Et je reprends mon avis sur L'oie sauvage (1953)Bio express :
Bio express : Shirô Toyoda est né à Kyôto en 1905. En 1924, il entre aux studios de la Shôchiku à Kamata où il travaille dans l’équipe du réalisateur Yasujirô Shimazu. A 23 ans, il est déjà considéré comme un réalisateur. Il se spécialise dans l’adaptation au cinéma d’œuvres littéraires et devient l’un des réalisateurs majeurs de la Tôhô notamment, au côté de Naruse et Kurosawa. Cette passion pour la littérature remonte à son enfance : de constitution fragile (il souffrait de tuberculose osseuse), il passait de longues journées alité, se plongeant dans la lecture de romans et de pièces de théâtre.
Sa première adaptation d’une œuvre littéraire est Une jeune fille, film tourné en 1937 d’après le best seller de Yojirô Ishizaka. Les œuvres des plus grands écrivains japonais seront pour lui une source d’inspiration constante : Pays de neige de Kawabata, Un chat, Shôzô et deux femmes de Tanizaki, La route dans la nuit noire de Naoya Shiga…
Dans les années trente, alors que le cinéma japonais est encore à ses débuts, on considère comme une aventure ambitieuse l’adaptation des œuvres littéraires et Shiro Toyoda est réputé pour être l’un de ces réalisateurs d’avant garde qui a multiplié les tentatives. Dans la première moitié des années quarante, il tourne plusieurs films, participant à l’effort de guerre, pour, après la défaite, réaliser au contraire des films à la gloire de la démocratie, dont beaucoup seront des échecs à la fois sur le plan artistique et commercial.
C’est alors que dans les années cinquante, il redevient un réalisateur réputé, spécialiste des adaptations littéraires. L’oie sauvage, Le Chalumeau, Un couple bien comme il faut ou encore Le Chat, Shozo et ses deux maîtresses, surtout, sont des chef-d’œuvres. Mais à cette époque, adapter des œuvres littéraires n’est déjà plus un exploit et Toyoda n’est plus considéré comme un réalisateur d’avant garde, mais plutôt comme un vétéran qui réalise, à partir d’œuvres littéraires reconnues, des films de grande qualité artistique. A la fin des années cinquante, Cheminement dans les ténèbres ou Histoire singulière à l’est du fleuve ne sont rien de plus que des adaptations populaires avec des acteurs vedettes des meilleurs romans de la littérature contemporaine japonaise.
Il a adapté beaucoup de romans célèbres sans pour autant, comme Mikio Naruse avec Fumiko Hayashi ou Akira Kurosawa avec Shuguro Yamamoto, s’attacher à un auteur particulier. Il passe de l’un à l’autre, en adaptant pour chaque auteur son roman le plus représentatif. Il s’en dégage cependant une unité : ce sont toujours des histoires où l’homme est faible et la femme forte.
Toyoda et les femmes :
Toyoda et les femmes : Une enfance fragile dans une famille riche lui donne la possibilité de se consacrer entièrement au plaisir de la littérature et du théâtre sans passer par l’université, avant d’entrer aux studios de la Shochiku à Kamata. Sa mère l’accompagne alors à Tokyo où elle s’occupe de lui, lui interdisant de fréquenter des femmes, et c’est Yasujiro Shimazu qui le poussera à partir avant de faire découvrir la vie à Toyoda, en l’emmenant faire la tournée des bars la nuit afin de mieux connaître les femmes. Car jusque dans les années trente, on considère en effet que c’est là le passage obligé pour devenir un artiste.
Néanmoins, les femmes qu’il décrit sont beaucoup plus maternelles qu’érotiques. De plus, le réalisateur a une vision romantique de la mère, d’autant plus magnifiée que les hommes qui sont en face d’elle sont incarnés par des acteurs de style nimaime, issu de la tradition du Kabuki. Ils sont beaux, faibles, aimés des femmes, mais non ni la force ni la volonté de sauver ces femmes du malheur. D’ailleurs, la tradition veut que celles-ci se consacrent entièrement à eux.
Les acteurs qui ont interprété des rôles typiques de nimaime sont Hiroshi Akutagawa (Les oies sauvages, Un conte étrange de l’est de la rivère Sumida) et Ryo Ikebe (Pays de neige). Quant à Hisaya Morishige, déjà cité, il a su interpréter en leur donnant toute leur ampleur les qualités du nimaime, en les dramatisant à l’extrême. Ces acteurs ont trouvé en face d’eux de remarquables actrices outre Chikage Awashima et Hideo Takamine, telles que Keiko Kishi dans Pays de neige ou Fujiko Yamamoto dans Histoire singulière à l’est du fleuve.
Un titre qui me laisse dubitatif.
Comme souvent, l'aspect purement plastique est régulièrement époustouflant avec un noir et blanc magnifique qui devient sublime dans les scènes finales noyées dans le brouillard. Le décor est également épatant même si discret avec un Takeo Kimura qui aligna 3 plateaux ensemble pour reconstituer une longue ruelle. Même chose aussi pour le charme juvénile et timide de Hideko Takamine (décédée récemment).
Mais le gros problème vient de l'histoire et du rythme qui pourrait tenir en 1 heure : une veuve devient la maitresse d'un usurier mais tombe amoureux d'un étudiant en médecine. Le scénario ne va pas plus loin que ça, ne développe aucune autre sous-intrigue et n'aborde aucun autre thème. C'est juste un film qui prend bien trop son temps pour des scènes très répétitives (les étudiants qui chantent, les deux amoureux se croisant dans la rue, la servante devant sortir pendant que l'usurier visite sa maitresse, l'épouse délaissée de l'usurier qui se plaint etc...). La lourdeur de la mise en scène est en plus appuyée par de long silence qui n'apporte rien de plus aux sentiments ou à l'émotion que transmettent déjà les acteurs et les images.
C'est donc rapidement ennuyeux même si quelques moments amusants ou touchants viennent vraiment nous faire regretter que la durée joue à ce point contre la qualité esthétique.
Shiro Toyoda aura droit à près d'une demi-douzaine d'œuvres dans la prochaine rétro Toho. Je croise les doigts pour qu'ils soient plus dégraissés tant en restant à ce niveau visuel.
et place au nouveauté !
Pays de neige (1957)
Shiro Toyoda, féru de littérature, se spécialisa justement dans l'adaptation des classiques japonais. D'où des œuvres souvent ambitieuses qui l'ont imposé comme un cinéaste majeur des années 20 au années 60.
Pourtant quand on découvre bon nombre de ses films aujourd'hui, on est surtout frappé par l'académisme et l'ennui froid de la mise en scène. Du travail bien fait mais sans âme qui peine à passionner.
Ce pays de neige est typique de ce ressenti.
A la base un roman de Yasunari Kawabata, prix nobel de littérature et au final un supplice interminable de 2h1.
Alors oui, visuellement, le film est plastiquement très beau : photo magnifique, décor soignée, cadrage léché, mouvements de caméra, tournage en extérieur sous la neige pour des paysages magnifiques... Mais au delà de ça, il y a une histoire tout bonnement irritante avec une psychologie jamais crédible que le jeu horripilant des acteurs (surtout l'actrice) . C'est simple, au bout de 15 minutes j'avais déjà abdiqué à essayer de suivre l'histoire tant celle-ci tourne en rond et impose une romance à la sauce "je t'aime moi, non plus".
2h15 de scènes qui ne cessent de se répéter, de se décliner, de tourner en rond sans que jamais les personnages ou leur psychologie évoluent. Il n'y a en plus aucune finesse dans le jeu des acteurs : Keiko Kishi passe son temps à parler avec la voix d'une adolescente prè-pubère ou pousser des cris strident et Ryô Ikebe est l'incarnation même du "you know what i'm happy".
Kishi m'insupportait tellement que durant la dernière demi-heure, je passais mon temps à prier pour que son personnage meure le plus vite possible :
- pourvu qu'elle brûle dans l'incendie
- pourvu qu'elle se jette sous le train
- Pourvu qu'elle meure de froid
- Pourvu que le chien, qui passe, là, dans le fond, vienne la bouffer.
Même la mise en scène qui avait su se montrer alléchante dans l'ouverture (les reflets dans les glaces) semblent à côté de la plaque et multiplie les long-plans ou les mouvements de caméra (parfois hasardeux) sans justification autre le "joli".
Bref, l'exemple typique du film "à oscar" (ou pour festival) qui cherche à démontrer à chaque instant son statut auto-proclamé de chef d'œuvre prestigieux avec un étalage de moyen et de numéro d'acteur écœurants.
Toyoda en oublie l'essentiel : l'identification du spectateur, le réalisme des sentiments et l'émotion (sans parler du rythme et de la cohérence)