Re: Joseph Conrad
Publié : 20 juin 14, 22:03
1897 : Inquiétude : recueil de nouvelles d'un bon niveau mais plombé par sa "nouvelle de chambre", la très pénible 'le retour' et la seconde partie de 'Les Idiots'
1897 : Karain : un souvenir
Chronologiquement, la troisième nouvelle écrite de ce recueil, elle est néanmoins placée en tête. D'une longueur d'environ 60 pages, son intrigue se situe dans une région perdue des Philippines et est en gros divisée en deux parties : la première est la description de Karain, un Raja et chef de guerre de la région, adulé par son peuple par respect et par crainte. Seulement, alors qu'aux yeux des malais il passe pour une sorte de Dieu à qui ne faut qu'obéir, dès la nuit tombée, alors qu'il retrouve la solitude, il redevient humain, allant confier ses doutes et ses peurs aux blancs qui lui vendent les armes. La seconde moitié de la nouvelle est consacrée à une histoire que Karain vient raconter à ses amis blancs alors qu'après la mort de son bras droit, il semble totalement apeuré et psychiquement perturbé. La nouvelle aborde cette fois les thèmes des croyances et des fantômes sans que je ne vous en dise plus. Une histoire intrigante de vengeance et de folie, simplement racontée, sans trop d’esbroufe dans le style. A nouveau une réussite qui se termine à Londres, Conrad arrivant en quelques pages à brosser une ambiance de la ville d'une belle vitalité.
1897 : Un Avant poste du progrès
Deuxième nouvelle de ce recueil, Conrad écrivait en préambule qu'en changeant de Continent (ici l'Afrique Noire), il avait un peu changé son style d'écriture. Ce qui s'avère facile à vérifier, l'auteur ne s'intéressant ici qu'à ses trois personnages principaux, ne s’appesantissant jamais vraiment sur le décor où ils évoluent comme c'était le cas pour sa 'trilogie malaise'. Et surtout, il ne cherche plus du tout à nous faire ressentir un soupçon d'empathie pour ses protagonistes, ne semblant avoir plus aucun espoir en ses congénères, témoin déjà le titre très ironique de sa nouvelle : cet avant poste du progrès est un comptoir en pleine Afrique Noire où sont envoyés deux fonctionnaires idiots pour le diriger ; ceux-ci pensent par cette nomination avoir été récompensés de leurs bons et loyaux services alors qu'on s'en est plus ou moins débarrassés, le comptoir créé s'avérant sans plus d'intérêt que ses dirigeants. S'estimant au dessus des noirs qui les entourent, ils n'arrivent cependant pas à les faire travailler et le comptoir va en se désagrégeant de plus en plus, fréquenté seulement par des trafiquants d'ivoire qui tombent comme des mouches autour d'eux. La chaleur, la faim et l'environnement hostile ne faciliteront pas la vie de nos deux Bouvard et Péchuchet africains. Assez étonnant par sa noirceur mais le manque total d'humanité des deux personnages principaux fait qu'à l'instar de tous ceux qui les entourent, on n'éprouve aucune pitié lorsque cette comédie noire vire à la tragédie. C'est un peu le point faible de cette nouvelle sinon très réussie.
1897 : Les Idiots
Nouvelle très courte et dont l'intrigue se situe en Bretagne. C'est l'histoire d'un paysan qui, prenant épouse pour avoir des descendants capables de s'occuper de ses terres une fois qu'il serait vieux, arrive à n'avoir que quatre enfants idiots de naissance. La religion, la politique et la folie s'en mêlant, le sort du couple sera tragique. Impitoyablement cruelle (notamment envers la religion), la nouvelle n'en est pourtant qu'à demi réussie, Conrad s'en sortant parfaitement bien durant toute la première moitié très réaliste, bien moins convaincant lorsqu'une tendance fantastique se fait jour, le fait d'adopter alors le point de vue du personnage ayant des visions n'étant pas des plus heureux. La précédente nouvelle, Karain, qui adoptait un point de vue assez similaire, le personnage hanté lui aussi par des fantômes, était d'une toute autre trempe.
1897 : Le retour
Un homme apprend que sa femme a voulu le quitter mais celle-ci revient. Scène de ménage interminable et absolument imbuvable d"autant que Conrad nous a présenté d'emblée son couple comme de sombres fats. Heureusement que l'auteur n'a jamais poursuivi dans cette veine car ces 70 pages semblent durer une éternité.
1897 : La Lagune
La Lagune (The Lagoon), écrite juste quelques jours après les dernières pages de Le Paria des iles, retrouve la fluidité et le lyrisme que j'avais tant aimé dans les deux premiers romans. Il s'agit d'une nouvelle très courte d'à peine 30 pages et qui se situe à nouveau en Malaisie. Conrad lui-même dans son introduction au recueil disait qu'il l'avait écrite dans la continuité de ses romans précédents et c'est effectivement facile à constater ici. Une très belle histoire qui va à l'encontre de ce que je disais quelques semaines plus tôt comme quoi le format court n'était pas ma tasse de thé. Il est vrai que ça m'est toujours frustrant de ne pas pouvoir accompagner plus longtemps des personnages auxquels on s'attache, mais force est de constater qu'en l'occurrence cette nouvelle m'a vraiment touché. Et quel beau style !
1897 : Karain : un souvenir
Chronologiquement, la troisième nouvelle écrite de ce recueil, elle est néanmoins placée en tête. D'une longueur d'environ 60 pages, son intrigue se situe dans une région perdue des Philippines et est en gros divisée en deux parties : la première est la description de Karain, un Raja et chef de guerre de la région, adulé par son peuple par respect et par crainte. Seulement, alors qu'aux yeux des malais il passe pour une sorte de Dieu à qui ne faut qu'obéir, dès la nuit tombée, alors qu'il retrouve la solitude, il redevient humain, allant confier ses doutes et ses peurs aux blancs qui lui vendent les armes. La seconde moitié de la nouvelle est consacrée à une histoire que Karain vient raconter à ses amis blancs alors qu'après la mort de son bras droit, il semble totalement apeuré et psychiquement perturbé. La nouvelle aborde cette fois les thèmes des croyances et des fantômes sans que je ne vous en dise plus. Une histoire intrigante de vengeance et de folie, simplement racontée, sans trop d’esbroufe dans le style. A nouveau une réussite qui se termine à Londres, Conrad arrivant en quelques pages à brosser une ambiance de la ville d'une belle vitalité.
1897 : Un Avant poste du progrès
Deuxième nouvelle de ce recueil, Conrad écrivait en préambule qu'en changeant de Continent (ici l'Afrique Noire), il avait un peu changé son style d'écriture. Ce qui s'avère facile à vérifier, l'auteur ne s'intéressant ici qu'à ses trois personnages principaux, ne s’appesantissant jamais vraiment sur le décor où ils évoluent comme c'était le cas pour sa 'trilogie malaise'. Et surtout, il ne cherche plus du tout à nous faire ressentir un soupçon d'empathie pour ses protagonistes, ne semblant avoir plus aucun espoir en ses congénères, témoin déjà le titre très ironique de sa nouvelle : cet avant poste du progrès est un comptoir en pleine Afrique Noire où sont envoyés deux fonctionnaires idiots pour le diriger ; ceux-ci pensent par cette nomination avoir été récompensés de leurs bons et loyaux services alors qu'on s'en est plus ou moins débarrassés, le comptoir créé s'avérant sans plus d'intérêt que ses dirigeants. S'estimant au dessus des noirs qui les entourent, ils n'arrivent cependant pas à les faire travailler et le comptoir va en se désagrégeant de plus en plus, fréquenté seulement par des trafiquants d'ivoire qui tombent comme des mouches autour d'eux. La chaleur, la faim et l'environnement hostile ne faciliteront pas la vie de nos deux Bouvard et Péchuchet africains. Assez étonnant par sa noirceur mais le manque total d'humanité des deux personnages principaux fait qu'à l'instar de tous ceux qui les entourent, on n'éprouve aucune pitié lorsque cette comédie noire vire à la tragédie. C'est un peu le point faible de cette nouvelle sinon très réussie.
1897 : Les Idiots
Nouvelle très courte et dont l'intrigue se situe en Bretagne. C'est l'histoire d'un paysan qui, prenant épouse pour avoir des descendants capables de s'occuper de ses terres une fois qu'il serait vieux, arrive à n'avoir que quatre enfants idiots de naissance. La religion, la politique et la folie s'en mêlant, le sort du couple sera tragique. Impitoyablement cruelle (notamment envers la religion), la nouvelle n'en est pourtant qu'à demi réussie, Conrad s'en sortant parfaitement bien durant toute la première moitié très réaliste, bien moins convaincant lorsqu'une tendance fantastique se fait jour, le fait d'adopter alors le point de vue du personnage ayant des visions n'étant pas des plus heureux. La précédente nouvelle, Karain, qui adoptait un point de vue assez similaire, le personnage hanté lui aussi par des fantômes, était d'une toute autre trempe.
1897 : Le retour
Un homme apprend que sa femme a voulu le quitter mais celle-ci revient. Scène de ménage interminable et absolument imbuvable d"autant que Conrad nous a présenté d'emblée son couple comme de sombres fats. Heureusement que l'auteur n'a jamais poursuivi dans cette veine car ces 70 pages semblent durer une éternité.
1897 : La Lagune
La Lagune (The Lagoon), écrite juste quelques jours après les dernières pages de Le Paria des iles, retrouve la fluidité et le lyrisme que j'avais tant aimé dans les deux premiers romans. Il s'agit d'une nouvelle très courte d'à peine 30 pages et qui se situe à nouveau en Malaisie. Conrad lui-même dans son introduction au recueil disait qu'il l'avait écrite dans la continuité de ses romans précédents et c'est effectivement facile à constater ici. Une très belle histoire qui va à l'encontre de ce que je disais quelques semaines plus tôt comme quoi le format court n'était pas ma tasse de thé. Il est vrai que ça m'est toujours frustrant de ne pas pouvoir accompagner plus longtemps des personnages auxquels on s'attache, mais force est de constater qu'en l'occurrence cette nouvelle m'a vraiment touché. Et quel beau style !