Joseph Conrad

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Re: Joseph Conrad

Message par Strum »

Jeremy Fox a écrit :Ceci étant dit, il s'agit d'un roman d'une incroyable noirceur, étouffant à force de voir se côtoyer une telle lie de l'humanité.... Un peu trop noir à mon goût.
Je partage ton sentiment. Cette noirceur de presque tous les instants finit par confiner l'intrigue dans un petit théâtre d'ombres condamnées d'avance (même si j'avais bien aimé le personnage du policier). Il manque au livre le souffle du large et l'ampleur d'un Nostromo ou d'un Lord Jim. L'Agent Secret est le livre le plus pessimiste et misanthrope de Conrad. Bien plus que Victoire par exemple, autre livre de Conrad connu pour sa fin pessimiste, car dans Victoire il y a aussi une très belle histoire d'amour qui illumine le livre.
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

Strum a écrit :même si j'avais bien aimé le personnage du policier
Ah oui ; le seul personnage positif
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

Sous les yeux de l'Occident : 1911


Au début du 20ème siècle, Razumov, jeune et solitaire étudiant russe, trahit le terroriste venu lui raconter ses "exploits" suite à un attentat qu'il vient de commettre, ayant tué un important homme d'état. Haldin , le meurtrier, croyait avoir affaire à un jeune homme lui aussi fortement remonté contre l'autocratie étouffant le pays mais il n'en était rien. Quelque temps après, on retrouve Razumov à Genève, dans les cercles les plus secrets des anarchistes russes...


Quelle désillusion que ce roman qui, dans sa première partie, volait quasiment aussi haut que Crime et Châtiment de Dostoïevski. D'une puissance phénoménale et d'une intelligence rare pour analyser les problèmes de conscience d'un traitre, le début de ce roman promettait monts et merveilles. Même après, voyant ce jeune russe tomber amoureux de la sœur de celui qu'il avait trahi, cette nouvelle direction semblait devoir nous emmener vers une histoire d'amour aussi difficile qu'émouvante. Mais c'est ensuite que ça se gâte. Non pas que ce soit inintéressant mais désormais le roman, en une succession de scènes interminables, ne fera que piétiner et se répéter sans que rien ne vienne plus nous captiver ni nous émouvoir. Frustration vraiment très forte et impardonnable pour un amateur comme moi de l'écrivain.


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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

Souvenirs personnels - 1912

Un pendant au magnifique Jeunesse, ce court livre d'une grande humilité revient sur les vocations maritimes et littéraires du jeune Conrad, son premier appareillage à Marseille, sa longue gestation de La Folie Almayer, son premier roman, l'état d'esprit dans lequel il se trouvait lors de la rédaction de Nostromo, quelques souvenirs de famille dont certaines anecdotes arrivées à ses ancêtres. C'est surtout un recueil de souvenirs faisant comprendre à quel point l'écrivain était avant tout un homme droit et intègre qui n'a jamais eu vocation à chercher une quelconque gloire, ni sur la mer ni dans les cercles littéraires. Rarement Conrad nous a offert eu une écriture aussi fluide et aussi simple qu'ici ; en ressort le portrait d'un homme qui a suivi ses envies sans jamais vouloir écraser qui que ce soit, un homme pragmatique qui n'a jamais été aussi lyrique que lorsqu'il cherchait à évoquer des choses simples, ses aspirations dans la vie, l'émotion aux souvenirs de tous ceux qu'il a côtoyé, surtout les silhouettes les plus humbles. Très beau.


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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

Le Compagnon secret : 1910

Paru en 1912 dans un nouveau recueil de nouvelles (Entre terre et mer), Le Compagnon secret est sans aucun doute la plus réussie de son auteur. L'histoire est toute simple, celle d'un fugitif accusé d'un meurtre commis sur le bateau où il naviguait en tant que second trouvant refuge sur un autre navire dirigé par un jeune homme dont c'est le premier commandement. Sans rien dire à son équipage, le jeune capitaine va accueillir l'assassin dans sa cabine jusqu'à ce qu'il puisse se rapprocher des terres afin de le laisser partir. Il faut cependant que personne n'en sache rien, cette découverte pouvant lui couter sa carrière. Le récit de ces deux hommes se côtoyant quelques jours durant, se ressemblant étrangement et essayant par tous les moyens de ne pas se faire repérer est d'une parfaite limpidité et d'une grande fluidité de style. Juste ce qu'il faut de suspense, de description psychologique et d'aventure pour en faire une nouvelle d'une grande richesse à tous les niveaux. Conrad n'était pas toujours un écrivain difficile et cette nouvelle n'a rien à voir avec le degré de complexité de Au coeur des ténèbres par exemple. Se trouvant souvent réunie avec Amy Foster, son autre magnifique nouvelle, ce livre de poche est à mon avis indispensable pour ceux voulant connaitre "les formats courts" de l'écrivain anglo-polonais.


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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

Fortune : 1913

L'histoire d'amour non partagée entre un capitaine de bateau solitaire et une jeune fille malheureuse et suicidaire dont le père vient d'être envoyé en prison pour escroquerie.

Longtemps j'ai placé Fortune au même niveau que Lord Jim et Nostromo. A le relire, je me rends compte avoir largement exagéré ; si l'histoire d'amour est très belle (l'empathie fonctionne très bien pour ce capitaine fou amoureux d'une jeune fille qui accepte de l’épouser à priori uniquement pour sortir de la misère physique et morale dans laquelle elle se trouve) le roman contient trop peu d'enjeux dramatiques et psychologiques pour une telle durée. Cette histoire aurait été parfaite pour servir de longue nouvelle à l'écrivain mais ici elle s'éternise vraiment beaucoup trop, la mise en place durant quasiment la moitié du roman sans que le personnage principal n'intervienne. Au contraire, tout se termine dans la précipitation. Même si c'est une nouvelle fois superbement écrit, on ne retrouve ni l'ampleur, ni le souffle des deux chefs-d’œuvre de Conrad. En revanche, le style en est plus facile pour ceux qui aimeraient commencer par un roman pas trop touffu. Grosse déception néanmoins.


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On peut rajouter que Fortune est un des rares romans de Conrad qui finit bien, ce qui le rend attachant.
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Message par Jeremy Fox »

Strum a écrit :On peut rajouter que Fortune est un des rares romans de Conrad qui finit bien, ce qui le rend attachant.
Attachant c'est certain.
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

Victoire : 1915

Un aventurier suédois la tête de l'exploitation d'une mine de charbons qui fait faillite, prend sous sa coupe une musicienne dont la vie était misérable, l'enlève à son patron et l'emmène sur son ile pour y vivre une belle histoire d'amour. Seulement la jalousie de l’hôtelier qui en était tombé amoureux va amener le drame sur l'île, le mal étant personnifié par deux bandits sans scrupules.

Comme dans de nombreux romans de Conrad, la longue exposition est splendide au point que l'on s'attend encore une fois être tombé sur un chef-d’œuvre. Malheureusement dès que l'intrigue débute vraiment, que le drame est prêt à se mettre en place, ça se met irrémédiablement à piétiner pour se terminer bien trop abruptement après quelques 200 pages que l'on aurait voulu voir avancer plus vite. Le climax n'a alors plus la puissance souhaitée le lecteur ayant commencé à perdre patience. Ceci étant dit l'écriture est belle, le roman se lit très facilement et il y a assez de bonnes choses pour en faire un livre recommandable même s'il n'arrive pas à la cheville de Lord Jim ou Nostromo. L’histoire d'amour est en tout cas magnifique alors que les bandits nous semblent à postériori bien trop caricaturaux.


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Re: Joseph Conrad

Message par Strum »

Un grand Conrad quand même à mon sens (même s'il reste en deçà d'un Nostromo, je préfère Victoire à l'Agent secret par exemple), un de ses plus pessimistes aussi. Très belle histoire d'amour en effet. Et contrairement à toi, j'ai trouvé les bandits formidables - ils sont marquants justement parce qu'ils sont excessifs. Ils firent d'ailleurs si forte impression à l'écrivain russe Boulgakov, que celui-ci semble s'être inspiré des bandits de Victoire pour créer le trio diabolique du Maitre et Marguerite.
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

La Ligne d'ombre : 1917

Récit maritime en partie autobiographique narrant le premier commandement difficile d'un tout jeune marin devant faire face à un équipage malade et à une mer d'huile.

Ca aurait fait une très bonne nouvelle d'une quarantaine de pages comme savait si bien les écrire Conrad ; pour un court roman de 180 pages, ça semble durer une éternité tellement l'intrigue est réduite à peau de chagrin, tellement le livre met du temps à démarrer pour ensuite stagner jusqu'à la fin. Heureusement il reste un style clair et une belle écriture qui permettent d'aller jusqu'au bout sans trop s'ennuyer mais pour ce genre de récit Conrad a déjà fait beaucoup mieux, avec Jeunesse notamment. Plus j'avance dans cette intégrale plus je me rends compte que si Conrad a écrit mon roman favori (Nostromo) il est désormais loin d'être mon auteur de prédilection. Mais arrivé là je ne vais pas m'arrêter et au contraire poursuivre en espérant retomber sur un roman qui me fascine.


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