Cinéma muet français

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

Et le dernier film découvert durant cette mini-rétrospective Alfred Machin fut sa dernière réalisation

Robinson junior (Alfred Machin - 1929)

Un jeune garçon en manque d'aventures s'endort en lisant un livre de Jules Verne. Il se réveille en pleine tempête à bord d'un modeste navire qui ne tarde pas s'échouer sur une île inconnue.

Dernière réalisation et on a presque envie de dire qu'il était temps pour le cinéaste de passer à autre chose car avec ce titre ci Machin commence vraiment à tourner en rond et peine à se renouveler. Un infection pulmonaire l'emporta peu après le tournage subitement et précipitamment malgré plusieurs projets en tête. C'est une fin de carrière un peu triste avec un humour "colonialiste" qui a vraiment du mal à passer aujourd'hui. Les gags autour de Vendredi sont assez limites en effet, assez condescendant et paternaliste et l'interprétation de ce dernier n'est pas d'une grande subtilité.
Mais bon, à la rigueur, si on se remet dans l'époque et le contexte, ceci peut se comprendre. Sauf que l'autre gros défaut de Robinson Junior est de manquer cruellement d'imagination dans ses péripéties.
En tant que pur indépendant et en "louant" les services d'animaux à un zoo voisin, il est vraisemblable que Machin avait pas mal d'entraves pour mener à bien son histoire. Ca se ressent fortement dans un décor quasi unique de jungle que les personnages ont bien du mal à quitter. Ce sont donc les habitants de la forêt qui viennent leur rendre visite... A tout de rôle... On a donc droit à la scène où Robinson et Vendredi se cachent dans leur cabane pour se protéger d'un serpent... Puis de singes... puis d'un échassier... puis d'une panthère... Puis d'u éléphant... Et ça dure pratiquement une heure comme ça. :|
Alors certes le film possède quelques trouvailles très amusantes (le piège à lion, la douche, la cafetière sur le serpent) et les animaux sont toujours aussi bien dirigé mais ça ne permet pas de contrebalancer ce rythme mécanique lassant qui est loin d'être le mieux mise en scène de Machin.

C'est d'ailleurs un peu dommage que la Fondation Pathé n'ai pas choisi plutôt de diffuser le cœur des gueux et L'énigme du Mont Agel que Lacassin (auteur d'une biographie assez complète sur le cinéaste) considère comme ses meilleurs de l'après-guerre.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
Commissaire Juve
Charles Foster Kane
Messages : 24537
Inscription : 13 avr. 03, 13:27
Localisation : Aux trousses de Fantômas !
Contact :

Re: Cinéma muet français

Message par Commissaire Juve »

bruce randylan a écrit :On a donc droit à la scène où Robinson et Vendredi se cachent dans leur cabane pour se protéger d'un serpent... Puis de singes... puis d'un échassier... puis d'une panthère... Puis d'u éléphant... Et ça dure pratiquement une heure comme ça. :|
:lol:
bruce randylan a écrit :... ce rythme mécanique lassant...
Et pas soporifique ?
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

Commissaire Juve a écrit : Et pas soporifique ?
Un peu mais je m'étais préparé en amont. :mrgreen:
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

Miséricorde (Camille de Morlhon - 1917)

Image

Enceinte suite à une liaison avec un joueur ayant pris la fuite, une fille de bonne famille est contrainte à un mariage forcé. Le prétendant est un homme d'affaire qui accepte de devenir son époux pour la dote qui lui permettra de répondre à des problèmes de liquidité.

Sans doute le meilleur Camille de Morlhon découvert jusque là. Sur le principe ça reste dans la lignée des précédent films que j'avais pu voir jusqu'ici à savoir une réalisation académique, une photo un peu plate pour une intrigue se déroulant dans des familles bourgeoises pour du mélodrame feutré.
Les premières minutes confirment ce sentiment de "stagnation" avec un casting très proche de celui d'Orage tourné la même année et qui partage les mêmes décors ! Rapidement, tout de même, le film montre une mise en scène un peu plus élaborée avec un certains nombres de montages alternés tandis que le découpage se permet un peu plus de raccord dans l'axe et donc une réalisation moins statique.
C'est surtout au niveau du scénario, écrit par De Morlhon seul, que j'ai trouvé le film admirable. La mise en place annonce un mélodrame tout ce qu'il y a de plus convenu avec son lot de rebondissements largement prévisibles entre le couple improvisé qui va apprendre à s'aimer et le Don Juan qui viendra gâcher leur amour naissant avec tentatives de chantage et d'extorsions. C'est en parti vrai car le script s'amuse volontiers de ces clichés pour les contourner habillement tant pour retarder leurs échéances que totalement les prendre à rebours. Une manière subtile et raffinée d'humaniser les personnages qui n'ont alors plus rien de simples pantins bons à faire pleurer dans les chaumières. Ils se révèlent tous plus riches, nuancés et doté d'un personnalité atypique.
C'est le cas par exemple lors de la réception des deux lettres qu'on imagine être la tentative de chantage mais qui sont des leurres faisant rebondir l'histoire dans une dimension plus intimiste et psychologique. Quant au dénouement, je l'ai trouvé tout simplement génial grâce à sa concision et son originalité :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Plutôt que de subir la pression du maître chanteur, le mari convie toute sa (belle)famille pour leur révéler directement la situation, coupant l'herbe sous le pied à celui qu'il prend pour son rival. Ce qui a aboutit d'ailleurs à l'annonce d'un duel d'honneur au clair de lune dans la vaste demeure du couple... qui sera lui aussi contrecarré par le père du mari qui abat le "méchant" de l'histoire le prenant (faussement naïvement) pour un rôdeur :mrgreen:


Dernier point largement positif, la direction d'acteur est une nouvelle fois admirable, donnant au film beaucoup de tendresse et d'humour, justifiant les accélérations du récit dans son dernier acte.

Le dernier film découvert en 2016 fut donc une très conclusion à cette année plutôt riches en découverte. :fiou:
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

Le chemineau (Henry Krauss - 1917)

Image

Un vagabond arrive dans un petit village où il séduit la servante d'une ferme avant de reprendre la route. Sans savoir qu'il laisse une femme enceinte

Acteur, pour notamment Capellani et André Antoine, Henry Krauss a signé une petite dizaine de réalisations dont ce chemineau (à pas confondre avec cheminot) qui s'inscrit dans la dimension naturaliste de deux auteurs mentionnés.
S'il n'en retrouve pas l'impact visuel et la justesse d'interprétation, on peut lui reconnaître un bon sens du cadre et des extérieurs, avec une approche simple de la réalisation qui sait toujours inscrire ses personnages dans une certaine réalité sociale, pas si éloignée du documentaire. Ses plans sont vivants, avec juste ce qu'il faut d'authenticité et de justesse dans la direction des figurants pour que l'enracinement paysans soit palpable et réaliste (l'intérieur de la ferme, les places de villages, les travaux agricoles). Sa réalisation est fluide, limpide et ses intérieurs offrent quelques contre-plongées assez modernes (anticipant celles de Welles ou Ozu).
Par contre, l'interprétation des rôles principaux datent malheureusement le film, surtout le personnage féminin qui n'échappe pas aux (mauvaises) conventions théâtrales de l'époque. Krauss lui-même qui cabotine pas mal est bien moins gênant puisque cela correspond à son personnage de nomade sans attache ni contrainte.

Malheureusement la copie de la cinémathèque ne possède plus d'intertitres, ce qui rend très premier degré un mélodrame dénué de l'originalité visuelle de sa mise en scène. L'absence de certains cartons rend ainsi un peu floues quelques péripéties (principalement la maladie touchant les moutons et les dons de guérisseurs du chemineau). Cela dit, un synopsis déroulant est proposé en ouverture du film et la narration se suit au final facilement.

Et sinon, excellente nouvelle ce cycle 1917 de la Cinémathèque reprendra en Mars-Avril avec par exemple le droit à la vie d'Able Gance :D
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
lecoinducinéphage
Electro
Messages : 984
Inscription : 12 août 05, 21:42
Contact :

Re: Cinéma muet français

Message par lecoinducinéphage »

Histoire d'un film retrouvé "La femme rêvée" : "Le trésor retrouvé des Années Folles par Renaud Villain. C’est un film qui aurait pu ne jamais voir le jour. Pour une raison très simple : il est muet et il devait sortir en 1928, année de l’apparition du cinéma parlant. « La femme rêvée » de Jean Durand avait pourtant tous les ingrédients du succès : une star, Charles Vanel, de jolies starlettes et une brillante reconstitution du Paris nocturne des années folles. Il y a quelques mois, une équipe de passionnés a décidé de redonner vie à ce chef d’œuvre oublié. Stupéfiant ! vous raconte leur histoire." : http://pluzz.francetv.fr/videos/stupefiant.html
"Jamais je ne voudrais faire partie d'un club qui accepterait de m'avoir pour membre." (Groucho Marx)
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Cinéma muet français

Message par bruce randylan »

lecoinducinéphage a écrit :Histoire d'un film retrouvé "La femme rêvée" : "Le trésor retrouvé des Années Folles par Renaud Villain. C’est un film qui aurait pu ne jamais voir le jour. Pour une raison très simple : il est muet et il devait sortir en 1928, année de l’apparition du cinéma parlant. « La femme rêvée » de Jean Durand avait pourtant tous les ingrédients du succès : une star, Charles Vanel, de jolies starlettes et une brillante reconstitution du Paris nocturne des années folles. Il y a quelques mois, une équipe de passionnés a décidé de redonner vie à ce chef d’œuvre oublié. Stupéfiant ! vous raconte leur histoire." : http://pluzz.francetv.fr/videos/stupefiant.html
Lobster avait annoncé sa sortie il y a un moment, j'espère qu'ils sont toujours sur le coup. :)


Et sinon le cycle 1917 a repris à la Cinémathèque

Crésus (Adolphe Candé - 1917)

Un banquier fortuné et délaissé par son épouse traverse une période de doute quand il réalise que toutes ses connaissances ne le côtoient que pour son argent. Après avoir cru à une liaison avec une comédienne qui l'abandonne pour un homme plus jeune, il rencontre alors une jeune femme dynamique qui le prend pour un vieil homme dans le besoin.


Banqueroute quasi totale pour cette réalisation fort médiocre qui repose uniquement sur les cartons pour faire avancer l'histoire avec un découpage quasiment inexistant et un sens du cadre qui semble coincé en 1906 à part quelques rares extérieurs parisiens. Pour peu, je dirais qu'il s'agit quasiment d'un film amateur, comme si Adolphe Candé s'était payé un petit caprice en voulant se prendre pour un cinéaste. Le fait qu'il n'a tourné que 3 films, et tous en 1917, semble corroborer cette intuition. En tout cas, il n'a pas dû convaincre des producteurs ou de studios de lui faire confiance pour d'autres projets. Ou il s'est rendu compte qu'il n'était pas fait pour cela et est redevenu simple comédien.
Reste tout de même une photo honnête (avec une pellicule bien conservée) et une direction d'acteurs assez sobre.
Malgré l'amertume irrémédiable de la conclusion, il est bien délicat de se passionner pour ce petit film sans envergure, mal conçu et à la trame trop légère, y compris dans l'écriture de ses personnages, Crésus en tête.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
lecoinducinéphage
Electro
Messages : 984
Inscription : 12 août 05, 21:42
Contact :

Elle s'appelle Alice Guy

Message par lecoinducinéphage »

Image

"Elle s'appelle Alice Guy" disponible pour 5 jours sur pluzz :
https://www.france.tv/series-et-fiction ... e-guy.html
"Jamais je ne voudrais faire partie d'un club qui accepterait de m'avoir pour membre." (Groucho Marx)
allen john
Assistant opérateur
Messages : 2008
Inscription : 17 mai 06, 19:00
Localisation : Une maison bleue
Contact :

Re: Elle s'appelle Alice Guy

Message par allen john »

lecoinducinéphage a écrit :Image

"Elle s'appelle Alice Guy" disponible pour 5 jours sur pluzz :
https://www.france.tv/series-et-fiction ... e-guy.html
Merci du tuyau...
Avatar de l’utilisateur
Ann Harding
Régisseur
Messages : 3144
Inscription : 7 juin 06, 10:46
Localisation : Paname
Contact :

Re: Cinéma muet français

Message par Ann Harding »

Image
Critique des 4 premiers épisodes de Tao (1923) de Gaston Ravel sur mon blog.
Avatar de l’utilisateur
Ann Harding
Régisseur
Messages : 3144
Inscription : 7 juin 06, 10:46
Localisation : Paname
Contact :

Re: Cinéma muet français

Message par Ann Harding »

Image
Je viens de revisiter Tih Minh (1918, Louis Feuillade) sur mon blog.
Avatar de l’utilisateur
damdouss
Assistant opérateur
Messages : 2902
Inscription : 1 sept. 08, 10:09

Re: Cinéma muet français

Message par damdouss »

Ann Harding a écrit :Image
Je viens de revisiter Tih Minh (1918, Louis Feuillade) sur mon blog.
J'espère Ann que tu pourras peut-être procéder auprès de Gaumont afin de voir la sortie de ce Louis Feuillade en dvd (quitte à ce que ce soit dans la série dvd à la demande à moindre coût !). Beaucoup de cinéphiles attendent des sorties de Judex et Tih Minh en France ! (négliger des sorties de films de Feuillade en France c'est comme négliger Griffith aux USA nom de nom : impensable...)
The Eye Of Doom
Régisseur
Messages : 3079
Inscription : 29 sept. 04, 22:18
Localisation : West of Zanzibar

Re: Cinéma muet français

Message par The Eye Of Doom »

damdouss a écrit :
Ann Harding a écrit :Image
Je viens de revisiter Tih Minh (1918, Louis Feuillade) sur mon blog.
J'espère Ann que tu pourras peut-être procéder auprès de Gaumont afin de voir la sortie de ce Louis Feuillade en dvd (quitte à ce que ce soit dans la série dvd à la demande à moindre coût !). Beaucoup de cinéphiles attendent des sorties de Judex et Tih Minh en France ! (négliger des sorties de films de Feuillade en France c'est comme négliger Griffith aux USA nom de nom : impensable...)
+1
J'aimerai beaucoup voir ce serial ( et Judex dans de bonnes conditions).
Rashomon
Machino
Messages : 1024
Inscription : 7 avr. 14, 14:16

Re: Cinéma muet français

Message par Rashomon »

Le problème est que le public français, qui se dit par ailleurs le plus cinéphile du monde, n'aime pas le muet. Je vais régulièrement à la Fondation Seydoux et si la salle est régulièrement pleine c'est seulement parce qu'il n'y a pas beaucoup de places, et l'âge moyen des spectateurs est assez avancé (je suis souvent le plus jeune, et j'ai 42 ans!) Rien donc qui encourage les éditeurs à être plus aventureux dans leurs choix. Mais c'est vrai qu'il est rageant de voir Feuillade aussi maltraité chez nous, et le monopole apparent de Gaumont n'arrange rien (les films de Feuillade ne devraient-ils pas être dans le domaine public depuis longtemps?)
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13983
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Cinéma muet français

Message par Alexandre Angel »

Rashomon a écrit :Le problème est que le public français, qui se dit par ailleurs le plus cinéphile du monde, n'aime pas le muet.
C'est vrai mais l'aime-t-on plus ailleurs?
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Répondre