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Supfiction
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Message par Supfiction »

Je viens de finir Les piliers de la terre en à peine 3 semaines. Je crois que c’est la première fois depuis Martin Eden que je lis un aussi gros bouquin aussi rapidement. Bizarrement je ne suis pas sûr de lire un autre Ken Follett, j’ai peur qu’il n’exploite trop bien les mêmes ficelles.

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hellrick
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Message par hellrick »

Supfiction a écrit :Je viens de finir Les piliers de la terre en à peine 3 semaines. Je crois que c’est la première fois depuis Martin Eden que je lis un aussi gros bouquin aussi rapidement. Bizarrement je ne suis pas sûr de lire un autre Ken Follett, j’ai peur qu’il n’exploite trop bien les mêmes ficelles.

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J'ai commencé la saga du XXème siècle, j'avais lu le premier tome en moins d'une semaine (et il fait dans les 1200 pages), je m'attaque au tome 2 asap

Sinon:

LES 9 PRINCES D’AMBRE
Œuvre la plus célèbre et ambitieuse de Zelazny, la vaste saga d’Ambre se compose de dix tomes (quatre autres furent ajoutés par divers auteurs après le décès de l’écrivain qui avait envisagé trois cycles romanesques) divisés en deux cycles de cinq volumes chacun. Le premier, entamé en 1975, s’est poursuivi jusque 1980 sous l’intitulé de « Cycle de Corwin ». En 1986 Zelzany débuta un second cycle dit « de Merlin » moins réputé.
Ambre constitue le seul monde authentique, dont tous les autres, dont la Terre, ne sont que le pâle reflet. Ambre est dominée depuis des éternités par une famille royale toute puissante sous l’autorité d’Obéron, aujourd’hui disparu. Un amnésique, Carl Corey, se réveille dans une clinique privée. Il s’enfuit et trouve refuge chez sa sœur qui lui apprend qu’il est en réalité un des neuf princes du royaume magique d’Ambre. Tous s’affrontent afin de s’emparer du trône.
En 200 pages très denses Zelazny ne laisse aucunement le temps de souffler au lecteur et démontre l’évolution de la Fantasy : aujourd’hui un écrivain tirerait (à la ligne) surement un bon millier de pages de cette histoire touffue. Mais ici pas de temps morts, pas de description et peu d’explications : le lecteur se trouve plongé dans un univers radicalement différent qu’il va explorer avec le héros (l’amnésie constituant le prétexte pour dévoiler Ambre au principal protagoniste). Bien des clichés de la Fantasy sont également instaurés ici : les combats entre différents héritiers royaux, le jeu de Tarot aux propriétés mystérieuses, la vengeance façon Monte Christo des derniers chapitres, les univers multiples.
Certains passages paraissent étranges, le lecteur sera parfois dérouté, il devra s’accrocher lors de la présentation, très succincte, des différents princes mais, dans l’ensemble, LES 9 PRINCES D’AMBRE constitue une lecture aisée, prenante, très abordable (y compris pour les néophytes en Fantasy) qui pose agréablement la situation et se termine par un cliffhanger donnant immédiatement envie de poursuivre la saga.

SORCELAME
Un adolescent orphelin ayant vécu de manière insouciante doit ainsi quitter son village après l’arrivée des cruels membres de la Fraternité. Il part sur les routes avec son amie d’enfance, rencontre un maitre Harpiste mystérieux ayant renoncé à la violence
Ce premier tome d’une tétralogie constitue une fantasy plaisante que l’on pourrait dédaigneusement qualifier de « big commercial fantasy ». On y retrouve, en effet, tous les éléments classiques du genre, l’auteur semblant calquer une partie de sa narration sur l’insurpassable modèle que demeure LE SEIGNEUR DES ANNEAUX.
Trolls, nains, elfes, fraternité malfaisante, princesse en révolte contre son tyrannique papa, élu partant à l’aventure, prophétie, adversaire tout puissant, arme magique,… SORCELAME ne révolutionne pas la Fantasy mais propose un récit plaisant, très orienté « young adult » (les deux principaux protagonistes ont d’ailleurs 15 ans), qui se lit sans aspérité. Le style se montre ainsi simple, les chapitres courts (33 pour un peu plus de 220 pages grand format) et l’alternance entre les parcours des deux héros (un jeune berger orphelin et une princesse entrainée aux arts martiaux les plus létaux) permet de maintenir l’intérêt du lecteur en conférant à l’ensemble un rythme soutenu.
Bien évidemment nos protagonistes se retrouvent dans le dernier acte au cours duquel l’auteur se lâche dans la grosse Fantasy avec la découverte (qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe pour permettre à l’intrigue d’avancer) d’une épée magique appelée Sorcelame, la révélation (attendue) de leur rôle dans cette histoire et le réveil d’un pouvoir maléfique ancien symbolisé par la Mère Stérile. Un combat quelque peu expédié termine ce premier opus.
Tous les ingrédients étant à présent en place l’histoire peut sereinement se poursuivre dans le deuxième tome. Et, si ce premier volume très classique laisse le lecteur quelque peu sur sa faim, le roman reste suffisamment rythmé et agréable pour susciter le désir de découvrir la suite, LA SEPTIME ETOILE.

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The Eye Of Doom
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Message par The Eye Of Doom »

hellrick a écrit :
LES 9 PRINCES D’AMBRE
Œuvre la plus célèbre et ambitieuse de Zelazny, la vaste saga d’Ambre se compose de dix tomes (quatre autres furent ajoutés par divers auteurs après le décès de l’écrivain qui avait envisagé trois cycles romanesques) divisés en deux cycles de cinq volumes chacun. Le premier, entamé en 1975, s’est poursuivi jusque 1980 sous l’intitulé de « Cycle de Corwin ». En 1986 Zelzany débuta un second cycle dit « de Merlin » moins réputé.
Ambre constitue le seul monde authentique, dont tous les autres, dont la Terre, ne sont que le pâle reflet. Ambre est dominée depuis des éternités par une famille royale toute puissante sous l’autorité d’Obéron, aujourd’hui disparu. Un amnésique, Carl Corey, se réveille dans une clinique privée. Il s’enfuit et trouve refuge chez sa sœur qui lui apprend qu’il est en réalité un des neuf princes du royaume magique d’Ambre. Tous s’affrontent afin de s’emparer du trône.
En 200 pages très denses Zelazny ne laisse aucunement le temps de souffler au lecteur et démontre l’évolution de la Fantasy : aujourd’hui un écrivain tirerait (à la ligne) surement un bon millier de pages de cette histoire touffue. Mais ici pas de temps morts, pas de description et peu d’explications : le lecteur se trouve plongé dans un univers radicalement différent qu’il va explorer avec le héros (l’amnésie constituant le prétexte pour dévoiler Ambre au principal protagoniste). Bien des clichés de la Fantasy sont également instaurés ici : les combats entre différents héritiers royaux, le jeu de Tarot aux propriétés mystérieuses, la vengeance façon Monte Christo des derniers chapitres, les univers multiples.
Certains passages paraissent étranges, le lecteur sera parfois dérouté, il devra s’accrocher lors de la présentation, très succincte, des différents princes mais, dans l’ensemble, LES 9 PRINCES D’AMBRE constitue une lecture aisée, prenante, très abordable (y compris pour les néophytes en Fantasy) qui pose agréablement la situation et se termine par un cliffhanger donnant immédiatement envie de poursuivre la saga.
Je l'ai découvert récemment à l'occasion de l'achat à tres vil prix d'un lot de vieux Présence du futur à couverture blanche.
Je restait sur un tres bon souvenir de L'île des morts, Toi l'immortel, lu dans ma jeunesse, et d'une certaine circonspection face à ses œuvres cosignees avec l'immense Robert Sheckley.
Donc 30 ans plus tard, par hazard, je tombe sur ce truc. Assez d'accord avec les éléments que tu cite: c'est rapidement troussé, plutot imaginatif (pour l'époque) et facile à lire. J'ai tout de même trouvé ça plutot brouillon et un peu vain.
En fait ca me rappelle un peu les romans "fantazy" de Clice Barker ( du style le monde dans le tapis, désolé je me rappelle plus du titre). Lui il met effectivement 1000 pages....On découvre un monde parallèle bordélique et magique dont la structure, l'origine, la cohérence Physique... sont le cadet des soucis de l'auteur. Mais propice à des "envolées" délirantes parfois sympathiques et de jolis glissements de terrain d'un monde à l'autre.
En general' l'intro (si je peux dire vu que ça dure qcq dizaine de pages) est le meilleur de ce type d'ouvrage. Apres il faut construire une vrai intrigue et c'est plus dur.
Je lu les deux ou trois qui ont suivi les 9 princes mais ça m'a barbé rapidement car je n'accroche pas à ce type de récit.
Bon il faut que je retrouve mon exemplaire de l'île de mort avec la couv de Moebius, et tente une relecture.
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Message par hellrick »

The Eye Of Doom a écrit :
hellrick a écrit :
Bon il faut que je retrouve mon exemplaire de l'île de mort avec la couv de Moebius, et tente une relecture.
Si tu ne le trouves plus il existe une intégrale: https://www.noosfere.org/livres/niourf. ... 2146593832 :wink:
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Message par hellrick »

AUX CONFINS DE L’ETRANGE
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Sorti dans sa version originale en 1993, ce recueil de Connie Willis (couronné par le Locus) succède aux VEILLEURS DU FEU et rassemble, après une préface de Gardner Gozoi, onze titres assortis, à chaque fois, d’une courte présentation. Nous débutons avec le célèbre « le dernier des Winnebago » lauréat du Nebula, du Hugo et du Prix Asimov dans la catégorie des « romans courts ». Il s’agit d’un texte mélancolique sur la fin d’un monde (le nôtre) plus que sur la fin du monde puisque celle-ci se déroule chaque jour et voit disparaitre diverses espèces. L’auteur effectue ainsi un parallèle entre la fin des caravanes Winnebago, symbole d’une Amérique disons post-soixante-huitarde et l’extinction de certains animaux comme les chiens.
On continue avec une nouvelle récompensée par le Nebula, le Hugo, le Locus et le Asimov (!) : « Même sa majesté », texte humoristique anti féministe écrit par une femme, une belle réussite souvent très drôle.
« Ado » est un autre excellent texte court humoristique, une des histoires les plus mémorables imaginées par Connie Willis au sujet de la censure des œuvres littéraires par diverses associations bien pensantes style Social Justice Warriors et autres abrutis. Immanquable et terriblement actuel.
Le court roman « Pogrom spatial », récompensée par le prix Asimov, ne m’a pas spécialement convaincu mais n’est pas mauvais pour autant juste (à mon sens) un peu longuet. « Temps mort » et ces abracadabrantes théories sur le voyage temporel assorties de romance (on pense parfois à la très chouette rom-com science-fictionnel « About time ») fonctionne de plus belle manière mais peut apparaitre un peu confuse au lecteur. Le début semble également un peu long à se mettre en place (voire laborieux) et il faut attendre les dernières pages pour que la construction narrative de Willis se déploie réellement.
« A la fin du crétacé » constitue une autre nouvelle humoristique, ou plutôt satirique, qui vise les Universités américaines. Malgré quelques notes amusantes elle risque de laisser sur le carreau les lecteurs moins familiers avec cet univers et apparait comme anecdotique. « Conte d’hiver » et « Hasard », plaisants, pâtissent de la comparaison avec l’excellent « Rick ». Situé dans le cadre de Londres durant le blitz, un univers bien connu de l’écrivaine puisqu’elle le revisitera dans son fameux diptyque BLACK OUT / ALL CLEAR (BLITZ), cette longue nouvelle (80 pages) revisite avec brio un thème classique du fantastique. Prenant son temps pour aborder le « genre », le récit montre que, durant la dernière guerre mondiale, certains trouvèrent leur vocation, de la jeune fille soudainement entourée de soupirants au sauveteur cachant une créature bien connue du « bestiaire ».
Enfin, « Au Rialto », gagnant du Nebula, termine ce recueil sur une nouvelle note humoristique en effectuant un parallèle entre deux mondes incompréhensibles : la physique quantique et Hollywood. Les théories des physiciens paraissent aussi délirantes que les tentatives d’apprentis réceptionnistes / comédiens de percer dans la cité des Anges. Cette nouvelle, dans lequel le lecteur se sent logiquement perdu, permet de passer un bon moment et termine sur une note positive un recueil forcément inégal mais dans l’ensemble très plaisant. A noter que les trois textes primés se retrouveront logiquement dans l’anthologie « best of » LES VEILLEURS.


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Wuwei
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Message par Wuwei »

il me tente beaucoup ce recueil ! comme je lis moins de sf j'essaie de ne lire que de bons bouquins. (et je me dis que relire les princes d'ambre serait une excellente idée, même si la deuxième partie du cycle est carrément déjantée ^^ mais bon ça vaut pas son livre sur les divinités hindous dans l'espace :) )

sinon ces derniers jours :

- la maison dans laquelle, de maryam petrosyan.
difficile de résumer ce livre, on suit plusieurs personnages (on reste en point de vue interne à chaque fois) qui sont tous pensionnaires de "la maison", on comprend vite qu'il s'agit d'une maison d'accueil pour handicapés. la trame se tend autour de plusieurs éléments : la fin de l'année approche, les héros vont devenir adulte et quitter la maison : comment cela va-t-il finir ? On a également des intermèdes qui nous présente peu ou prou les mêmes persos sept ans avant lorsque la promo d'avant a quitté la maison et un mystère demeure sur comment cela s'est terminé, des conflits entre les groupes d'enfants (chambrée en fait) qui composent la maison, les dynamiques internes propres à chacun et des éléments extérieurs (la mixité de nouveau autorisée, etc).
le roman est dense et long (1000 pages environ) et vaut surtout pour son exploration de différents psychés, le résumé est factuel et ne rend pas compte de l'aspect "interne" des folies et handicaps qui jalonnent l'ouvrage, il y a des rites, des secrets (tout ne sera pas expliqué), des langages, etc qui sont propres à tout ce petit monde et c'est très spécial (sans jamais être "arty") on frôle parfois la fantaisie sans jamais vraiment y tomber. J'avoue que j'ai adoré cet ouvrage (et pourtant je ne m'attendais pas du tout à ça) et que la fin redoutée (toujours un passage difficile dans ce type de cas) m'a dérouté et plu.

- gravesend de william boyle
Un commis de pharmacie est décidée à tuer l'homme qui a assassiné son frère gay. 16 ans après les faits, le meurtrier sort de prison. On suit en parallèle, une jeune actrice déchue de LA qui revient dans le quartier, sa voisine et ancienne amie ou encore un adolescent (de la famille du meurtrier) en voie de rébellion. Le tout se passe dans le quartier de gravesend, un petit quartier italien de new york
numéro 1000 de la collection rivage.noir, ce premier roman marque par la qualité des descriptions de ce quartier (c'est glauque, triste, mélancolique et dépressif à souhait ^^) et dans les inattendus de l'histoire, je me suis dit "génial, le mec va rencontrer la nana et ça va être une histoire d'amour de plus"... alors... oui... mais non en fait, les événements vont prendre une tournure pessimistes dans... 99% des cas. C'est aussi un portrait assez juste des différentes générations qui peuplent ce quartier.

- nous avons toujours vécues au château de shirley jackson
j'ai profité de la promo de l'été (fnac je crois) pour prendre le classique de shirley et que dire si ce n'est que c'est un classique... si on ne voit que le côté "mystère", on dira "j'avais deviné au bout de 50pages"... et on sera passé à côté de cet ouvrage gothique et sombre à souhait... 220 pages d'étrangeté saisissante.
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Message par hellrick »

Wuwei a écrit : - nous avons toujours vécues au château de shirley jackson
j'ai profité de la promo de l'été (fnac je crois) pour prendre le classique de shirley et que dire si ce n'est que c'est un classique... si on ne voit que le côté "mystère", on dira "j'avais deviné au bout de 50pages"... et on sera passé à côté de cet ouvrage gothique et sombre à souhait... 220 pages d'étrangeté saisissante.
Je l'ai pris aussi sur mon kindle...je picore son recueil "la loterie" et j'avoue que je suis circonspect :fiou:

Sinon en parlant de nouvelles pour l'été:

69
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Publiée en 2009 pour fêter les quarante ans de la fameuse « année érotique », cette anthologie variée se relit agréablement dix ans plus tard, alors que les médias fêtent les victoires d’Eddy Merckx, l’été psychédélique, Woodstock, la libération sexuelle ou les premiers pas de l’Homme sur la lune. Sous une jolie couverture très pop typique des sixties, Charlotte Volper rassemble ici douze textes de l’imaginaire francophone teintés d’érotisme.
Stéphane Beauverger ouvre le bal avec un plaisant “Eddy Merckx n’est jamais allé à Vérone” qui revient sur cette fameuse année 1969. Pas de science-fiction dans ce récit de littérature générale néanmoins plaisant qui constitue en tout cas une belle introduction à ce recueil.
La suite est diverse avec quelques thématiques classiques mais plutôt bien menées. Evolution de la sexualité grâce à divers « améliorations » façon sex toys futuristes, androïdes de plaisir, cinéma interactif permettant de se replonger au temps de l’empire romain en l’an 69 (ou LXIX pour faire plus local), hantise, succube, vampirisme, sabbat, potion « magique », relations entre hommes et extraterrestres,…
A partir du thème classique du succube (y a t’il thématique plus banale pour un récit érotico fantastique ?), Jean-Marc Ligny livre ainsi un très efficace « Vestiges de l’amour ». Autre thème bateau, les lunettes magiques qui titillent la libido du savant fou du très référentiel et délicieusement désuet « Louise ionisée » de Norbert Merjagnan, auteur de la fameuse saga des TOURS DE SAMARANTE. Toujours délicate, Mélanie Fazi propose un texte de « dresseuse d’automate » subtil et réussi, lauréat du prix Masterton, « Miroir de porcelaine ».
Joel Wintrebert, avec le plus long « Camélions » développe en une vingtaine de pages un autre thème récurrent (au moins depuis PJ Farmer) de la « sexe-fiction » avec cette planète étrange et ces unions (contre nature ?) entre une jeune femme et des créatures extraterrestres.
Au final, cette anthologie (parue à la même époque que l’intéressante mais plus inégale COSMIC EROTICA) constitue une jolie réussite allant du fantastique à la science-fiction en passant par l’épouvante et la fantasy, tous les textes étant empreints d’un érotisme allant, pour sa part, du plus délicat au plus cru.
Conseillé.
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Message par poet77 »

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Le mois dernier, l’une de mes lectures fut Carmilla, roman de l’écrivain irlandais Joseph Sheridan Le Fanu paru pour la première fois en 1872. Bien sûr, comme beaucoup de lecteurs de ce roman appartenant à la veine gothique et racontant une histoire de vampire, j’ai été impressionné non pas tant par l’aspect horrifique du récit que par son sous-texte puissamment érotique. Or, ce dont il s’agit, ce n’est rien moins qu’une histoire de passion lesbienne. Laura, la jeune ingénue du livre, qui accueille chez elle, avec la bénédiction de son père, une mystérieuse voyageuse prénommée Carmilla ne tarde pas à tomber sous le charme de sa beauté. Les mots employés par l’écrivain, même s’ils ne décrivent pas explicitement les plaisirs charnels, ne laissent planer aucun doute. Laura est amoureuse de Carmilla, d’un amour qui, du fait qu’elle a affaire à une vampire, est porteur de mort. Eros et Thanatos, une fois de plus, sont indissociables.
Toute cette thématique est également présente dans Ça raconte Sarah, le superbe roman de Pauline Delabroy-Allard, sorti en librairie aux éditions de Minuit il y a presque un an et dont je viens d’achever la lecture. L’aspect fantastique, gothique, en moins, la romancière ne raconte pas autre chose que ce dont il était déjà question dans Carmilla. L’érotisme et la mort, chez Pauline Delabroy-Allard, se donnent également la main, bien évidemment, et, même s’il n’est plus question de vampire à proprement parler, le récit, comme toujours quand il s’agit de passion amoureuse, conserve quelque chose de l’ordre d’une vampirisation. Cela pourrait être décevant puisque cela a déjà été raconté bien des fois, on pourrait se dire qu’on a déjà lu ça, que ce n’est guère nouveau, mais il n’en est rien. D’abord parce qu’aujourd’hui on peut raconter une histoire de passion amoureuse entre deux femmes de manière beaucoup plus explicite qu’à l’époque de Sheridan Le Fanu. On n’est pas obligé de prendre des détours. Les mots et les phrases dont use Pauline Delabroy-Allard sont donc parfois très cru, très direct, et c’est bien. Mais l’écriture de la romancière se pare de bien plus de nuances et se dote de bien davantage de qualités que celles de la simple description clinique des faits.
Tout en s’autorisant régulièrement de curieuses pauses lexicales, prenant le temps d’expliciter un terme ou de donner des informations concernant une œuvre, Pauline Delabroy-Allard raconte à merveille les bonheurs et les affres d’une passion amoureuse. « Elle me hante, dit la narratrice de l’ouvrage à propos de Sarah, nue, sublime, un fantôme qui fait gonfler mes veines, larmoyer mon sexe. » Et plus loin : « Elle ne se rend pas compte que plus rien d’autre ne m’intéresse que les moments passés avec elle, que je me sens déprimée, que je n’aime plus mon travail, que je me fais arrêter par mon médecin dès que je le peux. » La voilà, la vampirisation. Plus rien ne compte que l’être aimé. Même la fille de la narratrice n’est désignée que comme « l’enfant », c’est à peine si elle est mentionnée. Alors que Sarah, elle, la narratrice l’écrit et le répète, vit et se comporte précisément comme une enfant. Une enfant qui donne de la joie et qui fait souffrir, pour employer les deux mots que François Truffaut mettait dans la bouche de Belmondo à la fin de La Sirène du Mississippi.
Le roman de Pauline Delabroy-Allard comporte deux parties distinctes, l’une étant consacrée à la passion dévorante qui unit dans la tourmente la narratrice et Sarah, l’autre se déroulant en Italie, à Milan et à Trieste, où s’est enfuie et réfugiée la narratrice, à la suite d’un événement dont je laisse la surprise aux futurs lecteurs du roman. Perdue, déboussolée, la narratrice se demande ce qui s’est passé entre elle et Sarah, sans pouvoir donner une réponse précise. Disons simplement que, comme toujours dans les histoires de passion amoureuse, Thanatos est venu semer le trouble du côté d’Eros.
Il y donc, bel et bien, une narratrice dans ce roman et pourtant le titre se contente d’un énigmatique ça. Ça raconte Sarah. Impossible de ne pas s’interroger à propos de ce ça. Sans aucunement prétendre en supprimer l’ambiguïté, j’ose suggérer qu’on peut y mettre, entre autres choses, la musique. Car, il faut le préciser, Sarah est musicienne, elle est membre d’un quatuor et, de ce fait, contrainte à de nombreux déplacements, ce qui oblige, à son tour, dans la première partie du livre, la narratrice à effectuer beaucoup de voyages pour rejoindre sa bien-aimée. Toujours est-il que la musique étant omniprésente dans l’ouvrage, c’est elle qui, d’une certaine façon, raconte Sarah, me semble-t-il. Le premier trio de Brahms, l’octuor de Mendelssohn, le quintette La Truite de Schubert et, surtout, le quatuor La Jeune Fille et la Mort du même Schubert à la fin du roman. Le grand compositeur viennois, lui aussi, dans cette œuvre sublime et déchirante, avait convoqué l’insatiable présence de Thanatos. 9/10
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Message par villag »

Ne trouvant rien de mieux , je relie tous mes Jack Vance.....quel bonheur !!!
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Wuwei
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Message par Wuwei »

ces trois dernières semaines :

le deuxième volume de l'intégrale Nestor Burma chez Laffont (la nouvelle version avec les burmas dans l'ordre chronologique (et pas d'écriture) et pas d'autres titres que burma... ça veut dire trouver la trilogie noire par la suite) : faire un compte rendu de tous les romans du volume serait long (à lire surtout ^^) mais si on apprécie le héros, paris, l'époque, les polars et la poésie... il y a de quoi se faire plaisir. On trouve "brouillard au pont de tolbiac" (sans doute l'un des plus connus car très sombre et adapté en bd par Tardi de belle manière) qui vaut le déplacement mais les autres sont également de bonne facture. Certes tout cela a vieilli et les enquêtes sans téléphone, à coup de hasard, de petits trucs bien déduits (d'ailleurs, il est intéressant de noter que Malet fait dire par Burma qu'il n'est pas Sherlock mais on retrouve tout de même un côté "déduction" dans la façon de construire les intrigues, même si nous ne sommes pas Doyle et que le lecteur a de nombreux indices en main) peuvent en rebuter certain.e.s mais cela fait partie du charmes de la série car les portraits des arrondissements sont touchants et justes. Bien évidemment (et malheureusement) des traces de racismes et de machismes surnagent ici et là, les uns diront "c'est l'époque" (ce qui n'est pas faux) mais ça reste difficile à digérer. Si on peut tempérer cet aspect en se délectant de romans emprunts de poésie, de digressions et de descriptions superbes (franchement, les romans sont courts et pourtant à chaque fois il s'en dégage une atmosphère singulière... en plus de l'enquête et des quelques clichés qu'elle peut drainer), on peut également remarquer que les propos racistes sont également dénoncés, de même bien que l'on reste dans une vision de la femme "sublimée" (en reprenant un trope de la littérature de chevalerie pour le dire vite) on remarque que Hélène (la secrétaire de Burma) a une place capitale dans les romans, elle est active, rusée et pas uniquement "la fille que l'on capture pour motiver le héros", dans un roman elle a même droit de prendre la parole et se révèle tout aussi caustique que son patron. Bref, de quoi contenter les amateurs et surprendre les novices.

Le cycle des épées de Leiber, récemment publié en un seul volume au Livre de Poche, je passe outre la polémique sur les traductions (parce que techniquement, chui supposé bosser le sujet et je n'en finirais pas) pour parler du contenu. Si vous aimez donjon et dragon, la fantaisie ou Pratchett... cette lecture est incontournable, j'attendais un tel volume pour me lancer et j'avais peur de l'aspect "old school" mais qui sent le rance... l'écriture vieillotte. On ne va pas se le cacher c'est effectivement le cas, si vous appréciez les intrigues complexes, une langue savante ou poétique, les ambiances complexes, les mondes alambiquées que l'on fait tenir debout à grands coups de mythes de légendes, de personnages secondaires ambigus... ça ne va pas vous plaire. L'auteur le précise, il voulait du Tolkien plus brut de décoffrage plus "terre à terre" et c'est bien le cas, on retrouve indéniablement un côté pulp dans certaines aventures (toutes ^^). Il s'agit de recueils de nouvelles et d'un roman mais bon tout est ici dans l'ordre chronologique et tout est pensé pour s'emboîter parfaitement, donc pas de risque d'avoir des récits éparpillés sans queue ni tête. Au-delà de cet aspect, on peut s'en donner à coeur joie sur l'influence énorme de ces écrits, je suis un amateur inconditionnel de Pratchett et force est de constater qu'il a su piocher certains des éléments emblématiques de son propre univers (le disque monde) chez Leiber (en les modifiants et en payant son tribut), il y a donc de l'humour, de l'aventure, des combats, du biffer than life, de l'improbable et de l'étrange à chaque coin de page. Bon, enchainer tous les volumes peut laisser mais ça se dévore tout de même facilement. Deux gros bémols pour moi, le dernier volume est mauvais, il est considéré comme tel par nombres d'amateurs et c'est à raison, franchement vous pouvez vous dispenser de le lire, c'est vraiment le creux de la vague en terme d'histoire et d'écriture. Autre point négatif : le traitement des femmes. La nouvelle "féministe" écrite dans les années 70 qui voient nos deux héros confronter à leurs anciennes conquêtes et déjà assez lourde et peu finaude mais les jeunes filles à peine pubère qui se laissent enchainer à la tête du lit avec des regards langoureux ou une scène saphique sado-maso qui se délaie sur plusieurs pages ou le côté "13 ans le bel âge"... ça coince pas mal chez moi. Autant, l'originalité des histoires d'amours (sans spoiler, on va dire que toutes les conquêtes féminines de nos héros ne sont pas à proprement parler des "femmes"...et qu'aller aussi loin dans le domaine - mêem si c'est à sens unique - est une bonne chose) est une bonne chose, autant certains passages me semblent, au mieux, complaisants.

Nicolas Saada entretien 1 : paru il y a peu chez Carlota. Bon, c'était mon "livre de chevet" durant les vacances, de fait... j'ai plus mis des post-it ici et là pour me souvenir d'un propos précis que cherché à m'en souvenir avec précision. J'ai trouvé l'ensemble très sympa, le fait d'avoir des entretiens avec des compositeurs ou la monteuse de Scorcese est assez génial, j'ai appris un tas de choses et on partage bien les points de vues des uns et des autres sans sentir que Saada cherche à prendre le dessus ou à trop diriger les réponses, cela permet de se faire un avis sur les propos d'un tel ou d'un tel avec plaisir.
J'ai peu de choses à dire sur le sujet car il faudrait analyser chacun des entretiens, mais on sent tout de même de l'homogénéité dans le volume, ce qui change du format "revue" qui propose parfois le pire à côté du meilleur.

Raymond Chandler, les enquêtes de Marlowe, chez Quarto. Là encore, sans en faire une tartine, c'est à conseiller car la majorité des traductions ont été revues, fini le trop plein d'argot, les réécritures et les coupures, on ne lit toujours pas chandler dans le texte mais nous sommes définitivement plus proches qu'auparavant du texte (les romans qui n'ont pas été retraduits sont ceux sur lesquels Vian a oeuvré... personnellement je ne trouve pas que ses traductions soient "mauvaises" - il y va mollo sur l'argot- mais l'argument "c'est un écrivain donc son oeuvre est sacrée"... me laisse de marbre). Si vous ne connaissez pas Chandler : foncez ! Ces romans ont donné lieu à de superbes films (ça, tout le monde le sait, je ne vais pas vous faire l'affront d'en parler ici... ) et si les adaptations sont bonnes (enfin pour les bons films) il n'en reste pas moins que les livres sont différents, déjà parce qu'il a une homogénéité du style et une évolution du personnage au fil des récits, ensuite parce que la langue de Chandler vaut à elle seule le détour... il faut lire le début de la Dame du lac, la description des mélèzes y est superbe pour remarquer que la force stylistique de l'auteur ne se limite pas aux stéréotypes urbains qu'on a tendance à lui coller. En fait, Chandler n'a pas tout inventer non plus mais sa vision de LA reste forte et hante les imaginaires depuis tellement de temps qu'on aura tendance à la pensée "déjà vue" ou surannée, ce qui n'est pas le cas, son propos (bien qu'ancrer dans une réalité sociale et historique indéniable) reste vivant et touchant. Je précise cela car j'ai déjà croisé des gens pour qui "c'est bien mais c'est vieux et ça ne vaut pas les polars d'aujourd'hui" alors que "si" le plus souvent Chandler reste un cran au-dessus de la grande majorité des romanciers actuels (carrément). Forcément, comme pour Malet (d'ailleurs dans l'intro du volume de Malet, le parallèle entre les deux héros et les deux univers est pointé du doigt alors que Chandler n'était pas traduit en France, on peut s'étonner et se réjouir des points communs entre les deux oeuvres) certains propos ("un quartier où il n'y avait pas encore trop de nègres") peuvent choquer et des éléments sont vieux (l'époque, etc) il n'en reste pas moins des inventions langagières surprenantes et des enquêtes palpitantes... alors... palpitantes... si on aime le bordel qui s'accumule... rien n'est jamais simple ... mais, rassurez-vous, tout fini toujours mal puisqu'il n'y a pas de gentil.
Pour les amateurs de LA, de polar, de l'époque et d'une approche littéraire et psychologique, les romans de ross mcdonald sont retraduits par gallmeister depuis quelques années (ils ont fait les 10 premiers sur 17 au total, quelque chose comme ça), ça devrait vous plaire.

Valerio Evangelisti, Nicolas Eymerich inquisiteur : l'intégrale chez laffont, enfin le premier tome uniquement, donc les 5 premiers romans. J'ai connu cette série par son adaptation en bd... (qui vaut le détour), ça peut surprendre car l'histoire mêle un inquisiteur (basé sur un personnage réel) du XIVe, le temps présent et un futur lointain, tout en reliant ces différentes temporalité autour d'une même intrigue. le premier volume est dense, court, surprenant et captivant ! Par la suite, l'auteur va développer son univers pour créer un "présent dystopique", il prend appuie sur la guerre des balkans (les romans datent des années 90 pour les premiers) ou sur la guerre du golfe pour y mêler des idées de science-fiction (modification génétique, maladie rare, etc) et des idées politiques, ce qui fait qu'un sentiment de cohérence s'installe au fil des tomes, de la même manière on suit la vie d'Eymerich et les romans ont tendance à faire référence à des faits s'étant déroulés dans des romans précédents. La taille des récits augmente au fil des parutions, de même que l'ampleur des intrigues et que les ambitions de l'auteur, il est conseillé de les lire dans l'ordre afin de se familiariser avec le concept et de voir s'il plaît. Si nous ne sommes pas chez Léon sadorski de Slocombe (que je recommande au passage), nicolas eymerich reste un inquisiteur dominicain (logique) rigide qui n'hésite pas à prendre des décisions radicales ! (vraiment radicales, la fin du deuxième roman est très explicite sur ce point), il répugne à la torture car il entretien un sentiment d'amour - haine avec cette dernière et s'il est logique et souvent présenté comme un "sherlock holmes" de l'époque... nous sommes loin du modèle de doyle tant ce personnage peu paraître brillant mais tout à fait conscient du pouvoir qu'il a et n'hésitant pas à mentir, tromper ou tuer au besoin. Cet aspect peu dérouter les amateurs de romans d'aventures ou de science fiction proposant des personnages plus facilement identifiable (ou à l’ambiguïté plus digeste). Si je lis plus de polars que de science-fiction, j'adore cette dernière et j'essaie de ne choisir que des bons romans (un peu comme avec les auteurs dits "classiques") c'est-à-dire des romans marquants (que j'aime ou pas c'est autre chose), qui ont un propos (esthétique ou idéologique ou les deux) prenants et original (en plus des petits plaisirs coupables que l'on trouve toujours sur le chemin... sinon ça ne serait pas drôle), je ne sais pas ce que vont donner les romans suivants mais clairement ces cinq là m'ont marqué, par l'originalité du point de départ et par la maîtrise de l'auteur (le chapitre 5 du deuxième roman est une nouvelle d'horreur de haute tenue à lui seul et c'est pareil sur les trois premiers romans ont voit que le roman a été "structuré" afin que chaque chapitre est un rôle à joie dans l'ensemble et qu'ensuite chaque chapitre est travaillé à la manière d'une nouvelle pour aborder une atmosphère et une originalité en plus des éléments liés à l'intrigue principale... ce qui donne des chapitres souvent très réussis ... et une cohérence d'ensemble certes un peu faible mais comme les romans sont courts, c'est un moindre défaut. Au fil des romans, on perd pas mal cet aspect "nouvelle" des chapitres mais l'on gagne en ambition, en cohérence et en vertige, on dépasse le côté "original et surprenant" du départ pour atteindre un niveau assez bluffant... j'espère juste que le soufflé ne retombera pas.

quelques revues de ciné et d'histoire (notamment le spécial été "d"histoire" sur le goulag que je recommande) me sont passés entre les mains, ainsi que des films..; mais j'ai toujours du mal à me lancer à parler de films ici, tellement mon propre avis me semble un peu nul/peu pertinent.
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On devine l’influence de la grande écrivaine Flannery O’Connor (1925-1964) chez Jake Hinkson, mais avec une dose supplémentaire de noirceur, voire de désespoir. La première était catholique, tandis que le second est le fils d’un prêcheur baptiste. Mais qu’importe ! Qu’on soit catholique ou protestant, on sait, si l’on ose s’y confronter, que l’une et l’autre Eglises ne sont pas dénuées d’hypocrisies, loin s’en faut. A ce sujet, Jake Hinkson n’y va pas de main morte et je ne doute pas que l’histoire qu’il raconte pourrait être transposée, sans y changer grand-chose, dans le milieu d’une communauté catholique à tendance conservatrice.
En l’occurrence, c’est donc d’une Eglise baptiste de l’Arkansas dont il est question et, plus particulièrement, de Richard Weatherford, son pasteur, d’apparence intègre, droit dans ses bottes, inébranlable dans sa foi. On l’a compris, la vérité est autre, les apparences sont trompeuses. Et le jour du samedi saint, c’est le pasteur lui-même qui se retrouve au pied du mur. Lui, qui ne rate pas une occasion d’affirmer ses valeurs et sa morale, lui de qui on attend ce genre de discours, par exemple celui qui consiste à vouer au diable les pratiques homosexuelles, lui, le pasteur respectable, marié et père de famille, le voilà pris au piège de ses contradictions. Car la vérité, c’est que le pasteur s’est laissé séduire par un garçon. Et l’autre vérité, c’est que le garçon en question, avec la complicité de sa petite amie, ne l’a aguiché que pour pouvoir le faire chanter en lui réclamant 30 000 dollars pour prix de son silence.
Le jour même où le pasteur se doit de préparer la fête de Pâques, le voilà confronté à ses propres contradictions. Lui qui, comme une majorité des fidèles de son Eglise, s’apprête à voter pour Trump aux élections toutes proches, ne peut se résoudre à perdre ni son autorité morale ni l’estime de ses concitoyens. C’est donc une machination implacable qui, au gré de circonstances et en prenant appui sur les faiblesses de quelques individus, se met en place afin de sauver l’honorabilité du pasteur. Mais à quel prix ?
Composé de chapitres qui, tour à tour, donnent la parole à chacun des protagonistes les plus importants de cette sombre histoire, le roman tient en haleine et met en évidence les qualités d’écrivain du romancier. Le chapitre final donne la parole à Richard Weatherford et il se déroule le jour de Pâques, un an après les faits tragiques que rapporte l’essentiel du livre. Et que dit le pasteur, sinon ce que les fidèles veulent entendre ? Lui-même n’y croit pas, mais il parle néanmoins de la mort vaincue et de la vie éternelle. « Je les apaise, dit-il à propos des fidèles, avec une contre-vérité belle et élaborée ; je leur dis que la mort n’est pas vraiment la mort. » Le cynisme de cet homme laisse pantois ! 8/10
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Parmi toutes les espèces vivantes, les insectes constituent un élément essentiel des écosystèmes. Or, en février dernier, une étude révélait un déclin sans précédent de près de la moitié des espèces d’insectes. Parmi ceux-ci, la plus emblématique reste certainement l’abeille. Or, on le sait, la menace qui pèse sur elle est telle qu’elle pourrait disparaître de certaines régions du monde. Il faut d’ailleurs parler d’un triple danger : celui qui provient des pesticides largement répandus sur les cultures, celui qui émane du varroa, un acarien qui s’introduit dans les ruches pour parasiter les abeilles, et, enfin, celui qui se manifeste sous la forme d’un redoutable prédateur, le frelon asiatique.
Ces trois instigateurs de la disparition progressive des hyménoptères sont présents dans le roman de l’écrivain d’origine tunisienne Yamen Manai et, en particulier, le troisième d’entre eux. A Nawa, dans l’arrière-pays tunisien, il se trouve un apiculteur que l’on appelle le Don, un homme âgé, à qui les abeilles sont si précieuses qu’il les nomme ses « filles ». Or le romancier raconte comment, un jour, cet homme constate que, dans une de ses ruches, une colonie entière d’abeilles a été massacrée. Malgré son grand âge, lui qui se soucie du bien-être de ses « filles » plus que de tout au monde décide de mener son enquête.
Le coupable, on l’a compris, n’est autre qu’un monstrueux insecte, le frelon asiatique, jusqu’alors inconnu dans cette région reculée de Tunisie. Comment donc le prédateur est-il parvenu jusqu’à cet endroit ? Et y a-t-il un moyen sinon d’en venir à bout, en tout cas de protéger les précieuses abeilles ? Très informé, très instructif, le roman de Yamen Marai, par le biais d’un conte très enraciné dans les réalités de notre temps, répond de façon judicieuse à ces questions.
Le Don n’est pas tout seul dans sa quête. Fort heureusement, il trouve le soutien le plus efficace non seulement en Tunisie, mais également au pays du soleil levant. Car, c’est là-bas, en Asie, plus précisément au Japon, là d’où provient le redoutable frelon, que se trouve également le moyen de le contrecarrer. Pour ce faire, il faut traverser bien des obstacles et affronter des épreuves. Car les frelons ne sont pas seuls à mettre des bâtons dans les roues du Don. Il y a une autre sorte de prédateurs qui se répand insidieusement et hypocritement en Tunisie, en commençant par se présenter en bienfaiteurs avant de dévoiler un tout autre visage, beaucoup moins avenant. Ce sont les fanatiques de Dieu, les sectateurs d’Allah ! « Mais en quel Dieu croient-ils ? », se demande opportunément l’apiculteur. Le roman de Yamen Manai, en tout cas, ne leur fait pas de cadeau et c’est tant mieux ! 8,5/10
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Bogus
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Publié il y a un an, lors de la rentrée littéraire de septembre 2017, ce premier roman de l’américain Nathan Hill paraît aujourd’hui chez Folio, en édition de poche. C’est l’occasion de l’acquérir, de le lire et ainsi de faire la découverte d’un écrivain pour le moins prometteur car on a affaire à un roman de premier ordre, un de ces romans dont on sait, dès qu’on aborde les premières pages, qu’on sera tenu en haleine jusqu’à la fin. Et c’est bien ce qui se passe : malgré ses plus de 600 pages, on ne le lâche pas et l’on n’a pas une seconde de perte d’attention tant le livre est bien écrit (même en traduction), bien conçu et formidablement captivant. C’est un roman de grande ampleur, embrassant tout un large pan de l’histoire américaine (et pas seulement américaine d’ailleurs), c’est un roman très ambitieux, mais jamais prétentieux, car toujours au service de personnages auxquels on peut s’identifier, même lorsqu’ils sortent vraiment de l’ordinaire. Pour ce faire, pour éviter soigneusement toute impression de suffisance, l’auteur use largement d’un style subtilement teinté d’humour qui m’a rappelé (surtout pendant la première moitié de l’ouvrage) le ton adopté dans ses écrits par le romancier britannique David Lodge.
L’ouvrage de Nathan Hill s’ouvre sur un scandale dont s’emparent aussitôt tous les médias : le gouverneur Packer, candidat à la Présidentielle des Etats-Unis, réputé pour être un ultra-conservateur, a été agressé en public par une femme qui lui a lancé des cailloux. La femme en question se nomme Faye Andresen-Anderson et est aussitôt affublé du surnom de Calamity Packer ! Difficile de passer à côté de l’événement et pourtant le propre fils de l’attaquante, Samuel Anderson, professeur d’anglais à l’Université de Chicago, est un des rares à ne pas être aussitôt informé et ce, parce que, tout enseignant qu’il est, il se passionne pour un jeu vidéo, Le Monde d’Elfscape, auquel il est précisément en train de s’adonner. Il faut dire aussi qu’il a une bonne raison de ne rien savoir au sujet de sa mère, étant donné qu’elle l’a abandonné alors qu’il n’avait que onze ans. Une histoire de livre que Samuel a promis à un éditeur sans jamais remplir son contrat, puis la révélation, en fin de compte, que sa propre mère vient d’agresser un homme politique vont être les déclencheurs de tout ce qui va suivre. Samuel décide d’écrire un ouvrage accablant sur celle qui a déguerpi quand il était enfant et, pour mener à bien son projet, se lance dans une sorte d’enquête tout en se remémorant sa propre enfance.
Se basant sur le dessein que son propre personnage, Samuel, est résolu à accomplir, Nathan Hill entreprend de l’accompagner dans son travail de recherches et, donc, de revisiter toute une large part d’histoire, alternant, tout au long du roman, les chapitres se déroulant en 2011, l’année où tout se déclenche, et les chapitres s’aventurant du côté des événements du passé : la propre enfance de Samuel en 1988, les péripéties vécues par sa mère Faye à Chicago en 1968 et même l’évocation de Franck, le père de cette dernière, venu de Norvège pour faire sa vie en Amérique, ce qui d’ailleurs provoquera, vers la fin du roman, le récit d’un voyage de Faye à Hammerfest, sur les traces de son géniteur ayant quitté sa terre natale pour l’Amérique en emportant avec lui des fantômes (les « nisse » ou « nix » dont il est plusieurs fois question au cours du livre et dont on ne peut se débarrasser qu’en les ramenant chez eux).
Mais si le roman de Nathan Hill provoque l’intérêt persistant du lecteur, s’il tient en haleine, s’il passionne d’un bout à l’autre, c’est parce que, impliqués dans chacune des périodes visitées, les personnages non seulement abondent mais sont tous admirablement décrits par l’auteur. Aucun ne laisse indifférent : que ce soit Bishop, le camarade d’enfance de Samuel, et sa sœur Bethany, future grande violoniste, dont le jeune garçon est follement épris, que ce soit Henry, le prétendant de Faye, ou Alice, l’amie d’université de celle-ci, ou Sebastian, jeune garçon épris de Faye, ou encore l’agent Charlie Brown qui entretient une relation extra-conjugale avec Alice jusqu’à ce qu’il se rende malade de jalousie quand a lieu l’inévitable rupture. Des personnages dont je ne ferai pas l’inventaire complet mais que l’auteur a su intégrer et impliquer avec habileté dans les événements du temps, par exemple les manifestations qui ébranlèrent la ville de Chicago en 1968 (ce qui permet même à Nathan Hill de faire figurer dans son roman des personnages réels comme le poète Allen Ginsberg). Mais il est encore un personnage dont il faut faire mention, tant il est décrit de manière pathétique par l’auteur : il se fait nommer Pwnage et, comme Samuel, se passionne pour le jeu vidéo Le Monde d’Elfscape, mais au point d’en être totalement dépendant, de ne plus avoir d’autre vie que virtuelle, de ne plus vivre que par le biais de ses avatars.
On le comprend, même si ce roman est largement imprégné de l’histoire américaine, il n’en a pas moins la capacité de passionner, d’émouvoir, voire de bouleverser tous les lecteurs : les thèmes qu’il aborde ne sont pas l’apanage des Américains, ils nous concernent tous, qui que nous soyons, et nous interpellent de manière profonde et durable. Le roman terminé, le livre refermé, on ne sera pas près d’en oublier le contenu. 10/10
Pratiquement un an après la lecture de ce message sur ce forum et profitant de mes vacances pour enfin engloutir ces quelques 900 pages j’adresse un grand merci à sieur poet77 pour la découverte de ce génial premier roman. Tout est dit dans ton message.
Je nuancerai tout de même avec un coup de théâtre et certains aspects de la fin un peu durs à avaler mais qui ne feront pas oublier le plaisir et l’émotion (un des sommets pour moi étant le long chapitre façon le roman dont vous êtes le héros) ressentis tout au long de cette lecture qui va me hanter longtemps.
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Bogus a écrit :
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Publié il y a un an, lors de la rentrée littéraire de septembre 2017, ce premier roman de l’américain Nathan Hill paraît aujourd’hui chez Folio, en édition de poche. C’est l’occasion de l’acquérir, de le lire et ainsi de faire la découverte d’un écrivain pour le moins prometteur car on a affaire à un roman de premier ordre, un de ces romans dont on sait, dès qu’on aborde les premières pages, qu’on sera tenu en haleine jusqu’à la fin. Et c’est bien ce qui se passe : malgré ses plus de 600 pages, on ne le lâche pas et l’on n’a pas une seconde de perte d’attention tant le livre est bien écrit (même en traduction), bien conçu et formidablement captivant. C’est un roman de grande ampleur, embrassant tout un large pan de l’histoire américaine (et pas seulement américaine d’ailleurs), c’est un roman très ambitieux, mais jamais prétentieux, car toujours au service de personnages auxquels on peut s’identifier, même lorsqu’ils sortent vraiment de l’ordinaire. Pour ce faire, pour éviter soigneusement toute impression de suffisance, l’auteur use largement d’un style subtilement teinté d’humour qui m’a rappelé (surtout pendant la première moitié de l’ouvrage) le ton adopté dans ses écrits par le romancier britannique David Lodge.
L’ouvrage de Nathan Hill s’ouvre sur un scandale dont s’emparent aussitôt tous les médias : le gouverneur Packer, candidat à la Présidentielle des Etats-Unis, réputé pour être un ultra-conservateur, a été agressé en public par une femme qui lui a lancé des cailloux. La femme en question se nomme Faye Andresen-Anderson et est aussitôt affublé du surnom de Calamity Packer ! Difficile de passer à côté de l’événement et pourtant le propre fils de l’attaquante, Samuel Anderson, professeur d’anglais à l’Université de Chicago, est un des rares à ne pas être aussitôt informé et ce, parce que, tout enseignant qu’il est, il se passionne pour un jeu vidéo, Le Monde d’Elfscape, auquel il est précisément en train de s’adonner. Il faut dire aussi qu’il a une bonne raison de ne rien savoir au sujet de sa mère, étant donné qu’elle l’a abandonné alors qu’il n’avait que onze ans. Une histoire de livre que Samuel a promis à un éditeur sans jamais remplir son contrat, puis la révélation, en fin de compte, que sa propre mère vient d’agresser un homme politique vont être les déclencheurs de tout ce qui va suivre. Samuel décide d’écrire un ouvrage accablant sur celle qui a déguerpi quand il était enfant et, pour mener à bien son projet, se lance dans une sorte d’enquête tout en se remémorant sa propre enfance.
Se basant sur le dessein que son propre personnage, Samuel, est résolu à accomplir, Nathan Hill entreprend de l’accompagner dans son travail de recherches et, donc, de revisiter toute une large part d’histoire, alternant, tout au long du roman, les chapitres se déroulant en 2011, l’année où tout se déclenche, et les chapitres s’aventurant du côté des événements du passé : la propre enfance de Samuel en 1988, les péripéties vécues par sa mère Faye à Chicago en 1968 et même l’évocation de Franck, le père de cette dernière, venu de Norvège pour faire sa vie en Amérique, ce qui d’ailleurs provoquera, vers la fin du roman, le récit d’un voyage de Faye à Hammerfest, sur les traces de son géniteur ayant quitté sa terre natale pour l’Amérique en emportant avec lui des fantômes (les « nisse » ou « nix » dont il est plusieurs fois question au cours du livre et dont on ne peut se débarrasser qu’en les ramenant chez eux).
Mais si le roman de Nathan Hill provoque l’intérêt persistant du lecteur, s’il tient en haleine, s’il passionne d’un bout à l’autre, c’est parce que, impliqués dans chacune des périodes visitées, les personnages non seulement abondent mais sont tous admirablement décrits par l’auteur. Aucun ne laisse indifférent : que ce soit Bishop, le camarade d’enfance de Samuel, et sa sœur Bethany, future grande violoniste, dont le jeune garçon est follement épris, que ce soit Henry, le prétendant de Faye, ou Alice, l’amie d’université de celle-ci, ou Sebastian, jeune garçon épris de Faye, ou encore l’agent Charlie Brown qui entretient une relation extra-conjugale avec Alice jusqu’à ce qu’il se rende malade de jalousie quand a lieu l’inévitable rupture. Des personnages dont je ne ferai pas l’inventaire complet mais que l’auteur a su intégrer et impliquer avec habileté dans les événements du temps, par exemple les manifestations qui ébranlèrent la ville de Chicago en 1968 (ce qui permet même à Nathan Hill de faire figurer dans son roman des personnages réels comme le poète Allen Ginsberg). Mais il est encore un personnage dont il faut faire mention, tant il est décrit de manière pathétique par l’auteur : il se fait nommer Pwnage et, comme Samuel, se passionne pour le jeu vidéo Le Monde d’Elfscape, mais au point d’en être totalement dépendant, de ne plus avoir d’autre vie que virtuelle, de ne plus vivre que par le biais de ses avatars.
On le comprend, même si ce roman est largement imprégné de l’histoire américaine, il n’en a pas moins la capacité de passionner, d’émouvoir, voire de bouleverser tous les lecteurs : les thèmes qu’il aborde ne sont pas l’apanage des Américains, ils nous concernent tous, qui que nous soyons, et nous interpellent de manière profonde et durable. Le roman terminé, le livre refermé, on ne sera pas près d’en oublier le contenu. 10/10
Pratiquement un an après la lecture de ce message sur ce forum et profitant de mes vacances pour enfin engloutir ces quelques 900 pages j’adresse un grand merci à sieur poet77 pour la découverte de ce génial premier roman. Tout est dit dans ton message.
Je nuancerai tout de même avec un coup de théâtre et certains aspects de la fin un peu durs à avaler mais qui ne feront pas oublier le plaisir et l’émotion (un des sommets pour moi étant le long chapitre façon le roman dont vous êtes le héros) ressentis tout au long de cette lecture qui va me hanter longtemps.
Heureux d'avoir pu partager mon engouement pour ce roman au point de t'avoir incité à le lire! :)
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Dernièrement, tandis que je faisais part à quelques personnes de mon projet de me rendre au musée d’Orsay pour y visiter une exposition consacrée aux œuvres de Berthe Morisot (1841-1895), je fus surpris par la réaction interrogative de mes interlocuteurs. Manifestement, ils ne connaissaient pas même le nom de cette artiste. Comment se fait-il qu’une femme peintre aussi prodigieusement douée reste encore aujourd’hui si méconnue ? Si l’on demande au tout-venant de citer des noms de peintres impressionnistes, je suppose que seront aussitôt énoncés ceux de Renoir, Manet, Monet, Degas, peut-être même Pissarro ou Sisley. Mais qui prononcera le nom de Berthe Morisot (ainsi que ce lui de Mary Cassatt, l’autre femme du groupe) ?
Cette méconnaissance est d’autant plus injuste que le talent de Berthe Morisot n’a rien à envier à celui de ses homologues masculins. Elle les fréquenta, elle se lia tout particulièrement avec Edouard Manet, mais elle fit également l’admiration d’Auguste Renoir, d’Edgar Degas, de Claude Monet ainsi que du poète Stéphane Mallarmé qui lui dédia un grand nombre de ses vers alambiqués, sans jamais se départir de sa propre voie, de son propre style, de son indépendance. Elle dut lutter pour pouvoir se consacrer pleinement à sa passion pour la peinture. Ses parents, et particulièrement sa mère, pour qui cet art ne relevait que d’un passe-temps, ne l’encouragèrent pas à en faire sa passion, d’autant plus qu’ils voyaient d’un mauvais œil ses fréquentations, en particulier avec la famille Manet. Berthe Morisot, qui, pendant longtemps, se refusa à envisager quelque mariage que ce soit, finit tout de même par épouser Eugène Manet, le frère puîné d’Edouard, dont elle aura une fille, Julie, qui fut sa fierté, son bonheur et le modèle de nombre de ses tableaux.
En visitant récemment l’exposition du musée d’Orsay, je fus fasciné par les regards des modèles peints par Berthe Morisot, combien elle avait su y suggérer l’intensité des sentiments les plus divers tout en préservant une grande part de mystère. Cette même énigme se retrouve d’ailleurs dans sa personne telle qu’elle fut peinte par Edouard Manet sur son tableau Berthe Morisot au bouquet de violettes : « Le regard surtout fascine, écrit Dominique Bona dans son excellente biographie, à la fois doux et sérieux. On n’en finirait pas de tenter d’analyser les nuances qu’il exprime. Il est en lui-même une énigme et ressemble à un gouffre. » (page 10).
Si Berthe Morisot dut s’armer d’une grande détermination pour exercer son art et, à force de persévérance, dialoguer à égalité, d’artiste à artiste, avec Manet et les autres impressionnistes, elle ne se laissa jamais détourner de sa manière à elle, de sa touche particulière. Comme le répète Dominique Bona, elle peignait « à bout de pinceau », tout en affinant de plus en plus, au fil du temps, son style, jusqu’à tendre vers une épure, un inachèvement pleinement assumé, qui semblent comme les prémisses de ce que sera, plus tard, l’art abstrait. Elle ne peint que le bonheur, elle préfère, par-dessus tout, peindre des enfants ou de très jeunes filles. Elle qui, hormis en tant que mère, ne fut jamais ni vraiment épanouie ni heureuse, projette sur ses toiles ses rêves de sérénité. « Elle ne peint pas ce qu’elle est, écrit Dominique Bona, (…) elle peint ce qu’elle voudrait être. » (page 206).
Il est temps de la découvrir en admirant ses œuvres et, pourquoi pas, en lisant le remarquable ouvrage de Dominique Bona, qui abonde en informations précieuses sur Berthe Morisot et les autres Impressionnistes. Il est temps, aussi, de réviser ses préjugés et de considérer les femmes au même titre que les hommes, entre autres quand il s’agit des arts, quels qu’ils soient. Berthe Morisot, qui fut toujours davantage entourée de femmes que d’hommes, émit, une seule fois, au cours de sa vie, un jugement collectif sur les premières, après avoir fait la rencontre de Marie Bashkitrseff (auteur d’un précieux journal intime et peintre plutôt académique, morte à 24 ans) : « Vraiment, écrit-elle, nous (les femmes) valons par le sentiment, l’intention, la vision plus délicate que celle des hommes et si, par hasard, la pose, la pédanterie, la mièvrerie ne viennent à la traverse, nous pouvons beaucoup. » (page 326). Elle en fut elle-même le parfait exemple. 9/10
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