Miklós Jancsó (1921-2014)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alba
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Re: Miklos Jancso

Message par Alba »

La cinémathèque parle de copie "numérique" et non de DCP pour ses séances de Rouges et Blancs. Quelqu'un sait ce que ça signifie ? Pas un DVD quand même ?? :?

Merci.
Amarcord
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Re: Miklos Jancso

Message par Amarcord »

Un joli article qui passe par la case Rivette...
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bruce randylan
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Re: Miklós Jancsó (1921-2014)

Message par bruce randylan »

Quelques mots vite fait
Jeremy Fox a écrit :Jean-Gavril Sluka, notre spécialiste du cinéma d'Europe de l'Est, nous parle aujourd'hui de Pour Electre sorti en DVD chez Clavis.

Pas grand chose à rajouter à ce chouette texte. Je dirais juste pour dans celui-ci l'histoire se suit encore assez aisément (pour du Jancso) même si le fait d'avoir lu (par hasard) Les mouches quelque semaines avant a sans doute doute bien aidé.
Celà dit, je n'ai pas trouvé qu'on soit face à sa réalisation la plus chorégraphiés bien que 2-3 plan-séquences demeurent toujours impressionnants. Pour ça, j'ai l'impression que ces deux Rhapsodie hongroise sont les plus aboutis. :)

Le coeur du Tyran (1981) a été plus délicat à apprécier. Pour une fois, Jancso délaisse les plaines pour une oeuvre entièrement en intérieur. Tout se déroule dans un unique décor, sorte de palais mêlé à une scène de théâtre. La caméra filme frontalement depuis presque toujours le même axe ce décor assez réduit au final dans une succession de travellings latéraux rapidement étouffant. Mais le problème ne vient pas de la réalisation, même si on sent le cinéaste étriqué au début, mais de son scénario une nouvelle fois incompréhensible avec sa compagnie théâtrale et ses intrigues de pouvoir. L'univers est assez fatiguant et la première moitié m'est apparu comme vraiment pénible. Et puis dans la seconde moitié, les choses s'emballent et si l'intrigue m'a toujours laissé sur le carreau, les nombreux plans-séquences gagnent un incroyable pouvoir de fascination avec quelques moments vraiment déments qui rapprochent plus du rêve éveillé qu'une construction logique conventionnelle : pluie de plumes, rafale de flèches, brouillard surréaliste... Les 30 dernières minutes m'ont vraiment subjugué avec sa poésie torturée. L'ultime plan par exemple tient de la folie pure.
Le genre de film que je suis content d'avoir vu sur grand écran car chez soit, il serait tentant de jouer de la télécommande.

L'aube (1985)
Encore un mélange très curieux que voilà dans cette co-production franco-israélienne. Jancso raconte cette fois un scénario "compréhensible" où des résistants juifs kidnappent un soldat de l'armée britannique qui occupe la Palestine. L'un d'eux est désigné pour l’exécuter en représailles de rafle.

Réduisant un peu son style démonstratif, le cinéaste est capable du pire comme du meilleur. On y croise des scènes à la limite du grotesque comme les résistants se cachant dans un immeuble vide (à la barbe des anglais) pour une chorégraphie des mouvements qui semble parodier les films d'espionnage. Bref, des séquences absolument pas crédibles.
Par contre la seconde moitié est vraiment remarquable avec une discussion autour d'une table qui a dû être un beau casse-tête à mettre en place et surtout le long face à face entre le bourreau et sa future victime. Pas de plans-séquences radicaux mais beaucoup de longs plans complexes jouant sur l'espace et la temporalité qui finissent pas créer un intensité dramatique et un lyrisme qu'on n'imaginait pas retrouver chez le cinéaste.
Inégal mais ça mérite le détour. Dommage qu'il ne soit pas présent dans le futur coffret Clavis.

La saison des monstres (1989) qui sera lui dans le coffret est beaucoup plus dispensable. Malgré une ouverture intrigante qui se déroule à Budapest avec un joli morceau de bravoure à la Steadycam (bien que coupé en deux au montage on dirait), le film finit rapidement par usé avec son univers incompréhensible qui tourne beaucoup en rond et passe totalement à côté d'un sujet passionnant qui aurait pu être Scanner revu et corrigé à la sauce Jancso ! Ca aurait eu de la gueule quand même !
Et bien non. Ca part rapidement en cachouète sans la moindre explication, le sentiment de trouble et de doute ne fonctionne jamais et le cinéaste semble littéralement prisonnier de ses figures de styles. Reste comme d'hab quelques moments hypnotiques sortis de nulle part (les bottes de paille s'enflammant ; un long massacre tendant vers l'abstrait). Pas suffisant pour y trouver mon compte en tout cas.
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bruce randylan
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Re: Miklós Jancsó (1921-2014)

Message par bruce randylan »

Cantate (1962)
Après 2-3 longs-métrages qu'il renie, Jancso considérait que Cantate était son premier officiel. Ca demeure cela dit une œuvre en gestations, maladroite et très imparfaite (comme beaucoup d'œuvres de jeunesse) mais qui possède beaucoup d'éléments annonciateur de son futur style.
Ici le découpage est assez conventionnel avec aucun plan-séquence (ni même plan véritablement long) mais on trouve tout de même des travellings latéraux accompagnant son personnage en premier plan tandis que l'arrière-plan est occupé par différents groupes d'individus.

On trouve aussi plusieurs figures de style qui deviendront récurrentes plus tard comme le retour aux fermes agricoles et l'utilisation d'images de films dans le film. En fait pour avoir vu plusieurs court-métrages du cinéaste de la période 52-54, Jancso se réapproprie la propagande communiste avec "la terre mère", les danses folkloriques, les chants traditionnels et autres élan du peuple (dans Moisson dans la coopérative Dozsa Oroshazi, Miklos expérimente les amples mouvements de grues lyriques). Dans Cantate, cela est encore très réduit (malgré un scénario qu'on devine supervisé par le pouvoir) puisque l'influence principale demeure la nouvelle vague française : le film commence par un homme récitant un texte en français.
C'est un peu le problème du film qui brasse trop de genre et de style pour être cohérent : nouvelle vague donc, mais aussi documentaire (avec opération chirurgicale en gros plan - heureusement que c'est en noir en blanc :oops: ) et drame existentialiste.
On a l'impression d'avoir plusieurs courts-métrages assemblés au petit bonheur la chance.
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Re: Miklós Jancsó (1921-2014)

Message par bruce randylan »

L'horoscope de Jésus Christ (1988)
Les premières minutes m'ont fait regretter d'être dans la salle. C'est le Jancso des mauvais jours avec ses plans-séquence en roue libre sans queue ni tête avec des mecs qui déambulent sans raison munies de caméras vidéos dont les images sont diffusés (pas forcément en direct) sur des télés qui apparaissent aléatoirement dans le cadre... :?

Et puis passé une vingtaine de minute, les éléments se calment et se recentrent sur un homme à une fête dont la compagne est bientôt assassinée. A partir de là, le film devient excellent. Jancso parvient à construire un univers très troublant et profondément kafkaïen (on découvre d'ailleurs vers la fin du film que le héros s'appelle Joseph K... révélation presque superflue). Mais surtout il brouille nos repères spatiaux et temporels en se recentrant sur 2-3 individus et une succession de lieux clos. Sa caméra parcourt ses espaces réduits et dessine une brillante chorégraphie où les personnages sortent du cadre pour ré-apparaître à un endroit inattendu dans une tenue différente, le tout avec toujours des écrans de télévisions où l'on voit des images du passées ou des points de vue alternative.
Il y a quelque chose très mentale dans cette construction, avec de fugaces passages inquiétants comme des violentes lumières aveuglantes qui surgissent des portes que les personnages cherchent à ouvrir.

Il n'y a pas réellement de logique dans tout ça mais le climat mis en place parvient une nouvelle fois à hypnotiser et intriguer (il faut juste passer outre l'introduction donc). L'ambiance mystérieuse, l'étrange malaise insaisissable et la virtuosité technique fonctionnent vraiment plan. Le dernier plan à ce titre est un sacré tour de force.


Dieu marche à reculons (1990)
Retour à la douche froide... Et une sévère :cry:
Pour le coup, c'est plutôt l'inverse du précent, ça commençait plutôt pas mal avec un petit ton décalé et un utilisation très poussée des écrans de télé pour créer un morcellement spatial sans couper la longueur du plan. Sans oublier une ravissante actrice peu vêtue. :oops:
Mais au bout de 15-20 minutes, ça tourne totalement en rond et surtout à vide. Jancso répète inlassablement le même type de plan dans un décor quasi unique, tout en reposant sur des ressorts bien trop proches. Ca sent vraiment l'impasse artistique d'un cinéaste qui ne sait plus quoi faire pour se renouveler.
J'étais même à deux doigts de me sauver de la séance mais je suis resté et là, modeste miracle, les 10 dernières minutes sont très bien (les deux derniers plans quoi :mrgreen: ) : le film se termine et on se trouve en fait à la fête de fin de projection où Jancso tient donc son propre rôle et philosophie sur la situation politique des années 50 et évoque ceux qui ont rendus leurs cartes au parti, ceux qui ont été arrêté, ceux qui ne l'ont pas été etc... Il se produit ainsi une séquence vraiment étonnante, qui crée une sensation pas évidente à décrire ; un mélange de mélancolie, de voyeurisme, de sagesse, et de confessions. Il est tout de même dommage de devoir attendre la conclusion pour saisir que Dieu marche à reculons est une parabole sur la situation de la Hongrie des 50's. Je me demande même si tout cela est clair pour un hongrois. Quelqu'un connait un hongrois au fait ? :mrgreen:

J'ai également vu un deuxième programme de courts-métrages. Pas grand chose à dire sur Restes de 1993 (où l'on suit la déambulation d'un violoniste juif dans un monde rural en fin de vie - jolie mais très répétitif) et sur La place des héros, un documentaire d'heure datant de 1997 qui est avant tout un collage d'archives et de plans d'enfants sur la place des Héros.
Par contre Immortalité (1959) est un court-métrages époustouflant. Il s'agit d'un portrait de l'artiste György Goldmann, mort dans les camps de concentration. Plutôt que choisir une biographie traditionnelle, Jancso opte pour un impressionnant symbolisme expressionniste dont chaque plan est d'un inventivité visuelle totalement folle. Pas de plan-séquence mais un découpage plus classique. Enfin "classique", pas tant que ça étant donné la maîtrise visuelle avec ses contrastes tranchant, ses jeux de reflets virtuoses, des ralentis saisissants. 20 minutes qui m'ont rendu béa d'admiration.

Dernière information pour conclure cette rétrospective à la Cinémathèque, Clavis Films annonce un second coffret ! :)
En 2016, nous prévoyons un coffret Bis avec ses films en coproductions internationales et nous attendons que la restauration soit faite pour Agnus Dei et les Rhapsodie hongroise 1 et 2 pour pouvoir les éditer.

Dans ce coffret nous avons réunis des compléments exceptionnels :

- Livret avec les propos de Jancso + photos de tournages
- Entretiens sur Jancso avec :
Martin Scorsese (réalisteur), Jànos Kende (chef opérateur), Marina Vlady (comédienne), Yvette Biro (dramaturge de Jancso), Noël Simsolo (écrivain), Gérard Mordillat (cinéaste), Tamàs Banovich (son chef décorateur)
- 2 documentaires sur Jancso réalisés en Hognrie et en France
- 2 Making of (Sirocco d'hiver + Rouges et Blancs)
- Scènes de répétitions inédites des Sans-Espoir
- Rencontre de Marina Valdy et de Jànos Kende avec le public à La Cinémathèque française
- Visite de Jànos Kende à la collection d'appareils de La Cinémathèque (caméras des Lumières et celle de Pathé, etc...)
- 6 courts-métrages de Jancso des années 1950
- Diaporams de photos
C'est vraiment un excellent nouvelle, ne serait-ce que pour les deux Rhapsodie Hongroise qui m'ont fait forte impression. Je me demande s'il y aura aussi La Pacifista et Vices privés, vertus publiques que j'avais raté en soirée Bis.
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Re: Miklós Jancsó (1921-2014)

Message par cinephage »

Super nouvelle pour ce coffret !!! :D

Pour les films de la soirée bis, j'ai trouvé que Vices privés, vertus publiques, bien que très bancal, était tout de même très caratéristique de son auteur (une thématique de fond sur la résistance au pouvoir et sa répression, et sur le plan formel, un montage bizarroide qui alterne des plans courts avec pleins d'inserts grivois et quelques plans très très longs et admirablement construits, qui jurent un peu, du coup, dans l'économie globale du film. J'avoue m'être dit que le film avait fait l'objet d'un montage de producteur, sans pouvoir en être vraiment certain).
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Miklós Jancsó (1921-2014)

Message par bruce randylan »

cinephage a écrit :
Pour les films de la soirée bis, j'ai trouvé que Vices privés, vertus publiques, bien que très bancal, était tout de même très caratéristique de son auteur (une thématique de fond sur la résistance au pouvoir et sa répression, et sur le plan formel, un montage bizarroide qui alterne des plans courts avec pleins d'inserts grivois et quelques plans très très longs et admirablement construits, qui jurent un peu, du coup, dans l'économie globale du film. J'avoue m'être dit que le film avait fait l'objet d'un montage de producteur, sans pouvoir en être vraiment certain).
Ouais, j'imagine que ça reste mineur mais je reste toujours curieux d'une séance de rattrapage.
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Re: Miklós Jancsó (1921-2014)

Message par lecoinducinéphage »

Image

Sortie du coffret de 10 DVD chez Clavis : http://www.clavisfilms.com/v3/clavis_index.php

A noter un problème sur le DVD de "Silence et cri", titré sur la tranche "Sirocco d'hiver" !, histoire de vous éviter un retour inutile en boutique, en pensant qu'il y a deux fois le même film !

Présentation :

Les films : "Cantate", "Mon chemin", "Les sans-espoir", "Rouges et blancs", "Silence et cri", "Psaume rouge", "Sirocco d'hivers", "Pour Electre", "La saison des montagnes", "Le coeur du tyran"

Bonus : Livret Jancsó par lui-même (44 pages) avec les propos de Miklós Jancsó et des photos de tournages 6 courts métrages inédits réalisés par Miklós Jancsó dans les années 1950 Entretien avec Martin Scorsese, János Kende, Yvette Biro, Marina Vlady, Noël Simosolo, Gérard Mordillat. Cinéastes de notre temps : Miklós Jancsó documentaire de Jean-Louis Comolli (1969) Talentum : entretiens avec Miklós Jancsó et son chef décorateur Tamás Banovich 3 documentaires inédits sur le cinéma de Jancsó et sur la censure soviétique des années 1960 Rencontre du public avec Marina Vlady et János Kende à la Cinémathèque française Qui êtes-vous Miklós Jancsó ? Film de présentation de Miklós Jancsó réalisé par Emilie Cauquy Visite filmée de la collection d’appareils de la Cinémathèque française par János Kende. Scène de répétition inédite des sans-espoir
Dernière modification par lecoinducinéphage le 16 mars 16, 13:53, modifié 1 fois.
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Re: Miklós Jancsó (1921-2014)

Message par cinephage »

Ce qui est dommage, c'est que ça doublonne drolement avec les coffrets précédents... :?
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