Les vedettes féminines des films musicaux

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Ernst Preston Wilder
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Message par Ernst Preston Wilder »

Oups, petit loupé, j'ai mis deux fois Moira Shearer. Y avait aussi Zizi Jeanmaire !!
JT : Son époux est le grand grand acteur polonais Josef Tura. Vous avez déjà entendu parler de lui?
CE : Oh oui. D'ailleurs je l'avais vu en scène avant la guerre à Varsovie
JT : Vraiment ?
CE Ce qu'il faisait à Shakespeare, nous le faisons maintenant à la Pologne.
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murphy
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Message par murphy »

Lylah Clare a écrit :
murphy a écrit :
tiens, c''est cadeau, c'est bonheur

:D oh... merci !
C'est dommage qu'il y ait le dernier couplet...
Bon, on ne va pas chipoter et bouder notre plaisir. Ses interprétations créent toujours le grand frisson, comme celle de Strange fruit, que tu connais sans doute, chanson terrible sur le lynchage des Noirs dans le sud des Etats-Unis :

oui, je connaissais "strange fruit", je suis assez fan de billie holiday
pour ce qui concerne "Gloomy Sunday", c'est vrai que les paroles anglaises ont édulcoré la chanson mais comem je cromprends rien aux paroles, ca change pas grand chose pour moi (de toute facon, billie holiday pourrait chanter "une sourie verte" que ça me ferait chialer quand même)
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murphy
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Message par murphy »

Bonnie Beecher

Je me permet de faire un peu de hors sujet avec Bonnie Beecher, elle n'est pas vraiment une vedette de films musicaux puisque selon son Imdb, elle n'a joué que dans quelques séries télé.
Toutefois, dans un épisode de Twilight Zone, elle interprète une sublime ballade "Come -Wander - With Me" parfaitement compilable avec le "Johnny Guitar" de Peggy Lee ou "Why don't you right" de Lil Green. Son interprétion de cette chanson (écrite par Jeff Alexander, apparement un musicien de Bo) est très émouvante. Ce n'est pas une vois puissante et forte, plutot une voix fragile et douce, proche du murmure.
Peu d'infos sur le net, elle n' a fait l'actrice qu'entre 64 et 68 puis plus rien. Ni aucune trace discographique hormis ce "come wander with me" inclus récemment sur la Bo de "Brown Bunny" de Vincent Gallo.

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julien
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Message par julien »

Ca me donne aussi l'envie d'évoquer l'un des premier documentaire du cinéaste Miloš Forman .

CONCOURS, réalisé en 1963.

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Miloš Forman et son fidèle chef Opérateur Mirek Ondřiček entreprennent le tournage d’une sorte de documentaire muet sur Le Semafor, un cabaret voué à la musique pop et qui venait de s’ouvrir à Prague, où il était vite devenu le dernier endroit à la mode. Forman filme les auditions de jeunes apprenties chanteuses tentant d’intégrer un groupe de rock et qui fondent tout leurs espoirs sur le rêve et l'illusion d'accéder un jour à la célébrité. Les séances furent filmées de bout en bout comme un simple documentaire, bien que Forman ait incorporé à la fin du film quelques éléments de fictions.

Il s'agit d'un Film de jeunesse sur la jeunesse tchèque ; l’audition se présente autant comme un manifeste "nouvelle vague" que comme un film annonciateur de tout le cinéma à venir de Miloš Forman. Le réalisateur y fera d'ailleurs allusion dans ses films suivants. Sur les génériques des films Les Amours d'une Blonde ou encore Taking Off qui débutent tous deux par des chansons folks.

Un peu d'histoire...

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La poignée de main historique entre Kennedy et Khroutchev à Vienne en Juin 1961.
L'illusion, d'une coexistence pacifique.


En 1961, le dégel amorcé par Khrouchtchev en Union Soviétique commençait à produire ses effets en Tchécoslovaquie. Les tchèques se préparent quand à eux à une révolution dont les premiers signes vont se sentir dans les domaines artistiques et culturels. Au débuts des années 60, la musique rock fait son apparition et les concerts se multiplient. Toutes les occasions sont bonnes pour se regrouper collectivement, discuter et débattre. On avait par exemple pour la première fois autorisé du rock au Lucerna, la grande salle du concert de la ville de Prague. Les autorités n’y avaient mis qu’une seule condition : rien ne devait être chanté en anglais, langue des impérialistes.

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En effet, les chansons pop que l’on entend dans le film sont pour la plupart d’origines anglo-saxonnes mais interprétés en langue tchèque. On peut par exemple voir trois filles se lançer dans une interprétation endiablée de The loco-motion des Beatles.

Miloš Forman :

"J’étais sidéré par l’effet qu’un simple micro pouvait produire sur ces filles. Ce gros pied métallique agissait sur elles comme une baguette magique capable de leur donner la voix et la beauté qui leur faisaient défaut. Le dernier des petits laiderons à peine sortis de l’adolescence se transformait en une vamp effrontée, celle qui chantait faux se mettait à glapir à pleine voix, celle que paralysait la plus maladive des timidités abandonnait toute retenue pour se livrer sans défense à la curiosité d’un public impitoyable. Je décidais de filmer une séance d’auditions « sans jamais détourner les yeux ». Je regarderais tout et je montrerais tout. Mon documentaire offrirait un regard sans concession sur ce cruel phénomène, et le présenterait pour ce qu’il était. "

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Music Man
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Message par Music Man »

Dans la 4ème dimension, Bonnie Beecher chante sa chanson à Gary Crosby, le fils du grand Bing Crosby.
Dernière modification par Music Man le 2 mai 08, 23:41, modifié 1 fois.
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murphy
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Message par murphy »

Music Man a écrit :Dans la 4ème dimension, Bonnie chante sa chanson à Gary Crosby, le fils du grand Bing Crosby.
ah oui ? j'avais reperé le nom de Gary Croby mais je n'avais pas fait le rapprochement avec Bing Crosby
Lylah Clare
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Message par Lylah Clare »

Sailor G.Kelly a écrit :
Lylah Clare a écrit :
Ceci étant, parmi les vedettes féminines-danseuses qu'on a évoquées plus haut, certaines, comme Cyd Charisse, n'en faisaient pas vraiment non plus. De plus j'ai toujours pensé que son talent de danseuse restait un peu en-deçà de son extraordinaire beauté...
-1 :o

Tout de meme, Cyd Charisse a beau etre tres belle, elle reste l'une des plus grandes danseuses du "musical". Personnellement, j'ai un coup de coeur pour sa derniere danse dans La belle de Moscou. Elle est epoustouflante.
Désolée, mais je persiste et signe. C'est une très bonne "danseuse de cinéma", mais elle ne fut jamais une grande danseuse, au sens des danseuses étoiles ou des très grandes dames de la danse, classique ou contemporaine. De la même façon qu'un excellent acteur n'est pas nécessairement un grand comédien. Les qualités demandées ne sont pas les mêmes. En l'occurence, Cyd avait une cinégénie à couper le souffle, une grâce évidente, un corps à damner les saints et des jambes...
D'ailleurs, remarquez bien : dans la fameuse danse du "Broadway ballet" de Chantons sous la pluie, où elle apparaît en Louise Brooks (scène hypnotique entre toutes), on voit clairement que la scène n'a pas été filmée d'un bloc : il y a un faux raccord très nettement visible. Gene Kelly étant toujours irréprochable, il y a malgré tout dû avoir un petit accroc, signe de la non perfection de la scène tournée.
Mais attention, c'est un plaisir immense de la revoir sur l'écran, j'ai juste dit que je trouvais que "son talent de danseuse était un peu en-deçà de son extraordinaire beauté" (ce qui n'est pas difficile).
Lylah Clare
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Message par Lylah Clare »

murphy a écrit :
Lylah Clare a écrit :
:D oh... merci !
C'est dommage qu'il y ait le dernier couplet...
Bon, on ne va pas chipoter et bouder notre plaisir. Ses interprétations créent toujours le grand frisson, comme celle de Strange fruit, que tu connais sans doute, chanson terrible sur le lynchage des Noirs dans le sud des Etats-Unis :

Mais la charge émotionnelle de l'interprétation de Lady Day

oui, je connaissais "strange fruit", je suis assez fan de billie holiday
pour ce qui concerne "Gloomy Sunday", c'est vrai que les paroles anglaises ont édulcoré la chanson mais comem je cromprends rien aux paroles, ca change pas grand chose pour moi (de toute facon, billie holiday pourrait chanter "une sourie verte" que ça me ferait chialer quand même)
Bon, on va réparer ça, voilà une traduction approximative :
Spoiler (cliquez pour afficher)
"Dimanche est sombre, mes heures sont sans sommeil.
Mon (ma) très cher(e), les ombres avec lesquelles je vis sont innombrables.
Les petites fleurs blanches ne te réveilleront jamais,
Pas là où le coche noir du chagrin t'a emmené(e).
Les anges n'ont pas pensé à jamais te ramener.
Seraient-ils en colère si je pensais te rejoindre ?
Sombre dimanche.

Sombre est ce dimanche ; avec des ombres je le passe.
Mon coeur et moi avons décidé d'en finir.
Bientôt il y aura des bougies et des prières qui sont tristes, je sais.
Qu'ils ne pleurent pas, qu'on leur dise que je suis heureux(se) de partir
La mort n'est pas un rêve, car dans la mort je te caresse.
Avec le dernier souffle de mon âme je te bénirai.
Sombre dimanche."

Bon, ça le fait moins que dans la VO mais ça donne une idée de l'ambiance déprimante de la chanson (qui rend "mieux" dans la VO)
Et la version édulcorée rajoutait un dernier couplet où le héros (ou l'héroïne) se réveillait après un mauvais rêve
Spoiler (cliquez pour afficher)
"Rêver, je ne faisais que rêver
Je me réveille et je te trouve endormi(e) au fond de mon coeur, ici
Chéri(e), j'espère que mon rêve ne t'a jamais hanté(e)
Mon coeur te dit combien je te désirais"
Et, c'est vrai, la charge émotionnelle de l'interprétation de Lady Day est en effet très impressionnante, même quand on ne comprend pas tout.
joe-ernst
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Message par joe-ernst »

Lylah Clare a écrit :Désolée, mais je persiste et signe. C'est une très bonne "danseuse de cinéma", mais elle ne fut jamais une grande danseuse, au sens des danseuses étoiles ou des très grandes dames de la danse, classique ou contemporaine.
+1 (ouf !)
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
Ernst Preston Wilder
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Message par Ernst Preston Wilder »

Humm, toujours délicat d'apprécier les qualités de danseur ou danseuses des uns et des autres, d'autant que cela revient à comparer des gens qui ont vécu à 50 ans de distance.

Premièrement, il faudrait un oeil de professionel. Certes, si le cinéma permet certains artifices, la danse est un art qui révèle immédiatement un certain niveau. Par exemple, si Sinatra ou Esther Williams étaient capables de danser en duo avec Gene Kelly des pas simples mais qui passaient bien à l'écran, pas besoin d'être grand clair pour voir l'aisance de l'un, et une certaine gaucherie des deux autres. Par contre, à un certain niveau, entre danseurs professionnels, je me sens pas trop capable de dire si Zizi Jenmaire, Moira Shearer ou Leslie Caron sont du même niveau technique, sur pointe, à plat, en tap dance, etc.

Je pense personnellement que se serait vain de comparer en plus une Sylvie Guillem et Cyd Charisse par exemple. La danse a évolué, les techniques ont évolué, les corps des danseuses ont évolué.

De plus, la technique du cinéma n'est pas si différente de celle de la scène, de ce point de vue. En effet - en tout cas pour les films d'Astaire et Rogers - quelque soit le positionnement de la caméra, les numéros étaient refaits à chaque prise en entier !!!! D'ou parfois une succession de 20 ou 30 prises successives afin, d'une part de retenir la meilleur prise, et d'autre part faire un montage dynamique. Tous ces danseurs étaient des professionnels et des perfectionnistes, je ne pense pas qu'ils auraient laisser passer une imperfection.

Je me souviens de l'hommage qui avait été rendu à Fred Astaire par l'Academie du Cinéma, un Ocar d'honneur en qque sorte. Barishnikov avait fait un petit discours très rigolo, disant qu'une fois sorti de scène l'esprit content d'avoir fait une bonne performance, il rentrait chez lui, tombait sur un film de Fred à la TV... et sa conclusion " I Hate him" !!!!!!

Les partenaires, les éclairages, la chorégraphie, l'inventivité du metteur en scène plus la qualité de la danseuse ont fait que seront fixées à jamais les mouvements et la grace de Cyd sur pellicule.

Quant à ses qualités techniques, je ne peut que répéter ce qu'avait dit Roland Petit sur elle , à savoir qu'elle était meilleur à plat que sur pointe. Mais il n'avait pas eu l'air de se plaindre de ses prestations!
JT : Son époux est le grand grand acteur polonais Josef Tura. Vous avez déjà entendu parler de lui?
CE : Oh oui. D'ailleurs je l'avais vu en scène avant la guerre à Varsovie
JT : Vraiment ?
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Message par joe-ernst »

Ernst Preston Wilder a écrit :De plus, la technique du cinéma n'est pas si différente de celle de la scène, de ce point de vue.
Il y a tout de même une différence majeure entre le cinéma et la scène : le direct ! Impossible de tricher sur scène...

De plus, il ne me semble pas que Cyd Charisse se soit produite sur scène dans un ballet, où on aurait réellement pu se rendre compte de ses talents de danseuse, à la différence de Zizi Jeanmaire ou de Moira Shearer, par exemple.

Il reste que Charisse a été une belle présence à l'écran, pourvue de belles qualités de danseuse, c'est tout, et c'est déjà pas mal ! :wink:
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Message par Lylah Clare »

joe-ernst a écrit :
Ernst Preston Wilder a écrit :De plus, la technique du cinéma n'est pas si différente de celle de la scène, de ce point de vue.
Il y a tout de même une différence majeure entre le cinéma et la scène : le direct ! Impossible de tricher sur scène...

De plus, il ne me semble pas que Cyd Charisse se soit produite sur scène dans un ballet, où on aurait réellement pu se rendre compte de ses talents de danseuse, à la différence de Zizi Jeanmaire ou de Moira Shearer, par exemple.

Il reste que Charisse a été une belle présence à l'écran, pourvue de belles qualités de danseuse, c'est tout, et c'est déjà pas mal ! :wink:
Il me semble qu'elle avait intégré la troupe des ballets russes en 1934 (donc à l'âge de 13 ans), ce qui prouve qu'elle avait du talent. Mais à compter des années 42-43, elle s'est consacrée au cinéma.
Mais en effet, son génie est ailleurs : dans son rayonnement et sa présence à l'écran, ce que la plupart des danseuses étoiles n'ont en revanche sans doute pas.
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Message par Music Man »

Lylah Clare a écrit : Mais en effet, le génie de Cyd Charisse est ailleurs : dans son rayonnement et sa présence à l'écran, ce que la plupart des danseuses étoiles n'ont en revanche sans doute pas.
Tout à fait d'accord.
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Message par Music Man »

On ne programme plus guère les films de Ninon Sevilla à la cinémathèque ou au cinéma de minuit, et c’est dommage, car cette danseuse cubaine fut en son temps particulièrement populaire en France où ses films ont été importés et exploités avec beaucoup de succès. Parmi ses admirateurs, François Truffaut qui considérait qu’elle « ne dansait pas pour l’art mais pour le plaisir »; Edith Piaf lors de sa tournée au Mexique voulut absolument la rencontrer : il est vrai que l'univers des films de la star (bouges, filles perdues, hommes violents) présente plus d'une similitude avec le répértoire de la mythique chanteuse. C’est aussi l’occasion d’évoquer un genre très particulier : le rumbera, polar violent épicé de nombreux numéros de cabaret.
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Née à Cuba en 1921 et élevée par une tante, la jeune Emelia se fait remarquer en dansant dans différents cabarets de la Havane. Ses spectacles, dont elle assure elle-même la chorégraphie, la rendent rapidement populaire et attirent sur elle l’attention des producteurs mexicains : il est vrai qu’à l’époque les plus célèbres vedettes du film musical mexicains étaient cubaines : Maria Antonieta Pons, Meche Barba…Cependant, comme elle le signalera plus tard, « elle n’a pas eu à faire partie du harem de Juan Orol » (célèbre réalisateur de l’époque qui lança et épousa successivement Margarita Mora, Maria Antonieta Pons, Rosa Carmina, Mary Esquivel et Dinorah Judith) pour devenir star de cinéma. Comme Maria Antonieta Pons qui avait repris le prénom de la célèbre reine de France réputée à l’étranger pour sa frivolité, Emelia emprunte son prénom de scène à la courtisane Ninon de Lenclos.
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Après quelques apparitions dans des films souvent aux cotés du célèbre compositeur Agustin Lara (notamment Pecadora 1947 qui sera accueilli avec sarcasmes par la critique française) où elle se contente de danser, Ninon est engagée par le réalisateur Alberto Gout, qui en quelques films va bâtir sa personnalité cinématographique : une femme sensuelle et vénéneuse, inquiétante et provocante, que les aléas de la vie ont souvent mené à la prostitution ou dans les cabarets les plus sordides et qui ne pense qu’à se venger.
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Les films dans lesquels elle s’illustre sont presque tous des rumberas (genre déjà en vogue depuis le début des années 40), des polars très violents, à l’atmosphère lourde, dont l’intrigue, rocambolesque à souhait, se situe dans un cabaret ou une maison close (ou le plus souvent un établissement qui fait les deux). Les histoires sont interrompues par des boléros ou autres tendres ballades interprétés par les plus célèbres artistes (Pedro Vargas, le trio Los Panchos) du moment (ces passages chantés sont néanmoins toujours bien venus, car ils décrivent la psychologie des personnages) et évidemment des ballets de la star : souvent des numéros exotiques, dansés frénétiquement sur un rythme éffreiné. Un style de danse qui la fit comparer à Carmen Miranda aux USA. Les numéros dansés, lourds de sensualité, ne sont néanmoins pas dépourvus de grâce, comme chez ses consoeurs Tongolele et Maria Antonieta Pons, dont le style très appuyé est limite vulgaire dans certains numéro. Sa silhouette et sa longue chevelure rousse évoquent Rita Hayworth
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Maison de rendez vous (aventurera 1950) est probablement le film le plus connu de Ninon Sevilla, en tous les cas le plus caractéristique. Dans ce film à l’intrigue ébouriffante, elle est abusée par l’amant de sa mère qui l’entraîne dans un cabaret où on la drogue avant de la violer. Elle parvient à s’échapper de cette « maison de rendez vous » pour devenir une danseuse célèbre et tombe amoureuse d’un jeune homme de bonne famille, dont la mère n’est autre que la tenancière du bordel ! Cynique et effrontée, elle ne pense alors qu’à se venger. On va ainsi de surprises en surprises. Le jeu des ombres et lumières et l’excellente photographie contribuent beaucoup à la valeur de ce film. Les scènes de danse (dont le fameux Chiquita banana qui sera repris en France par Joséphine Baker, ou une danse orientale exécutée sur une mélodie de Brahms ) valent aussi le coup d’œil.
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Quartier Interdit (1951)du grand Emilio Fernandez joue aussi à fond la carte du mélo : après avoir recueilli, un enfant abandonné dans une poubelle, une jeune danseuse est obligée de se prostituer pour pouvoir l'élever . Bon d’accord, on joue à fond sur la corde sensible, et du coup cela devient plus comique qu’émouvant, mais ce genre de film en dit également long sur la misère noire du peuple mexicain.
Sensualité (1951), dans lequel Ninon Sevilla, est encore plus hargneuse et perverse que dans les films précités, est vraiment un très bon film noir d’une grande âpreté qui mériterait d’être redécouvert.
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Les titres des films de Ninon Sevilla disent long sur leur contenu (Je ne renie pas mon passé, carrefour du vice, perdue, femmes sacrifiées, victimes du péché…) : toujours l’histoire d’une fille qui a mal tourné et qui essaie de se débattre comme elle peut dans un monde corrompu. La violence et les sujets abordés leur valaient évidemment une interdiction pour les mineurs. Sur le plan musical, on notera que Ninon assurait généralement sa propre chorégraphie, en essayant souvent d’intégrer des passages d’inspiration afro-cubaine à ses numéros.
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La plupart des films de Ninon seront de gros succès en France où elle sera invitée en 1952. Lors d’un gala de charité, le prix des plus belles jambes du monde lui sera remis, devant Ginger Rogers !
En 1952, suite à la fermeture de nombreux cabarets par nouveau gouverneur de Mexico qui souhaite remettre un peu d’ordre dans ce milieu, le genre rumbera vit ses dernières heures. Du coup, Ninon Sevilla a beaucoup de mal à retrouver des rôles : on la retrouve en 1958 dans une opérette espagnole en costumes d’époque. Dans les années 60, elle se produit beaucoup sur scène, enregistre des disques (dont l’un est lui aussi interdit aux mineurs !). En 1979, elle fait un retour remarqué au cinéma (dans nuit de Carnaval) qui lui vaudra un prix d’interprétation. Depuis, on la voit beaucoup dans les indigentes télénovellas qui pullulent sur les petits écrans mexicains. Bon au moins, ça doit être bien payé.
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Ninon Sevilla danse la mucura :
Dernière modification par Music Man le 23 juil. 08, 08:25, modifié 2 fois.
Lylah Clare
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Message par Lylah Clare »

Merci pour ce portrait très vivant de Ninon Sevilla. Je l'ai découverte sur cineclassic il y a quelques mois, lors de la diffusion de Maison de rendez-vous et de Quartier interdit.
Effectivement, ses films sont assez ébouriffants (j'en ai perdu ma moumoute) : moi qui ne connaissais préalablement que les films mexicains de Bunuel et ceux de Ripstein, une tout autre perspective s'ouvrait devant mes yeux ébahis.

Encore qu'en creusant un peu, on pourrait trouver des points communs entre ces cinématographies a priori très différentes : un goût certain du mélo, une dramaturgie fort peu réaliste, une violence plus ou moins contenue et qui finit par éclater...

Bref, j'aime bien, les films de Ninon Sevilla que j'ai vus, c'est du costaud, c'est du roboratif, c'est nourrissant et on ne s'ennuie pas. On ne peut pas toujours en dire autant de certains chefs d'oeuvre estampillés comme tels :wink:
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