Commissaire Juve a écrit :Julien Léonard a écrit :Parmi les films de guerre découverts récemment, en voici un qui m'a totalement traumatisé cette semaine :
Croix de fer (Sam Peckinpah)...
Ah, ça m'embête de te faire de la peine (ou de te contrarier), mais...
Celui-là, la dernière fois que je l'ai vu, il m'a mis en colère.
Deux trucs m'ont "agacé" : 1) les ralentis... mon Dieu, les ralentis ! ça devrait être interdit sous peine d'être envoyé casser des pierres à Cayenne ; 2) les comédiens pas hyper crédibles en soldats de la Wehrmacht (les cheveux longs, des dégaines générales faisant plutôt penser à des GI pendant la guerre du Vietnam... il ne manque que les pétards et les Rolling Stones). Bouuuh ! J'avais aimé à 17 ans ; pas sûr d'avoir envie de le revoir.
Mais c'est pô grave, hein ! Ce n'est qu'un point de vue de râleur parmi d'autres.
(un râleur qui vieillit)
Pas de soucis mon cher commissaire, chacun son avis.
Je répondrais tout de même à vos deux remarques que je trouve intéressantes, surtout la première. Le ralenti est en effet un art difficile, et de nombreux réalisateurs se sont cassés les dents dessus. Dans des mains inexpérimentés, ou peu soucieuses de l'effet produit sur écran, cela peut devenir une vraie mélasse indigeste. Mais certains metteurs en scène ont parfaitement su optimiser ce genre de procédé. Sam Peckinpah en est le meilleur exemple. Ses ralentis sont millimétrés, en accord avec un montage alternant de façon spectaculaire l'effet de ralenti et la vitesse normale, pour un résultat dopé à l'amphétamine. Son montage est hyper structuré, très cut, toujours lisible, et ses ralentis en tirent une force essentielle. Sans eux, le film n'aurait pas cette force, que dis-je, cette super-puissance. Je ne suis pas fan du procédé, mais quand il est entre les mains d'un expert, je m'incline et applaudis. Cela dit, la mise en scène de Peckinpah et sa science des ralentis mériterait bien mieux que ces quelques lignes un peu hâtives que j'ai formulé. Par contre, de nombreux réalisateurs d'aujourd'hui devraient en prendre de la graine... (cf Michael Bay et tous les autres clippeurs incapables de faire autrement que de secouer leur caméra dans tous les sens).
Concernant les coupes de cheveux et les accoutrements, par contre, mon cher commissaire, j'aurais peut-être une réponse qui vous satisfera. L'action du film se passe en 1943, en pleine déroute allemande sur le front de l'est, l'atmosphère est littéralement chaotique. Pire, le stade du chaos est déjà passé depuis longtemps (c'est d'ailleurs l'une des forces du film, d'avoir présenté cette situation comme au-delà de toute forme de chaos, de toute inhumanité... finalement, ce que propose le film est bien plus horrible encore). Les troupes sont malmenées, elles vivent avec les puces et autres microbes, avec la saleté et la boue... Dans ce contexte, je pense que personne n'a vraiment le temps de respecter le protocole et d'aller se faire couper les cheveux, ou bien de repasser son uniforme. De ce point de vue (comme du point de vue de l'équipement, de l'armement, des réactions humaines... et j'en passe), le film est extrêmement réaliste. Par ailleurs, Peckinpah présente une extraordinaire scission entre le commandant Stransky ("éduqué", parfaitement peigné, et qui vient tout droit de France) et ces hommes que la guerre a changé, a modelé comme de la terre dans un chemin de traverse.
Je vous engage vivement à revoir le film commissaire, peut-être changeriez-vous d'avis, où peut-être pas.
Mais en tout cas, c'est un film d'une véracité totale, doté d'une vision naturaliste de la guerre, au-delà de tout débordement. En ce sens, peut-être Peckinpah a-t-il tout simplement réalisé le meilleur film jamais fait sur la deuxième guerre mondiale. Ou en tout cas, l'un des tout meilleurs (après, forcément, je pense à des œuvres sublimes comme
Les sacrifiés ou
Aventures en Birmanie). Et je rajouterais, sans vouloir jeter de l'huile sur le feu, que tous les
Stalingrad et autres
Soldat Ryan ne lui arrivent même pas à la cheville.