Les Adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Demi-Lune
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Les Adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par Demi-Lune »

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En 1789, à l'aube de la Révolution française, au château de Versailles on continue de vivre dans l'insouciance et la désinvolture, loin du tumulte qui gronde à Paris. Quand la nouvelle de la prise de la Bastille arrive à la Cour, le château se vide, nobles et serviteurs s'enfuient, laissant la famille royale pratiquement seule. Mais Sidonie Laborde, jeune lectrice entièrement dévouée à la Reine, ne veut pas croire les bruits qu'elle entend. Protégée par Marie-Antoinette d'Autriche, rien ne peut lui arriver. Elle ignore que ce sont les trois derniers jours qu'elle vit à ses côtés.

J'en attendais beaucoup à cause du sujet. Et le fait qu'un film soit tourné au sein même du château de Versailles est toujours la promesse d'un enchantement visuel. Alors qu'en est-il au bout du compte ? Pour moi, Les adieux à la Reine est à la fois une déception et une surprise.

Déception parce que le film, durant sa première grosse demi-heure, aligne les figures poseuses qu'on estampillerait "cinéma français" (avec une grosse voix caverneuse) si on était méchant. L'interprétation, personnellement, m'a dans l'ensemble fait froid dans le dos. Je ne suis bien sûr pas juge des bonnes dictions, élocutions et autres phrasés d'usage à la Cour à la fin du XVIIIe siècle ; mais en voulant illustrer l'intemporalité de certains sentiments et rapports psychologiques, par l'approche résolument moderne de personnages historiques saisis dans leur intimité, leurs failles, leurs passions, et non plus dans la solennité de portraits guindés, Jacquot demande à ses actrices/acteurs de jouer "actuel" et de parler avec une spontanéité - iconoclaste ou déplacée selon l'état d'esprit - qui paraît, sinon vulgaire, du moins problématique lorsqu'elle touche jusqu'aux protagonistes des plus hauts rangs. En tout cas je n'ai entendu que ça, particulièrement chez les rôles féminins... cette façon que des tas de jeunes actrices françaises ont de parler sans articuler en tirant la tronche. Y avait personne sur le tournage pour dire à Léa Seydoux qu'elle est à côté de la plaque une fois sur deux ?! Elle interprète la liseuse attitrée de Marie-Antoinette comme si elle était responsable de rayon chez H&M. Bon, je caricature à gros trait, mais la volonté de modernisme sous les ors versaillais se traduit par un vrai parti-pris (enfin, j'espère) concernant le jeu qui fascinera ou rebutera. Voire les deux à la fois, on va le voir. Parti-pris qui trouve également écho dans la mise en scène qui, bien qu'investissant les appartements royaux fastueux, ne cherche pas véritablement l'esthétisation mais plus le vérisme : les scènes à la bougie sont bien plus crépusculaires et tristes que les référents kubrickiens, la caméra est la plupart du temps mobile, souvent placée à hauteur d'épaule d'un personnage avançant de dos, à la manière d'Aronofsky. Ce point de vue intrusif m'a plus intéressé que réellement passionné, je dois dire. La reconstitution de la panique dans le château, durant cette première partie, notamment, donnant en effet plus lieu à des travellings zigzaguant du plus mauvais effet et à des attitudes hébétées involontairement amusantes qu'au vrai climat d'oppression quasi apocalyptique que Jacquot souhaite manifestement instiller aux images. D'ailleurs le vérisme a ses limites : un pauvre rat crevé flottant sur le Canal ou l'ascétisme des chambres du personnel, ça fait encore très édulcoré par rapport à la réalité sanitaire de la Cour à cette époque. Au passage, c'est un détail mais ça m'a fait marrer de voir le pauvre cache tout mal fait dissimulant dans un plan l'encadrement parfaitement visible, dans un mur, d'un interrupteur.
Bref, des choix discutables, des maladresses et des limites budgétaires qui se ressentent, notamment sur le nombre faiblard de figurants.

Le film reste pour autant une surprise car il réussit là où j'avais le plus de craintes. Marie-Antoinette n'étant plus à une rumeur calomnieuse près, on ressort le vieux fantasme de l'amitié amoureuse avec Gabrielle de Polignac l'intrigante. Je redoutais le traitement à cause du potentiel casse-gueule de l'intrigue, et le jeu n'aidait pas forcément à me rassurer, mais force est de reconnaître que c'est vraiment pas mal. La bonne idée scénaristique étant d'adjoindre à ce vrai/faux couple l'élément tiers en la personne de la liseuse Sidonie, d'une dévotion pour sa Reine si pleine d'abnégation qu'elle masque mal la réalité profonde des sentiments qu'elle nourrit à son égard. C'est là tout le sel de l'histoire, qui met du temps à démarrer mais qui monte sûrement en puissance : l'amour de la servante pour sa Maîtresse au travers de son service, qui prend des formes de plus en plus pernicieuses. Le pic étant cette "mise à nu" dont la polysémie saura séduire par son intelligence retorse. Dans ses meilleurs moments, Seydoux parvient alors à captiver en laissant affleurer dans son paraître toutes les passions qui l'étreignent, tandis que les apparitions de Diane Kruger constituent systématiquement des points d'orgue - leurs face-à-face, qu'il soient complice ou cruel, touchant du doigt toute la dureté sentimentale et psychologique d'une relation trouble. Troublante, Diane Kruger l'est particulièrement en excellant dans le rôle de Marie-Antoinette, parvenant l'exploit de ne me faire plus penser à une Kirsten Dunst que je pensais inégalable dans le rôle. Charmante, souriante, abattue, caractérielle, vaniteuse, malheureuse, naturelle, l'actrice allemande au délicieux accent redonne à la Reine de France mal-aimée ses mille visages, nous la rendant intime et pourtant terriblement insaisissable. Elle illumine véritablement le film, même quand son sourire est lacéré par des larmes. Lorsqu'elle est aux abois, au bord de l'implosion, paniquée par le tumulte parisien et par la perspective d'être éloignée de sa favorite, Les adieux à la Reine déploie alors vraiment son venin ténébreux et atteint son ambition de fresque sur la décadence d'un monde. Il y a, dans l'esprit, quelque chose de très viscontien dans ce film, dans l'idée de la chute de l'aristocratie qui en est sa première spectatrice ; Jacquot utilise d'ailleurs beaucoup le zoom, figure visuelle dont s'était souvent rendu coupable Visconti dans ses derniers films. Cela "casse" la rigidité de l'Histoire et permet une promiscuité avec les actrices qui participe de cette démarche de modernisme.

Bref, Les adieux à la Reine laisse sans doute à désirer sur bien des points, mais le film de Benoît Jacquot sait conquérir grâce à la force de son ironique dilemme sentimental (alors que le peuple se soulève contre les marqueurs de l'absolutisme, la servante acceptera-t-elle longtemps de subir les inconstances et autres désidératas de sa Reine ?). C'est un film essentiellement composé de femmes, fait pour les femmes. Les portraits qui y sont dépeints respirent une sincérité et une beauté qui essuient bien des maladresses. A la fin du XVIIIe, Vigée Le Brun s'était faite l'artiste de tous les spleens féminins ; Benoît Jacquot en explore toute la délicatesse et interroge le feu des sentiments simplement esquissés sur les visages gracieux.
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Watkinssien
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par Watkinssien »

Film sur les femmes, entre autres, en choisissant le point culminant de l'Histoire de France, tout en peignant des portraits psychologiques uniquement compréhensibles par la grâce de la mise en scène, son sens du découpage totalement admirable...

Je peux dire, sans conséquence, que Jacquot a atteint avec ce film l'aboutissement de son cinéma... Metteur en scène qui a toujours lié différents arts narratifs comme le cinéma avec la littérature, avec le théâtre ou encore l'opéra, Jacquot a souvent "souffert" d'une image d'"auteur" dans son sens péjoratif où élitisme et intellectualisme austère font peur au public populaire... Alors qu'il lui est souvent arrivé de désacraliser tout en les respectant ses matériaux originels, en proposant des points de vue stylistiques à la fois rigoureux et ludique...

Avec Les Adieux à la Reine, il signe pour ma part un aboutissement... Plus précisément, jamais Jacquot n' a été autant cinématographique et inspiré que dans ce récit fascinant qui alterne superbement entre la splendeur des décors, des costumes et de l'élaboration remarquable de ses éclairages, mais aussi la puanteur de la déchéance, avec des images fortes et marquantes, parfaitement placées dans une intrigue pertinente, toujours accessible...

Et les comédien(ne)s sont splendides parce que leur performance ne sont pas attendues, elles participent de la contenance d'un monde précis, historiquement recherché, tout en adoptant des postures modernes ou plutôt intemporelles...

J'ai déjà hâte de revoir ce film que je considère comme le chef-d'oeuvre du cinéaste...
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ed
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par ed »

Ben moi j'ai pas aimé du tout.
D'une, l'idée de raconter la Révolution par le point de vue de la liseuse de la Reine me semble pas participer à une tendance globale et très actuelle de "multiplication des points de vue" qui, à vouloir relire les évènements historiques par des biais divers et variés, oublie parfois l'intérêt ou la pertinence de ceux-ci. A quand Marignan vu par le cordonnier de la soeur de François Ier ? Ou l'appel du 18 juin vu par le proctologue du Général ?
De deux, pour rebondir sur ce que Demi-Lune disait à propos du "cinéma français", j'ai dès le début (ce plan des soldats qui marchent au pas) eu l'impression de me retrouver face à une version sérieuse du Chevalier de Pardaillec, vous savez, le sketch des Inconnus : "avec des décors à la française, des cascades à la française, et des comédiens à la française". Léa Seydoux est mauvaise comme tout (ses chutes :lol: ), Virginie Ledoyen très belle mais à baffer, et Xavier Beauvois qui prend un accent argoteux du plus mauvais effet pour jouer Louis XVI :roll: Sans même parler de la scripte en RTT (Diane Kruger un plan maquillée, un plan démaquillée, un plan maquillée... ou la Reine avec le Dauphin dans les bras, contre-champ, et hop il est plus là...)
Quant à la mise en image, oui, Versailles c'est très beau, mais d'une part, aussi vide, c'est un peu ridicule, et d'autre part, je suis obligé d'avouer que ce que Jacquot filme le mieux, ce sont les sous-sols, dans le noir, en serrant les comédiens (notamment dans son fameux plan-séquence). Pardon du cliché, mais quand les Américains ou les Anglais font du film en costumes, y'a souvent du souffle, du mouvement, de l'amplitude... et là, c'est un peu l'archétype du mal français dans le registre : c'est mou, artificiel, ampoulé... et pas intéressant.
Un mot enfin sur les dernières lignes, en off, foireuses à souhait : j'ai lu dans une interview que Jacquot ne savait pas comment finir son film et qu'il avait eu l'idée de cette voix-over au montage. Oui, ben, désolé, mais ça aussi, c'est raté.
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Watkinssien
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par Watkinssien »

ed a écrit :Ben moi j'ai pas aimé du tout.
D'une, l'idée de raconter la Révolution par le point de vue de la liseuse de la Reine me semble pas participer à une tendance globale et très actuelle de "multiplication des points de vue" qui, à vouloir relire les évènements historiques par des biais divers et variés, oublie parfois l'intérêt ou la pertinence de ceux-ci. A quand Marignan vu par le cordonnier de la soeur de François Ier ? Ou l'appel du 18 juin vu par le proctologue du Général ?
Haaaaaaaaaaaan le gros cynique... :mrgreen:
Non plus sérieusement, le point de la vue de la liseuse ne se réduit aucunement à la Révolution, elle s'incarne dans son témoignage de la place qu'elle a dans ce monde en pleine déchéance... Une place fonctionnelle qui se prolonge d'une place hiérarchique autant que la place qu'elle a dans la vie et la vision de Marie-Antoinette, personnage désintéressé par les circonstances, qui a profité de son faste et de sa position... Le choix de la liseuse n'est évidemment pas fortuit (contrairement à un éventuel proctologue :mrgreen: ), puisqu'elle lit (ou tente de lire) effectivement les pensées entremêlées de la Reine... Et je rajoute que ces jeux de "placements" du personnage de Léa Seydoux font également partie de la rigueur du découpage technique voulue par Jacquot, avec un sens du montage précis sur le choix de la taille des plans qui s'enchaînent...


De deux, pour rebondir sur ce que Demi-Lune disait à propos du "cinéma français", j'ai dès le début (ce plan des soldats qui marchent au pas) eu l'impression de me retrouver face à une version sérieuse du Chevalier de Pardaillec, vous savez, le sketch des Inconnus : "avec des décors à la française, des cascades à la française, et des comédiens à la française". Léa Seydoux est mauvaise comme tout (ses chutes :lol: ), Virginie Ledoyen très belle mais à baffer, et Xavier Beauvois qui prend un accent argoteux du plus mauvais effet pour jouer Louis XVI :roll: Sans même parler de la scripte en RTT (Diane Kruger un plan maquillée, un plan démaquillée, un plan maquillée... ou la Reine avec le Dauphin dans les bras, contre-champ, et hop il est plus là...)
Rhooooooooooooooooooo, le méchant... :uhuh:


Quant à la mise en image, oui, Versailles c'est très beau, mais d'une part, aussi vide, c'est un peu ridicule, et d'autre part, je suis obligé d'avouer que ce que Jacquot filme le mieux, ce sont les sous-sols, dans le noir, en serrant les comédiens (notamment dans son fameux plan-séquence). Pardon du cliché, mais quand les Américains ou les Anglais font du film en costumes, y'a souvent du souffle, du mouvement, de l'amplitude... et là, c'est un peu l'archétype du mal français dans le registre : c'est mou, artificiel, ampoulé... et pas intéressant.
C'est marrant que tu évoques cela (même en mal, mais ce n'est pas grave), car le film, par la rigueur de ces cadres, me semble être aussi une réflexion sur l'espace et ce qu'il devient presque sémantique... Les séquences dans les sous-sols où les personnages se croisent sans se voir tout en étant très proches font partie intégrante, par l'image et ses mouvements, comme une vision d'une descente aux enfers, aux enjeux historiques et intimes, plus convaincant que les discours...

Un mot enfin sur les dernières lignes, en off, foireuses à souhait : j'ai lu dans une interview que Jacquot ne savait pas comment finir son film et qu'il avait eu l'idée de cette voix-over au montage. Oui, ben, désolé, mais ça aussi, c'est raté.
Ouuuuuuuuuuhhh ! :mrgreen:

:wink:
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Demi-Lune
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par Demi-Lune »

ed a écrit :Ben moi j'ai pas aimé du tout.
D'une, l'idée de raconter la Révolution par le point de vue de la liseuse de la Reine me semble pas participer à une tendance globale et très actuelle de "multiplication des points de vue" qui, à vouloir relire les évènements historiques par des biais divers et variés, oublie parfois l'intérêt ou la pertinence de ceux-ci. A quand Marignan vu par le cordonnier de la soeur de François Ier ? Ou l'appel du 18 juin vu par le proctologue du Général ?
De deux, pour rebondir sur ce que Demi-Lune disait à propos du "cinéma français", j'ai dès le début (ce plan des soldats qui marchent au pas) eu l'impression de me retrouver face à une version sérieuse du Chevalier de Pardaillec, vous savez, le sketch des Inconnus : "avec des décors à la française, des cascades à la française, et des comédiens à la française". Léa Seydoux est mauvaise comme tout (ses chutes :lol: ), Virginie Ledoyen très belle mais à baffer, et Xavier Beauvois qui prend un accent argoteux du plus mauvais effet pour jouer Louis XVI :roll: Sans même parler de la scripte en RTT (Diane Kruger un plan maquillée, un plan démaquillée, un plan maquillée... ou la Reine avec le Dauphin dans les bras, contre-champ, et hop il est plus là...)
Quant à la mise en image, oui, Versailles c'est très beau, mais d'une part, aussi vide, c'est un peu ridicule, et d'autre part, je suis obligé d'avouer que ce que Jacquot filme le mieux, ce sont les sous-sols, dans le noir, en serrant les comédiens (notamment dans son fameux plan-séquence). Pardon du cliché, mais quand les Américains ou les Anglais font du film en costumes, y'a souvent du souffle, du mouvement, de l'amplitude... et là, c'est un peu l'archétype du mal français dans le registre : c'est mou, artificiel, ampoulé... et pas intéressant.
Un mot enfin sur les dernières lignes, en off, foireuses à souhait : j'ai lu dans une interview que Jacquot ne savait pas comment finir son film et qu'il avait eu l'idée de cette voix-over au montage. Oui, ben, désolé, mais ça aussi, c'est raté.
Marrant, je pourrais quasiment valider tout ton commentaire. Effectivement, le début avec la garde qui ne sait même pas jouer correctement de la flûte fait peur. Et tu as raison d'insister sur la pauvreté de la reconstitution. Jacquot se contente d'investir les décors réels de Versailles mais, problème, tout y était bien plus meublé et vivant à cette époque. Mais ça, ils se sont évidemment pas faits chier à décorer. Le nombre très faible de figurants achève de rendre la reconstitution rachitique : je crois que le plus triste, c'est dans la Galerie des Glaces, où la largeur du lieu ne suffit même pas à donner l'illusion du nombre. Remarque, quand Louis XVI sort du château pour aller s'adresser solennellement à la tribune en hors-champ, c'est pas mal non plus. En extérieurs, ça donne vraiment l'impression qu'on a planté, à la sauvette, deux-trois figurants costumés en arrière-plan, avec le cordon pour bloquer le flux de touristes juste à côté. Là la comparaison avec le sublime Marie-Antoinette de Sofia Coppola fait vraiment mal, ne serait-ce qu'en simples termes artistiques.
Mention spéciale au pubis bien taillé par l'esthéticienne de Virginie Ledoyen.
Par contre, ed, pas un mot sur la prestation de Diane Kruger ?
Dernière modification par Demi-Lune le 4 avr. 12, 15:11, modifié 1 fois.
Strum
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par Strum »

Demi-Lune a écrit :Troublante, Diane Kruger l'est particulièrement en excellant dans le rôle de Marie-Antoinette, parvenant l'exploit de ne me faire plus penser à une Kirsten Dunst que je pensais inégalable dans le rôle. Charmante, souriante, abattue, caractérielle, vaniteuse, malheureuse, naturelle, l'actrice allemande au délicieux accent redonne à la Reine de France mal-aimée ses mille visages, nous la rendant intime et pourtant terriblement insaisissable. Elle illumine véritablement le film, même quand son sourire est lacéré par des larmes. Lorsqu'elle est aux abois, au bord de l'implosion, paniquée par le tumulte parisien et par la perspective d'être éloignée de sa favorite, Les adieux à la Reine déploie alors vraiment son venin ténébreux et atteint son ambition de fresque sur la décadence d'un monde. Il y a, dans l'esprit, quelque chose de très viscontien dans ce film, dans l'idée de la chute de l'aristocratie qui en est sa première spectatrice ; Jacquot utilise d'ailleurs beaucoup le zoom, figure visuelle dont s'était souvent rendu coupable Visconti dans ses derniers films. Cela "casse" la rigidité de l'Histoire et permet une promiscuité avec les actrices qui participe de cette démarche de modernisme.
Sauf que même lorsqu'il utilise le zoom après 1969 (dans Ludwig, Mort à Venise ou le dispensable Les Damnés), Visconti prend d'abord soin de figer pour l'Histoire son monde décadent qui disparait, par de superbes plans larges et fixes, et son zoom qui agit dans un deuxième temps ne s'approche jamais trop près des personnages. Chez Jacquot, on ne passe pas par cette étape de figement ou de glaciation. Il serre directement ses personnages contre sa caméra, il est dans l'effleurement et, somme toute, le survol. Bon, sinon, c'est bien gentil de parler de Diane Kruger, mais ton texte sur Deborah Kerr, incarnation de la beauté du monde et de l'amour dans Colonel Blimp, il est où ? :mrgreen: :arrow:
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Demi-Lune
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par Demi-Lune »

Strum a écrit :Bon, sinon, c'est bien gentil de parler de Diane Kruger, mais ton texte sur Deborah Kerr, incarnation de la beauté du monde et de l'amour dans Colonel Blimp, il est où ? :mrgreen: :arrow:
Quelque part en gestation dans ma tête. :mrgreen: :arrow: Verra-t-il le jour, that is the question. :mrgreen:


Oui parce que j'ai pas envie que ma tête finisse au bout de ta pique, sans-culotte. :uhuh: :twisted:
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par ed »

Demi-Lune a écrit : Par contre, ed, pas un mot sur la prestation de Diane Kruger ?
Ben non, puisque je l'ai trouvée bien, et parler des qualités du film n'était pas tout à fait le but de mon commentaire :mrgreen:
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par Joe Wilson »

J'ai été sensible à l'évocation d'une ambiance mortifère et étouffante, sans parvenir cependant à être touché par les contours du récit. La mise en scène de Benoît Jacquot est soignée mais trop lisse, artificielle à force de scruter des attitudes et des poses. Je partage également les réserves manifestées vis à vis de l'interprétation, et en particulier Léa Seydoux qui ne réussit pas à faire vivre son rôle.
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par Eusebio Cafarelli »

Pas vraiment convaincu...
Je partage l'idée qu'on sent la pauvreté des moyens (on est dans le téléfilm par moments), mais ça arrangeait peut-être le réalisateur qui filme l'histoire vue des coulisses et du monde des serviteurs (des couloirs, de l'obscurité, des rumeurs, des rangs aussi), et cette description d'une "société parallèle" est vraiment réussie à mon sens. Est réussie aussi l'insistance sur l'isolement de Versailles et la méconnaissance de ce qui se passe à l'extérieur. Montrer une "intimité" entre les deux mondes est intéressant aussi, comme de montrer que la Cour ignore (ne regarde pas, ou parfois seulement) l'envers du décors. La Cour monde de femmes, c'est intéressant aussi, même si la Cour était aussi un monde d'hommes...
J'ai été par moment déconcerté par la mise en scène et les mouvements de caméra, que je n'ai pas toujours compris.
Pour l'interprétation, pas convaincu non plus par Léa Seydoux (donc j'ai trouvé l'expression peu naturelle, plus récitée que celle des autres jeunes actrices, plus convaincantes), mais très convaincu par celle de Diane Kruger. Virginie Ledoyen est :oops: Michel Robin est comme d'habitude excellent en archiviste du château.
J'ai préféré le début à la fin (où Versailles vu par les yeux de Sidonie est remplacé par un regard d'amoureuse), même si la voix off ultime donne une piste intéressante, mais du coup on se dit que le film et l'interprétation de Léa Seydoux ne traduisent que très faiblement ce qui est expliqué à ce moment.
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par Alligator »

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http://alligatographe.blogspot.fr/2012/ ... reine.html

Je ne suis pas un fanatique à proprement parler des films de Benoit Jacquot (j'ai dû en voir 3 ou 4 en tout), mais c'est un cinéaste qui m'intrigue, dont certains films me plaisent beaucoup. "Sade" avait fait naitre quelques troublantes réflexions. Et c'est donc avec une grande curiosité que je suis allé voir ces adieux à la reine, aidé en cela par les louanges de ma femme qui m'a précédé (pas de baby-sitter en ce moment). Force est de constater, mon petit Alli, que tu n'en est pas ressorti aussi content que tu l'espérais.

On retrouve la même toile de fond que dans "Sade", la fin de siècle, les incertitudes de l'avenir, cette foultitude de questions sans réponse, ces vérités qui ne cessent d'être interrogées, voire bouleversées par les évènements politiques de la Révolution. Et c'est vrai que c'est une période propice à la fiction comme à la réflexion, une matrice filmique formidable.

La mise en scène parvient de façon brillante à faire monter la pression, avec une progression très efficace et un talent certain pour exprimer les peurs qui s'immiscent peu à peu au cœur de Versailles.

Malheureusement, l'histoire de ces manipulations affectives conjuguées Kruger/Ledoyen et Kruger/Seydoux ne m'a pas réellement ému. Certes, le parallèle est juste, bien décrit, néanmoins j'ai trouvé cela moins intéressant que la relation Le Besco/Auteuil dans "Sade", beaucoup plus profonde et complexe, agitée.

Sans doute que le fait que la Reine Marie Antoinette soit en quelque sorte le personnage sujet de la plus grande ambiguïté passionnelle marque aussi la limite du scénario, plaçant le singulier et l'ordinaire amoureux dans l'Histoire avec un très grand H. L'historien que je suis un peu s'agace de ce romantisme qui apparait alors un brin factice.

Pourtant ce n'est pas faute d'avoir choisi une très bonne comédienne. J'avoue que je n'avais pas été "bousculé" par Diane Kruger auparavant. Je n'aurais su dire ce qu'elle pouvait bien m'inspirer, une indifférence policée en somme. Or, je la découvre là avec une belle sureté de jeu dans une partition compliquée, presque pathologique, loin d'être évidente à maitriser, elle s'en tire haut la main.

Je suis beaucoup moins touché par les autres comédiennes, que ce soit Virginie Ledoyen, dont le charme et les yeux m'émeuvent souvent et que j'ai trouvé très effacée, sèche (mais le rôle pouvait l'exiger certainement) que Léo Seydoux très enfermée dans des postures, tellement ce regard en dessous, trop continu, finalement ne capte pas autant l'intérêt que son personnage le demandait.

Relative déception donc.
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par lowtek »

C'est peut-être ce que le cinéma français sait faire le mieux, justement l'inverse d'un téléfilm, malgré l'économie évidente de moyens: un film intense d'acteurs (ou d'actrices plutôt), loin des clichés de jeux. Léa Seydoux, Diane Kruger, Noémie Lvovsky et (surtout) Julie-Marie Parmentier sont toutes superbes (Xavier Beauvois est un peu miscasté avec son accent parigot contemporain). Les couloirs grouillants de Versailles sont magnifiquement filmés. J'ai adoré.
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Watkinssien
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Re: Les adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par Watkinssien »

:D
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Re: Les Adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par Colqhoun »

Donc, je me répète:

L'autre jour, étant cloîtré à la maison pour cause de grippe, je me suis dit que j'allais regarder un film-à-prix un peu actuel.
Du coup j'ai chopé Les Adieux à la Reine en vod. Que j'arrêtais 50 minutes plus tard, terrassé d'ennui et d'exaspération face à la bande de saumons dépressifs servants d'acteurs.
L'impression de voir un espèce de navet friqué, bourré de tunnels de dialogues complètement creux et d'histoires de coucheries à 2 francs. Le néant. Et une irrépressible envie de claquer tout le cast.
Ça faisait un moment qu'un film ne m'avait plus exaspéré à ce point. Voilà. J'ai rien de plus à dire vu que j'ai même pas fini le film.
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AtCloseRange
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Re: Les Adieux à la Reine (Benoît Jacquot - 2012)

Message par AtCloseRange »

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