Beat Girl (Edmond T. Gréville, 1960)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Tom Peeping
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Beat Girl (Edmond T. Gréville, 1960)

Message par Tom Peeping »

Découvert il y seulement quelques jours grâce aux posts savoureux d’un forumeur des antipodes sur l’excellent Forum Criterion (David, if you read this, know that this one is dedicated to you), un vrai bijou du cinéma d’exploitation britannique de la fin des années 50 qui vient de sortir en DVD (Z2 UK) dans une édition non censurée plus que correcte : le grandiose Beat Girl de Edmond T. Gréville.

Londres en 1959. La jeune Jennifer (16 ans), fille d’un architecte moderniste de renom fréquente une bande de Beatnicks plutôt sympas qui traîne de cafés en boîtes, fume des clopes et gratte la guitare. Son père vient de se remarier depuis cinq jours avec une française de 24 ans, blonde et sexy, que Jennifer prend immédiatement en grippe. Révoltée par ce remariage, elle se perd dans le monde de la nuit et est attirée par un club de strip-tease où elle apprend par hasard que sa belle-mère est une ex-strip-teaseuse parisienne qui cache son passé et croit s’être refait une respectabilité en épousant un notable. La gamine tient sa vengeance. Le patron du club, lui, voit dans la jeune délurée une strip-teaseuse en puissance…

A la lecture de ce résumé, vous pourriez croire que Beat Girl (L’Aguicheuse lors de sa sortie en France en 1960) est l’un des innombrables navets qui jalonne l’histoire des films de délinquance juvénile. Vous vous tromperiez lourdement.

D’abord parce que le film bénéficie d’un casting impeccable : David Farrar (qui a pris un sacré coup de bouteille depuis Le Narcisse Noir) est le père architecte ; la française Noëlle Adam (qui parle anglais avec ce qui doit être le pire accent français jamais prononcé dans un film anglophone et qui, pour la petite histoire, devint plus tard la compagne pendant 30 ans de Serge Reggiani : ah, le couple !) est la gironde belle-mère ; Christopher Lee, tout frais émoulu de Dracula, est le proprio du club de strip-tease ; le blondinet Adam Faith, pop-star britannique de l’époque, est le Beatnick pour qui Jennifer a le béguin ; un tout jeune Oliver Reed de 22 ans y commence quasiment sa carrière dans une prestation - géniale - à la limite du j’m’en-foutisme ; quelques strip-teaseuses professionnelles ont des petits rôles où elles font ce qu’elles savent le mieux faire et le font très bien ; enfin, Jennifer est jouée par la petite sauvageonne en cheveux Gillian Hills (14 ans à l’époque du tournage !), une sorte de mini-Brigitte Bardot qui fixe les mecs sans cligner des yeux et n’a peur de rien, enfin de presque rien. Toute cette fine équipe (à part Oliver Reed, totalement cool) semble prendre les choses assez au sérieux et réussit à donner corps aux personnages stéréotypés.

A sa sortie, Beat Girl fut lourdement censuré, notamment deux scènes de strip-tease dont l’une, assurée par la torride Laya Rakis, peut encore donner des bonnes suées 50 ans après (franchement je n’en revenais pas de voir une scène aussi hot datant de 1959 !). Furent aussi censurés quelques expressions Beatnicks un peu trop lestes et un gros-plan sur Oliver Reed, qui vibre sur la musique d’une boîte avec une expression de visage digne d’un généreux orgasme. Le fait que le film soit britannique et que le réalisateur soit français a du aider à la liberté de ton de l’ensemble, impensable dans un film américain de cette époque, par exemple.

Plein de petits détails sont la cerise sur la gâteau : l’architecte de père à chez lui une grande maquette de son projet de « Ville de l’An 2000 » (à côté de quoi sommes-nous passés, bon Dieu !) ; sa splendide maison est un exemple d’architecture et de déco Fifties ; la restitution des cafés et clubs Beatnicks montre bien les lieux de zone des jeunes anglais de ces temps lointains ; les références évidentes à d’autres films sur la jeunesse en révolte, de La Fureur de Vivre à Et Dieu Créa la Femme ; les chansons qui parsèment le film dont une aux paroles hilarantes : « It’s Legal » ; les expressions typiquement Beatnick auxquelles on ne comprend rien mais qui ont un très fort pouvoir de suggestion et quelques répliques bien senties comme "Strip like a Frenchie, Girl ! Strip ! Strip !"...

Le réalisateur Edmond T. Gréville réussit deux ou trois morceaux de bravoure, dont la scène – très attendue - du strip-tease de la jeune Jennifer, chez elle, lors d’une soirée improvisée chez son père avec ses copains pour faire chier sa belle-mère qui dort à l’étage. C’est une scène qui dure environ 5 minutes et qui mériterait, par sa mise-en-scène et son énergie, de faire l’objet de l’implication des spectateurs un peu comme c’est le cas pour le Rocky Horror Picture Show. Il faut voir le cœur qu’y met la petite Gillian Hills : un vrai bonheur ! C'est pour moi le clou du film.

Et j’oubliais un autre élément d’importance : la musique est la toute première composée pour le cinéma par John Barry. On y entend déjà des structures et accords qu’il reprendra deux ans plus tard dans son thème de James Bond pour Dr No. Le thème principal « Beat Girl » est tout bonnement génial (il ouvre le film et est repris dans une longue séquence de danse en night-club). Je suis allé voir si le CD de la B.O. était disponible mais son prix, car il est épuisé, est prohibitif sur les sites d'occase.

Bref, Beat Girl est un film que j’ai déjà vu deux fois en entier et je ne compte plus les séquences repassées sur mon lecteur, juste pour le fun. Je me demandais même il y a quelques heures : « Comment ai-je pu vivre sans ce film jusqu’à maintenant ? » (j’vous jure !). C’est un peu exagéré, mais un peu seulement. It’s that good, yeah !

Le seul film que je connaisse donc la morale tient en ces 7 mots de sagesse : "Méfiez-vous des blondes et des Beat !"

Le DVD Z2 Uk édité par Orbitmedia est de qualité très correcte. Le film d'origine 1:66 est un peu coupé mais vraiment rien de bien grave. C'est la version NON censurée (avec les scènes de strip-tease restituées). La définition N&B est très bonne, le son mono aussi. Pas de sous-titres mais ce n'est pas bien gênant : ce n'est pas un film très bavard, la musique est universelle et Noëlle Adam baragouine franglais comme un chef. Beat Girl est disponible pour pas grand chose sur Play. Franchement, vous auriez tort de vous en priver.

LA scène du strip-tease : http://fr.youtube.com/watch?v=mx2uyU0oE ... re=related

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Dernière modification par Tom Peeping le 24 mai 08, 00:34, modifié 5 fois.
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Randolph Carter
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Re: Beat Girl (Edmond T. Gréville, 1960)

Message par Randolph Carter »

Je connaissais Gréville par son film Remous diffusé au cinéma de minuit il y a longtemps,et j'avais été trés étonné de l'audace du sujet-le film traite de l'impuissance-pour un film tourné en 1934.En tout cas,le résumé que tu donnes de Beat girl et ton commentaire me donnent une furieuse envie de voir de quoi il retourne.Et maintenant,à moi la scène du strip-tease. :D :wink:
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julien
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Re: Beat Girl (Edmond T. Gréville, 1960)

Message par julien »

Tom Peeping a écrit :la musique est la toute première composée pour le cinéma par John Barry. On y entend déjà des structures et accords qu’il reprendra deux ans plus tard dans son thème de James Bond pour Dr No. Le thème principal « Beat Girl » est tout bonnement génial (il ouvre le film et est repris dans une longue séquence de danse en night-club). Je suis allé voir si le CD de la B.O. était disponible mais son prix, car il est épuisé, est prohibitif sur les sites d'occase.
On peut trouver le LP à cette adresse. C'est vrai que la bo est très sympa. Avec en plus la présence du guitariste Vic Flick, à qui l'on doit l'interprétation du fameux riff du thème de James Bond.
Tom Peeping a écrit :LA scène du strip-tease :
Je suis fan. :P
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Re: Beat Girl (Edmond T. Gréville, 1960)

Message par Tom Peeping »

Pour le DVD, il ne faut surtout pas prendre le Z1 (image pourrie, version censurée).

Le Z2 UK à prendre est celui-ci :

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