...E TU VIVRAI NEL TERRORE ! L'ALDILÀ (Lucio Fulci, 1981)
découverte
L'aldilà est l’œuvre la plus réflexive et en même temps l'un des films les plus trashs de son auteur. En 1981, Fulci a les deux pieds dans l'horreur et fait tourner à plein régime sa machine cinématographique (trois films pour cette seule année). Après les cartons de
Zombi 2 et
Paura nella città dei morti viventi, les producteurs, comme les spectateurs, lui en demandent toujours plus. Avant de virer agressif (coucou
Lo squartatore di New York), le réalisateur s'amuse avec le gore tout en essayant de définir un style voir (attention les amis) comprendre son rapport à la peur. L'image comme un tout, la peur comme un héritage et l'illusion comme une composante de la réalité, le twist final met à jour la position de Fulci, répond à l'étrangeté du film tout en ouvrant la porte à 1001 interprétations. Qui est l’héroïne ? Pourquoi hérite-elle du domaine ? D'où sortent les domestiques ? Quels sont les rapports entre Liza et l'aveugle etc etc etc. Un film intriguant donc, passionnant, mais aussi (et c'est pour ça que le film est culte) inquiétant. Punaise que les séquences du chien, des araignées, du mort dans la baignoire (variation délirante d'une scène des
Diaboliques) et quelques autres sont stressantes, écœurantes, jouissives. Fulci travaille alors main dans la main avec une poésie fascinante (l'aveugle sur l'autoroute, les murs qui s’effritent, la pureté du blanc de la morgue) et du trivial, de la pourriture, du dégueulasse envoyé sur l'écran par pelletés.
L'aldilà, c'est tout cela à la fois. C'est grand et bourrin, c'est pur et immonde. C'est l'une des merveilles de son réalisateur.
ZOMBI 2 (Lucio Fulci, 1979)
révision
L'arbre gore qui cache la foret Fulci.
Zombi 2 est certainement le film le plus vu du réalisateur, le plus iconique, le plus imité mais n'est pas (loin s’en faut) le plus représentatif de son auteur. Mis en chantier pour manger les restes du carton de
Dawn of the Dead de Romero, les producteurs peu scrupuleux ne se doutaient pas une seconde qu'en confiant les reines de l'entreprise à Fulci, ils hériteraient d'une œuvre à part, bien plus mal-aimable que le film d'origine. Zombi 2 combine donc des éléments d'un cinéma bis qui tache et une radicalité qui commence à germer chez le réalisateur. Fulci ne sera pas tendre, ni avec le spectateur (rien ne sera épargné) ni avec ses personnages qu'il semble détester. Le colon caucasien n'a gère de valeur à ses yeux, la sœurette Forrow est certes sauvée par sa naïveté, mais le journaliste a les dents longues, l'aventurier est un peu con, la pin-up se baigne à moitié nue dans une mer infestée de requins, le docteur n'a pas de morale et son assistante suit les ordres sans poser de questions. La caméra ne les juge pas, mais filme sans s'en émouvoir leur descente aux enfers et leur tripailles mises à l'air. On sent Fulci plus du coté des zombies, des autochtones, voir la scène touchante d'une malade appelant son père qui seul, déambule en mort-vivant dans un village désert. Voir encore le réveil des zombies, mis en scène comme un ballet, comme le réveil d'une culture passé et enfoui qui chasse un présent trop inconsistant, trop éphémère. Là où Romero analysait la société de son pays, les habitudes consuméristes de ses contemporains, Fulci fait appelle à l’irrationnel, à l'origine vaudou du zombie pour mieux réduire son contemporain. La mélancolie du réalisateur se mue en agressivité, la forme stylisée se fait plus crue, la violence est trash, tout y est montré, surtout ce qu'on veut cacher. Le réalisateur a toujours été habité par une forme de nihilisme mais ici, point de tristesse, seulement de la brutalité ce qui n’empêche pas une certaine forme de beauté, comme dans l'utilisation de l'île et ses habitants (qui sera plagié dans un nombre incalculable de péloches). Cela explique peut-être le succès du film, un des plus grands connu par le réalisateur. Un succès qui lui permettra de mettre en scène une série de chef d’œuvres plus complexes au début des années 80, mais qui l'enfermera dans le gore dégueulasse, lui qui avait bien plus à dire et à montrer qu'une tête explosée ou des membres arrachés. N’empêche qu'avec trois francs six sous, Zombi 2 dégueule toujours sa mauvaise humeur avec grâce. Le plan final sur la musique entêtante de Fabio Frizzi, dans son économie comme dans son discours, est une image qui reste en tête pour toujours.