Ennio Morricone (1928-2020)
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
Je devais avoir moins de dix ans et mes mains s’amusaient à fouiller dans les affaires musicales de mes parents quand une cassette audio me tape dans l’œil. Rien de particulier, pas de couleurs flashy, pas de personnages de dessins animés sur la pochette, seulement des Rocheuses, un coucher de soleil, une image anonyme tout droit sortie d’une pub Malboro ou d’une pub Levi’s. Best of Ennio Morricone, lancé sur le magnéto, les titres s’enchainent et mon imagination est au pouvoir. Quelques thèmes me rappellent des films vus sur la télé du salon (Le Clan des Siciliens, La Cage aux folles…), le reste m’est complétement inconnu. Le temps passe, la cinéphilie comme les poils de barbe commencent doucement à pousser et j’ai remplacé cette cassette par un CD tout aussi lambda. Les films me sont connus, les morceaux aussi, je décide donc de passer à l’étape supérieur. Deux chocs cimenteront mon rapport au compositeur italien, d’une part la série de compilations Mondo Morricone, qui me poussent à voir plus loin, à chercher dans les recoins de la carrière du musicien, à ne rien jeter, à tout explorer. Ensuite une transe, une scène, un cimetière, Tuco, une course, L'estasi dell'oro et l’impression que les images mariées à la musique touchent au divin, pire, touche à mon inconscient, à une émotion pure.
Arrive l’adolescence et une dépendance à la musique de Morricone. J’enchaine les films, je scrute internet pour récupérer tel ou tel score plus ou moins obscur, j’achète, parfois le prix d’une cuisine équipée, des imports de musiques qu’il m’est impensable de ne pas posséder. Je ne pense même pas à l’idée "d’aimer" Morricone, c’est une évidence. Comme respirer, sa musique occupe mon quotidien. Un étrange mouvement inverse me fait passer d’une musique au film. C’est d’abord par le son, par une mélodie entêtante, par un coup de cœur auditif, que je suis arrivé à certains films, à certains cinéastes. Morricone m’emmène partout, vers le cinéma le plus propre sur lui, le plus exigeant, ou vers le cinéma de genre, parfois à la limite du respectable. Et avec lui, un camion de compositeurs italiens, de la même génération, se sont imposés dans mon panthéon personnel.
Toutes les salles me sont ouvertes, westerns, polars, giallo, comédies, drames etc. et je rentre dans le labyrinthe Morricone sans faire attention, comme un passage obligé. Je n’ai jamais eu de période Morricone, sa musique a toujours été là. Je pioche dans le paquet selon les occasions. Telle période est liée à la musique des films de Sergio Corbucci, telle autre à celle des polars furax, telle autre à la musique des films de Verneuil. Je me souviens d’un été, d’un job foireux, d’un évènement, parce que j’écoutais la musique de Gli Intoccabili, du Secret, de Metti una sera a cena, de Chi l’ha vista morire ?, du Casse ou même de Red Sonja (qui m’a motivé à aller au bout d’un boulot dans les assurances, ça ne s’invente pas).
Dans le métro, je vois des affiches pour des concerts de Momo (allons-y pour les familiarités) et cela devient une idée fixe. Peu importe où, combien, si mamie décède, si la machine à laver tombe en panne, j’y serai. C’était à Bercy, il y a quelques années, moment comment dire… intense. Je regarde le show d’un œil de connaisseur, je contemple la scène, j’écoute attentivement les arrangements et d’un coup, au milieu, lors du Love Theme de C'era una volta il West, je ne suis plus là. Ma copine me le racontera le lendemain, mais j’ai eu comme un coup de chaud. Des larmes torrentielles coulaient le long de mes joues, une lèvre inférieure qui tremble, des tremblements dans les jambes, j’ai vu une vie de cinéphile passée devant moi. Une boucle se bouclait, le syndrome de Stendhal (ah ah ah), une mauvaise digestion, appelez ça comme vous voulez mais le Pape italien m’a transpercé, m’a démoli pour mieux me reconstruire. J’en fais sans doute des caisses mais eh ! J’adore le bonhomme.
Je ne voulais pas écrire après sa mort, des gens plus intéressants l’ont déjà fait, les hommages vont se multiplier, tout le monde a déjà son lien Youtube en poche. J’ai pensé sélectionner des titres mais au bout de 4 secondes de réflexion, je me suis dit que c’était impossible. J’ai voulu faire une petite phrase comme manuma mais là encore, il le fait mieux que moi. Alors ce midi, j’écris comme ça, l’air de rien. Je tartine en me disant que Morricone c’était, c’est, ce sera bien. Pardon pour la place occupée et le 36 15 ma vie. Mais ça fait du bien quand c'est dit.
Arrive l’adolescence et une dépendance à la musique de Morricone. J’enchaine les films, je scrute internet pour récupérer tel ou tel score plus ou moins obscur, j’achète, parfois le prix d’une cuisine équipée, des imports de musiques qu’il m’est impensable de ne pas posséder. Je ne pense même pas à l’idée "d’aimer" Morricone, c’est une évidence. Comme respirer, sa musique occupe mon quotidien. Un étrange mouvement inverse me fait passer d’une musique au film. C’est d’abord par le son, par une mélodie entêtante, par un coup de cœur auditif, que je suis arrivé à certains films, à certains cinéastes. Morricone m’emmène partout, vers le cinéma le plus propre sur lui, le plus exigeant, ou vers le cinéma de genre, parfois à la limite du respectable. Et avec lui, un camion de compositeurs italiens, de la même génération, se sont imposés dans mon panthéon personnel.
Toutes les salles me sont ouvertes, westerns, polars, giallo, comédies, drames etc. et je rentre dans le labyrinthe Morricone sans faire attention, comme un passage obligé. Je n’ai jamais eu de période Morricone, sa musique a toujours été là. Je pioche dans le paquet selon les occasions. Telle période est liée à la musique des films de Sergio Corbucci, telle autre à celle des polars furax, telle autre à la musique des films de Verneuil. Je me souviens d’un été, d’un job foireux, d’un évènement, parce que j’écoutais la musique de Gli Intoccabili, du Secret, de Metti una sera a cena, de Chi l’ha vista morire ?, du Casse ou même de Red Sonja (qui m’a motivé à aller au bout d’un boulot dans les assurances, ça ne s’invente pas).
Dans le métro, je vois des affiches pour des concerts de Momo (allons-y pour les familiarités) et cela devient une idée fixe. Peu importe où, combien, si mamie décède, si la machine à laver tombe en panne, j’y serai. C’était à Bercy, il y a quelques années, moment comment dire… intense. Je regarde le show d’un œil de connaisseur, je contemple la scène, j’écoute attentivement les arrangements et d’un coup, au milieu, lors du Love Theme de C'era una volta il West, je ne suis plus là. Ma copine me le racontera le lendemain, mais j’ai eu comme un coup de chaud. Des larmes torrentielles coulaient le long de mes joues, une lèvre inférieure qui tremble, des tremblements dans les jambes, j’ai vu une vie de cinéphile passée devant moi. Une boucle se bouclait, le syndrome de Stendhal (ah ah ah), une mauvaise digestion, appelez ça comme vous voulez mais le Pape italien m’a transpercé, m’a démoli pour mieux me reconstruire. J’en fais sans doute des caisses mais eh ! J’adore le bonhomme.
Je ne voulais pas écrire après sa mort, des gens plus intéressants l’ont déjà fait, les hommages vont se multiplier, tout le monde a déjà son lien Youtube en poche. J’ai pensé sélectionner des titres mais au bout de 4 secondes de réflexion, je me suis dit que c’était impossible. J’ai voulu faire une petite phrase comme manuma mais là encore, il le fait mieux que moi. Alors ce midi, j’écris comme ça, l’air de rien. Je tartine en me disant que Morricone c’était, c’est, ce sera bien. Pardon pour la place occupée et le 36 15 ma vie. Mais ça fait du bien quand c'est dit.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
Superbe hommage, Kevin. C'est tellement ça.
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
Je me joins à Jeremy et à Demi-Lune pour te dire que tu as fait là le plus beau des hommages au Maestro, Kevin. Je n'ai jamais eu la chance de voir Morricone en concert : ce sera un regret éternel... Mais ses bandes son continueront de me hanter, à jamais.
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
Voilà les trois compiles LP que j'avais achetées quand j'avais 15 ans. C'est là où j'ai vraiment commencé à aimer Morricone même si je connaissais bien sûr les classiques comme les thèmes principaux des Leone.
Qu'est ce que j'ai pu les passer ceux là.
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- Jeremy Fox
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
Moi je l'ai donc découvert en disque avec ces 4 33 tours achetés à quelques jours d'intervalle ; et j'ai attendu quelques années avant de pouvoir enfin découvrir les films qui me faisaient saliver comme rarement films m'auront fait saliver.
Je me suis débarrassé de tous mes vinyls depuis 15 ans et je le regrette amèrement.
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
C'est avec cette compil que je l'ai découvert, mon père l'avait en CD, j'avais donc une petite dizaine d'années et je me souviens que ce qui m'avait d'abord attiré, c'était bien sûr les photos de Bebel (dont je m'abreuvais déjà, toujours grâce à mon père), mais surtout le poing de Ventura au 1er plan qui m'impressionnait grave.odelay a écrit :
Marrant comme ce topic se transforme de plus en plus en topic madeleine de Proust. C'est dire l'importance qu'avait Morricone dans nos vies, que ce soit conscient ou non.
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
Et bien moi j'ai connu Morricone par CE 45 tours, avec par la même occasion, le thème d'Autant en emporte le vent en face B.
Le thème du Bon, la Brute me faisait d'ailleurs un peu peur (j'avais 5 -6 ans) avec ses hululements caractéristiques, peur légèrement accentuée par la pâleur bizarre de la lèvre inférieure de Clint Eastwood.
C'est ça les enfants.
Le thème du Bon, la Brute me faisait d'ailleurs un peu peur (j'avais 5 -6 ans) avec ses hululements caractéristiques, peur légèrement accentuée par la pâleur bizarre de la lèvre inférieure de Clint Eastwood.
C'est ça les enfants.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
Morricone c'est pour moi surtout la période de collaboration avec la chanteuse Edda dell' orso, ce morceau en particulier... chaume, chôme, chaume. Nostalgie au taquet à chaque fois.
Je ne suis pas particulièrement ému par sa disparition, tant il y a de pages importantes qui se tournent au fil des décès qui se multiplient ces dernières années et ça va inévitablement continuer. Je pense que la mort de John Williams me fera plus d'effet. Et puis il y a beaucoup de choses dans l'oeuvre de Morricone que je n'aime pas. D'un coffret intégrale je m'en suis sorti une compil de deux CD, pas plus. Des westerns légendaires à Mission en gros.
Je ne suis pas particulièrement ému par sa disparition, tant il y a de pages importantes qui se tournent au fil des décès qui se multiplient ces dernières années et ça va inévitablement continuer. Je pense que la mort de John Williams me fera plus d'effet. Et puis il y a beaucoup de choses dans l'oeuvre de Morricone que je n'aime pas. D'un coffret intégrale je m'en suis sorti une compil de deux CD, pas plus. Des westerns légendaires à Mission en gros.
- manuma
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
J’espérais l’intervention de Kevin, devinant la similarité du lien qui nous unissait l’un et l’autre à Morricone, et pareil que Jeremy, Demi-Lune et Locktal, gros, gros merci à toi, Kevin, pour cet hommage qui me parle évidemment comme tu n’as pas idée.
Morricone, je ne l’ai vu qu’une seule fois en concert, à Auxerre, en 2006. Desplat et Jarre étaient là. Francis Lai et Claude Bolling assis juste devant moi. Dire que j’ai passé une bonne soirée serait faire preuve d’une retenue toute janséniste. Ou l’impression d’être ivre sans avoir bu une goutte d’alcool.
Morricone, je ne l’ai vu qu’une seule fois en concert, à Auxerre, en 2006. Desplat et Jarre étaient là. Francis Lai et Claude Bolling assis juste devant moi. Dire que j’ai passé une bonne soirée serait faire preuve d’une retenue toute janséniste. Ou l’impression d’être ivre sans avoir bu une goutte d’alcool.
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
Je me suis repassé Once Upon a Time in America , en soirée hommage.
Quel trip ce film ! Une vraie symphonie sonore et visuelle ... Tout y est absolument parfait ....
Et comment ne pas avoir les larmes aux yeux à chaque vision de cette scène terrible ou Noodles vieux franchit la porte qui mène au petit coin, de là où va démarrer cet immense flash back vers l'enfance.
Le sommet de la collaboration Leone + Morricone, à mon sens .
Quel trip ce film ! Une vraie symphonie sonore et visuelle ... Tout y est absolument parfait ....
Et comment ne pas avoir les larmes aux yeux à chaque vision de cette scène terrible ou Noodles vieux franchit la porte qui mène au petit coin, de là où va démarrer cet immense flash back vers l'enfance.
Le sommet de la collaboration Leone + Morricone, à mon sens .
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
Regardez ce que j'ai retrouvé dans mes archives. On pourrait appeler ça le concert du siècle de la musique de film. Ennio Morricone, Georges Delerue et Michel Legrand ensemble sur la scène de la salle Pleyel en septembre 1984.
et voici l'article avec une idée du programme :
et voici l'article avec une idée du programme :
- Dunn
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
On a cité John Williams comme le dernier grand compositeur encore vivant du vieux Hollywood mais on en a oublié un...certes il ne compose plus depuis longtemps (2007).
Grand compositeur aussi.
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- Flol
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
Ah chouette, une devinette !Dunn a écrit :On a cité John Williams comme le dernier grand compositeur encore vivant du vieux Hollywood mais on en a oublié un...certes il ne compose plus depuis longtemps (2007).
Grand compositeur aussi.
Sinon un bel hommage dispo sur Underscores :
http://www.underscores.fr/portraits/202 ... _xbpOFQsM4
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Re: Ennio Morricone (1928-2020)
Je me joins à tous pour te remercier, Kevin, de ton texte qu'on attendait évidemment.
Je n'ai pas les mots personnellement. Mais je reviendrai rendre un dernier hommage au Maestro dans les prochains jours...
C'est vrai qu'elle est sympa la chanson de Mina...
Je n'ai pas les mots personnellement. Mais je reviendrai rendre un dernier hommage au Maestro dans les prochains jours...
Signé Julien.Flol a écrit :Ah chouette, une devinette !Dunn a écrit :On a cité John Williams comme le dernier grand compositeur encore vivant du vieux Hollywood mais on en a oublié un...certes il ne compose plus depuis longtemps (2007).
Grand compositeur aussi.
Sinon un bel hommage dispo sur Underscores :
http://www.underscores.fr/portraits/202 ... _xbpOFQsM4
C'est vrai qu'elle est sympa la chanson de Mina...