Le concept d'auteur : une malédiction ?

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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G.T.O
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Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par G.T.O »

Juste une question qui me taraude et qui anime le débat depuis un certain temps. Que pensez du phénomène de redite ou d'absence de nouveauté chez un auteur ?
Un auteur n'est-il pas condamné à refaire toujours et encore le même "film" ? Et si oui, est-ce que le phénomène de déception est-il, selon vous, un inconvénient ou une qualité qui serait de l'ordre d'un approfondissement de l'oeuvre connue ? À partir de quel moment, un cinéaste devient-il chiant, inintéressant pour et à cause des mêmes raisons qui vont ont conduit à l'aimer autrefois ?

Si cela n'est pas clair, pensez aux derniers films d'auteur comme ceux de Tim Burton, David lynch, Steven Spielberg, Terrence Malick, Michael Mann, Dario Argento, Wes Anderson, Quentin Tarantino....etc La liste est longue.

j'espère que ce sujet ne soit pas un flop. :mrgreen:
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Jeremy Fox
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par Jeremy Fox »

Quand l'univers d'un auteur me plait, jusqu'à présent, il me semble ne m'en être jamais lassé. L'exemple le plus flagrant est Woody Allen malgré son opus annuel et même si tous ses films sont loin d'être du même niveau. Je pense également que si Malick continue dans la veine de Tree of Life (puisque le topic vient de là je pense et son nouveau film me fait à nouveau grandement saliver) ou si Tarantino continue sur sa lancée, j'en serais plus ravi que s'ils se mettaient à changer de style, de ton ou d'univers. Bref, dans l'ensemble, j'aime qu'un cinéaste garde l'univers qui m'a séduit au départ.
Borislehachoir
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par Borislehachoir »

Ta question est totalement biaisée : " que pensez-vous de l'absence de nouveauté " ? Ben forcément du mal. Personne ne peut sereinement répondre qu'il a envie de voir tout le temps la même chose.

En revanche, parmi les cinéastes que tu cites, il y en a peu ( je dirais surtout Burton ; je n'ai pas vu les derniers Argento ) qui me semblent souffrir du syndrome que tu décris. Tarantino a enfin réalisé son film de guerre spaghetti avec un Inglourious Basterds quand même loin de Jackie Brown, Michael Mann travaille le numérique depuis quelques films et a eu l'occasion dans Miami Vice et Public Enemies de modifier son approche narrative ( d'ou la déception de certains spectateurs ), le dernier Malick a radicalisé son style... J'avoue qu'en revanche les derniers Van Sant par exemple m'ont beaucoup déplu dans leur complaisance auteurisante. Après il y a aussi des cinéastes que je n'aimais pas dès le début et qui me semblent en plus faire du surplace ( Inarritu, Loach ).

Après, des cinéastes comme Rohmer ont travaillé les mêmes motifs durant toute leur carrière sans qu'on leur reproche. Pensons aussi aux mélodrames de Sirk, aux films d'Ozu ou aux western de Mann ou de Boetticher qu'on pourrait accuser de répéter à sainteté les mêmes univers. Toujours est-il que je trouve chez ces cinéastes là suffisamment de variations ( par exemple dans Decision at sundown le personnage de Randolph Scott est beaucoup plus négatif ; le personnage féminin de l’Appât est inédit, etc. ) pour que j'y trouve un intérêt allant au-delà du simple plaisir de retrouver un cinéaste que j'aime. Au contraire le dernier Batman m'a semblé ne rien apporter de plus que le précédent ; non pas qu'il soit dénué de qualités mais simplement que l'effet de surprise ne joue absolument plus.

Reste que globalement, je préfère les cinéastes qui cassent leurs habitudes à ceux travaillant sans cesse les mêmes formes. Kitano ou Scorsese essayent quelque chose de différent à chaque film, quitte à se mettre à dos une partie de leur public ( voir les critiques reprochant à Outrage l'absence de l'humour grotesque qui caractérisait Sonatine par exemple ) et faute d'apprécier systématiquement le résultat je respecte le courage des cinéastes. Dans le cas contraire, j'ai parfois l'impression qu'on réduit une personnalité de cinéaste à son style et qu'à encourager l'artiste à rester dans son univers tellement maîtrisé on tue sa créativité.
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cinephage
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par cinephage »

Il existe un paradoxe, au sein de la cinéphilie contemporaine, qui consiste d'une part, à encourager l'originalité et le caractère personnel d'un film, d'autre part, à une vive lassitude face à une répétition des motifs. Autrement dit, le cinéaste devrait trouver une voix qui lui soit propre, mais aussi en changer tous les deux ou trois films...

Or, pour moi, l'originalité d'un cinéaste n'est pas celle de ses films entre eux, mais celle du cinéaste comparé aux autres cinéastes. Pour moi, un auteur m'apparait tel lorsque je me dis qu'un film traité par lui serait différent à s'il était traité par un autre. Et, donc, un auteur qui a un style très affirmé fera des films qui se ressemblent forcément au moins un peu. Et il me semble que, passé l'enthousiasme de la nouveauté, on reproche à ces cinéastes de se répéter, alors qu'ils ne répètent (pour certains, du moins), que ce qui leur est personnel.

Après, un film peut être bon ou pas, mais il est souvent jaugé à l'aune de son démarquage de ce que le spectateur connait, et il reprochera vite à un cinéaste de ressasser...

Burton me parait un bon exemple : ce dernier passant d'un opéra violent et sanglant, dans un cadre Londonien des années folles, à une adaptation de film pour enfants qui reluque du coté de la Fantasy, ou encore à l'adaptation pop d'une série comique des années 70, on pourrait penser qu'il change vraiment d'un film à l'autre. Mais sa patte, essentiellement graphique, est si marquée, si voyante, qu'on lui reprochera avant tout la parenté de ces différents films, et on lui reproche sa répétition. "Burton fait du Burton"
A mon sens, qu'on aime ou non ses derniers films, c'est vraiment pour moi un faux procès que de lui reprocher son style très marqué, qui, justement, était ce qu'on aimait avant tout à ses débuts.

Un auteur est un créateur d'univers, et j'attends de ce dernier qu'il explore son univers. Et si je ne m'étonne pas qu'un bouquin de Proust ressemble à du Proust, qu'un tableau de Manet ressemble à du Manet, je trouve aussi logique qu'un cinéaste fasse des film qui se ressemblent. Ca n'empêche en rien que ceux-ci soient bons malgré cela.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par Borislehachoir »

A mon sens, qu'on aime ou non ses derniers films, c'est vraiment pour moi un faux procès que de lui reprocher son style très marqué, qui, justement, était ce qu'on aimait avant tout à ses débuts.
Je pense que si tout le monde n'aimait que ( ou l'aimait essentiellement pour ) son style si marqué, Ed Wood, son film le plus épuré, ne serait pas le favori d'une bonne partie des classikiens.
C'est un exemple parfait de ce que je disais concernant l'assimilation d'une personnalité à un style.
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par Blue »

Borislehachoir a écrit :aux films d'Ozu
Ses derniers films se ressemblent tellement que je n'ai plus aucun souvenir des particularités de chacun. Même histoire, mêmes acteurs (Chishu Ryu, Setsuko Hara, etc), même style de mise en scène, pratiquement le même titre (Printemps Précoce ou Automne Tardif, j'en sais rien), parfois même un plan qui se répète (celui du train qui passe).
Par contre je garde un souvenir très fort de "Gosses de Tokyo" par exemple.
Bref, je préfère Mizoguchi.
Mon top éditeurs : 1/Carlotta 2/Gaumont 3/Studiocanal 4/Le Chat 5/Potemkine 6/Pathé 7/L'Atelier 8/Esc 9/Elephant 10/Rimini 11/Coin De Mire 12/Spectrum 13/Wildside 14/La Rabbia-Jokers 15/Sidonis 16/Artus 17/BQHL 18/Bach
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Jeremy Fox
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par Jeremy Fox »

Blue a écrit :
Borislehachoir a écrit :aux films d'Ozu
Ses derniers films se ressemblent tellement que je n'ai plus aucun souvenir des particularités de chacun. Même histoire, mêmes acteurs (Chishu Ryu, Setsuko Hara, etc), même style de mise en scène, pratiquement le même titre (Printemps Précoce ou Automne Tardif, j'en sais rien), parfois même un plan qui se répète (celui du train qui passe).
Pareil ; mais ça ne m'empêche pas de prendre autant de plaisir à chaque vision d'un de ses films. Ca me fait replonger à chaque fois dans un univers qui me touche même si je mélange chacun de ses films.
Alors que j'arrive bien plus facilement à différencier les films de Mizoguchi, ce n'est pas pour ça qu'ils m'interpellent.
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cinephage
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par cinephage »

Borislehachoir a écrit :
A mon sens, qu'on aime ou non ses derniers films, c'est vraiment pour moi un faux procès que de lui reprocher son style très marqué, qui, justement, était ce qu'on aimait avant tout à ses débuts.
Je pense que si tout le monde n'aimait que ( ou l'aimait essentiellement pour ) son style si marqué, Ed Wood, son film le plus épuré, ne serait pas le favori d'une bonne partie des classikiens.
C'est un exemple parfait de ce que je disais concernant l'assimilation d'une personnalité à un style.
Voila, je pense que la perception du style "pollue" les réactions au film d'un cinéaste identifiable visuellement... La répétition est un reproche très fréquent, alors que je ne trouve pas tellement que Sweeney Todd et Alice se ressemblent. Chacun de ces films a des qualités et des défauts propres, mais on a tendance à les occulter pour rejeter un style "répétitif".
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par homerwell »

Oui mais quand on n'aime pas un style, le fait qu'il soit répétitif ne peut pas arranger les choses concernant l'auteur.
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Jeremy Fox
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par Jeremy Fox »

homerwell a écrit :Oui mais quand on n'aime pas un style, le fait qu'il soit répétitif ne peut pas arranger les choses concernant l'auteur.
La Palisse ? :mrgreen:
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par AtCloseRange »

cinephage a écrit :
Borislehachoir a écrit : Je pense que si tout le monde n'aimait que ( ou l'aimait essentiellement pour ) son style si marqué, Ed Wood, son film le plus épuré, ne serait pas le favori d'une bonne partie des classikiens.
C'est un exemple parfait de ce que je disais concernant l'assimilation d'une personnalité à un style.
Voila, je pense que la perception du style "pollue" les réactions au film d'un cinéaste identifiable visuellement... La répétition est un reproche très fréquent, alors que je ne trouve pas tellement que Sweeney Todd et Alice se ressemblent. Chacun de ces films a des qualités et des défauts propres, mais on a tendance à les occulter pour rejeter un style "répétitif".
On ne reproche pas à Burton d'être répétitif (il ne l'était pas moins avant de faire des films anodins).
Je ne pense pas que le concept d'auteur soit une malédiction. Ce qu'on aime chez auteur, c'est justement ce qu'il est profondément au fond de lui. On attend donc des films qu'ils continuent à lui ressembler (ce qui est différent de SE ressembler).
Le problème, c'est surtout que pas mal d'auteurs s'installent avec le temps dans un confort à la fois matériel et esthétique qui est en contradiction avec leur position initiale dans le système. On peut le comprendre d'un point de vue personnel mais c'est souvent au prix d'un déclin cinématographique et les cas Scorsese et Burton sont les premiers qui me viennent à l'esprit.
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par homerwell »

Jeremy Fox a écrit :
homerwell a écrit :Oui mais quand on n'aime pas un style, le fait qu'il soit répétitif ne peut pas arranger les choses concernant l'auteur.
La Palisse ? :mrgreen:
:lol: Toujours bon à rappeler, histoire de ne pas oublier l'essentiel. :D
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par cinephage »

En même temps, je ne vois pas comment un cinéaste qui a connu le succès pourrait continuer à fonctionner comme un marginal... S'il s'imposait des restrictions tout seul, par principe, ça n'aurait pas beaucoup de sens. Ca relèverait de la posture, ce serait ridicule. Et un cinéaste de 50 ou 60 ans qui a 15 films derrière lui se sent forcément moins en danger qu'un jeune cinéaste.

Cela dit, je trouve, contrairement à toi, que ni Scorsese ni Burton ne tournent dans le confort. Scorsese pourrait continuer ad nauseam à faire du film de gangster, il préfère tenter un film pour enfants, sur la naissance du cinéma, en 3D... Ce n'est pas vraiment un choix de confort.
De même si Burton tourne beaucoup, il alterne des films de studio très classiques et des choses assez différentes, encore que son succès d'Alice aie changé la donne, et que je ne pense pas qu'il aie encore touché terre depuis (pour des raisons bien compréhensibles)...
A l'inverse, que Woody Allen aie quitté New York pour se régénérer n'a pas vraiment fonctionné : il continue à faire du Woody Allen, dans des conditions proches de ses tournages new-yorkais.
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par AtCloseRange »

cinephage a écrit :En même temps, je ne vois pas comment un cinéaste qui a connu le succès pourrait continuer à fonctionner comme un marginal... S'il s'imposait des restrictions tout seul, par principe, ça n'aurait pas beaucoup de sens. Ca relèverait de la posture, ce serait ridicule. Et un cinéaste de 50 ou 60 ans qui a 15 films derrière lui se sent forcément moins en danger qu'un jeune cinéaste.
le Huston des années 70 et 80, le Hitchcock de la fin des années 50 - début des années 60. Il n'y a pas de fatalité parce qu'on est "installé" de faire un cinéma qui l'est.
Cronenberg quoi qu'on en pense ne fait pas un cinéma installé, Resnais non plus. Tout ça, c'est une question d'état d'esprit.
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Re: Le concept d'auteur : une malédiction ?

Message par Strum »

Si malédiction de l'auteur, il y a, c'est celle du talent. Est distingué comme un "auteur" un cinéaste reconnu par la critique, le public et ses pairs, pour son talent, et en particulier pour le monde cinématographique et les motifs visuels qu'il a créés et qui lui sont propres, qui font qu'on reconnait son monde de film en film. Il ne suffit que de quelques films pour consacrer un auteur. Or, par rapport à d'autres arts, où l'on pardonne plus volontiers à un auteur des oeuvres mineures ou ratées, pourvu que dans le lot on trouve des oeuvres qui le consacrent grand artiste, lesquelles oeuvres seront celles que la critique et le public vont examiner en jetant un voile parfois pudique sur d'autres oeuvres plus mineures, on est parfois plus exigeant avec l'auteur de cinéma - ses films, quand ils sortent aujourd'hui, avec fanfares et trompettes, sont plus visibles ; tous ses films. La critique et le public font ou défont parfois une réputation d'auteur dès qu'un ou deux films déçoit, ou en fonction de l'esprit ou de la mode du temps (avant de changer d'avis peut-être, les années et le recul aidant). Car on exige de l'auteur que chacun de ses films soit aussi bon ou singulier que le précédent - et le cinéphile est souvent complétiste : il veut alors tout voir. On demande donc plus à l'auteur qu'aux autres, car il a déjà donné plus. On veut que le miracle de ses précédentes réussites se répète. On veut croire en lui. On y croit tellement, d'ailleurs, qu'on cherche parfois à tout prix des explications lorsque survient la déception ou alors on condamne l'auteur plus durement comme dans un amour déçu.

Je pense qu'une telle attitude ne peut mener qu'à la déception. Comme tout artiste, l'auteur de cinéma a ses pannes d'inspiration, ses coups de mou, ses périodes plus ou moins intéressantes, ses évolutions stylistiques qui peuvent être liées à des changements de conception du monde au cours de sa carrière. Ce n'est pas l'appelation d'auteur qui soudain en fait un moins bon cinéaste ou un artiste qui en veut moins. Mais il reste humain. C'est un artiste qui suit un parcours, parfois méandreux vu de l'extérieur. A moins de s'appeler Tarkovsky, il est condamné à faire des films de qualité inégale. On peut peut-être parler alors, en forçant les mots, de redite ou de répétition mais ce sont des traits inhérents à son travail, qui ne poseront une difficulté que si ces soit-disantes redites formelles ne servent pas le propos d'un film et n'ont pour objet notamment que de servir de liens de connivence avec le public au détriment de la cohérence interne ou du caractère organique du film.

A cela s'ajoute la nature particulière du cinéma, art autant qu'industrie, qui fait que tel auteur ne pourra pas mener à bien tel projet personnel faute de financement, se rabattra sur un projet plus commercial ou qui l'intéresse moins pour pouvoir continuer à exercer son métier, et sera alors jugé par la critique et/ou le public comme ayant perdu sa singularité d'artiste alors même qu'il n'aura fait parfois que s'adapter aux circonstances. De même, l'accident de parcours ou l'accident industriel (qu'il soit lié ou non à une mésentente avec le studio ou la production) existe.

Bref, je suis pleinement en faveur de la notion d'auteur au cinéma. Je ne crois pas que le label d'auteur protège indûment ou pervertisse un cinéaste. Ce sont des galons durement gagnés, de manière méritée dans la grande majorité des cas, me semble-t-il. Suivre la trajectoire d'un auteur, essayer de comprendre sa cohérence et son évolution, y distinguer des périodes, des changements de style ou de thème éventuels, est pour moi un des grands plaisirs du cinéma. Et j'assume volontiers le fait d'être plus indulgent avec les films d'un auteur par rapport aux films d'un cinéaste lambda. Enfin, je pense qu'il est beaucoup plus facile de parler sereinement et avec recul d'un auteur dont la carrière est terminée, que l'on peut alors embrasser du regard dans son ensemble, que de juger d'un auteur dont la carrière se construit devant soi.

Dans tous les autres arts, le concept d'auteur existe. Je m'étonne toujours qu'il continue à faire débat dans le cinéma.
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