La véritable histoire d'Abe Sada - L'Empire des sens (Tanaka 75 - Oshima 76)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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gnome
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La véritable histoire d'Abe Sada - L'Empire des sens (Tanaka 75 - Oshima 76)

Message par gnome »

Enfin vu ce film hier (en VF :cry: ).

Réalisé un an avant "L'empire des sens" de Nagisha Oshima, "Jitsuroku Abe Sada" est basé sur le même fait-divers à savoir l'histoire d'une jeune prostituée retrouvée en 1936 erant dans les rues portant sur elle, le sexe de son amant étranglé quelques jours auparavant. Une histoire et un thème intéressant (celui de l'amour absolu, exclusif) qui aurait pu mener très loin. Malheureusement, si le film m'a semblé inabouti et souffre de la comparaison avec son sulfureux concurent, il n'en recèle pas moins quelques moments intéressants.

La première partie se résume presque à une série d'accouplements filmés assez platement sensés démontrer la force et l'exclusivité de la liaison. Une petite scène bouclée trop vite permet d'installer la liaison que Sada entretient pour l'argent et d'introduire la jalousie chez Kichi.

La deuxième partie me semble plus intéressante. Après avoir tué Kichi, elle va rester un emps auprès de lui et le réalistateur va nous compter à travers une série de courts flash-backs les principaux événements de la vie de Sada qui l'ont conduite à devenir prostituée. Notamment le viol à 15 ans qui a déterminé le cours de sa vie. Cette partie évoque également sa fuite et la relation pathologique qu'elle continue à entretenir avec le sexe de Kichi.

Malheureusement, bien que réalisé avant, comme je l'ai dit, le film souffre de la comparaison avec "L'empire des sens". Celui qui a déjà vu ce dernier ne peut qu'avoir une importante impression de déjà vu tant quantité de scènes sont semblables et traitées de la même façon (malheureusement sans le talent d'Oshima et sans le charisme de ses interprètes (Hideaki Esumi n'est pas Tatsuya Fuji))

Disons le tout de suite, je ne suis pas un admirateur de "L'empire des sens", et j'attendais "beaucoup" de ce film, mais personellement, je suis resté un peu sur ma faim. Même si je le répète, la fin rachète un début maladroit.

3.5/6
bruce randylan
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Message par bruce randylan »

entierement d'accord même si pour ma part, j'adore l'empire des sens.
Je rajouterai juste pour défendre à peine plus Abe Sada que le film à peu plus de fraicheur et de spontaneité que son Cousin/frère dans la relation du couple.
Ca doit donner 3.5/6 aussi même si je suis incapable de donne une note à un film.
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Message par Fatalitas »

Arte avait tout faux en diffusant le film en VF, donc pour ceux que ça interesse, le film passe sur cineauteur ces jours-ci, en VOST :wink:
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gnome
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L'empire des sens - Nagisha Oshima - 1976

Message par gnome »

Chaque fois que je vois passer "L'empire des sens" dans un programme télé, je me dis que je dois lui redonner une chance...
Et chaque fois, je lui rends sa chance...
Et chaque fois, je suis mal à l'aise et je me dis que c'est la dernière fois... Qu'on ne m'y reprendra plus... Et je jure que cette fois, c'est la bonne!
Soyons francs, "L'empire des sens" n'est pas pour moi... :|

Et soyons clairs et explicites...
La mise en scène d’Oshima est infiniment plus classe que celle de Tanaka et la photographie d’ Hideo Itoh est très belle, mais cet étalage permanent de chairs, de pénis turgescents, de fellations ou de pénétrations voire d’introduction d’éléments divers dans le vagin (œuf, gode en bois…) et le caractère répétitif des scènes sans véritable développement entre elles m’est très vite lassant.

"L’empire des sens", vulgaire film pornographique ou pas ?
Prenons une définition succincte mais communément acceptée de la pornographie : Un film pornographique, est un film contenant des scènes où l'acte sexuel humain est explicitement et délibérément montré dans le but d'exciter le spectateur.(Wikipedia)
"L’empire des sens" contient-il des scènes où l'acte sexuel humain est explicitement et délibérément montré ? OUI
Est-ce dans le but d'exciter le spectateur ? Ce n'est pas très clair... (si quelqu'un a lu quelque chose sur les réelles intentions d'Oshima, je serais intéressé de savoir ce qu'il en dit)
Si le but était d'exciter le spectateur, Oshima a réalisé un vulgaire porno classe et avec une histoire plus ou moins ficelée, mais un vulgaire porno.
Si tel n’est pas le cas, pourquoi cet étalage de chairs ? Un érotisme plus suggestif (comme dans le pinku de Tanaka) aurait certainement mis plus en avant l’histoire.

Les seules émotions qui se dégagent de ce film, les seuls sentiments viennent de l’épouse trompée et du vieux fonctionnaire qui entretient Abe Sada. Certes, le personnage de Tatsuya Fuji aime Sada, mais cet amour est absolument broyé par le rouleau compresseur du désir de cette dernière. Parce que c’est de désir qu’il faut parler et non d’amour. Sada n’aime pas Kichizo Ishida, elle aime son sexe (et le clame suffisamment dans le film), elle aime son corps, son jouet. Toute la relation tourne autour du plaisir des sens (ce n’est pas pour rien que le titre français est « L’empire des sens »), mais ne laisse aucune place à l’amour. La jalousie de Sada porte sur le corps de son amant. Ce qu’elle craint, c’est qu’il use de son corps avec quelqu’un d’autre qu’avec elle (en tout cas sans son autorisation, cfr la vieille geisha…). En ce sens, Oshima réussit son film. Il dépeint très bien la descente vers une certaine folie de cette prostituée obsédée par le sexe. Tous les sexes ! De celui du vieux du début à celui de l’enfant qui joue à ses côtés!!! Une nymphomane monomaniaque dont la vie finit par se résumer à un bout de chair qu’elle va trancher. Preuve que pour elle, l’homme autour de ce sexe n’avait que peu d’importance. Oshima ne dépeint pas une passion, un amour entre deux êtres, il dépeint avec brio l’obsession, la passion d’une femme pour un sexe (ainsi que l'abandon complet de son amant à ses caprices)!! Si tel était son but, son film est réussi. La quasi absence de réels sentiments, la superficialité des relations limitées au sexe (et accessoirement à la boisson…) m’empêche de ressentir la moindre compassion ou empathie pour les personnages. En ce sens, le film de Tanaka développait beaucoup plus les personnages, ce qui permettait une meilleure adhésion à ceux-ci.

C’est ce manque de développement (on ne sait quasi rien des personnages, de leur passé…) et le parasitage continuel du récit par ces scènes explicites qui est à mon sens, la grande faiblesse du film et ce qui fait que je n’y adhère absolument pas. Ajoutez à cela Eiko Matsuda, actrice détestable qui me donne un réel urticaire…

Toutes les dithyrambes du monde ne me feront pas changer d’avis. Je ne dis pas que le film est mauvais, je dis qu’il est vide de tout sentiment. Qu’il ne me touche pas. Que cette avalanche de scènes pornographiques me gêne et m’empêche d’apprécier un film qui pourtant n’est aucunement dénué de qualités.

EDIT :
bruce randylan a écrit : Je rajouterai juste pour défendre à peine plus Abe Sada que le film à peu plus de fraicheur et de spontaneité que son Cousin/frère dans la relation du couple.
Voilà... Tout à fait d'accord.
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k-chan
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Message par k-chan »

Fatalitas a écrit :Arte avait tout faux en diffusant le film en VF, donc pour ceux que ça interesse, le film passe sur cineauteur ces jours-ci, en VOST :wink:
Huhum, merci pour l'info...


Qui c'est qui me l'enregistre ?? :o :mrgreen:


(j'adore L'empire des sens, sinon. Il faudrait que je le revois.)
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Message par gnome »

k-chan a écrit :
Fatalitas a écrit :Arte avait tout faux en diffusant le film en VF, donc pour ceux que ça interesse, le film passe sur cineauteur ces jours-ci, en VOST :wink:
Huhum, merci pour l'info...


Qui c'est qui me l'enregistre ?? :o :mrgreen:
C'était en avril... :wink:
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Message par k-chan »

Mince, j'avais pas vu la date :uhuh:


:(
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Message par gnome »

Il y a une chose que je ne comprend pas. Tout le monde semble s'accorder en dithyrambes sur ce film (L'empire des sens), mais je ne trouve personne pour venir argumenter contre mon avis ou surtout pour me dire en quoi ce film est un chef d'oeuvre. Certes la mise en scène est belle, qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit, mais à aucun moment, il me semble, on ne peut s'attacher à ces personnages dont on ne connait que l'anatomie. Oshima ménage quelques scènes en véritable état de grace (ce plan final montrant les amants couchés côte à côte avec la voix off... ou cette image de l'amant poursuivi par un enfant et dont on comprend la mort lorsque sa voix disparaît, ne laissant que celle de l'enfant...).

Et mon aversion pour ce film ne tient pas comme on pourrait le croire à un simple réflexe pudibond. Les scènes de sexe ne me dérangent par exemple que très peu dans Caligula en ce qu'elles ne parasitent pas le récit, elles font partie du décorum (excepté peut-être quelques inserts de Guccione dont la fameuse scène lesbienne qui détonnent avec le travail de Brass). Ce que je reproche à Ai no corrida, c'est de ne se limiter quasi qu'à ça! Même dans Caligula, il y avait des sentiments... :mrgreen:

Quoi de plus normal pour un film dont le sujet principal est une passion pour le sexe qui va pousser une jeune femme vers une sorte de folie et vers le meurtre?
OK, comparez un peu La maison du diable, le chef d'oeuvre de Robert Wise avec son ersatz boursouflé signé De Bont. D'un côté, vous vibrez et tremblez pour les personnages, de l'autre, vous feuilletez un joli livre d'images... POINT.
La suggestion est parfois beaucoup plus forte que l'exposition. Vous pouvez éveiller une émotion érotique parfois beaucoup plus troublante en suggérant qu'en montrant.

L'histoire telle que la raconte Oshima ne me fait que peu vibrer parce qu'il me semble qu'elle manque de substance. J'aurais probablement moins focalisé sur ces scènes explicites si Oshima y avait mis plus de sentiments...
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Message par Blue »

Tout le monde semble s'accorder en dithyrambes sur ce film (L'empire des sens), mais je ne trouve personne pour venir argumenter contre mon avis ou surtout pour me dire en quoi ce film est un chef d'oeuvre. Certes la mise en scène est belle, qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit, mais à aucun moment, il me semble, on ne peut s'attacher à ces personnages dont on ne connait que l'anatomie
Donc pour qu'un film soit objectivement un chef d'oeuvre, il faut qu'on puisse s'attacher aux personnages ?

:?:

Que dire alors de films tels "Le cuirassé Potemkine" ou "Soy Cuba" ?

"Oulah, non, pas chef d'oeuvre ça, y'a pas de personnage auxquels on peut s'attacher..." :wink:

J'ai mes propres idéaux en matière de cinéma, mais juste pour dire, je n'ai jamais vraiment partagé l'avis des gens qui veulent à tout prix privilégier le fond sur la forme.

Sinon, "L'empire des sens" est certes assez jusqu'au boutiste dans sa représentation de l'érotisme (sachant que de nos jours encore, de nombreux pornos nippons sont mosaïqués pour cacher les poils pubiens), mais je pense qu'Oshima doit énormément au "Blind Beast" de Masumura Yasuzo, qui reste pour moi le vrai maître étalon du genre.
Et puis, que ce soit formellement et narrativement, "Furyo" m'a beaucoup plus impressionné que "L'empire des sens".
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gnome
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Message par gnome »

Blue.Velvet a écrit : Donc pour qu'un film soit objectivement un chef d'oeuvre, il faut qu'on puisse s'attacher aux personnages ?

:?:

Que dire alors de films tels "Le cuirassé Potemkine" ou "Soy Cuba" ?

"Oulah, non, pas chef d'oeuvre ça, y'a pas de personnage auxquels on peut s'attacher..." :wink:

J'ai mes propres idéaux en matière de cinéma, mais juste pour dire, je n'ai jamais vraiment partagé l'avis des gens qui veulent à tout prix privilégier le fond sur la forme.
Non, je parle ici uniquement pour ce film. J'apprécie plein de films où il n'y a pas de personnages attachants, et même certain où il y a finalement peu d'émotion; où, comme tu dis, la forme prend le pas sur le fond. Mais ici, en matière du forme, c'est juste un porno magnifiquement bien filmé avec finalement très peu d'intrigue... Mon but en regardant l'empire des sens, n'était pas de mâter un porno, j'espérais plus... et je ne l'ai que très peu trouvé.
Et puis, que ce soit formellement et narrativement, "Furyo" m'a beaucoup plus impressionné que "L'empire des sens".
J'adore Furyo. Je ne peux qu'être d'accord avec toi. Et c'est justement parce que j'adore Furyo et que je respecte Oshima que je suis déçu.
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Message par Alligator »

gnome a écrit : Un érotisme plus suggestif (comme dans le pinku de Tanaka) aurait certainement mis plus en avant l’histoire.
Certes la mise en scène est belle, qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit, mais à aucun moment, il me semble, on ne peut s'attacher à ces personnages dont on ne connait que l'anatomie.
La suggestion est parfois beaucoup plus forte que l'exposition. Vous pouvez éveiller une émotion érotique parfois beaucoup plus troublante en suggérant qu'en montrant.
J'imagine que le propos n'est pas ici de suggérer. J'imagine encore, je ne connais pas l'histoire d'Oshima et du film, j'imagine donc que le cinéma peut et même devrait plus souvent montrer par la pornographie (par définition) la réalité des actes sexuels quand le thème du film est le désir, l'amour accompli dans la sexualité, les désordres ou les accords liés au sexe entre des êtres humains. Peut-être que l'érotisme peut se résumer à ce que tu évoques : la suggestion procure au spectateur, par son regard brimé, par son imagination activée, un plaisir plus intense. Mais à ce moment là, l'objectif du cinéma est donc le plaisir du spectateur. On lui manipule les hormones.
Je n'ai pas eu le sentiment qu'il s'agissait avec L'empire des sens d'un film générateur de plaisir ou de désir chez le spectateur. La crudité des scènes n'a rien à voir avec de l'érotisme (avec l'idée d'exciter le spectateur). Je l'ai vu plutôt un film (peut-être moralisateur) qui montre les actes sexuels de manière explicite afin de bien comprendre et accompagner les deux personnages vers la castration et la strangulation finale. Qu'est-ce que l'histoire si ce n'est un long chemin pas tranquille vers le meurtre de Kichi? Comment Sada a pu en arriver à tuer Kichi et comment Kichi a pu en arriver à se donner à Sada jusque dans sa mise à mort? C'est les questions que pose Oshima. Ce sont des questions qui dès le départ sont crues. Explicites. Oshima choisit d'y répondre de manière ultra-réaliste. Comme un chirurgien du désir. De l'abandon à son désir. Et il aurait été malvenu de ne pas donner à la mise en scène le même degré d'abandon. Le spectateur est mis en position de voyeur, non pas pour activer son excitation, mais pour qu'il ait toutes les cartes en main pour comprendre. Lui cacher l'explicite des scènes de sexe n'a pas d'autre légitimité que des raisons morales. Esthétiquement et intellectuellement, cela n'a pas de sens pour ce film de suggérer. Oshima n'a pas à suggérer. Pourquoi suggérer plus qu'expliciter? C'est une donnée morale.
gnome a écrit :c’est de désir qu’il faut parler et non d’amour. Sada n’aime pas Kichizo Ishida, elle aime son sexe (et le clame suffisamment dans le film), elle aime son corps, son jouet.
Oshima ne dépeint pas une passion, un amour entre deux êtres, il dépeint avec brio l’obsession, la passion d’une femme pour un sexe (ainsi que l'abandon complet de son amant à ses caprices)!! Si tel était son but, son film est réussi.

Ben voilà.
gnome a écrit :La quasi absence de réels sentiments, la superficialité des relations limitées au sexe (et accessoirement à la boisson…) m’empêche de ressentir la moindre compassion ou empathie pour les personnages.
C’est ce manque de développement (on ne sait quasi rien des personnages, de leur passé…) et le parasitage continuel du récit par ces scènes explicites qui est à mon sens, la grande faiblesse du film et ce qui fait que je n’y adhère absolument pas.
Voilà l'explication que tu cherchais semble-t-il, non?
Ici il est difficile de ne pas porter un jugement moral sur les personnages. Sont-ils amoureux ou ne sont-ils que deux êtres superficiels qui baisent jusqu'à la mort sans sentiments l'un pour l'autre?
Tu as répondu à ta question. Dès lors qu'on ne pose pas son jugement par rapport à cette donnée morale (savoir si les personnages s'aiment ou pas, savoir si l'on peut désirer et aimer en même temps) on peut apprécier le film et même lui coller l'étiquette de chef d'oeuvre pourquoi pas.
gnome a écrit :Ajoutez à cela Eiko Matsuda, actrice détestable qui me donne un réel urticaire…
Ouch! Là je ne te suis décidément pas. Je crois même que c'est cette actrice qui m'a fait aimer le film. Sa justesse, sa beauté, son aisance et son interprétation impliquée (on ne le serait à moins) m'ont particulièrement touché. Son personnage aussi. Cette lente progression vers la folie. Encore que ses pulsions de violence et meurtre sont très vite révélées par l'altercation qu'elle a au début du film.
gnome a écrit :Toutes les dithyrambes du monde ne me feront pas changer d’avis. Je ne dis pas que le film est mauvais, je dis qu’il est vide de tout sentiment.
Si c'était vrai, on pourrait répondre " et alors?"
Mais je ne suis pas trop d'accord. C'est un peu réducteur de ne voir dans le désir qu'une aliénation du corps et seulement du corps. Et c'est réduire l'amour à uniquement de grands sentiments. L'amour c'est aussi, pas seulement, mais c'est aussi du désir.
J'ai vu pour ma part autant de désir que d'amour dans ce film. Le désir prend-il le dessus? J'y vois plutôt de la folie. Quelque chose de mal négocié chez Sada, structurellement. Sada ne parvient pas à concilier son amour, son désir, et laisse son thanatos avaler son éros. Mais elle n'est pas dénuée de sentiments. Elle en est dénuée pour les autres. Mais pour Kichi cet amour existe. Son malheur d'ailleurs veut que l'expression de cet amour ne s'étale, ne s'explicite que dans le désir, avec une telle intensité que l'issue en devient fatale.
De toute façon, si elle n'était que désir, elle n'aurait pas eu d'intérêt à tuer cet homme et sa queue. Pareil pour ses sentiments amoureux. C'est bien la preuve que le problème ne se situe pas dans la légitimité de leur relation, le désir ou l'amour. En le tuant, elle se tue elle même. Elle se livre corps et âme à la folie. Elle s'abandonne à sa propre mort. Comme Kichi. C'est pour ça qu'elle écrit sur le corps de Kichi "Ensemble pour toujours" ou un truc dans ce genre, me souviens plus. Kichi est bien malade également de se livrer au désir de cette femme.
C'est un film sur la folie. Et comment le désir porté par des sentiments d'exclusivité, donc passionnels, donc des sentiments, comment donc le désir poussé à son paroxysme, altère la raison. Comment le désir déraisonné peut amener quelqu'un à tuer par amour avec pour moyen d'expression le désir.
Clairement pour moi la suggestion n'a pas sa place. On n'est pas là pour s'exciter. On est là pour voir la descente des deux personnages. Leur sacrifice.
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Mama Grande!
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Message par Mama Grande! »

Oshima a-t-il tourné un porno? Oui, il l'a toujours clamé. Mais un vulgaire porno, je ne pense pas. La classe de la mise en scène, les moments de grâce (le dernier plan, la promenade sous la pluie...) ou tout simplement l'intensité de la progression vers un final quasi insoutenable éloignent le film de toute vulgarité. Oshima n'est pas prisonnier des codes d'un genre, juste que quand certains films font le choix de ne rien montrer et de tout suggérer, lui fait le choix inverse. C'est un choix artistique auquel il reste fidèle jusqu'au bout, et par là j'y vois une forme d'honnêteté vis-à-vis de son oeuvre. Cette histoire est exclusivement charnelle (ou du moins elle est montrée comme telle). Il n'y avait à partir de là aucun sens à cacher l'acte. Ce n'est surement pas un hasard si Oshima a tourné ensuite L'Empire de la passion, où le couple est aussi soumis à une passion destructrice mais où les scènes de sexe sont en comparaison très peu présentes.

Maintenant, j'avoue aussi avoir été lassé au bout d'un moment par toutes ces scènes de sexe, lassitude que j'avais déjà éprouvé devant Crash ou Une jeunesse chinoise. Ce qui m'a le plus intéressé est l'aspect contestataire du projet. Comme le montre le documentaire du DVD, tourner un tel film à l'époque était un défi lancé à la société japonaise. Il s'agissait de bousculer les tabous, de revendiquer une forme de liberté. L'histoire se déroule à l'époque du fascisme nippon, et en se laissant vampiriser par leur passion, les personnages oublient le nationalisme et l'autorité, et se posent ainsi en marge de la société à une époque où c'était strictement interdit. Ainsi, ils sont deux êtres libres. De même, le personnage de Sada est subversif. Au-delà de son acte l'ayant rendu célèbre, on assiste à la transformation d'une geisha séduite par un maitre en une femme toute puissante dominant son maitre. D'ailleurs, dans la scène où
Spoiler (cliquez pour afficher)
il la "trompe" avec sa femme
le plan d'elle cachée dans un coin avec un couteau à la main, après avoir entendu un bruit, en fait presque un fantôme, un démon rancunier.

Pour finir, si j'ai préféré les autres Oshima que j'ai vus comme Contes cruels de la jeunesse, Les plaisirs de la chair, ou même l'Empire de la passion qui, s'il ne bénéficie pas de la même aura, ne me semble pas inférieur pour autant, je n'ai pas été déçu.
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Demi-Lune
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Re: La véritable histoire d'Abe Sada - L'Empire des sens

Message par Demi-Lune »

Autant je pense comprendre le maigre fond du film (le sexe dans sa dimension pathologique, l'homme n'étant plus qu'un instrument réifié soumis à la libido dévorante et désentimentalisée de la femme qui, à la fin, prend symboliquement sa revanche sur la phallocratie), autant je ne cache pas que l'ensemble m'a profondément agacé et consterné. Comme dit Mama Grande juste au-dessus, L’Empire des sens n'est qu'un boulard, un boulard qui s'offre la légitimité d'une démarche auteurisante, certes chiadé esthétiquement, mais un boulard quand même qui flirte avec le gonzo tant le scénario est, de mon point de vue, quasi inexistant et vain. Le développement des personnages, réduit à la portion congrue, est inversement proportionnel à la générosité d'Oshima lorsqu'il s'agit de filmer du cul. Et pas du cul touche-pipi, non non, là y a de l'éjac' dans la bouche, de la turlute à gogo, de la vieille besognée, de l’œuf gobé dans le vagin, du petit vieux masturbé et toutes sortes d'autres trucs bien sympas à faire passer Tinto Brass pour un enfant de chœur. Il y a tellement de baise dans ce film que ça en devient abstrait : c'est, précisément, l'essence du propos ; mais je ne peux pas m'empêcher de penser que la complaisance dans la pornographie explicite ne cherche pas aussi (et peut-être même surtout) à créer la polémique voire à satisfaire une grande partie du public venu se rincer l’œil. En somme, à thème égal (la spirale de l'addiction au sexe, évidée de toute préoccupation sentimentale et d'incarnation), L'Empire des sens est la Némésis du récent Shame. McQueen s'attache aux personnages, aux fêlures psychologiques. Oshima, lui, fait dans la fesse. Choisis ton camp, camarade.
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Re: La véritable histoire d'Abe Sada - L'Empire des sens

Message par hellrick »

J'avais dit que je lui rendais sa chance et puis j'ai oublié de l'enregistrer.
Pas grave pour ma part, j'ai toujours trouvé ce film chiant.
D'ailleurs les quelques tentatives que j'ai vu de marier le cinéma d'auteur et le porno m'ont profondément emmerdé. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir quelques hardcore de très haute qualité et bien filmé comme STORY OF JOANNA, JE SUIS A PRENDRE ou PUNISHMENT OF ANNE. Je n'en échangerais aucun contre ce film surestimé (j'aime pas trop le terme mais ici je le trouve bien adapté) ni intéressant ni bandant. Ce qui ne lui laisse pas grand chose.

Entre les deux version évoquée par ce topic j'avoue une préférence pour La véritable histoire d'Abe Sade comparé au Oshima. Il existe encore une troisième version de cette histoire, qui date de 1969 dans un sketch de l'anthologie érotique (assez moyenne) LOVE AND CRIME et dont la particularité est d'être racontée en flashback par la vraie Abe Sada. Et une quatrième version que je n'ai pas vue en 1998 appelée tout simplement SADA.
Critiques ciné bis http://bis.cinemaland.net et asiatiques http://asia.cinemaland.net

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Re: La véritable histoire d'Abe Sada - L'Empire des sens

Message par Blue »

Demi-Lune a écrit :L’Empire des sens n'est qu'un boulard, un boulard qui s'offre la légitimité d'une démarche auteurisante, certes chiadé esthétiquement, mais un boulard quand même qui flirte avec le gonzo tant le scénario est, de mon point de vue, quasi inexistant et vain.
Le film d'Oshima n'a rien à voir avec le gonzo porn. Historiquement, je dirais que cette catégorie de film entretient plus de rapports avec le dogme de Lars Von Trier, et plus particulièrement avec "Les Idiots". John Stagliano, l'initiateur du gonzo avec la série "Buttman", a inventé le POV suite au visionnage de "Blow Up" d'Antonioni. Il faut savoir aussi qu'au début des années 2000, avec l'avènement du numérique facilitant grandement la production et la distribution des films, on a connu une explosion du genre (je parlerais même de nouvelle vague), Jules Jordan a dynamité le genre un peu comme Sergio Leone pour le western à son époque. Cela a notamment donné le cul(te) "Ass Worship 2" (le premier épisode de la série était une sorte de coup d'essai, il est donc devenu moins important avec le temps). Avec "Ass Worship 2", Jules Jordan introduisait - si je puis dire - le cul comme un véritable personnage, plus important que l'actrice elle-même. On pouvait aussi remarquer que les angles de prise de vue et les mouvements d'appareil étaient plus soignés que ce qui se faisait jusqu'alors dans le gonzo, ce soi-disant sous-genre du porno lui même considéré comme un sous-genre du cinéma, et qui est hélas encore aujourd'hui souvent réduit à son degré artistique zéro et à son caractère ouvertement amateur (alors qu'aux states, il s'agit d'une industrie gigantesque avec ses studios, ses cinéastes-clés et son star system).

Pour en revenir à "L'Empire Des Sens", dois-je rappeler l'influence qu'à pu avoir ce film sur des cinéastes comme Larry Clark lorsqu'il fut découvert à l'époque ?

Et puis... une oeuvre cinématographique quelle qu'elle soit a t-elle pour vocation d'être convaincante scénaristiquement ?
"L'Homme A La Caméra" est un film sans scénario. Est-il un mauvais film pour cette raison ?
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