Budd Boetticher (1916-2001)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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james
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Budd Boetticher (1916-2001)

Message par james »

EDIT DE LA MODERATION:
Vous pouvez également consulter le topic dédié à 7 hommes à abattre (1956) et sa chronique Classik

Il existe aussi un topic La prisonnière du désert/Comanche station

et la chronique classik du coffret zone 1

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Le western qui l'a vraiment fait explosé en france reste"sept hommes a abattre"1956,mais nous retenons encore de lui des oeuvres aussi complète surtout de sa collaboration avec randy scott.Il debute une carrière a hollywood en devenant le conseiller technique de rouben manoulian pour le film"blood and sand" puis iras chez columbia y faire des films a petits budget ainsi que chez universal et eagle lion ses realisation sauf peut-etre"le tueur s'est evadé" ne lui vaudront que populariteé quelques anneés plus tard.
C'est sa rencontre avec randy scott qui boulverseras sa vie de realisateur,malgré avoir contribué est indirectement a lancé aussi un audie murphy pas inspirez dans son jeu d'acteur au tout debut des anneés 1950.Mais pour revenir a sa collaboration avec randy faudras pas non plus oubliais "harry joe brown" qui produira avec randy scott la plupart des film de boetticher meme après l'arret de leurs collaboration,le scènariste burt kennedy seras aussi de la partis et cela nous doneras un quatuor gagnant.Budd boetticher a su nous emouvoir dans la plupart de ces western et sans etres un virtuose de la camera mais en dirigeant quelques plans des oeuvres commes"the tall t,decision at sundown" peuvent se prevaloir de rentrez au pantheon des western de series "B" au grand coeurs sachant alterné le bon et le moins bon tout en nous laisson naviguez sur un rythme bien defini.Ses western furent très court dans l'ensemble mais très nerveux voire d'une efficacitez.Il feras de certains acteurs des personnages de galeries mechant,nauseabonde mais indispensable au cinéma je pense a "lee van cleef" notement souvent employé par boetticher,je considère et pour ma part ce realisateur comme etant un petit genie impreigné de l'esprit des grands,vala :wink: .
vos reaction sur ce monsieur.... :D
de 1944 a 1950 budd boetticher signeras ses film sous son vraie nom"oscar boetticher" :wink:
je suis fana de ce genre ciné,je recherche et propose.merci
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

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L'Homme de l'Arizona (The Tall T - 1957) de Budd Boetticher
COLUMBIA


Avec Randolph Scott, Richard Boone, Maureen O'Sullivan, Arthur Hunnicutt, Skip Homeier
Scénario : Burt Kennedy d'après une nouvelle de Elmore Leonard
Musique : Heinz Roemheld
Photographie : Charles Lawton Jr (Technicolor 1.85)
Un film produit par Harry Joe Brown pour la Columbia


Sortie USA : 02 Avril 1957


A peine 8 mois après la sortie du splendide 7 hommes à abattre (Seven men from Now), en ce début d’avril 1957 les amateurs de western allaient avoir la confirmation des sommets que pouvait atteindre la collaboration entre Randolph Scott, Budd Boetticher et Burt Kennedy, sans probablement se douter une seule seconde, au vu de ces deux parfaites réussites, que le meilleur serait encore à venir ! Mais n’anticipons pas en citant d’autres futurs titres puisque de toute manière, comme en ce qui concernait la collaboration entre James Stewart et Anthony Mann, chacun pouvait avoir ses préférence au sein du corpus sans que ça ne choque nullement, tellement l’ensemble atteignait des cimes difficilement égalables. Mon enthousiasme pour cette série de westerns de séries B signée Budd Boetticher est en tout cas bien partie pour être du même acabit : déjà que la plupart de ses westerns Universal m’avaient enchanté (et notamment Le Traître du Texas - Horizons West qui n'a pas grand chose à leur envier), je ne m’attendais cependant pas à une telle parfaite simplicité, à une telle rigueur, à une telle beauté de l'épure, comme si tout coulait de source pour le cinéaste. La réussite artistique et commerciale de 7 hommes à abattre avait donc permis au cinéaste en 1956 de se relancer de la plus belle des manières après son départ d’Universal. Alors que la Batjac de John Wayne avait pris une option pour produire à nouveau The Tall T, c’est finalement l’association Harry Joe Brown / Randolph Scott au sein de la Ranown qui s’en chargea, le film étant distribué par la Columbia. Il en sera de même pour 4 des 5 suivants à l’exception de Westbound qui entrera dans le catalogue de la Warner.

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Pat Brennan (Randolph Scott), un brave éleveur solitaire, se rend en ville pour acquérir un taureau. Ayant perdu un pari, il doit se séparer de sa monture et rentrer chez lui dans la diligence conduite par son ami Ed Rintoon (Arthur Hunnicutt), transportant également un couple de jeunes mariés, Willard (John Hubbard) et Doretta (Maureen O’ Sullivan), en route pour leur voyage de noces. A la première station-relais, venant d’abattre froidement les propriétaires des lieux, trois bandits attendent pour la cambrioler la diligence postale. Mais c'est celle conduite par Rintoon qui arrive à sa place. Ne voulant pas être dérangés ni pris à témoin dans le coup qu'ils préparent, le trio de brigands, composé par Frank Usher (Richard Boone), le leader, Chink (Henry Silva), un psychopathe fou de la gâchette et le jeune Billy Jack (Skip Homeier), sont sur le point de faire subir le même sort aux nouveaux arrivants qu'aux tenanciers du lieu. Pour sauver sa vie, Willard leur apprend que sa jeune épouse est une riche héritière et qu’il pourrait facilement leur obtenir une forte rançon auprès de son beau-père. Plutôt que de les abattre, les trois tueurs préfèrent donc prendre tout le monde en otage jusqu’à ce qu’ils récupèrent cette coquette somme. Willard se propose d’amener lui-même la demande de rançon de 50.000 dollars ; il devra néanmoins être accompagné par Billy Jack pendant que les autres attendront leur retour à la planque des tueurs, perchée dans les collines rocailleuses alentours. Même si Pat lui fait part de sa méfiance, Doretta ne veut pas encore croire à la couardise et à la probable trahison de son époux …

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En prenant un peu d'avance, l’homme de l’Arizona s’avérera le film le plus lugubre du cycle Scott/Boetticher, d’une étonnante noirceur pour l’époque, celui qui comptera le plus de tués et qui, peut-être pour cette raison, demeurera inédit en France jusqu’en 1970. Interrogé sur le sens du titre original, Budd Boetticher a toujours affirmé ne pas le savoir car, s’il s’agit du nom du ranch du premier employeur du personnage interprété par Randolph Scott, seules cinq minutes du film s’y déroule et sans que ça n’ait une quelconque importance sur le reste de l’intrigue ; d’après un quidam ayant assisté au tournage, il s’avère que le premier titre choisi avait été ‘The Tall Terror’, ce qui aurait été tout à fait logique au vu de l’insupportable tension morale qu’auront à subir dans le courant du film les deux ‘survivants’. Adapté de ‘The Captives’, une courte nouvelle d’Elmore Leonard (3h10 pour Yuma, Jackie Brown…), l’histoire de The Tall T est un huis-clos en pleine nature entre trois bandits et deux otages, un brave éleveur et une jeune mariée dont l’époux vient de se faire tuer après avoir voulu trahir tout le monde pour sauver sa peau. Contrairement à 7 hommes à abattre (Seven Men from Now), pas question ici de vengeance ou d'héroïsme ; le Pat Brennan de Randolph Scott est un homme simple, vieillissant, éleveur solitaire et sans problèmes qui se retrouve malgré lui embarqué dans cette histoire de prise d'otages. S’il s‘agit du film le plus sombre de la série (Pat Brennan voit se faire abattre ses trois seuls amis avant que le film n’atteigne la première demi-heure !), les vingt premières minutes ne nous l’aura fait guère deviner et nous étions loin de nous attendre à un changement de ton aussi brutal et radical. The Tall T nous propose donc quasiment deux films en un, tous deux aussi géniaux.

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Le début est chaleureux et bon enfant, presque truculent et guilleret, et se déroule avec une étonnante nonchalance : on assiste à des dialogues décontractés mais finalement très intéressants sur les joies et petits tracas de la vie quotidienne de modestes et braves gens vivants dans le Far-West à la fin du 19ème siècle, notamment entre Randolph Scott et Arthur Hunnicutt. On assistera également à l’histoire des sucres d’orge qu’un enfant demande à Pat de lui ramener de la ville, au sourire enfantin de Pat lorsqu’il pense pouvoir remporter un pari, à un rodéo raté (mais filmé avec un réalisme qui nous fait nous souvenir que Boetticher n'avait pas son pareil pour filmer des séquences avec des animaux sauvages : voir dès 1951 le sublime La Dame et le toréador) et à un ‘bain’ forcé qui s’ensuivra, à la séquence des chaussettes trouées à force d’avoir trop marché... Le virage à 180° qui s’opère ensuite est assez sidérant, la tendre chronique se transformant d'une seconde à l'autre en un ténébreux et angoissant cauchemar. On comprend pourquoi tant de spectateurs ont été choqués à l’époque : je ne pense pas que nous ayons encore vu à cette date de ‘Bad Guys’ aussi sadiques, aussi froidement violents. Avant de retrouver son impassibilité et son visage renfermé de circonstance, Randolph Scott aura donc eu le temps de nous faire montre de ses dons réels pour la comédie lors de ces délectables vingt premières minutes :  « Je me suis aperçu - raconta le cinéaste - qu’il avait le sens de l’humour. Il ne savait pas du tout qu’il pouvait être drôle  » disait le réalisateur dans une interview du n°110 de Positif en 1969. L'interprétation du comédien est à nouveau de tout premier ordre et contraste à merveille avec la non moins fabuleuse performance de Richard Boone dans la peau de ce redoutable chef de gang rêvant de jours paisibles et qui doit malgré lui supporter son entourage de psychotiques : un personnage très différent, plus subtil et moins d’un seul bloc que le précédent ‘méchant’ joué pourtant avec une puissance extraordinaire par Lee Marvin dans Seven Men from Now : "I'm gonna have me a place someday. I thought about it, I thought about it a lot. A man should have somethin' of his own, somethin' to belong to, to be proud of." Pas banal d'entendre sortir ce constat de la bouche d'un chef de gang qui semblait impitoyable.

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Peu de personnages (neuf au total et une figuration par ailleurs réduite au strict minimum), peu de décors si ce n'est, au bout de 20 minutes, les uniques paysages désertiques et rocailleux de Lone Pine (déjà utilisés dans le film précédent), et une intrigue se déroulant dans un laps de temps très limité : Boetticher invente l’âpre théâtre westernien en plein air, la scène étant cette arène de rochers et de sable. Les principaux éléments constitutifs de cette ‘pièce’ sont de formidables dialogues (ou silences tendus), une violence sèche et fulgurante (toujours en hors champ - les cadavres dans le puits - ou en plans secs et brefs - la mort d’Arthur Hunnicut, la tête de Skip Homeier arrachée par un coup de fusil à proximité) et des relations passionnantes entre les personnages. Randolph Scott et Richard Boone semblent être les deux faces d’une même personne, chacun d’eux pouvant aisément imaginer, en se projetant sur l’autre, ce qu’il aurait pu devenir s’il avait suivi une autre voie : une grande estime peut ainsi naître entre les deux hommes sans que ça ne puisse malheureusement servir à grand chose tellement le ver est dans le fruit, tellement la situation semble inextricable, le mal ayant été fait pouvant difficilement être pardonné. Toutes les séquences où ils se retrouvent ensemble à discuter sont tout simplement parfaites et démontrent une grande humanité et une parfaite maturité chez les auteurs, ainsi qu'une volonté autre que de ne faire que de la simple série B de divertissement. Quant à la protagoniste féminine introvertie et pathétique (interprétée par la ‘Jane’ de Johnny Weissmuller, future maman de Mia Farrow), alors qu'on la croit au départ sacrifiée par le scénariste, elle suit au contraire une intelligente évolution dans une direction inattendue et très touchante lorsque enfin, elle ose se confier à son compagnon d'infortune après avoir voulu se cacher la vérité : "Do you know what it's like to be alone in a camp full of roughneck miners, and a father who holds a quiet hatred for you because you're not the son he's always wanted? Yes, I married Willard Mims because I couldn't stand being alone anymore. I know all the time he didn't love me, but I didn't care. I thought I'd make him love me... by the time that he asked me to marry him, I'd told myself inside for so long that I believed it was me he cared for and not the money". Ses relations avec Randolph Scott deviendront alors assez fascinantes et atteindront une forte ambiguïté lorsque l’homme, dans l’idée de la secouer et lui faire retrouver ses esprits, ne sera pas loin de la 'violer'. Rare de voir dans un western un personnage féminin aussi peu sûre d'elle, aussi désespérée et défaitiste ; une femme toute aussi touchante que le personnage joué par de Gail Russell dans le précédent western du cinéaste.

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Ajoutez à ces trois protagonistes principaux, un tueur à vous glacer les sang (Henry Silva tétanisant avec sa chemise rose et son rictus démoniaque) et un autre moins effrayant mais tout aussi impitoyable et sanguinaire (excellent Skip Homeier, déjà responsable de la mort de Gregory 'Jimmy Ringo' Peck dans le superbe La Cible humaine d'Henry King) et vous aurez réunis les quelques acteurs de ce suspense dramatique extrêmement tendu. Mais si le scénario de Burt Kennedy est d'une grande rigueur, d'une redoutable efficacité et d'une profonde intelligence, jouant sur l’épure des dialogues et des situations, le cinéaste n'est pas en reste. On retrouve ici son style plastique et dynamique habituel, la perfection de ses cadrages, du placement des ses personnages à l'intérieur du plan, de ses doux mouvements de caméras, de ses longs plans d'ensemble en plongée sur l'immensité des paysages au sein desquels évoluent les chevaux, de ses rares scènes d'action parfaitement montées et rythmées. Une maîtrise totale de la part du cinéaste, rehaussée par un score très réussi de Heinz Roemheld (compositeur qui mériterait d’être sorti de l’oubli) ainsi que par une photographie belle et sobre de Charles Lawton Jr., et on tient là encore un très grand western de Budd Boetticher, qui ne paie pas de mine au premier abord mais qui se révèle ensuite un parfait modèle de concision, sans aucune graisse, à l'image de sa sublime réplique finale énoncée par Randolph Scott qui, enfin seul avec Maureen O'Sullivan, désormais hors de danger, lui dit : "Come on now. It's gonna be a nice day". Un western pudique et cru, sensible et brutal, sobre et surprenant. Peut-être pas aussi réjouissant que son prédécesseur dans la filmographie de Boetticher (tout comme l'ultime confrontation entre Randolph Scott et Richard Boone est un cran en dessous de celle avec Lee Marvin), mais qui sort en tout cas une nouvelle fois des sentiers battus. Nous ne sommes pas très éloignés du chef-d’œuvre minimaliste !

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Jeremy Fox a écrit :J'adore !
Qu'est ce qu'il ne f'rait pas pour augmenter son nombre de posts celui la...




et moi donc... :mrgreen: :arrow:
Vous venez de lire un message de tewoz, ca vous a pas rendu plus intelligent, mais ca aurait pu...
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Jeremy Fox
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7 Hommes à abattre (Seven Men from Now – 1956) de Budd Boetticher
BATJAC


Avec Randolph Scott, Lee Marvin, Gail Russell, Walter Reed, John Larch
Scénario : Burt Kennedy
Musique : Henry Vars
Photographie : William H. Clothier (Warnercolor 1.85)
Un film produit par Andrew V. McLaglen, Robert E. Morrison & John Wayne pour la Batjac


Sortie USA : 04 aout 1956


5ème immense western de l'année 1956 ; décidément un cru exceptionnel ! The Cimarron Kid (A feu et à sang), Le Traître du Texas (Horizons West) et Le Déserteur de Fort Alamo (The Man from Alamo) avaient déjà été de formidables réussites signées Budd Boetticher. Mais personne n'aurait pu s'attendre à ce qui allait faire suite, à savoir la collaboration du réalisateur avec l'acteur Randolph Scott dont 7 Hommes à abattre est le premier de sept films formidables, sept fleurons du genre, probablement ce qu'on a fait de plus pur dans le domaine. Mais n'anticipons pas plus et concentrons nous sur ce splendide Seven Men from Now, le véritable western-charnière entre classicisme et modernisme.

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"Mon admiration pour le film ne me fera pas conclure que Budd Boetticher est le plus grand réalisateur de westerns - bien que je n’exclue pas cette hypothèse - mais seulement que son film est peut-être le meilleur western que j’ai vu depuis la guerre, le plus raffiné et le moins esthète, le plus simple et le plus beau". Lorsque André Bazin écrit ces phrases dans les années 50, Boetticher est un quasi inconnu en France bien que son premier film sorti dans nos contrés fut l’excellent Déserteur de Fort Alamo (1953) dont le final impressionnant de maîtrise et de rythme aurait déjà dû mettre la puce à l’oreille sur les aptitudes de ce réalisateur à pouvoir se hisser au niveau des plus grands. Brusquement imposé à l’admiration des aficionados du western par la plume aiguisée d’un des analystes et critiques les plus respectés de l’époque, Boetticher trouve en Bazin un parrain idéal pour sa reconnaissance en tant qu’auteur. Les Cahiers du Cinéma lui emboîtent le pas avec un autre admirateur, leur correspondant aux USA, Andrew Sarris ; Positif, ne voulant peut-être pas sembler marcher sur les traces de son pire ennemi consacre une brève mais dithyrambique notule en fin fond de numéro. Ils seront ensuite nombreux, les critiques, à aduler cet efficace cinéaste, prince de la série B westernienne, Peter Bogdanovich en tête. De nos jours, des réalisateurs comme Clint Eastwood et Quentin Tarantino continuent de porter le flambeau après que Sergio Leone ait auparavant exprimé avec chaleur tout le bien qu’il pensait de Boetticher. Cette reconnaissance n'est guère étonnante puisque ce cycle de western est celui qui annonce le plus clairement le western contemporain à commencer par celui de Peckinpah ou Leone.

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Une nuit d’orage dans le désert d’Arizona. Un homme vient s’abriter dans une grotte où se trouvent déjà deux individus qui l’invitent à boire le café. Quelques secondes après, ces derniers sont brutalement abattus par l’étranger... Ben Stride (Randolph Scott), tel est son nom, rencontre un couple de pionniers, John et Annie Greer se rendant en Californie, et les aide à sortir leur chariot d’ornières boueuses. Sur leur insistance, il accepte de les accompagner un bout de chemin afin de les escorter et de les protéger des Chiricahuas affamés qui vagabondent dans la région. Son mari (Walter Reed) n’étant à priori pas fait pour la vie dans cet Ouest sauvage, Annie (Gail Russell) n’est pas insensible au charme du ténébreux aventurier. La réciproque est aussi valable ! Lors d’un arrêt dans un relais de diligence abandonné, ils sont bientôt rejoints par Bill Masters (Lee Marvin) qui semble très bien connaître Stride qu’il appelle "Shérif". En effet, ex-Marshall de Silver Springs, Stride vient de perdre son épouse, tuée lors du hold-up de la Wells Fargo pour qui elle travaillait. Désormais, Stride n’a de cesse de poursuivre les sept hommes responsables pour les exterminer. Masters, étant au courant de toute l’histoire et sachant que les bandits se sont emparés de 20 000 dollars en or, décide pour les retrouver de s’associer momentanément et faire route avec l’homme qui l’a autrefois emprisonné à deux reprises. Leurs buts évidemment diffèrent et, pour compliquer encore les choses, Annie ne laisse pas indifférent Masters non plus. La tension monte au sein du groupe...

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C’est par l’intermédiaire de la tauromachie que le réalisateur fait son entrée à Hollywood. Vivant alors au Mexique, passionné de corrida et toréant lui même, il est engagé en 1941 par Rouben Mamoulian comme conseiller technique sur son film consacré au sujet, Arènes sanglantes (Blood and Sand). Il réalise ensuite une bonne dizaine de films sous le nom de Oscar Boetticher avant de tourner son premier western, seulement en 1952 : The Cimarron Kid. L’année précédente, ayant eu l’occasion de mettre en scène le premier film qui lui tenait vraiment à cœur (le sujet étant la corrida), il décidait de signer désormais ses films sous le nom qu’on lui connaît de nos jours : Budd Boetticher. S’ensuivront quelques titres palpitants et aguichants qui fleurent bon le dépaysement tels Horizons West, Seminole, City Beneath the Sea, East of Sumatra. Puis, comme Anthony Mann avec James Stewart, le cinéaste entamera sa fameuse collaboration, moins connue mais tout aussi digne d’intérêt, avec l’acteur Randolph Scott, qui donnera naissance à sept westerns d’une belle et parfaite cohérence. "Des canyons, toujours les mêmes, des bivouacs où l’on met à chauffer un sempiternel café, des pistes poudreuses que l’on parcourt jusqu’à plus soif, quelques rares rivières où se rafraîchir... Des Indiens affamés pouvant surgir à tout instant, des compagnons de route qui, le cas échéant, peuvent prendre le visage d’ennemis impitoyables... Une femme éhontément attractive, poitrine bombée, décolleté en dentelle, blonde, voluptueuse et innocente à s’en damner ; un héros pour la protéger... Telles sont au bas mot, les pièces maîtresses que Budd Boetticher redispose sur l’échiquier du Grand Ouest, à chacun des sept westerns qu’il réalisa avec l’acteur Randolph Scott entre 1956 et 1960" écrivit avec justesse Pascal Sennequier en 2003 dans le N°509/510 de la revue Positif. Mais si l'on retrouve effectivement tous ces éléments au sein de cette série de films, cet extrait de description des bases sur lesquelles reposent les westerns du cinéaste, hors contexte d’un texte par ailleurs passionnant de bout en bout, pourra néanmoins sembler assez réducteur. Si maintenant l’on écoute Boetticher lui-même lorsqu’il parle à Tavernier dans Amis américains, on entrevoit mieux la complexité qui se cache en fait sous le vernis du tableau à priori sans prétention : "Tous les films avec Randy Scott racontent à peu près la même histoire avec des variantes. Un homme dont on a tué la femme recherche le meurtrier. Cela me permet de montrer les rapports assez subtils entre un héros qui s’enferme à tort dans sa vengeance et des hors-la-loi qui au contraire essaient de rompre avec leur passé. Ce sont les rapports les plus simples du western mais aussi les plus essentiels". Tout est dit ici et Bazin résumera cette conception en parlant de westerns oscillant entre néo-classicisme (l’innocence de ceux des années 30/40) et modernisme (ambiguïté, ironie, tendance à la psychologie pour les plus récents) tout en misant sur une espèce de naïveté de la part du réalisateur tournant des chefs-d’œuvre sans chercher à le faire, "la beauté du western procédant notamment de la spontanéité et de la parfaite inconscience de la mythologie dissoute en lui, comme le sel dans la mer".

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Mais il est temps de plonger dans le vif du sujet qui nous intéresse à cette heure, à savoir le premier film de ce cycle, Sept hommes à abattre. C’est une nouvelle fois John Wayne, par l’intermédiaire de sa société Batjac, qui produit le film. En admiration devant le premier script de Burt Kennedy, il aurait bien voulu se trouver dans la peau de Ben Stride, mais trop occupé par ailleurs sur le tournage de La Prisonnière du désert (The Searchers), il laisse le rôle à Randolph Scott. En revanche, déterminé à relancer la carrière (sacrément compromise par l’alcool) de Gail Russell, sa partenaire inoubliable de L’Ange et le mauvais garçon (The Angel and the Badman)(1947) et du Réveil de la sorcière rouge (Wake of the Red Witch)(1948), il insiste pour que le personnage féminin lui soit attribué. Bien lui en a pris même si malheureusement, l’actrice décèdera peu de temps après à l’âge de 36 ans, des suites de ses problèmes d’alcoolisme. A la sortie de l’avant-première du film, Wayne déclarera regretter n’avoir pas été de la partie. Invisible pendant quelques dizaines d’années, ce western était devenu entre temps un film culte ; il fut récemment restauré et montré avec un immense succès à la Cinémathèque Française où l’on put enfin constater que sa réputation était loin d’être usurpée. Il s'agit selon moi, plus que Vera Cruz d'Aldrich et bien avant Coups de feu dans la Sierra de Peckinpah, du western qui aura véritablement passé le relais entre western classique et western contemporain.

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Comme pour les films suivant du 'Ranown cycle' - surnommé ainsi pour (Ran)dolph Scott et Harry Joe Br(own), le producteur de la Columbia qui mettra en branle les autres films de la série à partir de L'Homme de l'Arizona (The Tall T, 1957) - Boetticher nous propose avec Sept hommes à abattre, au milieu de décors minimalistes, un western pur jus mais totalement dégraissé. Le script brillant de Burt Kennedy, impeccablement construit, parfaitement huilé, dépouille jusqu’à l’épure le thème de la vengeance, décrivant des situations simples mais exploitées jusqu’à la moelle, enrichies par une très belle écriture des différents personnages. Loin des préoccupations "psychologisantes" du 'surwestern' qui commençait à envahir les écrans de l’époque (sans que je ne juge ces derniers péjorativement une seule seconde), Burt Kennedy nous octroie un scénario à la linéarité exemplaire qui se cantonne dans une simple mais riche étude de comportements. Ici donc, comme dans les variations que constitueront les six autres films, pas de psychologie explicative, pas de pittoresque inutile (excepté le 'Old Timer' dont on peut se délecter quelques secondes), peu de digressions : bref, exit les fioritures ! Un western dense, resserré (sa durée n’excède pas 75 minutes) et extrêmement tendu qui pourrait certainement aussi bien plaire aux fans de films de série sans prétention qu’à ceux qui ne recherchent dans le genre que les 'classiques', ne souhaitant pas se coltiner une centaine de films trop conventionnels avant de tomber sur une pépite.

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Pas de fioritures dans le fond ; pas de frime non plus dans la mise en scène ! Et pourtant, quelle inventivité dans la sobriété, quelle majestueuse simplicité de la forme ! Pas de mouvements de caméras voyants pour y arriver ; tout passe par le cadrage (la précision minutieuse des plans, la simplissime beauté des champs/contrechamps, confinent à l’évidence) et le montage. Et il n’est pas besoin d’attendre longtemps pour s’en rendre compte. La première séquence suffira à vous dévoiler le style sec, concis et efficace du cinéaste. Il pleut et des éclairs strient la nuit éclairant ainsi un coin de désert avec en fond la faible lueur d’un feu crépitant sous une grotte. Un cow-boy de grande prestance fait son apparition dans le cadre, de dos, et s’avance vers la lumière. Gros plan sur l’intérieur de la grotte et sur les deux hommes y prenant un café, étonnés de voir arriver un étranger. Gros plan sur le visage dur et fermé de Randolph Scott. Une discussion s’entame en simple et très beaux champs/contrechamps. Malgré l’apparente absence de mise en scène, tout cela est d’une grande force, beaucoup de choses se passant dans le cinéma de Boetticher plus par l’intermédiaire des regards et des gestes que par l’expression orale, même si cette dernière reste importante (les dialogues sont superbes). La tension monte suite à quelques paroles dites mal à-propos. On voit les deux hommes prendre peur, se lever pour dégainer leurs revolvers. Cut ! Plan sur les chevaux sous la pluie à l’extérieur à la même seconde où claquent deux violents coups de feu. Fondu au noir. Au plan suivant, il fait jour et Randolph Scott s’est approprié les deux chevaux des hommes qu’on comprend qu’il a tués. Simple, concis, limpide, dynamique, parfait !

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En terme de pure mise en scène, la séquence du duel final est encore plus étonnante et va à l’encontre des conventions de l’époque : le plan de coupe, sans cesse retardé alors qu’on le souhaite de tout cœur, ne vient pas au moment où on l’attend. La violence et la surprise en sont d’autant plus fortes. Je suis conscient qu’il est difficile d’arriver à comprendre ce que j’ai voulu dire sans avoir vu le film, mais il m’est impossible d’aller plus loin dans la description technique de la scène sans en déflorer le dénouement. Si en revanche vous le connaissez, vous aurez certainement saisi de quoi il retourne. Pour les autres, sachez seulement que, en totale opposition à la mise en scène de Leone filmant des duels, celui de Seven Men from Now n’en est pourtant pas moins aussi fabuleux tout en restant d’une rigoureuse simplicité. La manière de filmer des affrontements stylisés dans des paysages cadrés avec une précision géométrique confine à l’abstrait mais tout dans le film n’est pas dénué d’une certaine poésie. D’ailleurs, malgré la brève durée dont il dispose pour nous narrer son histoire, Boetticher, au contraire des autres cinéastes de série B, ne rechigne pas à prendre son temps et à se faire plaisir pour nous gratifier ici et là de longs et vastes travellings latéraux montrant les personnages et les chevaux se déplaçant au milieu de paysages parfois magnifiques (même si lunaires et sauvages), le tout superbement photographié par William Clothier et accompagné par une partition très inspirée d’un compositeur polonais assez méconnu : Henry Vars.

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"Même s’il n’y a en jeu qu’une vengeance, mes personnages, hommes ou femmes, ont toujours décidé de la manière dont ils allaient agir. Ils ont fait un choix auquel ils tiennent". En effet, si ces derniers semblent être au premier abord taillés à la serpe, il n’en est rien en réalité. Ce n’est pas parce que la psychologie est laissée sur les bas-côtés, que les dialogues sont peu abondants, que les protagonistes sont avares en épanchements et ne poursuivent qu’un seul but, que les personnages ne sont pas subtilement croqués. Ben Stride, taciturne, rigide et impassible, n’en est pas moins torturé comme l’étaient les personnages interprétés par James Stewart chez Anthony Mann. Hanté par les fantômes de son passé, se sentant responsable de la mort de son épouse, il est devenu désabusé et a du mal à se le pardonner : en effet, trop fier pour accepter un poste d’adjoint après avoir perdu les élections pour être réélu shérif, il laisse sa femme prendre un emploi pour subvenir à leurs besoins ; mais malencontreusement, elle est tuée sur son lieu de travail. Les regrets ne cesseront désormais de le poursuivre, la mort des tueurs seule pouvant éventuellement le rasséréner. Aucun machisme non plus chez Ben Stride puisqu’on le verra au cours du film aider Annie Greer à étendre le linge : la force chez Boetticher est rarement synonyme de virilité mais tient surtout au fait de se fixer un but et d’arriver à assumer ses choix de départ sans en dévier d’un iota. Randolph Scott, "l’homme au visage en couteau" (Clelia Cohen dans 'Le Western'), s’il ne possède pas autant de possibilités en tant qu’acteur que John Wayne ou Gary Cooper, représente de plus en plus l’archétype parfait de l’homme de l’Ouest, du cow-boy, celui auquel beaucoup d’enfants auraient voulu pouvoir s’identifier lorsqu’ils étaient encore en culottes courtes. Son jeu tout en 'underplaying' sert à merveille les personnages écrits par Burt Kennedy, et il possède une prestance et une classe qu’on peut difficilement remettre en cause. Bon acteur (il a autrefois prouvé qu’il n’était pas ridicule non plus dans le registre de la comédie), il arrive même souvent à faire transparaître de la tristesse, de l’ironie et de la tendresse sous sa stoïque carapace à priori inattaquable.

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Sans son charisme évident, comment aurait-il pu rivaliser avec Lee Marvin qui (anticipant son rôle dans L'Homme qui tua Liberty Valance), compose un Bill Masters absolument réjouissant ? Un 'bad guy' tour à tour truculent et angoissant mais qui arrive néanmoins à être extrêmement attachant. Lee Marvin, sans trop en faire, dévore littéralement l’écran par sa manière de se déplacer, de fumer son cigare, jouant avec efficacité de ses mimiques, de ses attitudes, de la manière de se servir de ses revolvers, de la façon de prononcer ses 'Poo' en faisant semblant de tirer dans le vide. Du grand art ! Il arrive à nous faire ressentir aussi son attirance pour Annie tout en sachant intérieurement qu’il ne pourra jamais se faire apprécier d'elle. Sa jalousie vis-à-vis de Stride, qu’il devine avoir conquis son cœur, s’exprimera lors d’une scène remarquable (d’ailleurs la préférée à la fois de Boetticher et de Kennedy non seulement pour ce film mais pour l’ensemble de leurs travaux) au cours de laquelle, à l’intérieur d’un chariot, Masters fait comprendre à son entourage (Stride, Annie et John Greer) qu’il a parfaitement deviné les sentiments qui se jouent entre eux quatre, la faiblesse du mari, l’attirance de la femme pour l’aventurier protecteur, etc., tout en avouant lui-même à Annie, par des compliments non feints, le rêve qu’il aurait eu d’en faire sa femme. Scène à la fois émouvante et extrêmement tendue qui nous fait de seconde en seconde le haïr et l’aimer : grand moment ! Quant à Annie, contrairement à ce que Pascal Sennequier décrivait en parlant des personnages féminins du cycle, c’est peut-être la seule à laquelle "une femme éhontément attractive, poitrine bombée, décolleté en dentelle, blonde, voluptueuse" ne convient pas. Gail Russell interprète une femme déterminée mais douce et fragile et dont le visage est marqué par la fatigue. Chez Annie, mal mariée à un homme qui pourtant essaie de tout faire pour la rendre heureuse, son besoin d’une autre forme d’amour ressort dans son regard, dans ses gestes, et le spectateur, comme nos deux héros, se sent un besoin impérieux de la protéger. Encore une belle performance de cette merveilleuse et discrète actrice. Le plan où elle va pour donner un baiser à Randolph Scott reste un moment les plus poignants du film.

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Les seconds rôles ne sont pas en reste et sont traités avec tout autant d’attention par Burt Kennedy. Même s'ils n'ont que peu de temps de présence à l'écran, on se souviendra longtemps de John Larch par exemple. On voit que rien n’a été laissé au hasard (pas même les paysages de Lone Pine qui n'auront jamais été mieux mis en valeur qu'ici) et que ce récit au dynamisme concentré n’en a pas oublié pour autant de donner de la chair et une âme aux individus qui le font vivre et qui ne se retrouvent pas n’être que de vulgaires pantins au profit de l’histoire. Une superbe introduction au cycle Scott/Boetticher, un parmi tant d’autres des très grands westerns des années 50 ! Je laisse la conclusion à Christian Viviani, auteur d’un superbe ouvrage sur le genre et qui dit de la filmographie du cinéaste "l’une des plus belles carrières de western et aussi l’une des plus discrètes. S’étant rarement aventuré dans la série A, Budd Boetticher, d’abord à l’Universal, puis à la Columbia, et enfin comme indépendant, a bâti son oeuvre avec l’humilité grandiose d’un bâtisseur de cathédrale". La suite le confirmera.
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

Westerns sobres et nerveux, personnages violents ayant avec des tronches de tueur. Sept hommes à abattre est un film superbe et son duel final est grandiose ! (avec Lee Marvin)
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Lord Henry
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Message par Lord Henry »

Pour répondre à la question.

Léonard de Vinci était un incontestable génie, néanmoins je pense qu'il aurait fait un très mauvais réalisateur de western.
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Requiem
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Message par Requiem »

tewoz a écrit :
et moi donc... :mrgreen: :arrow:
Sauf que visiblement, ça marche à peu près deux fois plus pour lui... :mrgreen:
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Bon allez, juste pour dire que Le déserteur de Fort Alamo est le DVD que j'ai visionné le + de fois ces 6 derniers mois et que les 10 dernières minutes de ce film prouvent que ce réalisateur avait vraiment énormément de talent.

Vive la série B quand elle est réalisée par de tels cinéastes, elle me procure souvent plus de plaisir que la vision des grands classiques reconnus. :oops:
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Message par Dave Bannion »

Roy Neary a écrit :Westerns sobres et nerveux, personnages violents ayant avec des tronches de tueur. Sept hommes à abattre est un film superbe et son duel final est grandiose ! (avec Lee Marvin)

Je rêve de le voir............
John T. Chance
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Message par John T. Chance »

boetticher est un génie de l'épure, j'ai vu ride lonesome et comanche station il y a cinq ans et je ne m'en suis jamais remis. direction d'acteurs géniale, sens de la mise en scène... par contre, le déserteur de fort alamo m'a déçu
passe me voir du côté du rio grande, petite...
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Spongebob
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Message par Spongebob »

L'Aventurier du Texas (Buchanan Rides Alone) de Budd Boetticher (USA, 1958)

Western trés sympathique mélant avec brio l'humour et l'action. Le personnage de Buchanan est des plus charismatique, il ne se gène pas pour sortir de bons mots à la figure de ses ennemis. Il a la "cool attitude" de tout bon héros de l'ouest. L'intrigue, bien que classique, n'est pas vraiment prévisible car elle est parsemée de nombreux rebondissements qui font qu'on ne s'ennuit pas une seule seconde (le film dure moins d'une heure vingt).
A noter aussi l'importance donnée aux bad guys sur lesquels la caméra se pose régulièrement, nous dévoilant leurs faiblesses humaines (l'attrait de l'argent et du pouvoir) tout en évitant le manichéisme simpliste (le jeune texan). La scène d'action finale est splendide.

Si les autres Boetticher sont du même niveau je ne les raterais pas.
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

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L'aventurier du Texas (Buchanan Rides Alone - 1958) de Budd Boetticher
COLUMBIA


Avec Randolph Scott, Craig Stevens, Barry Kelley, L. Q. Jones, Tol Avery
Scénario : Charles Lang
Musique : supervisée par Joseph Gershenson
Photographie : Lucien Ballard (Columbia Color 1.85)
Un film produit par Harry Joe Brown pour la Columbia


Sortie USA : 1er août 1958


Tom Buchanan (Randolph Scott), un mercenaire ayant participé à la révolution mexicaine, décide maintenant de retourner dans son Texas natal pour s'y fixer. A la frontière californienne, il s'arrête dans la petite ville d’Agry dont il se rend vite compte qu’elle est sous la coupe de la famille du même nom. Pour avoir pris la défense de Juan (Manuel Rojas), un Mexicain venant de commettre un meurtre sur la personne du fils du juge Agry, Tom est arrêté, dépouillé de son argent et jeté en prison : les habitants comptent bien le lyncher dès le lendemain en compagnie de l’assassin. Mais la pendaison est stoppée net par le juge qui vient d’apprendre que le riche père du criminel a l’intention d’octroyer une juteuse rançon en échange de la vie de son fils. Dès cet instant, Tom se trouve malgré lui emporté dans un tourbillon de jeu de dupes entre les trois frères Agry (le juge – Tol Avery, l’hôtelier – Peter Withney et le shérif – Barry Kelley), qui espèrent chacun de leurs côtés s’approprier cette manne financière. Avant que ne se résolve l’affaire et que Tom et Juan se sortent enfin de la facheuse situation dans laquelle ils se trouvent, les morts vont s’accumuler, tout ce petit monde s’entretuant joyeusement pour une simple sacoche d’argent qui circule des uns aux autres…

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En cette année1958 sort le western de Budd Boetticher le plus iconoclaste, un film à l’ironie mordante et qui confirme la richesse de la collaboration entre le cinéaste et le comédien Randolph Scott (cycle communément appelé Ranown pour englober ses deux producteurs, Randolph Scott et Harry Joe Brown), une ‘série’ loin de ne comporter que des films interchangeables mais au contraire, malgré leurs innombrables points communs, très différents les uns des autres. Ici, Tom Buchanan, un aventurier ayant participé à la révolution mexicaine, décide maintenant de retourner dans son Texas natal pour y couler des jours paisibles avec l’argent gagné à se battre dont il compte se servir pour s’acheter un ranch. A la frontière californienne, il a la très mauvaise idée de s'arrêter dans la petite ville d’Agry dont il découvre très rapidement en lisant les enseignes qu’elle est sous la coupe de la famille du même nom dont les membres sont tous plus infâmes les uns que les autres. Pour avoir pris la défense d'un Mexicain venant de commettre un meurtre sur la personne du fils du juge (un Agry évidemment), il se trouve malgré lui emporté dans un tourbillon de jeu de dupes entre les trois frères Agry (le juge, le tenancier d’hôtel et le shérif) qui espèrent chacun récupérer la rançon que le riche père du criminel doit apporter en échange de la vie de son fils. L’inénarrable Amos, interprété par Peter Whitney, passe son temps à courir d’un de ses frères à l’autre en fonction de leurs situations dans cette histoire, se rapprochant à chaque fois de celui sur le point de remporter le gros lot… On l’aura compris à la lecture de cette description, autant 7 hommes à abattre (Seven Men from Now), L’homme de l’Arizona (The Tall T) et Decision at Sundown, les trois westerns précédents du cycle, étaient graves et tendus, autant celui-ci s’avère détonant par son humour dévastateur et sa dérision constante. Un western au ton unique, qui ne ressemble et ne ressemblera à aucun autre. Dans la filmographie de Boetticher, il pourrait cependant s’apparenter au diversement apprécié et pourtant fort séduisant La Cité sous la mer (City Beneath the Sea) avec Robert Ryan et Anthony Quinn, tout aussi divertissant.

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J'ai déjà évoqué à quelques reprises une ‘certaine’ filiation entre les westerns de Boetticher et ceux de Sergio Leone. Alors que dans les autres films, elle se situerait plutôt au niveau plastique (plus encore à partir des deux prochains westerns de la série, ceux en Cinémascope, et sans que le style et le ton de ces deux réalisateurs puissent être comparables), elle est encore plus flagrante ici mais cette fois plus dans le fond que dans la forme. Charles Lang, déjà auteur précédemment du génial Decision at Sundown, a écrit un scénario qui, avant Yojimbo, aurait très bien pu inspirer le réalisateur italien pour l'intrigue de Pour une poignée de dollars. En effet le Buchanan de Randolph Scott, comme ‘l'homme sans nom’ de Leone, se retrouve coincé entre deux camps qu'il va petit à petit conduire à s'entretuer, sauf que si Clint Eastwood agit à dessein, Randolph Scott, ne comprenant rien à ce qui lui arrive, provoque les choses presque sans s’en rendre compte, d’où une partie de l’humour qui en découle. De même que les deux autres films de la trilogie leonienne semblent avoir subi une influence de son final qui voit tout un petit monde agité prêt à risquer sa vie pour s’approprier une sacoche de dollars jetée au centre de la rue. Tout aussi nonchalant que l’homme au poncho et au cigare mais beaucoup plus naïf et dépourvu de tout cynisme, Tom Buchanan prend tout à la légère et a constamment le sourire aux lèvres, ce à quoi l’acteur ne nous avait guère habitué dernièrement (hormis dans le premier quart d’heure de The Tall T) et qu’il accomplit à merveille. Le comédien prouvait ici, après son Bart Ellison déprimé dans Decision at Sundown, qu'il avait une palette 'dramatique' un peu plus large qu'on a souvent voulu lui attribuer, q'il pouvait être aussi convaincant et efficace dans la légèreté que dans la gravité.

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Malgré tout, il se ferait presque parfois voler la vedette, s’il avait bénéficié d’un plus grand temps de présence, par L.Q. Jones dans le rôle savoureux de Pecos Hill, adjoint du shérif qui va choisir de passer dans le camp de Buchanan pour la simple et unique raison qu’il est Texan comme lui. Après qu’il ait placé son coéquipier, qu’il vient de tuer, en haut d’un arbre pour qu’il ne se fasse pas dévorer par les animaux (une idée et une image très cocasses), il lui adresse ces mots de prière : "Lafe, you and me worked for Lou Agry for nearly a year, and though I don't guess we was ever real buddies, I'm sorry it was me who stopped your clock. You had your good side, Lafe, but you had your bad side, too. Well... like cheatin' at stud and emptying my pockets whenever I got drunk. But I ain't holding these things against you, Lafe. And if you're holding a grudge against me, Lafe, just remember that when it come down to choosing between you and Buchanan here, well, I just had to choose Buchanan on account of he's a West Texan. And like I always say, let bygones be bygones. And I hope you're saying the same wherever you are. Well, so long, Lafe. You died real good", cette litanie ayant été débitée sous l’œil amusé et étonné de Buchanan. Désolé pour les non-anglophiles mais j’ai jugé cet exemple parfait pour illustrer la qualité et la drôlerie des dialogues et pour faire appréhender l'humour noir et l’ironie constante des situations. En exagérant un peu, Buchanan Rides Alone n’est pas très éloigné du surréalisme.

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L'humour est donc sans cesse présent mais jamais forcé, ne faisant jamais sombrer le film dans la lourdeur ou le burlesque : à son origine, nous trouvons surtout le personnage décomplexé de Buchanan et un comique de répétition (le barman bedonnant et couard courant sans cesse d'un de ses frères à l'autre suivant le vent, ballotté comme une balle de ping-pong, sans cesse sur le point de faire un infarctus ; les prisonniers constamment enfermés et sortis de prison…) Même Howard Hawks dans ses films les plus décontractés n’aurait jamais proposé un tel dialogue : alors que Buchanan et son associé de fortune (quelques heures auparavant, il était chargé de le trucider) viennent de faire prisonniers leurs poursuivants, le second demande au premier : "What're we gonna do now, Buchanan ?", ce à quoi Buchanan lui répond : "Foist we take care of the hawses. Then I….. I don't know, I’m not sure !" avant de tourner les talons et passer hors champ. Le raconter par écrit n’est peut-être pas très drôle, mais voir à l’écran un Randolph Scott (et son curieux chapeau trop petit pour lui) aussi ‘je-m'en-foutiste’ et inconséquent s’avère bougrement réjouissant. Voir ensuite les prisonniers arriver à se dépêtrer de leurs liens en à peine dix secondes nous semble alors bien plus drôle que peu crédible, les deux séquences procédant plus ou moins du même ‘humour ZAZ’ avant l’heure d’autant que le personnage de Buchanan est à la fois très charismatique (bardé qu’il est au début de ses impressionnantes cartouchières) tout en représentant une sorte de cool attitude.

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A côté de cela, le scénario, rocambolesque à souhait, est parfaitement bien mené, les scènes d'action ne manquent pas de punch, la photographie de Lucien Ballard magnifie les paysages, et l'interprétation est globalement excellente que ce soit les premiers ou seconds rôles ; il s'agit vraiment d'une constante du cinéaste que de faire vivre autant de personnages sans en sacrifier un plus que l'autre. Parmi ceux-ci nous trouvons Carbo interprété par Craig Stevens (le futur Peter Gunn de Blake Edwards), tout de noir vêtu, le seul habitant d’Agry-Town semblant être loyal (même si c’est envers un salaud, en l’occurrence le juge), Barry Kelley dans le rôle du shérif corrompu ainsi que Peter Whitney dans celui du barman, sorte d’idiot du village, bedonnant et transpirant. Que l’on m’apprenne que Joel et Ethan Coen auraient vu et revu ce Buchanan Rides Alone avant de se lancer dans leur carrière au cinéma ne m'étonnerait guère tellement certains des personnages de Blood Simple, Miller’s Crossing ou Fargo font penser à ces trois là. A l’exception de Randolph Scott, tous les comédiens de ce film ont surtout fait une carrière à la télévision et demeurent encore aujourd’hui très peu connus. Soulignons également que parmi eux, quasiment aucun rôle de femme, donc pas la moindre trace de romance qui aurait pu affadir l’ensemble ; même si Budd Boetticher est très doué pour ça malgré son idiote réputation de mysoginie, une histoire d'amour n'aurait guère eu de raison d'être au sein de cette intrigue. Pour l’anecdote, que ceux qui auraient cru déjà entendre la musique du générique se rassurent, car il s’agit bel et bien de celle que l’on entendait dans celui de 10 hommes à abattre (Ten Wanted Men) de Bruce Humberstone avec déjà Randolph Scott. La grève des compositeurs battant son plein, les auteurs ont puisé dans les archives Columbia pour le meilleur (le générique justement, signé Paul Sawtel) ou pour le pire ; car il faut bien se rendre à l’évidence : pour le reste du film, la musique a du mal à cadrer avec l’image, s’avérant le gros point faible de ce réjouissant Buchanan Rides Alone.

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Certainement pas aussi parfait que la plupart des autres films du cycle Ranown par le fait de délaisser la psychologie des personnages et de sembler parfois avoir été improvisé sur le tournage, mais néanmoins déconcertant de décontraction, extrêmement jouissif et fichtrement original par son ton, mêlant avec brio humour et action. Après trois westerns aussi sombres que ceux qui ont précédé, voilà une bouffée d’air frais bienvenue au milieu du cycle que cet aventurier du Texas sans vengeur ni personnages rongés par leur passé, n’ayant pas d’autres prétentions que de divertir, bourrée jusqu’à la gueule de ‘punchlines’ enthousiasmantes et de situations drolatiques (sans en avoir l’air) uniquement pour nous rappeler avec humour l’attrait maléfique de l’argent et le pouvoir monopolisé par quelques puissants. Un western léger, d’une belle fluidité scénaristique et d’une totale efficacité, l’action étant constamment lisible, mené tambour battant et riche en rebondissements. Bien évidemment pas aussi puissant que la plupart des autres westerns du cinéaste mais néanmoins presque tout aussi jubilatoire.

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Message par Spongebob »

Jeremy Fox a écrit :C'est une description qui convient bien à la plupart de ses westerns :wink:
J'ai été frappé par l'esthétique générale du film qui cache bien sa mention de série B.

Et puis Randolph Scott a beau être co-producteur il n'est pas LA vedette du film, les autres personnages ont aussi leur mot à dire.
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Spongebob a écrit :
Jeremy Fox a écrit :C'est une description qui convient bien à la plupart de ses westerns :wink:
J'ai été frappé par l'esthétique générale du film qui cache bien sa mention de série B.
.
Pourquoi dis tu ça ? Je trouve que c'est au contraire de la pure série B car la série B est aussi bien un esprit qu'un budget. Ca file sans détour, ça bouge, ça ne s'embarasse guère de psychologie, ç'est vraiment de la Série B dans le sens noble du terme. Enfin c'est comme ça que je l'entend et l'apprécie.
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Message par Jeremy Fox »

Spongebob a écrit :
Jeremy Fox a écrit :C'est une description qui convient bien à la plupart de ses westerns :wink:
J'ai été frappé par l'esthétique générale du film qui cache bien sa mention de série B.

Et puis Randolph Scott a beau être co-producteur il n'est pas LA vedette du film, les autres personnages ont aussi leur mot à dire.
Si tu as aimé ce film, que tu es équipé en zone 1, je te conseille absolument de voir Hangman's Knot, pas de Boetticher mais y ressemblant énormément. Le test est en ligne
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