, sans ambition. Au delà donc des gags - au final - assez peu nombreux, on sent pointer une mélancolie sous-jacente, un malaise où les personnages sont conscients de leurs problèmes mais ne font rien pour évoluer ou progresser. C'est surtout perceptible évidement dans leurs rapports au femmes : l'épouse, une prostituée, une fille rencontrée en boîte de nuit.
Mais bon, il y a bien-sûr des scènes vraiment amusantes comme celle où les amis essayent de regarder un ébat se déroulant dans un cabanon, les techniques pour faire fuir les voyeurs dans les douches publiques, la bande de potes ébahis devant un ado particulièrement bien pourvu par la nature (excellent sens du cadrage d'ailleurs
).
Si on rajoute une galerie d'acteurs attachants, une musique 70's entrainante, le rythme détendu, la narration nonchalante et on se retrouve devant une comédie plus intéressante qu'elle n'y parait, pas si éloignée de la comédie italienne, en moins caustique et grinçante tout de même.
les yeux plus gros que le ventre (1974)
La trame est la même que la précédente mais réduit cette fois à un seul personnage, joué par Zohar lui-même dont on sent rapidement la dimension très personnelle (auto-biographique ?)... D'ailleurs il semblerait que l'épouse de Zohar joue sa femme dans le film. On comprend tout de suite que cette fois le traitement est beaucoup plus grave : retour au noir et blanc et au format carré. et l'humour a presque totalement disparu.
Les yeux plus gros que le ventre assume cette fois d'être sans masque un drame existentialiste sur un homme qui ne parvient pas à "jouir" d'une vie pourtant réussie : femme belle et aimante, des enfants, un emploi d'entraineur dans une équipe de basket nationale etc...
Pourtant ça ne lui suffit pas, il ne sait pas ce qu'il veut et il accumule les aventures autant par mal-être que par caprice dans une démarche vraiment auto-destructrice.
Malheureusement, il manque au film quelque chose pour être totalement réussi. Peut-être Zohar manque-t-il de recul sur son sujet ? Peut-être la structure et le personnage demeurent trop basique et classique ? Peut-être le film manque de contre-point et d'aération ?
Toujours est-il que le film ne décolle et n'émeut que rarement. Le film touche essentiellement quand la bande-originale chante les insatisfaction de son personnage principal, Benny Furman (joli morceau qui évoque les Kinks).
Si on sort du film un peu déçu il faut admettre que le regard vide et le visage perdu de Benny Furman/Uri Zohar hantent rapidement les esprits. Une semaine après sa découverte, il me prend comme l'envie de le revoir.
A noter que la séance fut suivi d'un court-métrage signé par Gill Weinstein (2012) qui imagine ce qu'il se passerait si le Rabbin Uri Zohar revenait sur le lieu de tournage
des yeux plus gros que le ventre et cherchait à renouer avec la famille qu'il avait alors. C'est pas mal du tout, vraiment dans la même veine que ce film d'autant que la BO reprend la chanson
Benny Furman.
Sauvez le maître-nageur (1977)
Sans vouloir de mauvais jeu de mot, c'est un véritable naufrage... Et encore, ce jeu de mot est sans doute ce que le film peut produire de plus drôle.
A ce moment là, Zohar était déjà plongé dans les études d'écrits religieux et il se trouva contraint de tourner ce film malgré lui.
On comprend très rapidement qu'il ne fera aucun effort pour livrer un semblant de réalisation. C'est pathétique de vide, de nullité et d'amateurisme. On a vraiment l'impression de se retrouver devant un Max Pécas ou une comédie érotique italienne de troisième zone (la musique pouet-pouet inclus)
La film atteint des sommets de vulgarité et d'hystérie comme j'ai rarement vu au point de songer au
Fuhrer en Folie. Il faut voir la scène où Zohar (qui se donne encore le premier rôle) se rend chez son ancienne maitresse et que le mari militaire de celle-ci débarque à l'improviste. 5-10 minutes de gesticulations, de gags misérables, de cris stridents, etc...
On sent par moment que Zohar essaye de se livrer dans les scènes de couple avant qu'un nouvel humour scatophile ou érotique vienne tout saccager (les enfants qui se chamaillent pour faire caca). Bon, à sauver à la rigueur, la scène où Zohar croyant être cocu avance sans sourciller et défonce tout sur son passage.
Bref, une fin de carrière cinématographique honteuse.