Une sacrée belle boîte de friandise que ce Batman : Black & White. La série propose un principe qui aurait pu pourtant se dégonfler rapidement. Il s’agit de laisser des artistes de renom proposer des histoires de quelques pages en noir et blanc avec la chauve-souris ou son univers comme sujet. Certes, la liste des auteurs est hallucinante, allant de Brian Bolland à Warren Ellis en passant par Katsuhiro Otomo ou Chris Claremont (bonne idée d’avoir proposé une mini-bio de l’auteur avant chaque histoire). Mais le résultat aurait pu être très inégal et jamais à la mesure d’une telle réunion de talent. Ça serait oublier la formidable source d’inspiration que constitue le super-héros. Si l’ouvrage de haute qualité, c’est justement parce que les auteurs auront saisi toute la liberté d’explorer ce que représente à leurs yeux le personnage. En conséquence, le spectre des émotions traité par l’album est très large. On a des histoires extrêmement noires et violentes comme Deuil Perpétuel où un Batman mélancolique collecte des indices sur un cadavre ou bien Une Fabrique De Monstres de Jan Strnad et Richard Corben qui le confronte à des gamins meurtriers. Mais on se retrouve également avec des histoires comiques tel Un Monde En Noir Et Blanc de Neil Gaiman et Simon Bisley présentant Batman et le Joker comme des acteurs répétant leur numéro en coulisse ou Bêteman, Terreur De La Pègre qui est une délicieuse parodie. La série saisira chacune des nuances entre ces deux extrêmes comme autant d’opportunité d’explorer son sujet. Si certains préfèrent se pencher sur des éléments annexes comme les méchants (Double-Face sur Deux Comme Moi de Bruce Timm ou le Joker sur Cas D’école de Paul Dini et Alex Ross), Batman lui-même reste l’élément le plus prisé. Ainsi passe-t-on au crible sa croisade sans fin contre la criminalité (Nuit Après Nuit de Kelley Puckett et Tim Sale), la figure tragique en découlant (Bonsoir, Minuit de Klaus Johnson), le désordre psychologique l’animant (Le Troisième Masque de Katsuhiro Otomo) et la puissance symbolique qu’il finit par représenter (le magnifique Légende de Walter Simonson). Au bout du compte, c’est un sacré programme dont l’énorme créativité ne cesse de rappeler pourquoi Batman est un personnage fascinant.
Quatrième et dernier tome de ces deux séries sur le mercenaire provocateur. Une dernière ligne droite où chacune confirme tout le bien ou le mal que j’en pensais jusqu’alors. Le run de Joe Kelly est définitivement très sympa. Même si l’album équivaut un épilogue extrêmement étiré (quelle idée de l’avoir titré Protocole Mithras puisque celui-ci s’est terminé dans le précédent tome), Kelly montre donc une ultime fois un remarquable maîtrise du personnage. Un baroud d’honneur à l’occasion duquel il pousse loin l’absurdité de l’intrigue (c’est digne de la révélation sur le proviseur Skinner dans les Simpson) mais se servant toujours de cette folie et de son second degré pour traiter les authentiques problématiques de Deadpool.
De son côté, le dernier tome Cable & Deadpool m’a permis de mettre le doigt sur ce qui n’a pas marché sur la série. J’ai toujours trouvé que celle-ci n’arrivait jamais vraiment à exploiter la relation entre les deux personnages. Et là, j’ai compris pourquoi : Cable est un protagoniste définitivement trop occupé. Il y a tellement de sous-intrigues entourant le personnage qu’il est naturel que ses interactions avec Deadpool se réduisent à peau de chagrin. Ça m’a frappé au début de l’album où on retrouve sans explication Cable mené un monumental combat avec X-men. Son amitié avec Deadpool n’est qu’une petite portion d’un planning très chargé. Malgré tous les efforts d’écriture pour mettre en parallèle leurs motivations, il n’y a au bout du compte pas de place pour les faire pleinement interagir. A cet effet, la série n’arrivera vraiment à être intéressante qu’en se concentrant exclusivement sur Deadpool. Ce qui constitue d’ailleurs l’essentiel du tome en question, Deadpool enchaînant les missions avec moult guests. C’est du bel abattage d’action dingo et on peut toujours compter sur Deadpool pour ajouter une louche de délicieuses répliques crétines ("je ne suis pas un étranger. Je suis américain… et je suis chez moi partout où règne la démocratie !"). C’est toujours ça de pris.