Cinéma Coréen contemporain

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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bruce randylan
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Re: Festival du Film Coréen à Paris du 30 oct au 6 nov

Message par bruce randylan »

Southbound (Yim Soon-rye - 2013)

Une famille qui refuse la société de consommation et le patriotisme aveugle est considérée comme élément perturbateur par les autorités. Ils sont ainsi régulièrement placé sous surveillance et même menacés d'expulsion. Cette fois-ci une échéance semble concrète

La bouffée de fraicheur de ce festival :D

Un film très drôle avec cette joyeuse famille de marginaux qui refuse le conformisme. Non seulement en société mais également entre eux. Il faut voir comment le père traite son fils qui lui annonce par téléphone qu'il fugue ou sa réaction quand celui-ci revient seulement après une journée :lol:
Le film est rempli de personnages attachants, joyeusement caricaturés tout en étant suffisament cohérent pour être crédible et logique. Donc si le trait n'est pas forcément subtile et préfère jouer la carte du rire plutôt que le pamphlet, le propos du film n'en demeure pas moins réaliste et très engagé : le film prône d'ailleurs la désobéince civile, la décroissance et pointe du doigt la corruption, le capitalisme déshumanisé, le populisme, les intimidations, la surveillance à outrance etc...
Yim choisit donc la critique gentille (et commerciale) plutôt que la charge sérieuse ou la satire virulente de la comédie italienne.

Comme on rit régulièrement de leurs péripéties et leus caractères bien trempés, on ne lui en voudras pas trop même si sa narration manque un peu de rythme dans sa deuxième heure en rajoutant l'intrigue de la nouvelle maison qui doit être rasée pour faire place à un gros complexe touristique. Le trait y plus grossier, moins gentiment décalé sans heureusement sombré dans le mélodrame ou une certaine lourdeur. Mais on regrette un peu le manque de concision et des seconds rôles gratinés (le duo qui doit surveiller la famille, le policer de l'île qui ne peut entrer dans le terrain en costumes officiels, l'ancien prof de la fille...). Quant à la réalisation, elle n'a pas grand chose de notable sans être indigeste ou infâme.
Ces petites réserves n'entache pas trop le fort capital sympathie de cette comédie pas si innocente que ça qui délivre quelques moments vraiment réjouissants (les cartes d'identité à couper ; le piège à pelleteuse ; la pièce du moteur en moins :lol: ).

A noter que l'acteur principal est Kim Yoon-seok, plutôt connu pour ses polars violent (The chaser et the murder), le changement de registre lui va comme un gant.
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Message par bruce randylan »

Captain Kang (Ho-yeon Won - 2012)

Documentaire sur le capitaine d'un navire de pêche qui a perdu ses deux jambes après qu'une grue lui soit tombée dessus. Malgré son handicap, il continue de travailler sur son bateau, en compagnie de son équipe.

Plutôt réussi ce doc. Contrairement à beaucoup de films du genre, il y a une vrai approche cinématographique et une réelle ambition formelle. Pas de caméra à l'épaule ici, les plans sont composés, fixes et la photographie mec en valeur les textures du bateau, de l'océan, des vêtements, de la nuit etc...
De plus, il n'y a aucun commentaire en voix-off et même très peu de dialogues. Tout juste quelques dialogues pris sur le vif lors des sorties en mer et quelques phrases évoquant la relation en ce capitaine et sa famille, son fils en particulier. A peine quelques mots confessé par l'intéressé qui explique sa gêne et son malaise à avoir empêcher son fils de suivre sa propre voie en devant le seconder. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il ne s'agit pas d'un documentaire où on vante le courage d'un homme amoindri physiquement mais qui dépasse ses limites pour donner une leçon de vie et de courage aux spectateurs. Même si c'est un peu le sentiment au début, Ho-yeon Won esquisse plutôt la mélancolie, l'amertume et l'impuissance qu'engendre son handicap. Sentiments renforcés par le nombre de scènes nocturnes, des images aux teintes jaunes et du peu d'échanges verbaux.
Cette absence de la parole et ce retrait des sentiments font de Captain Kang un documentaire qui repose énormément sur les non-dits des protagonistes et la pudeur de l'auteur. C'est assez surprenant pour ce courant cinématographique. De ce fait, le rythme est assez contemplatif et posé. Un peu comme le houlis calme et berçant de la mer. Peut-être même un trop d'ailleurs car malgré sa durée très brève (75 minutes), j'ai eu plusieurs moments de relâchement. :oops: Après, un festival marathon comme celui-ci ne permet pas d'avoir les meilleures conditions pour découvrir ce type de films assez exigeant et de l'apprécier dans sa juste valeur.
Mais j'ai beaucoup aimé sa retenue, ses touches de poésie (l'introduction est magnifique), la façon dont se révèlent progressivement les liens complexes entre les personnages et de manière générale sa facture visuelle vraiment travaillée.
Plus que recommandable donc et Captain Kang semble très bien marché en festival où il a l'air d'avoir remporté pas mal de prix (mérités).
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Message par bruce randylan »

The beat goes on (Byun Sung-hyun - 2010)

Trois amis (2 hommes et une femme) galèrent à lancer leur groupe de hip-hop et enchaînent les auditions plus ou moins prometteuses. Quelques temps plus tard le leader (et compositeur) est réduit à produire des groupes minables parce que son chanteur a signé en solo chez un gros label (en piquant au passage leurs morceaux). Le retour d'Australie de la chanteuse vient raviver les vieux souvenirs : elle se dit en possession d'une sextape avec ses anciens compagnons.

Un peu bizarre ce film. C'est le genre de petite production qu'on voudrait défendre mais qui s'avère trop bancale et fourre-tout.
Ca commençait pourtant sous les meilleurs auspices : mise en scène dynamique (un peu clippés mais pas trop tôt) qui correspond parfaitement à l'expression "on a pas d'argent mais on a des idées". Les personnages sont d'attachants loosers, un peu caricatural sans être excessif. La musique groove pas mal, les gags et les vannes font mouches... bref, la production indépendante rafraîchissante. Mais l'ellipse qui nous amène après la séparation du groupe est déjà perturbante puisqu'il faut un peu de temps pour rattacher tous les wagons et combler les trous. Le ton se fait plus amer et mélancolique avec ce personnage féminin qui vient cristalliser les tensions entre les amis devenus rivaux. Y-a toujours 2-3 éléments décalés mais on attends que le film redémarre vraiment et qu'on sache où tout cela va nous amener.

Et bien celà va nous amener vers le quasi-mélodrame :|
L'amitié est définitivement brouillée à cause de trahisons, de tromperies, de coups dans le dos, de mensonges... Ça devient limite glauque en fait au bout d'un moment entre l'annonce d'une maladie incurable, les dernières chances de percées qui s'envolent et un dès personnages qui finit à l’hôpital entre la vie et la mort... Ambiance quoi ! :mrgreen:
...Avant de renouer dans une légèreté (relative) pour la conclusion au cynisme moyennement convaincu (et convaincant).

Bref, avec tout ça, on se sent un peu frustré sans savoir sur quel pied danser (d'autant que la musique hip-hop passe disparait totalement). Le sentiment de malaise est d'autant plus marqué que le film n'est pas du tout mauvais : les acteurs sont bons, les personnages assez justes et émouvants (surtout le personnage féminin quand elle dévoile ses fêlures expliquant par la sorte son comportement excentrique), l'atmosphère est belle et bien là...
C'est juste que l'addition de ses parties est inférieure aux parties elles-mêmes.


Fatal (Lee Don-ku - 2012)

Quatre adolescents droguent une étudiante pour la violée tour à tour. Parmi eux un jeune homme timide et asocial qui refuse de se prêter au "jeu". Près de 10 ans plus tard, il la reconnait dans la rue. Attiré par elle, il tente de devenir son ami.

Autre film indépendant avec un budget dérisoire (moins de 6.000 euros je crois). Là aussi, le film est loin d'être une réussite mais plusieurs éléments méritent qu'on s'y attarde. Les relations entre les personnages sont vraiment intéressantes et leurs évolution prend des directions pertinentes sans être trop artificielles ou théoriques. Le film prend son temps pour les développer sans chercher à accélérer inutilement le rythme, même si le dernier tiers se dynamise grandement.
En revanche, il faut reconnaître que la photo n'est pas très belle et que le casting est inégal, y compris pour les têtes d'affiche. Autant l'actrice qui joue la victime du viol est excellente autant le héros qui cherche à se rapprocher d'elle s'avère rapidement fatiguant avec son jeu "droopy autiste".

Les deux premiers tiers évoquent donc les rapports entre les ces deux personnages avant de virer dans une partie "thriller" où le protagoniste cherche ses anciens camarades pour les punir de ce viol qui continue de traumatiser leur vieille victime. Ce virage "film de vengeance" peut sembler classique et anodin sur la forme mais dans le fond, c'est plutôt bien vu puisqu'il approfondit grandement la psychologie des personnages et que la mise en scène opte pour le juste dosage entre le malaise et la distance décalée. Toujours est-il que le twist durant la séquence du parking souterrain permet une relecture habile (et psychanalytique) des motifs de l'auto-justice et de la culpabilité.

La géniale dernière séquence permet de finir sur un note positive tout en regrettant que la réalisation n'arrive pas plus souvent à cette simplicité (très efficace) dans l’écriture.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Alors qu'elle attend des nouvelles de son confident dont elle commence à tomber amoureuse, l'héroïne zappe nonchalamment sur la télé sans prêter attention aux informations évoquant une série de meurtres, ne pouvant deviner un seul instant qu'elle en est la cause.
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Re: Festival du Film Coréen à Paris du 30 oct au 6 nov

Message par bruce randylan »

Cette année le festival organisait un focus sur la réalisatrice Shin Su-won avec 2 court-métrages et 2 long-métrages (soit l'ensemble de ses réalisations il me semble)

De manière chronologique ça donne

Shave (2003)

Un adolescent, qui vit entre les rackets au lycée et un père au chômage et alcoolique, trouve une modeste caméra vidéo.

Un court-métrage qui veut évoquer deux choses en parallèle : d'un côté un système éducatif déshumanisé qui ne se soucie pas de ses élèves et d'un autre les relations père-fils.
La partie "école" manque malheureusement de perspective et d'un véritable point de vue. La peinture est sans doute réaliste mais n'amène nulle part.
Par contre les rapports père-fils se montre bien plus tendre et émouvant. Manque de communication, impuissance, honte... Beaucoup de sentiments se mélangent sous le regard pudique de Shin Su-won qui utilise justement le camescope trouvé par le fils comme un vecteur thérapeutique. La dernière séquence est vraiment très belle, avec une pudeur très touchante.
Cette sensibilité me donne envie de pardonner les quelques maladresses thématique et une facture visuelle pas forcément stimulante (ça reste de la vidéo).

Passerby #3 (2010)

Ji-wan est une réalisatrice qui galère à monter ses scénarios. Elle signe chez une nouvelle société de production qui a adoré l'un de ses scripts. Mais très rapidement, on lui demande de remanier son histoire pour le rendre plus commercial. Quant à son fils et son mari, ils supportent de plus en plus mal ce métier qui accapare son temps et son esprit.

Difficile de ne pas voir dans cette histoire une grosse part d'auto-biographique. Ne sachant ce qui tient de du vécue ou de l'invention, je me contenterai de dire que c'est une comédie très attachante et fraîche où la réalisatrice se montre aussi tendre que moqueuse envers son alter-ego. Il y a des passages délicieuxs et poétiques qui donnent un sentiment fugace d'euphorie comme la chanson du fils sur sa mère paresseuse ou quand l'héroïne s'imagine jouer de la musique avec la couleur.
Ces quelques passages font regretter que sa réalisation ne soit pas toujours aussi inspirée car beaucoup d'autres passages sont bien plus routiniers et anecdotiques. Elle n'évite pas ainsi les répétitions et le surplace (y compris par rapport à Shave où elle reprendre l'enfant maltraité par ses camarades de classes)
L'ensemble donne l'impression d'être un peu décousu, de manquer d'une véritable structure. Il y a une colonne vertébrale sur laquelle viendrait se greffer beaucoup de scènes pour un sentiment proche du film à sketch : Ji-wan va à un concert et interview un groupe, Ji-wan se retrouve à faire la figurante sur le film d'un camarade de son école de cinéma (séquence amère du meilleur crue), Ji-wan philosophie sur les escaliers... Tous ces moments sont réussis mais ils sont trop isolés pour former un tout cohérent.
Mais le potentiel sympathie rattrape souvent le sentiment de déséquilibre d'autant que le ton doucement décalé marche très bien. Et puis Shin Su-won fait également preuve de bienveillance envers ses personnages qui se mettent à nus plus ou moins malgré eux (joli moment avec la productrice avinée autour d'une barbecue). Ca évite d'avoir une vision trop unilatéral tout en apportant un contre-point à son double sur pellicule.

Un petit film, à la fois modeste et bourrées d'idées qui parvient régulièrement à viser juste à l'image de la dernière séquence. Et j'aime beaucoup Hyun-young Park, l'actrice principale, entre boudeuse flegmatique et gamine rêveuse.



Circle line (2012)

Un homme n'ose pas annoncer à sa famille qu'il est au chômage. Il meuble donc ses journées en errant dans les lignes de métro.

Retour à la case court-métrage avec ce film de 26 minutes qui devait faire partie d'un programme omnibus et qui fut présenté à la Semaine de la Critique.
C'est un petit bijou qui possède tout ce qui pouvait faire défauts à ses précédents films. Tout ici est parfaitement dosé et placé. L'humour, le social, le décalage, la gravité, l'émotion... La mise en scène est un modèle de précision et de concision qui ne perd rien de la richesse des nombreux points abordés dans cette histoire simple, au potentiel fort et parfaitement exploité. Il est impressionnant de voir la montée en puissance dans la maitrise de Shin Su-won qui parvient à creuser son sillon en peaufinant ses thèmes tout en renouvelant la forme.
L'actrice de Passerby #3 Hyun-young Park fait un second rôle marquant de mendiante trimbalant son bébé dans le métro.


Pluto (2012)

Un étudiant aux origines modestes intègre une école prestigieuse formant la future élite de la nation. Mais la concurrence pour sortir parmi les premiers est rude et sans pitié.

Le modèle scolaire était plus ou moins au centre des premières oeuvre de Shin mais il passe véritablement au premier plan dans cette histoire critiquant l'esprit de compétition qui règne dans les grandes écoles où la pression sur les élèves est sans pitié. Ici, les meilleurs éléments sont près à tout pour garder leurs rangs (et leurs avantages) : manipulation, chantage, triche, violence et même le meurtre quand ils sont pris dans leur logique implacable.
Le pire, c'est qu'on imagine sans trop de mal que le film n'est pas si fantaisiste que ça (jusqu'à un certain points évidement) quand on connait les enjeux que font peser les familles coréennes sur les ambitions qu'ils attribuent à leurs progénitures.
Plutôt que prendre la forme d'un drame social, la cinéaste en fait une sorte de thriller. L'ambiance repose beaucoup sur les conventions du fantastique horrifique. Pluto en a les codes mais pas la forme même. Cette approche est plutôt original mais ça alourdit par moment la progression narrative avec twists et mystère en whodunit. Ca se ressent dans me rythme du film qui faiblit à quelques reprises et dans la conclusion maladroite qui souffre d'explications peu subtiles. Mais le discours qui est assez radicale et finalement intègre tient parfaitement la route et demeure logique.
La réalisation est très loin des chroniques intimistes de ses précédents travaux mais encore une fois on retrouve l'univers de la cinéaste avec l'utilisation quasi expressionniste des décors (dont la cage d'escalier métaphorique), le rôle majeur tenu par des caméra, l'humour un peu décalé (ici forcément assez noir), une société en perte de repère moral (et Hyun-young Park dans un petit rôle bien cynique ). Et Shin continue d'évoluer de manière assez impressionnante dans sa réalisation, avec un bon dosage entre film d'auteur indépendant et une forme assez commercial. C'est d'ailleurs très soigné visuellement avec pas mal idées d'ellipses et autres de flash-backs, le tout avec une jolie photographie et une violence hors-champs assez sèche.

Après, on peut ne pas adhérer à son parti pris d'en faire un (faux) film de genre mais je trouve vraiment passionnant la manière dont la cinéaste cherche à proposer quelques choses de différents à chaque film.
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Message par bruce randylan »

My father's email (Hong Jae-hee - 2012)

A la mort de son père alcoolique et brutal, une réalisatrice de documentaire se penche sur une série de mails qu'il lui a envoyé quelques semaines avant de mourir. Il lui raconte sa vie et tente de s'excuser pour son comportement.

Un documentaire très intéressant où la cinéaste essaye de reconstruire cette figure paternelle qu'elle n'a pas vraiment connu à cause de ses disparations durant plusieurs années pour du travail à l'étranger puis son repli mutique dans la boisson. Elle interroge le reste de sa famille (sa mère, ses oncles et tantes, de voisins, ses frères et soeurs). Le portrait qu'ils dressent n'est pas reluisant : très violent, lâche, solitaire... Hong Jae-hee puise dans ses emails et son passé pour le comprendre. Une des réponses provient de sa jeunesse en Corée du Nord qu'il a fuit clandestinement en grande partie seul alors qu'il avait une dizaine d'année. Il en gardera des séquelles en se persuadant qu'il ne peut compter que sur lui-même et que personne ne pouvait ressentir ce qu'il avait vécu.

Cette façon de chercher à percer son mystère et donc quelque part de vouloir lui donner des excuses irrite la famille proche du la réalisatrice
C'est justement dans ces moments de doute quand sa mère et son frère (vivant aux USA) s'agacent de sa démarche que le film est le plus réussi. La réalisatrice ne masque pas l'échec de son projet : celui de réconcilier une famille et de chercher l'apaisement.
Certaines cicatrices que ce père/mari a laissé son bien trop profondes pour tout pouvoir lui pardonner. Et réveiller son fantôme n'aide pas tourner la page.

Il en résulte un film assez cruel autant dans ce personnage masculin (qui s'est enfermé avec ses propres démons) que lorsque sa femme avoue sans honte vivre plus séreinement depuis qu'elle est veuve.
Dans l'ensemble le film est vraiment passionnant même si tout n'est pas totalement louable comme certaines parties reconstitués (les souvenirs en Corée du Nord). Et puis images numériques sont parfois vraiment filmées avec les pieds même si ça correspond à l'esprit intimiste et confessionnal. Le vrai repproche à faire serait cependant sur une oeuvre qui tourne un peu trop en rond durant son dernier tiers.

Mais vraiment digne qu'on s'y penche. Et cette histoire avec un "h" permet d'éclairer l'histoire avec un "H"

bruce randylan a écrit : Hope (Lee Joon-ik - 2013)

Image

Donc, je le redis encore une fois : bouleversant et déchirant mais dans le bon sens du terme car il évite toute prise d'otage émotionnelle (chose qui en générale me rebute directement).
J'espère que le film aura droit à une sortie chez nous. Il a vraiment tout pour faire un classique universel (contrairement à l'approche d'Alabama Monroe qui m'a tout autant remué, Hope reste plus "commercial" et positif - ce qui n'est pas un gros mot ici)
Et voilà, aux Blue Dragon Film Awards (les oscars coréens) Hope a gagné le prix du meilleur film, du meilleur scénario et de la meilleure actrice en second rôle pour Ra Mi-ran (la mère de la petite Hope) :D 8)
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Re: Festival du Film Coréen à Paris du 30 oct au 6 nov

Message par bruce randylan »

Dear Dolphin (Kang Jina - 2013)

Une jeune femme meurt accidentellement lors d'une sortie en vélo. Son petit ami et sa col locatrice ont du mal à faire leurs deuils

Un des coups de cœur de ce festival. :)
C'est un drame assez original avec une narration déstructurée qui mélange les flash-back de manière non-linéaire (ni même sans repère temporel parfois). Il n'est donc pas toujours évident de remplacer tel ou tel segment dans sa vraie place chronologique mais ce n'est pas l'intérêt du film que de remettre le puzzle dans son bon ordre. Il y a vraie sensibilité qui ne vire jamais (ou presque) vers le sentimentalisme mélodramatique. La cinéaste préfère interroger leur douleur et leur incapacité à gérer leurs émotions. On sent qu'un poids les pèse toujours. Un remord, une culpabilité, une absence, un regret... Leur peine pousse d'ailleurs ces deux amis à avoir une aventure passagère, rajoutant à la complexité de leur état d'esprit.
L'écriture m'a paru plutôt juste, les personnages assez fouillés et réalistes même si le dernier tiers se rapproche vraiment du mélodrame (nous sommes en Corée après tout) sans y sombrer vraiment car le montage permet de prendre du recul et de ne pas appuyer sur l'émotion du moment. Le tout agrémenté de touches poétiques bienvenues comme tout ce qui tourne autour du symbolisme de l'eau et des poissons. (Très beau dernier plan)
La réalisation est fluide et limpide, ce qui n'était pas gagné vu le parti pris. Evident ce choix empêche aussi par moment de toujours partager les troubles des personnages mais généralement le passage d'une temporalité à une autre ne crée aucune frustration chez le spectateur.
De plus, loin de jouer la carte de la grisaille et de la déprime, le film baigne dans une photographie lumineuse et colorée - y compris dans les scènes nocturnes.

C'est vraiment un très joli film. Il y a quelques légères maladresses mais l'approche est très personnelle et payante dans sa narration fragmentée.
Blue Dolphin est d'autant plus bluffant qu'il s'agit ni plus ni moins que le film de fin d’étude d'une cinéaste de 32 ans :shock:
(d'ailleurs, elle a raté une épreuve de son école de cinéma, elle a donc redoublé :lol: ).
Sa maitrise, la maturité du propos, l'inventivité de la mise en scène et la recherche dans la caractérisation des personnages m'ont vraiment soufflé pour voir qu'il s'agit d'un premier long métrage (même si ses court-métrages présenté il y a 2-3 ans dans ce même festival étaient paraient-ils excellents).

J'ai interviewé la réalisatrice. Elle est vraiment passionnante, très bavarde, très introspective (et célibataire :oops: ). Elle expliquait que le thème de la mort (déjà aux centres de ces courts) l'obsédait. Elle cherche à passer à quelques chose et travaille sur l'écriture d'un film d'action. Vu le potentiel et la personnalité, ça pourrait donner quelque chose d'excellent.
Bref Kang Jina est un nom à suivre :D

Le film existe en Corée avec des sous-titres anglais de surcroit :wink:

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Re: Festival du Film Coréen à Paris du 30 oct au 6 nov

Message par bruce randylan »

:D

Le FFCP 2014 a commencé il y a quelques heures. La programmation a l'air très variée cette année (un peu plus de thriller/blockbuster, un film d'animation et une section classique alléchante sur le cinéma d'épouvante).

http://www.ffcp-cinema.com/accueil

Les choses ont très bien commencé ce soir avec Haemoo de Shim Sung-bo, 1er film du co-scénariste de Memories of Murder . D'ailleurs Bong Joon-ho produit et co-écrit ce drame étonnant qui commence comme un film social avant de basculer brillamment dans le drame/thriller (qui peut se lire comme une parabole fantastique sur la folie et la culpabilité).
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Re: Festival du Film Coréen à Paris du 30 oct au 6 nov

Message par bruce randylan »

En attendant la nouvelle édition du FFCP qui se tiendra du 27 octobre au 3 novembre (avec en film d'ouverture VETERAN de Ryoo Seung-wan :D et RIGHT NOW, WRONG THEN de Hong Song-soo en cloture :? ), il y a un cycle de films coréens au Forum des Images qui s'étale sur 6-7 semaines avec 80 films plus ou moins connus et plus ou moins inédits.

Les festivités ont commencé avec The man with high heels (Jin Jang - 2014)

Ji-wook est un policier réputé, tant chez chez ses confrères que chez les criminels, comme étant un homme redoutable et sans pitié auquel il vaut mieux ne pas se frotter. Mais cette virilité exacerbée cache en fait un profond mal-être puisque Ji-wook désire être une femme et espère bientôt se faire opérer.

Le scénario a quoi donner des sueurs froides à n'importe quel spectateur mais le résultat est meilleure que ce que l'ont pouvait attendre... tout en étant trop balisé sur d'autres points.

Il faut surtout saluer deux personnes : le réalisateur/scénariste Jin Jang et l'acteur principal Cha Seung-won. Ceux ne jouent pas la carte de la facilité ou de l'humour potache mais au contraire portent un regard étonnement juste et crédible sur ce policier dont la sur-masculinité ne pouvait être si simple. Ce comportement est autant un masque sociale et une manière de maltraitée un corps qu'il refuse. Ça implique aussi que le pouvoir de fascination qu'il exerce sur ceux qui croisent son chemin implique une sexualité refoulée. Il y a des choses vraiment intéressantes et plutôt originale dans la relation entre Ji-wook et son ennemi qui éprouve un profond respect pour lui... qui se transformera en haine incontrôlée quand il découvrira le désir secret du policier, comme si lui-même n'acceptait pas cet attirance vers un autre homme. Ca permet mine de rien de réinventer pas mal de conventions du polar avec une tendresse et une sensibilité évidente, que çe soit devant et derrière la caméra.

Malheureusement ce travail de réinvention du genre (typiquement coréen) n'est pas mené jusqu'au bout et on doit se coltiner les passages obligés qui commence à sentir le recyclage usé avec combats à l'arme blanche, copine kidnappée, vengeance sanglante, plan tarabiscoté du vrai méchant... Celà dit les 3-4 scènes d'actions sont plutôt réussis, pas toujours lisible, mais toujours percutantes et efficaces. Mais tous ces éléments, ainsi qu'un scénario qui tombe dans des péripéties mélodramatiques redondantes, finissent par amoindrir les qualités de ce film risqué et audacieux (le sujet est tabou en Corée).



Le film sortira en France en été 2016 (sacré avant-première qu'on a eu la semaine dernière du coup) :)
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Re: Festival du Film Coréen à Paris du 30 oct au 6 nov

Message par bruce randylan »

bruce randylan a écrit :En attendant la nouvelle édition du FFCP qui se tiendra du 27 octobre au 3 novembre (avec en film d'ouverture VETERAN de Ryoo Seung-wan :D et RIGHT NOW, WRONG THEN de Hong Song-soo en cloture :? ), il y a un cycle de films coréens au Forum des Images qui s'étale sur 6-7 semaines avec 80 films plus ou moins connus et plus ou moins inédits.
Le programme (forcément alléchant) vient justement d'être mis en ligne :D
http://www.ffcp-cinema.com/accueil
(il manque quelque films qui viendront se greffer un peu plus tard)



Toujours au Forum des images
Good Morning Mr President (Jin Jang - 2009)

Avec la présence Jin Jang pour accompagner l'avant-première de Man with High Heels, les programmateurs auraient eu tord de ne pas proposer d'autres de ses réalisation. On pouvait donc aussi voir Gun & Talk (sorti en DVD chez nous) et ce Good Mornin Mr President qui bien plus anecdotique malgré une approche un peu décalée qui présente 3 présidents coréens sous un jour plus humain.
Au début, on a un peu de mal à comprendre d'ailleurs où veut vraiment en venir le réalisateur qui évoque ce vieux président qui découvre à quelques mois de la fin de son mandat qu'il vient de gagner le gros lot au loto... avant d'embrayer sur son jeune successeur qui est pris dans un conflit géo-politique entre la Corée du Nord, Les USA et le Japon.

On ne comprend pas tout de suite qu'il s'agit donc d'une sorte de film à sketch, pas vraiment inégal pour le coup... Sans doute parce que l'ensemble demeure de toute façon anodin et surtout inoffensif.
Quand on connait la situation politique du pays, on peut trouver Good morning Mr President un peu trop politiquement correct. Ici tous les présidents sont finalement de braves gars (et brave femme), plein de valeurs morales et éthiques, malgré quelques petits défauts qui les rendent surtout attachant. Certes, ce sont des président de "gauche" (enfin, centre gauche pourrait-on dire tant le pays se méfie de tout ce qui pourrait se rapprocher un tant soit peu du communisme) mais leur portrait est bien lisse et propre, loin des réalités. Le conflit entre les différents pays, qui pourrait se transformer en guerre, est écrit n'importe comment à ce titre.

Et puis on ne sort pas des clichés avec le cuisinier qu'on va voir en pleine nuit et qui aiguille le président dans une période de doute avec sa petite philosophie naïve.
On suit donc ça sans passion mais sans ennui, profitant de quelques séquences amusantes (la tentative d'aller à la banque pour réclamer le prix du loto, la greffe d'organe ou le mari de la présidente rentrant bourrée avec ses potes).

Rien de marquant donc dans ce film qui sent l'oeuvre commerciale sans personnalité qui ne veut brouiller ni fâcher personne.

Dans l'édition 2015 du FFCP, je devrais avoir une meilleure opinion de Jin Jang puisqu'on pourra y voir sa comédie romantique Someone special qui a meilleure réputation.


Road to racetrack (Jang Seon-Wu - 1991)

Après avoir été 3 ans amants à Paris, un homme (marié) et son ancienne maîtresse ont bien du mal à retrouver l'alchimie d'antan.

Quel est l'andouille qui a dit "plus c'est long, plus bon" ? :evil:
Un calvaire totalement pénible du début à la fin (2h24 :| ) pour un surplace insupportable de prétention avec des personnages antipathiques. On ne sait d'ailleurs lequel on déteste le plus : l'homme pour être un gros con égoïste qui traite tout le monde comme de la merde ou la femme pour rester avec un mec qui passe son temps à la rabaisser et à l'humilier.
Donc 2h24 de scènes ultra-répétitives qui doivent reproduire 10 fois la même scène (ils s'engueulent à table ou dans une voiture puis se retrouve dans une chambre d'hôtel où le mec essaye de faire l'amour avec la fille qui ne veut pas).

Après la démarche du film est loin d'être idiote dans son dispositif et la parabole qu'il fait du Corée (alors tout juste sorti des années de dictature) : Les conversations se répètent autant pour montrer la stagnation du "couple" que pour évoquer un pays qui s'enlise et ne parvient pas à trouver un nouveau départ. D'ailleurs les personnages parlent souvent dans des bars vides, des ruelles désertes (nocturnes) ou dans des voitures à l'arrêt. A l'inverse, quand ils commencent à retrouver une intimité, ils se déplacent en transport en commun ou marche, en pleine journée, dans des avenues plus animées.
Sauf qu'un concept ne fait pas un film.
Au bout de 30 minutes, j'avais compris où le cinéaste voulait en venir et qu'il avait déjà fait le tour de la question. D'où une certaine envie de ma barrer de la séance.

C'est étonnant car je garde un bon souvenir de Fantasmes, l'avant dernier film de Jang Seon-Wu qui était pourtant très proche de ce Road to racetrack.

Cet émule de Nous de vieillirons pas ensemble (l'affiliation est évidente) est cependant un film important en Corée, y compris pour sa crudité et l'influence qu'il a eu sur Hong Sang-soo ; les amateurs de ce dernier pourront se faire leur propre opinion grâce à la KOFIC qui a mis en ligne le film sur leur page youtube.


PS : est-ce que les modérateurs peuvent renommer le topic en "cinéma coréen contemporain" ? :oops:
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par Jericho »

Kundo

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Vers la deuxième moitié du 19ème siècle, durant la dynastie Joseon, l'accumulation des catastrophes naturelles, provoquent la mort du peuple coréen, en raison de la famine et des épidémies. Peu encline à s'en émouvoir, la noblesse veut compenser les pertes des récoltes en exploitant davantage la population. Cette dernière s'insurge face à cette tyrannie, et fomente des groupes et des clans de rebelles, afin de lutter contre ses injustices.
Pour résumer et caricaturer un chouïa, Kundo est une sorte de Robin des Bois à la sauce asiatique, intégrant certains codes (visuels et sonores) du Western spaghetti. Curieux mélange me direz-vous, mais bizarrement, l'amalgame fonctionne à merveille.

Au départ, lors de la longue séquence d'introduction, on fait la connaissance d'un groupe de brigands, qui démontre ses compétences en soumettant certains aristocrates, et en redistribuant les denrées aux pauvres. De son côté, Jo-Yoon, le fils illégitime d'un noble, très préoccupé par le pouvoir, engage Dolmuchi (un boucher issu des castes inférieures) et lui confie une mission consistant à commettre un meurtre. Grosso modo, ça ne tourne pas comme prévu, le noble, excédé par son échec, ordonne à ses hommes de tuer la famille du boucher et condamne à mort ce dernier. Il est néanmoins sauvé in-extremis par les rebelles dont on a fait la connaissance en tout début de film. Il fini pour être recruté par ses sauveurs, c'est alors qu'une quête vengeresse se met en place dans l'esprit du protagoniste principal.

Découpée en chapitres, la structure du scénario est quelque peu étrange en terme de proportion, puisqu'il y a une bonne heure d'exposition. Et cette heure est essentiellement axée sur le personnage central, ainsi que son antagoniste. Paradoxalement, ça ne m'a pas dérangé, vu que c'est bien écrit et utile. En parlant de ça, le méchant de l'histoire est bien caractérisé, on apprend pas mal de choses sur son passé, nous expliquant en parti pourquoi il a tant de haine en lui. L'acteur qui l'incarne est parfait, tout comme l'ensemble du casting d'ailleurs. Ils sont tous bons, en plus d'être, pour la plupart d'entre eux, charismatiques.

Sur les 2h15 de ce long-métrage, et malgré mes appréhensions, je ne me suis aucunement ennuyé. C'est suffisamment rythmé au niveau des péripéties pour éviter cet écueil, tout en étant posé lorsqu'il s'agit de faire avancer, évoluer le récit. On peut toutefois regretter la mise en retrait de certaines personnalités du groupe de brigands, alors qu'elles ont un fort potentiel.

Pour ce qui est de la réalisation, c'est de la belle ouvrage. Le jeune cinéaste Yoon Jong-Bin tourne de façon élégante et efficace. Alliant modernité et orientation old school. De plus, la photographie est très belle, elle met en valeur des décors divers et variés, ainsi que les scènes se déroulant de nuit.
Kundo constitue une excellente surprise à mes yeux, c'est un divertissement de grande qualité, qui aurait mérité un meilleur sort en France. Je veux dire, en terme de distribution: une sortie dans les salles de cinéma, et non directement sur le marché vidéo.

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bruce randylan
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Jericho a écrit :Kundo
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Oui, pas grand chose à rajouter à ça : une bien bonne surprise dont l'univers et les personnages fonctionnent parfaitement. Il y a quelques passages vraiment très drôles et les chorégraphies sont vraiment de qualité.
Et en effet, ce film aurait clairement mérité une sortie salle mais faut pas se leurrer ça aurait été un gros bide. :cry:


Sinon, le FFCP a commencé mardi soir avec The Veteran, le dernier film du toujours sympathique Ryoo Seung-wan pour une soirée d'ouverture idéale. La première demi-heure est totalement démente avec rythme étourdissant qui mélange gag hilarant, des combats millimétré et une mise en scène enlevé. La suite vire ensuite dans une partie plus dramatique s'attaquant au capitalisme et la corruption avec des méchants trop caricaturaux et des passages qui ne donnent plus vraiment de rire. Quelques baisses de régime donc avant de repartir de nouveau vers un final on ne peut plus enthousiasmant. Un excellent moment qui a quand même fait 13 millions d'entrée en Corée. Je reviendrais dessus dans quelques jours.



Miryang arirang (Park Bae-il - 2013)
Dans ce documentaire militant et engagé, le cinéaste traite du village de Miryang qui est devenu le symbole d'une lutte contre une loi qui autorise l'expropriations de terres agricoles pour construire des centrales électriques ou de gigantesques pylône. Park filme donc les différentes manifestations des paysans spoliés de leur terres dans un combat cependant perdu d'avance où plus de 3200 policiers furent envoyer pour étouffer une dizaine d'habitants dont beaucoup de personnes âgées !
Malgré des scènes assez dures sur les manifestants malmenés par les forces de l'ordre, ce qui étonne c'est la bonne humeur qu'essaye de garder les paysans. "il faut lutter avec le sourire" dit l'une d'elle et ça donne quelques moments chaleureux comme de vieilles dames chantant qu'il s'agit "du meilleur âge pour manifester".
Par contre la réalisation est moins marquante avec son image DV assez laide (malgré 3-4 beaux plans de nature) et un montage qui aurait mérité d'être plus resserré (quelques interviews hors sujet, des passages répétitifs).

Alive (Park Jung-bum - 2014)
Un début d'édition décidément très social avec ce drame de 2h44 qui suit le quotidien d'un ouvrier dans la misère qui tente de trouver des petits jobs afin de passer un hivers rude.
C'est plutôt pas mal grâce à d'excellents acteurs et une mise en scène composée essentiellement de longs plans-séquences où la caméra se fait oublier pour mieux nous immerger dans les situations. De ce point de vue, le film est très réussie pour un traitement moins manichéen que prévu. Les différents travailleurs sont loin d'être solidaires : certains n'hésitant pas à fuir avec le salaire de l'équipe ou à faire recruter des amis avec pour but de remplacer les salariés historique.
Par contre, on ne peut pas dire que ça méritait un film de cette durée !! Une heure de moins aurait largement suffit. Là, on finit un peu par se désintéresser des personnages d'autant qu'il y a des trous curieux dans l'histoire quand on se retrouve à Séoul. Et puis, le film social où les héros doivent en plus s'accommoder de proches aliénés et autistes commencent à devenir un vilain cliché fatiguant.
Dommage, ça aurait pu donner une œuvre forte.

Alice in earnestland (Ann Gooc-jin - 2014)
Un premier film vraiment atypique dans cette comédie dramatique à l'humour noir et corrosif. l'Alice en question se nomme Sun-nam qui séqueste une psychologue pour lui raconter son histoire : comment elle doit se démener à multiplier les petits jobs pour s'occuper de son mari sourd, ayant sombré dans la dépression après avoir perdu 3 doigts dans son usine.

La première moitié est étonnante avec une réalisation vive et colorée pour un sujet qui ne l'est absolument pas, pour un humour assez grinçant et décalé qui laisse la place à d'autres passages poignant ou qui diffusent un réel malaise.
Après, l'histoire, tout en demeurant imprévisible, s'égare longuement dans cette sous-intrigue de quartier à réhabiliter où le scénario n'avance quasiment plus. Elle redémarre quand son héroïne commence à virer dans la folie et à devenir vraiment inquiétante pour quelques situations dérangeantes qu'elle subit (le sous-sol de la laverie :o ) ou fait subir.
Le réalisateur va mine de rien assez loin dans sa logique et le résultat risque de faire grincer quelques sièges et dents, à peine compenser par sa mise en scène enlevée qui ne manque pas d'idée, de style ou de loufoquerie (la maîtrise du jeter de cartes ou de journaux :mrgreen: ).
Plutôt attachant même si ça aurait surtout dû être un excellent moyen-métrage.

Ca donne envie de suivre ce jeune cinéaste en tout cas.
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Whatcha Wearin' (Byun Sung-Hyun - 2012)

Un trentenaire qui n'arrive pas à se remettre d'une rupture amoureuse reçoit un jour un appel téléphonique inconnue qui lui propose un jeu érotique au téléphone. Une fois finie, sa correspondante réalise qu'elle s'est trompée d'un chiffre et n'a pas appelé son fiancé qui tarde qui ne l'a toujours pas demandé en mariage après 5 ans de relation.

Réalisé la même année que The beat goes on (découvert il y a 2 ans au FFCP) signe là une irrésistible comédie romantique qui demeure tout ce qu'il y a de prévisible mais qui ne manque heureusement pas de surprises et de piquant (la conversation du début très salace rappelle celle de Girl's night out de Im Sang-soo d'ailleurs).
Le ton y est plus cru et un peu moins nunuche que d'habitude à l'image que la "rencontre" entre les deux protagonistes.
Avec sa réalisation vive, ses acteurs très attachants et un humour qui tombe souvent juste, il ne faut pas longtemps pour s'amouracher de ce film sans prétention. Le dosage entre la romance, l'émotion, le glamour et l'humour loufoque est toujours bien gérés et les deux heures passent plutôt bien mais si les péripéties du dernier tiers sont les plus balisés et conventionnels (on échappe pas à la course du héros masculin pour empêcher un mariage). L'épilogue aurait ainsi mérité d'être raccourci car il ne s'y déroule rien de vraiment neuf sauf à retarder une nouvelle fois les retrouvailles.
Ça fonctionne tout de même car le cinéaste aime chaque personnage et l'absence de cynisme se sent fortement. On a presque l'impression que c'est lui qui n'a pas envie de conclure son histoire.
En tout cas sa réalisation est souvent de qualité et il y a quelques moments très bien mises en scènes comme certaines conversations téléphoniques où les 2 héros se retrouvent dans le même espace.
Sinon la chanson anti-cliché est excellente et Ah-Jung Kim est quand même super craquante :oops:

Etonnant que le cinéaste n'ai rien tourné depuis.
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Cart (Boo Ji-Young - 2014)

Un autre film social basée sur une histoire vraie qui relate la longue grève d'un personnel essentiellement féminin d'un supermarché suite à un licenciement abusif de tout son personnel intérimaire.
Celui-ci est notable pour être bien plus militant que la moyenne et surtout pour s'intéresser fortement à la condition des femmes. La réalisation est signée d'ailleurs par une femme (bien marquée à gauche), ce qui ressent d'ailleurs avec des portraits juste et humains sans non plus tendre vers le féminisme pour autant, c'est surtout la désaffection de leur maris qui surprend (il sont totalement absent du récit, ce qui est loin d'être anodin vu la société coréenne).
La cinéaste filme avant tout des travailleuses privées de leur droit par une compagnie qui n'a aucun égard pour ses employées. "C'est incroyable qu'on ne puisse pas virer n'importe qui. Ce ne sont que de femmes en plus" déclare le directeur du supermarché à son avocat alors que le conflit commence à peine.
Malgré un écriture qui sent le recentrage commercial avec quelques passages un peu trop facilement mélodramatique et didactique (le fils de l'héroïne honteux de la pauvreté qui méprise sa mère avant qu'elle ne l'aide à récupérer sa paye de job d'étudiant bloqué par un petit patron escroc), Cart demeure un très joli film poignant, chaleureux, révoltant et émouvant. La tendresse de la cinéaste pour ses personnages est évident, le casting est vraiment de qualité et cette histoire de solidarité donne lieu à quelques très jolies scènes où ces collègues qui s'ignoraient apprennent à se connaître dans le sourire et l'entraide (jouant par exemple une petite pièce de théâtre parodique résumant leur quotidien humiliant).
Ca n'a pas l'intelligence d'un Norma Rae mais cette lutte pour leur respects et leur droits qui évitent le misérabilisme mérite qu'on s'y penche d'autant que le simple fait que le film existe soit salutaire.




The shamless (Oh Seung-uk - 2014)

Un policier se fait passer pour un ancien détenu auprès d'une prostituée entre deux âges pour retrouver son ancien amant, un tueur en cavale .

Présent à Un Certain Regard cette année, ce drame est loin de convaincre malgré son approche élégante dont les partis-pris audacieux se retourne contre lui à savoir une mise en scène peu informative et explicative. On est ainsi plongé directement dans le récit qui débute quelques minutes après le meurtre sans qu'on nous présente les personnages, leur passé ou leur motivation. Tout le film demeure assez évasif et elliptique. Le problème, c'est qu'il faut énormément de temps pour rentrer dans l'histoire et se passionner pour les personnages qui ont aussi la particularité d'être plus ambigu que la moyenne, là encore un traitement à double tranchant tant le policier est obscure et antipathique par exemple.
Pendant donc un peu plus d'une heure, on suit ça de loin avec un ennui poli plus ou moins somnolant (il se passe pas grand chose quoi). Puis une fois que les éléments se mettent en place, une certaine intensité dramatique se met doucement en place alors que le policier commence à éprouver des sentiments pour la femme qu'il surveille mais qu'il doit manipuler tandis que celle-ci ne tarde pas non plus à hésiter entre fuir avec son ancien amant ou tenter une nouvelle vie avec cet homme sorti de nulle part. Ca donne même 20-30 minutes assez émouvantes, toujours dans la sobriété et la retenue avant qu'un ultime acte n'évite pas la surenchère (tout en restant dans son style). C'est surtout le personnage féminin, et son actrice, qui offrent ce lyrisme désespéré qui sauve in extremis ce joli écrin un peu creux.

Pas aussi raté qu'on avait pu me le dire au moment de reprise cannoise mais trop frustrant. Et dire que le cinéaste sortait d'une pause de 14 ans pour signer cette deuxième réalisation !
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Hop, voici ma critique complète de The Veteran de Ryoo Seung-wan :wink:
http://eastasia.fr/2015/10/31/veteran-d ... ffcp-2015/


How to use guys with secret tips (Lee Won-seok - 2012)

Bona est une timide et effacée seconde assistante-réalisatrice dans une agence de publicité qui demeure invisible aux yeux de ses collègues. Oubliée après un tournage, elle tombe par hasard sur un stand de vente de VHS et y achète une collection nommée "Quelques astuces pour utiliser les hommes à bon escient".

Voilà une excellente comédie romantique fraîche, enlevée et rythmée avec un scénario lui aussi très loufoque avec sa galerie de personnages gentiment barrées (le réalisateur et ses 3 accords de guitare :mrgreen: ), son humour absurde délirant (les vidéos explicatives très 80's), un "idéal" masculin bien crétin quand même et son héroïne trop choupinette :D .

La cadence est vraiment bien soutenue, la mise en scène est bourrée d'idée et de situations vraiment très drôles et toute la salle explosait régulièrement de rire (moi le premier). Ah cette longue séquence sur le héros masculin qui se retrouve à poil sur le balcon avant de devoir reprendre sa voiture dans la même tenue. :lol:
Le réalisateur qui signe là un premier film délicieusement pop vient du milieu de la pub et s'amuse à parodier malicieusement cette univers fait d'égo et de concept ringard. Celà dit, même si ce film demeure une comédie hilarante, le propros en arrière fond est tout de même plus amer puisque l'héroïne est tout de même contrainte de corrompre sa nature et sa personnalité pour évoluer dans le milieu. Chose plutôt rare dans le genre.

Avec son scénario à base de conseil façon "film institutionnel", le film échappe à beaucoup de clichés mais ne parvient pas à tous les contourner (on échappe pas au passage où le couple se sépare sur un mal-entendu alors qu'il était sur le point de véritablement se former).
Un gros coup de coeur que ce titre ci qui est par ailleurs sorti en DVD en Angleterre chez Third Window (ne vous arrêtez pas au visuel pas très vendeur)
http://www.amazon.co.uk/How-Use-Guys-Se ... o+use+guys
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par Anorya »

bruce randylan a écrit :

How to use guys with secret tips (Lee Won-seok - 2012)
Je plussoie ! Une bien chouette surprise découverte pour ma part au NIFFF il y a deux ans. :D
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