Citations

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poet77
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Re: Citations

Message par poet77 »

Dans une interview parue dans le dernier numéro de Diapason, voici la réponse que donne la diva Angela Gheorghiu lorsqu'on lui demande si, après avoir donné une première master class, elle souhaite poursuivre dans cette direction:
"Je ne sais pas. Ai-je les qualités pour cela? La patience? Si je dois un jour enseigner, ce ne sera pas pour me donner en spectacle et faire rire le public aux dépens de l'élève. On ne peut pas jouer avec un être humain qui se lance dans une carrière aussi difficile, c'est criminel. Les conseils et les critiques qui font avancer se formulent les yeux dans les yeux, sans témoins."

En lisant ces propos pleins de sagesse, je songeais au film "Whiplash", sorti sur les écrans il y a quelques mois et que nombre de critiques et de spectateurs ont cru bon d'encenser. Pour ma part, je persiste à trouver ce film particulièrement nocif et détestable. C'est Angela Gheorgiu qui a raison, c'est elle qui voit juste. Pour parvenir à l'excellence, que ce soit dans la musique ou dans n'importe quel art, il n'est nullement nécessaire d'en passer par la torture et par les humiliations en public! Non seulement, ce n'est pas nécessaire mais c'est injustifiable! Comme si, au nom de l'Art, on pouvait se permettre de rabaisser quelqu'un plus bas que terre et de lui faire subir les pires avanies! C'est inacceptable. On peut s'y prendre autrement, en respectant l'élève, et le faire parvenir aux mêmes résultats, voire à des résultats supérieurs, j'en suis intimement persuadé. Le mépris d'autrui ne se justifie dans aucun cas!
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cinephage
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Re: Citations

Message par cinephage »

Si tu penses que Whiplash fait l'apologie de l'éducation prodiguée par le personnage de J.K. Simmons, tu fais un véritable contresens. Sans parler du fait que tu sembles réduire le film au sous-texte que tu en perçois, quitte à négliger la totalité des autres caractéristiques du film...
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Citations

Message par Rockatansky »

Le débat a fait rage sur le topic concerné, je serais plus mesuré que toi, apologie sans doute non, mais compréhension
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homerwell
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Re: Citations

Message par homerwell »

J'ai du mal à croire que quand on a des avis aussi rigoureux (voir sectaire) sur le cinéma ou la littérature, on puisse imaginer que l'excellence sous quelques formes qu'elle puisse se trouver, ne demande pas des efforts particuliers.
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poet77
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Re: Citations

Message par poet77 »

Contresens? Quel contresens? S'il y a un contresens quelque part, il ne se trouve pas dans mon texte mais dans l'interprétation qui en est faite! Ai-je employé le mot d'apologie? Ai-je affirmé que "Whiplash" fait l'apologie de quoi que ce soit? Pas du tout! J'ai employé le mot "justification", ce qui est très différent. Et je persiste à voir dans ce film une justification, même implicite, même contre le gré du réalisateur, des méthodes dures pour parvenir à l'excellence. Et cela reste, pour moi, inacceptable!
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poet77
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Re: Citations

Message par poet77 »

Dans son roman "Les Etrangers", sans doute en grande partie autobiographique, le grand écrivain hongrois Sandor Marai, décrit la vie difficile d'un de ses compatriotes venu vivre ou survivre à Paris en 1926. En voici un extrait significatif:
"Quelquefois, je me demande bien pourquoi je persiste à rester à Paris. Je n'aime pas trop y penser, cela me fait peur. Je ne connais que des étrangers ici mais si je posais la même question à n'importe lequel d'entre eux, il se troublerait, me répondrait quelque chose comme "Paris" ou "la belle vie" ou "le travail". La plupart d'entre nous vivent comme des chiens. Les emplois que nous occupons, les salaires que nous acceptons, sont ceux dont les Français ne veulent pas." (Sandor Marai, "Les Etrangers", Le Livre de Poche, Biblio, page 257).
Près de 90 ans plus tard, ces lignes ne restent-elles pas d'actualité? Comment traitons-nous les étrangers à l'heure où la xénophobie étend sa gangrène dans les esprits?
joe-ernst
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Re: Citations

Message par joe-ernst »

poet77 a écrit :Dans une interview parue dans le dernier numéro de Diapason, voici la réponse que donne la diva Angela Gheorghiu
J'ai lu cette interview hier et le moins que l'on puisse dire, c'est que la Gheorghiu cultive un franc parler qui fait plaisir à lire (sur Jonas Kaufmann ou Luciano Pavarotti :lol: ). Je la rejoins d'ailleurs sur bien des points. :D
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
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poet77
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Re: Citations

Message par poet77 »

joe-ernst a écrit :
poet77 a écrit :Dans une interview parue dans le dernier numéro de Diapason, voici la réponse que donne la diva Angela Gheorghiu
J'ai lu cette interview hier et le moins que l'on puisse dire, c'est que la Gheorghiu cultive un franc parler qui fait plaisir à lire (sur Jonas Kaufmann ou Luciano Pavarotti :lol: ). Je la rejoins d'ailleurs sur bien des points. :D
Mille fois d'accord! :D
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Message par Billy Budd »

Je la lirai quand je comprendrai ce qu'elle chante.
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Re: Citations

Message par poet77 »

Journal de Sophie Scholl (le 10 octobre 1942): "Chaque fois que je prie, les mots se dérobent, je ne sais plus rien d'autre que: aide-moi. Ma prière ne peut pas être autre chose pour la simple raison que je suis encore bien trop humble pour pouvoir prier. Je prie donc pour apprendre à prier." (in Hans et Sophie Scholl, "Lettres et Carnets", Le Livre de Poche, page 319).
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Re: Citations

Message par homerwell »

Il est devenu tout rouge et m’a regardé de haut en bas.

– Je me demande ce que vous avez dans les veines aujourd’hui, vous autres jeunes prêtres ! De mon temps, on formait des hommes d’église – ne froncez pas les sourcils, vous me donnez envie de vous calotter – oui, des hommes d’Église, prenez le mot comme vous voudrez, des chefs de paroisse, des maîtres, quoi, des hommes de gouvernement. Ça vous tenait un pays, ces gens-là, rien qu’en haussant le menton. Oh ! je sais ce que vous allez me dire : ils mangeaient bien, buvaient de même, et ne crachaient pas sur les cartes. D’accord ! Quand on prend convenablement son travail, on le fait vite et bien, il vous reste des loisirs et c’est tant mieux pour tout le monde. Maintenant les séminaires nous envoient des enfants de chœur, des petits va-nu-pieds qui s’imaginent travailler plus que personne parce qu’ils ne viennent à bout de rien. Ça pleurniche au lieu de commander. Ça lit des tas de livres et ça n’a jamais été fichu de comprendre – de comprendre, vous m’entendez ! – la parabole de l’Époux et de l’Épouse.


Georges BERNANOS - Journal D’un Curé De Campagne - (1936)
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Re: Citations

Message par poet77 »

Commencé la lecture du "Paradis - un peu plus loin" de Mario Vargas Llosa, livre dans lequel il relate les destins croisés de Flora Tristan, militante féministe et ouvriériste, et de son très célèbre petit-fils Paul Gauguin. Le premier chapitre est consacré au passage à Auxerre de Flora Tristan en avril 1844. Il est si passionnant qu'il mériterait d'être entièrement cité. A quelqu'un qui lui reproche de vouloir détruire la famille et de n'être pas chrétienne, Flora Tristan répond: "Ce qui n'est pas chrétien, c'est qu'au nom de la sainteté de la famille un homme s'achète une femme, la transforme en pondeuse d'enfants, en bête de somme et, par dessus le marché, la roue de coups chaque fois qu'il boit un coup de trop." Voilà qui est envoyé. Plus loin, Mario Vargas Llosa s'attarde assez longuement sur une visite de la militante à un prêtre d'Auxerre horrifié d'avoir affaire à une révolutionnaire, lui qui ne connaît que les platitudes qu'on lui a inculquées au séminaire!
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Re: Citations

Message par poet77 »

Le chapitre 3 du livre de Mario Vargas Llosa ("Le Paradis - un peu plus loin") donne les clés et l'origine du militantisme ouvriériste et féministe de Flora Tristan. C'est tout simplement qu'elle a connu elle-même la condition ouvrière et qu'elle a vu dans quel abrutissement on confinait les ouvriers. Et elle a elle-même fait l'expérience du mariage: son patron l'ayant séduite et contrainte, elle l'a épousé, mais pour devenir sa chose, son objet, sa "pondeuse d'enfants" et sa domestique jusqu'à ce qu'elle décide courageusement de le quitter, de reprendre sa liberté. A propos des relations intimes que son ex-mari lui imposait, Mario Vargas Llosa écrit ces lignes saisissantes et ô combien pertinentes: "Copuler, non faire l'amour, mais copuler, comme les porcs ou les chevaux: c'est ce que faisaient les hommes avec les femmes. Se jeter sur elles, leur écarter les cuisses, y enfourner leur verge dégoulinante, les mettre enceintes et les abandonner à jamais avec leur matrice meurtrie (...). "Faire l'amour", cette cérémonie délicate et douce où intervenaient le coeur et les sentiments, la sensibilité et les instincts, où les deux amants jouissaient à part égale, n'était qu'une invention de poètes et de romanciers, un fantasme que ne légitimait pas la prosaïque réalité. Pas entre femmes et hommes en tout cas. Toi, du moins, tu n'avais pas fait l'amour une seule fois durant ces quatre années épouvantables avec ton mari (...). Tu avais copulé, ou plutôt tu avais été copulée toutes les nuits par cette bête lascive, puant l'alcool, qui t'asphyxiait sous son poids, te tripotait et te barbouillait de salive, pour finir par s'effondrer à ton flanc comme un animal rassasié. Ce que tu avais pu pleurer (...), de dégoût et de honte, après ces viols nocturnes auxquels te soumettait ce tyran de ta liberté." (édition Folio, pp. 66 et 67). Beaucoup de femmes, à cette époque, vivaient ce même calvaire et se résignaient, prisonnières des conventions. Mais pas Flora Tristan qui, après trois grossesses, a pris la décision d'abandonner son mari et de lutter pour la cause des femmes!
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Re: Citations

Message par homerwell »

De tous les embarras de l'âge, l'expérience n'est pas la moindre et je voudrais que la prudence n'eût jamais grandi aux dépens de la fermeté.
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Re: Citations

Message par poet77 »

Des citations de Stefan Zweig, extraites de "Conscience contre violence" (dont je viens de commencer la lecture), citations qui non seulement n'ont rien perdu de leur pertinence mais qui demeurent plus que jamais d'actualité:

"Même la plus pure vérité, quand on l'impose par la violence, devient un péché contre l'esprit" ("Conscience contre Violence, Livre de Poche, page 18).

"Jamais jusqu'ici on n'a réussi à imposer d'une façon dictatoriale à toute la terre une seule religion, une seule philosophie, une unique conception du monde, et jamais on n'y réussira, car l'esprit saura toujours résister à l'asservissement, toujours il refusera de penser selon des formes prescrites, de s'abaisser, de s'aplatir, de se rapetisser et de se mettre au pas." ("Conscience contre Violence", Livre de Poche, page 19.).
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