Joseph Conrad

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Jeremy Fox
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

J'avais complètement oublié l'existence de ce topic ; je n'avais d'ailleurs pas été bien loin dans la lecture chronologique de l'intégrale. Je sens que je vais pouvoir sereinement la recommencer car je viens de tomber au hasard sur "Suspense" (en français "L'attente" ou "Angoisse"), son roman posthume et inachevé dont je n'étais même pas au courant de l'existence.
Il raconte l’odyssée d’un Ulysse britannique post-napoléonien, Cosmo Latham, qui entreprend un
périple méditerranéen qui le conduit à Naples où il se retrouve mêlé à une conspiration tournant
autour du retour de l’île d’Elbe. La sirène qu’il rencontre dans l’aventure lui sera interdite et cet
échec sentimental le conduira à s’engager à la légère dans un complot dont les enjeux le dépassent.

Claude Maisonnat
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villag
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Message par villag »

Randolph Carter a écrit :Il y a un roman de Conrad que vous n'avez pas cité, qui est généralement peu apprécié des happy few et qui mérite le détour :"Le Frère-de-la-côte" dont Terence Young a tiré un film honorable avec Anthony Quinn:"The Rover"(Peyrol le boucanier).
Spoiler (cliquez pour afficher)
Roman qui possède l'énorme avantage d'être beaucoup plus court que "Fortune" ou "Nostromo". :mrgreen:

tres beau roman.....je l'avais aimé adolescent; l'ai relu il y a peu( je ne suis plus ado du tout!) et ai encore aimé !!!Dire que Conrad, émigré, a failli s'etablir en France....! notre patrimoine a perdu là une pépite de choix!
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Re:

Message par Beck »

Jeremy Fox a écrit :Un élément très important que j'avais oublié de préciser à propos de ce premier roman et qui sera aussi valable par la suite, l'importance de la nature, traitée ici comme un personnage à part entière d'une grande vitalité. Ce n'est pas pour rien si le sous titre du livre est Histoire d'une rivière orientale.

Voilà :wink:
C'est la personnification, je crois.
Ca me fait un peu penser au "Chant du monde" de Jean Giono.

Quant à Conrad, j'avais dis à mon père que je voulais lire des romans sur le monde marin, et il m'a acheté Lord Jim, que je n'ai toujours pas ouvert.
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Jeremy Fox
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

10 ans après la création de ce topic, bien motivé par la relecture de La Folie Almayer qui m'a confirmé que Conrad était toujours mon écrivain préféré, et ayant entre temps réussi à acquérir quasiment l'intégrale de ses romans et nouvelles, je tente à nouveau l'intégrale chronologique. Je viendrais certainement toucher deux mots de chacuns si j'arrive à m'y tenir.
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Re: Joseph Conrad

Message par Strum »

Je viendrai te lire de temps en temps. Pour ma part, j'ai lu il y a plusieurs mois un autre Conrad : Victoire. Ce n'est sans doute pas son meilleur, mais c'est à nouveau un livre d'une très grande virtuosité narrative. Conrad utilise toujours le même procédé d'une histoire racontée par l'entremise d'un narrateur/enquêteur extérieur aux faits, que l'on découvre petit à petit. C'est aussi un de ses livres les plus mélancoliques et émouvants, avec une fin très triste. Le titre du livre est à cet égard bien cruel. Avec Heyst, Conrad crée encore un personnage mémorable de perdant inadapté au monde.

Enfin, je suis persuadé que Boulgakov connaissait ce livre et s'est inspiré du trio de méchants quand il a imaginé le trio infernal de Woland dans Le Maitre et Marguerite. D'un point de vue descriptif, ce sont les mêmes personnages ! C'est étonnant qu'aucun critique littéraire n'ait fait le rapprochementà ma connaissance. Bien sûr, chez Boulgakov, malgré le décor du régime totalitaire stalinien, on rit beaucoup et ça finit bien.
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Jeremy Fox
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

1895 : La Folie Almayer

Concernant donc La Folie Almayer que je termine à l'instant, je vous renvoie au premier post de ce topic car je n'ai pas grand chose à rajouter. Je ne m'en souvenais plus du tout mais au final l'impression reste quasiment la même. Attention cependant car il est bon de le rappeler : malgré le dépaysement, ce n'est pas du tout un roman d'aventure ou alors d'aventure intérieure. Les 20 dernières pages sont les plus belles du roman, celles décrivant l'étouffement progressif du personnage principal par la folie après le départ définitif de son enfant. Tout comme lui, on ne se rend compte qu'à la toute fin qu'il aimait sa fille plus que tout autre chose ; il aura fallu qu'elle décide de partir pour qu'il comprenne qu'elle lui était indispensable. En même temps, il ne lui restait plus que ça à quoi se raccrocher, ses rêves de gloire, de fortune et de grandeur s'étant volatilisés.


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Re: Joseph Conrad

Message par Anatole S. »

Il se trouve que je l'ai lu il y a quelques semaines et je suis on ne peut plus d'accord, la scène des adieux sur l'île ainsi que les dernières pages du livre sont vraiment poignantes. Mes connaissances conradiennes sont encore assez limitées donc je ne saurais pas trop l'estimer par rapport à l'ensemble de son oeuvre, mais en tout cas pour un premier roman c'est déjà très maîtrisé, même si le récit m'a semblé long à se mettre en route. Ce n'est effectivement pas un roman d'aventure mais au contraire presque un huis-clos, l'action ne s'éloigne jamais de la demeure d'Almayer, et le lecteur a l'impression de faire du sur-place comme le personnage principal.

Il faudrait que je réessaye Nostromo, je l'avais entamé après avoir lu et adoré Lord Jim, mais j'avais laissé tomber au bout de 200 pages environ, ne voyant pas où il voulait en venir...

Bon courage pour l'intégrale ! :D
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That struts and frets his hour upon the stage
And then is heard no more. It is a tale
Told by an idiot, full of sound and fury,
Signifying nothing."
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Jeremy Fox
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

1896 : Un paria des îles

Une fois encore (et ce sera la dernière puisque je n'avais déjà brièvement abordé que ses deux premières oeuvres), je vous renvoie en deuxième page pour la description sommaire de ce second roman sauf que, et c'est là le plus important, je l'ai trouvé ce coup-ci formidable, encore plus réussi que son prédécesseur. Déjà rien que la description de Willems (le futur 'paria des îles') en début du livre est étonnante : jamais encore je n'avais lu la description d'un personnage aussi haïssable, aussi arrogant. Et pourtant, et c'est là la grande richesse du livre et de l'auteur, dans chacun de ses protagonistes (assez peu fréquentables pour tout dire, y compris Almayer que l'on retrouve à nouveau, toujours en adoration devant sa petite fille), Conrad arrive à faire ressortir une part d'humanité. Et si c'était là le sujet principal de ce roman, de ces deux premiers romans ? La part d'humanité qui existe en chacun d'entre nous même chez les gens les plus monstrueux. Et encore une fois cette faculté de rendre la nature presque plus vivante que les humains qui la peuplent, ainsi que cette autre faculté à aller au plus profond des méandres tortueuses de la psychologie humaine.

Magnifique !


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Jeremy Fox
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

1897 : Le Nègre du Narcisse

Sachant qu'il n'aura jamais l'occasion de commander un navire et encouragé par le succès critique de ses deux premiers romans, Joseph Conrad s'attaque à son troisième roman. Il part d'une de ses expériences de marin (carrière qu'il sait donc définitivement terminée) pour nous livrer le récit tout simple de la traversée d'un navire (voilier) de Bombay à l'Angleterre (traversée qu'il avait effectuée 10 ans auparavant). Le Nègre du titre est un des marins qui se fera passer tout du long pour malade (on ne saura jamais vraiment s'il l'était ou non), exaspérant et répugnant certains qui pensent qu'il tire au flanc, pris en pitié par d'autres qui, fascinés, lui donnent toute leur affection et leur aide morale (mais en a t'il vraiment besoin ?). Mais dans ce livre assez court en cinq parties, sans véritable intrigue, le passage le plus important est la très longue séquence de tempête qui préfigure son ouvrage plus connu, Typhon : un superbe morceau de bravoure grâce à l'écriture toujours aussi imagée et lyrique de l'auteur. Et pourtant, après ses deux romans se déroulant à terre en Malaisie, son premier roman maritime, Le Nègre du Narcisse, déçoit. L'auteur est sombre, très sombre, trop sombre, portant sur son équipage de fiction un regard presque glacial et inhumain, les seuls personnages qui semblent trouver grâce à ses yeux étant le capitaine et son second, soit les deux officiers, les marins subissant presque son regard un peu hautain. Je me trompe peut-être mais c'est comme ça que je l'ai ressenti alors que même les détestables Almayer et Willems avaient eu droit à des morceaux d'humanité qui les rendaient d'autant plus touchants. Et puis il me semble (à moins que ce soit de la faute à la traduction) que le style se faisait alors un peu trop ampoulé (ce n'est pas d'un abord aisé à lire) comme si Conrad ne se souciait que d'écrire un exercice de style sans se soucier plus avant du fond.

Ca se lit très bien car Conrad est un admirable écrivain (ses descriptions de la mer sont toujours aussi étonnantes, les éléments étant toujours décrits comme des personnages à part entière, peut-être même plus vivants que les humains) mais il n'utilise pas ici assez son don de conteur qui faisait tout le charme de ses deux précédents romans. On (je) reste donc un peu sur ma faim.


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Re: Joseph Conrad

Message par Hitchcock »

Jeremy Fox a écrit :1897 : Le Nègre du Narcisse
J'ai effectivement trouvé celui-ci un peu décevant par rapport aux deux précédents.
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

Hitchcock a écrit :
Jeremy Fox a écrit :1897 : Le Nègre du Narcisse
J'ai effectivement trouvé celui-ci un peu décevant par rapport aux deux précédents.
1897 : La Lagune (Nouvelle incluse dans le recueil Inquiétude)

Et ma déception précédente venait bien avant tout d'un style devenu d'un seul coup vraiment trop empesé et confus à mon goût ; car je viens de finir sa nouvelle la plus ancienne contenue dans le recueil Inquiétude (Tales of Unrest), La Lagune (The Lagoon), écrite juste quelques jours après les dernières pages de Le Paria des iles, et je me suis à nouveau régalé, retrouvant la fluidité et le lyrisme que j'avais tant aimé dans les deux premiers romans. Il s'agit d'une nouvelle très courte d'à peine 30 pages et qui se situe à nouveau en Malaisie. Conrad lui-même dans son introduction au recueil disait qu'il l'avait écrite dans la continuité de ses romans précédents et c'est effectivement facile à constater ici. Une très belle histoire qui va à l'encontre de ce que je disais quelques semaines plus tôt comme quoi le format court n'était pas ma tasse de thé. Il est vrai que ça m'est toujours frustrant de ne pas pouvoir accompagner plus longtemps des personnages auquels on s'attache, mais force est de constater qu'en l'occurrence cette nouvelle m'a vraiment touché. Et quel beau style !
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

1897 : Un Avant poste du progrès (Nouvelle incluse dans le recueil Inquiétude)

Deuxième nouvelle de ce recueil, Conrad écrivait en préambule qu'en changeant de Continent (ici l'Afrique Noire), il avait un peu changé son style d'écriture. Ce qui s'avère facile à vérifier, l'auteur ne s'intéressant ici qu'à ses trois personnages principaux, ne s'appessantissant jamais vraiment sur le décor où ils évoluent comme c'était le cas pour sa 'trilogie malaise'. Et surtout, il ne cherche plus du tout à nous faire ressentir un soupçon d'empathie pour ses protagonistes, ne semblant avoir plus aucun espoir en ses congénères, témoin déjà le titre très ironique de sa nouvelle : cet avant poste du progrès est un comptoir en pleine Afrique Noire où sont envoyés deux fonctionnaires idiots pour le diriger ; ceux-ci pensent par cette nomination avoir été récompensés de leurs bons et loyaux services alors qu'on s'en est plus ou moins débarassés, le comptoir créé s'avérant sans plus d'intérêt que ses dirigeants. S'estimant au dessus des noirs qui les entourent, ils n'arrivent cependant pas à les faire travailler et le comptoir va en se désagrégeant de plus en plus, fréquenté seulement par des trafiquants d'ivoire qui tombent comme des mouches autour d'eux. La chaleur, la faim et l'environnement hostile ne faciliteront pas la vie de nos deux Bouvard et Péchuchet africains. Assez étonnant par sa noirceur mais le manque total d'humanité des deux personnages principaux fait qu'à l'instar de tous ceux qui les entourent, on n'éprouve aucune pitié lorsque cette comédie noire vire à la tragédie. C'est un peu le point faible de cette nouvelle sinon très réussie.
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

1897 : Karain : un souvenir (Nouvelle incluse dans le recueil Inquiétude)

Chronologiquement, la troisième nouvelle écrite de ce recueil, elle est néanmoins placée en tête. D'une longueur d'environ 60 pages, son intrigue se situe dans une région perdue des Philippines et est en gros divisée en deux parties : la première est la description de Karain, un Raja et chef de guerre de la région, adulé par son peuple par respect et par crainte. Seulement, alors qu'aux yeux des malais il passe pour une sorte de Dieu à qui ne faut qu'obéir, dès la nuit tombée, alors qu'il retrouve la solitude, il redevient humain, allant confier ses doutes et ses peurs aux blancs qui lui vendent les armes. La seconde moitié de la nouvelle est consacrée à une histoire que Karain vient raconter à ses amis blancs alors qu'après la mort de son bras droit, il semble totalement apeuré et psychiquement perturbé. La nouvelle aborde cette fois les thèmes des croyances et des fantômes sans que je ne vous en dise plus. Une histoire intrigante de vengeance et de folie, simplement racontée, sans trop d’esbroufe dans le style. A nouveau une réussite qui se termine à Londres, Conrad arrivant en quelques pages à brosser une ambiance de la ville d'une belle vitalité.
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

1897 : Les Idiots (Nouvelle incluse dans le recueil Inquiétude)

Nouvelle très courte et dont l'intrigue se situe en Bretagne. C'est l'histoire d'un paysan qui, prenant épouse pour avoir des descendants capables de s'occuper de ses terres une fois qu'il serait vieux, arrive à n'avoir que quatre enfants idiots de naissance. La religion, la politique et la folie s'en mêlant, le sort du couple sera tragique. Impitoyablement cruelle (notamment envers la religion), la nouvelle n'en est pourtant qu'à demi réussie, Conrad s'en sortant parfaitement bien durant toute la première moitié très réaliste, bien moins convaincant lorsqu'une tendance fantastique se fait jour, le fait d'adopter alors le point de vue du personnage ayant des visions n'étant pas des plus heureux. La précédente nouvelle, Karain, qui adoptait un point de vue assez similaire, le personnage hanté lui aussi par des fantômes, était d'une toute autre trempe.
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Re: Joseph Conrad

Message par Jeremy Fox »

1897 : Le retour (Nouvelle incluse dans le recueil Inquiétude)

Un homme apprend que sa femme a voulu le quitter mais celle-ci revient. Scène de ménage interminable et absolument imbuvable d"autant que Conrad nous a présenté d'emblée son couple comme de sombres fats. Heureusement que l'auteur n'a jamais poursuivi dans cette veine car ces 70 pages semblent durer une éternité.
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