François Truffaut - le critique

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Roy Neary
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Re: François Truffaut - le critique

Message par Roy Neary »

Je ne pense pas être snob. :lol:
Mais je sais reconnaître du talent littéraire dans une critique quand il y en a. Les conneries écrites par Truffaut sur le cinéma anglais par exemple, je les ai eues en travers de la gorge mais ça m'est passé il y a longtemps. La fougue de sa jeunesse lui a fait dire parfois n'importe quoi et je suis bien d'accord que le talent n'excuse pas tout. Mais avec le temps on peut séparer le bon grain de l'ivraie et retenir ce qu'il y a de gouleyant dans les formulations et la pertinence critique pour y prendre son plaisir. Je fais peut-être de la synthèse mais sans le savoir, comme M. Jourdain.
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Phnom&Penh
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Re: François Truffaut - le critique

Message par Phnom&Penh »

homerwell a écrit :Pour finir, je ne te laisserai pas faire un bon mot en racontant une énormité.
http://www.lefigaro.fr/politique/le-sca ... s-20190730
https://www.lexpress.fr/actualite/polit ... 93420.html
Dont acte, Sarko vend bien son dernier bouquin et plus que je ne le pensais.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Mais, bon, désolé, je m'en fout toujours :uhuh:
homerwell a écrit : Il détestait Ford pour son côté armée et il aimait Walsh ?
Oui, et cela n'a rien d'invraisemblable. Si Truffaut avait peut-être tort de détester Ford, ses raisons sont compréhensibles: communauté, l'armée, les sous-offs, les mains aux fesses, la nostalgie du vieux sud...Pour un anarchiste comme lui, on comprend que cela ait pu le révulser, surtout jeune. D'ailleurs, et je le cite plus haut, il est revenu sur son avis.
Walsh, certes il y a souvent des militaires...Mais c'était un anarchiste depuis toujours. Voir La colère des justes, traduit par Lourcelles, et qui est un peu son testament. Pas surprenant que Truffaut l'ai beaucoup aimé.
homerwell a écrit : un faux cul est bien un hypocrite ? Et de snobe à méprisant, il n'y a pas loin.un faux cul est bien un hypocrite ? Et de snobe à méprisant, il n'y a pas loin.
Traiter un ami de faux-cul, comme ça en passant, c'est pas méchant. Le traiter d'hypocrite, oui, là, je reconnais, ce n'est pas gentil. Mais faux-cul est une expression triviale et facile, quand hypocrite est un adjectif assez lourd. J'avais juste dit faux-cul, et en rigolant, rien de sérieux.
De snob à méprisant, il y a en fait assez loin. C'est ce que j'essayai d'expliquer plus haut en disant qu'il y a une certaine humilité dans le snobisme, le vrai. Mais bon, on ne va pas relire Proust ensemble. Méprisant, ça n'a jamais été mon propos, et "snob", même dans son acceptation vulgaire...c'est toi qui m'a qualifié ainsi.
homerwell a écrit : je vais surement pas avoir peur.
Mais tu devrais peut-être :mrgreen:
tenia a écrit :Flol parle du Neuhoff. 144 pages, grosse police d'impression.
D'accord, je comprends mieux :uhuh:

Sinon, pour en revenir au sujet, ce qui fait de ce livre une belle synthèse, c'est qu'il est vendu comme l'oeuvre d'un terroriste de la critique, alors qu'on y découvre, au jour le jour, un grand écrivain de cinéma, certes avec ses passions et quelquefois ses erreurs, mais surtout beaucoup moins de parti-pris que sa réputation lui a laissé. Il est capable de dire du bien d'Autant-Lara, d'Aurenche et Bost, et surtout, quand il aime vraiment:

  • Dans ses grands moments, Chaplin atteint à l’extrême pointe du mimétisme: il devient arbre, lampadaire ou descente de lit carnassière. Le jeu de James Dean est plus animal qu'humain et c'est en cela qu'il est imprévisible; quel sera le geste qui va suivre? James Dean peut, en parlant, se mettre à tourner le dos à la caméra et terminer la scène de cette façon; il peut rejeter brusquement la tête en arrière ou bouler en avant; il peut lever les bras au ciel ou les lancer en avant. Il envoie volontiers promener ses mains vers l'objectif, paumes vers le ciel pour convaincre, paumes vers la terre pour renoncer. Il peut, au cours d'une même scène, apparaître comme un fils de Frankeinstein, un petit écureuil, un bambin accroupi ou un vieillard cassé en deux. Son regard de myope accroît le sentiment de décalage entre le jeu et le texte, vague fixité, demi-sommeil d'un hypnotisé.


Non seulement c'est de la grande littérature de cinéma, mais on sent régulièrement poindre le futur réalisateur.
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Re: François Truffaut - le critique

Message par Supfiction »

Phnom&Penh a écrit :
homerwell a écrit : Il détestait Ford pour son côté armée et il aimait Walsh ?
Oui, et cela n'a rien d'invraisemblable. Si Truffaut avait peut-être tort de détester Ford, ses raisons sont compréhensibles: communauté, l'armée, les sous-offs, les mains aux fesses, la nostalgie du vieux sud...Pour un anarchiste comme lui, on comprend que cela ait pu le révulser, surtout jeune. D'ailleurs, et je le cite plus haut, il est revenu sur son avis.
Walsh, certes il y a souvent des militaires...Mais c'était un anarchiste depuis toujours. Voir La colère des justes, traduit par Lourcelles, et qui est un peu son testament. Pas surprenant que Truffaut l'ai beaucoup aimé.
Je ne vois pas du tout Truffaut comme un anarchiste. Plutôt comme un homme limite apolitique qui ne s'intéressait de prêt à la politique que lorsqu'elle le touchait personnellement (c'est à dire surtout lorsqu'elle touchait à la culture et au cinéma évidemment). Si je ne savais rien de lui, ses films me diraient qu'il est plutôt de centre droit. Considérant son histoire, je le situe plutôt centre gauche. Vraisemblablement, s'il était encore là, il aurait voté Hollande mais qui sait, il aurait aussi pu aussi finir sarkozyste et acheter le deux-cent-treize millième exemplaire de son bouquin. :mrgreen:
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Re: François Truffaut - le critique

Message par Phnom&Penh »

Supfiction a écrit :Je ne vois pas Truffaut comme un anarchiste. Plutôt comme un apolitique qui ne s'intéressait de prêt à la politique que lorsqu'elle le touchait (c'est à dire surtout lorsqu'elle touchait à la culture et au cinéma évidemment). Si je ne savais rien de lui, ses films me diraient qu'il est plutôt de centre droit.
Oui, tu as raison, la politique ne l'intéressait pas. A l'époque d'Arts, il fréquentait pas mal les "hussards" mais dans la vie, il n'a jamais été très politique.
Quand je disais anarchiste, je pensais surtout à son enfance, son mépris pour l'autorité parentale, les maisons de correction...Bref, je comprends très bien qu'à 20 ans, les uniformes et les chants irlandais, ça n'ait pas été son truc :mrgreen:
Par contre, si anarchiste est peut-être un adjectif un peu trop politique, indépendant est une évidence. D'où le rapport avec Walsh, lui aussi farouchement indépendant.
Supfiction a écrit :Vraisemblablement il aurait voté Hollande mais qui sait, il aurait aussi pu finir sarkozyste et acheter le deux-cent-treize millième exemplaire de son bouquin. :mrgreen:
Il est mort, et un des rares avantages d'être mort, c'est que tu cesses de faire des conneries :uhuh:
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Message par Roy Neary »

Phnom&Penh a écrit :Il est mort, et un des rares avantages d'être mort, c'est que tu cesses de faire des conneries :uhuh:
Ca dépend : si t'es corse ou communiste, tu peux continuer à voter. :mrgreen:
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Re: François Truffaut - le critique

Message par Phnom&Penh »

Roy Neary a écrit :
Phnom&Penh a écrit :Il est mort, et un des rares avantages d'être mort, c'est que tu cesses de faire des conneries :uhuh:
Ca dépend : si t'es corse ou communiste, tu peux continuer à voter. :mrgreen:
:lol: :wink:
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Re: François Truffaut - le critique

Message par homerwell »

Phnom&Penh a écrit :Oui, et cela n'a rien d'invraisemblable. Si Truffaut avait peut-être tort de détester Ford, ses raisons sont compréhensibles: communauté, l'armée, les sous-offs, les mains aux fesses, la nostalgie du vieux sud...Pour un anarchiste comme lui, on comprend que cela ait pu le révulser, surtout jeune. D'ailleurs, et je le cite plus haut, il est revenu sur son avis.
Walsh, certes il y a souvent des militaires...Mais c'était un anarchiste depuis toujours. Voir La colère des justes, traduit par Lourcelles, et qui est un peu son testament. Pas surprenant que Truffaut l'ai beaucoup aimé.
Ma cinéphilie passe par les images, et j'ai vu quelques films de Walsh, il a un côté très martial qui ne dépareille pas à côté de Ford. Ce n'est peut être pas inscrit dans les livres, mais c'est ce que je pense et mon avis en vaut bien d'autres. Truffaut aurait pu être séduit par le Ford défendant ses racines irlandaises, (je ne parle pas de son film Le Mouchard), tout autant que par l'anar Walsh. Il n'est pas le visionnaire que tu décris à mes yeux.
Traiter un ami de faux-cul, comme ça en passant, c'est pas méchant. Le traiter d'hypocrite, oui, là, je reconnais, ce n'est pas gentil. Mais faux-cul est une expression triviale et facile, quand hypocrite est un adjectif assez lourd. J'avais juste dit faux-cul, et en rigolant, rien de sérieux.
De snob à méprisant, il y a en fait assez loin. C'est ce que j'essayai d'expliquer plus haut en disant qu'il y a une certaine humilité dans le snobisme, le vrai. Mais bon, on ne va pas relire Proust ensemble. Méprisant, ça n'a jamais été mon propos, et "snob", même dans son acceptation vulgaire...c'est toi qui m'a qualifié ainsi
Chez moi, un faux-cul vaut bien un snob, restons en là.
homerwell a écrit : je vais surement pas avoir peur.
Mais tu devrais peut-être :mrgreen:
Plutôt crever :mrgreen:
Sinon, pour en revenir au sujet, ce qui fait de ce livre une belle synthèse, c'est qu'il est vendu comme l'oeuvre d'un terroriste de la critique, alors qu'on y découvre, au jour le jour, un grand écrivain de cinéma, certes avec ses passions et quelquefois ses erreurs, mais surtout beaucoup moins de parti-pris que sa réputation lui a laissé. Il est capable de dire du bien d'Autant-Lara, d'Aurenche et Bost, et surtout, quand il aime vraiment:

  • Dans ses grands moments, Chaplin atteint à l’extrême pointe du mimétisme: il devient arbre, lampadaire ou descente de lit carnassière. Le jeu de James Dean est plus animal qu'humain et c'est en cela qu'il est imprévisible; quel sera le geste qui va suivre? James Dean peut, en parlant, se mettre à tourner le dos à la caméra et terminer la scène de cette façon; il peut rejeter brusquement la tête en arrière ou bouler en avant; il peut lever les bras au ciel ou les lancer en avant. Il envoie volontiers promener ses mains vers l'objectif, paumes vers le ciel pour convaincre, paumes vers la terre pour renoncer. Il peut, au cours d'une même scène, apparaître comme un fils de Frankeinstein, un petit écureuil, un bambin accroupi ou un vieillard cassé en deux. Son regard de myope accroît le sentiment de décalage entre le jeu et le texte, vague fixité, demi-sommeil d'un hypnotisé.


Non seulement c'est de la grande littérature de cinéma, mais on sent régulièrement poindre le futur réalisateur.
Donc comme je l'ai écrit un peu plus tôt, je lirai sans doute les chroniques reliées de Truffaut, mais maintenant j'ai décidé que ce serait après avoir fini Proust.
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Re: François Truffaut - le critique

Message par Phnom&Penh »

homerwell a écrit :Donc comme je l'ai écrit un peu plus tôt, je lirai sans doute les chroniques reliées de Truffaut, mais maintenant j'ai décidé que ce serait après avoir fini Proust.
Maintenant que nous nous sommes expliqué et que je sais que c'est sérieux, je te souhaite beaucoup de bonheur de lecture 8) Truffaut est très bon, mais avec Proust, il n'y a pas concurrence, et lui-même, j'en suis persuadé, aurait été le premier à te le dire.
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Re: François Truffaut - le critique

Message par Phnom&Penh »

Pour essayer de faire rebondir ce topic pourri par homerwell, ce faux-cul ( :mrgreen: ) qui n'avait pas admis que le sujet Truffaut-Ford avait été évacué lors d'un (excellent) dîner chez l'ami Tancrède, je reviens sur un vieux débat, Truffaut qui défend les auteurs quels que soient leurs films.

Ali-Baba et les quarante voleurs. On lui a souvent reproché comme une critique lamentable d'un film plus que médiocre, mais de Jacques Becker qu'il adorait. Qu'en dit-il réellement?

"Il serait malvenu de discuter l'adaptation de ce comte. Ne déplorons pas, cette fois, une infidélité dont la nécessité est évidente. Il fallait, au départ de l'entreprise, adopter un parti-pris, convenir d'un style. Jacques Becker a choisi la farce marseillaise. En effet, à part Dieter Borsche (Abdul, le chef des voleurs), qui est allemand, et Samia Gamal (Morgiane) qui est égyptienne, tous les acteurs de ce film sont marseillais: Fernandel, Henri Vilbert, Delmont, Ardisson, etc. C'est sous le signe de la bonne humeur que se place Ali Baba.
Ali Baba est un palier important dans l'oeuvre de Becker, d'abord parce qu'il s'agit de son premier film en couleurs, ensuite parce qu'il fut l'occasion de s'essayer à un genre inconnu pour lui jusqu'alors, la comédie-farce.
Ali-Baba n'est pas un film "ambitieux", c'est un divertissement réussi".


Honnêtement, je trouve que cela se défend bien. Ça n'est pas une critique "pour défendre un auteur", c'est parce qu'il a aimé le film, et, à la revoyure, Ali-Baba n'est pas indéfendable. Et (c'est amusant), Truffaut adore Fernandel.

En revanche, sur Les aventures d'Arsène Lupin, du même auteur:

Arsène le menteur

A l'Arsène Lupin de notre enfance, Jacques Becker en a substitué un autre qui n'est qu'une transposition de Max le menteur, mais le procédé de style qui haussait Touchez pas au grisbi rabaisse le fils de Maurice Leblanc à tel point que le personnage fort dont nous parlions est devenu un personnage faible, imprécis, flou, j'oserai dire inexistant.
Arsène Lupin rentre chez lui, place un disque sur son phonographe, se déshabille, se regarde devant la glace, chantonne peut-être, traite avec familiarité et gentillesse sa domesticité, tout cela était déjà dans Touchez pas au grisbi et ici nous ennuie. Je vois bien que Becker, qui avait mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Max le menteur, s'est de nouveau identifié à son personnage, mais cette fois je me sens frustré. A force de ne plus vouloir peindre qu'un petit homme, un "petit français" de cinquante ans, toujours le même, papa gâteau aux mains innocentes, Becker, victime de sa complaisance, risque de ne plus toucher que les spectateurs quinquagénaires...
Je parlerais plus loin de Robert Lamoureux, qui est un excellent Arsène Lupin, je ne critique ici que la conception du personnage, et il me semble que le Manda de Casque d'or, et même le couturier de Falbalas, furent plus proches du Lupin que nous souhaitions".


Comme quoi on peut être de mauvaise foi et sincère. Le pire, c'est qu'il défend l'acteur pour mieux descendre le metteur en scène. Parce que quand même, faire un mauvais Arsène Lupin, ce n'est pas pardonnable, même si politique des auteurs obligerait. La littérature d'abord, et Truffaut abonde de citations souvent perlées et pas évidentes (merci aux excellentes notes de bas de page). Faire un mauvais Arsène Lupin, quand même...
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Re: François Truffaut - le critique

Message par homerwell »

Ce n'est pas de réclamer le droit à la mauvaise foi dont Truffaut doit se défendre, mais c'est d'une volte-face complète sur des positions sincères et tranchées. :wink:
John Ford, if Hollywood was a garrison, would be a warrant officer. Let's give our preference to General Fritz Lang, Colonel Anthony Mann, Lieutenant Robert Aldrich, or even Sergeant Raoul Walsh and Quarter-master-Sergeant Allan Dwan. John Ford symbolizes an age of Hollywood, the one when good health prevailed over intelligence, craftiness over sincerity. This age has gone; Ella Kazan's and Nicholas Ray's movies make more money than John Ford's, poetry triumphs over entertainment.
Extrait de : https://epdf.pub/the-early-film-critici ... ffaut.html
De Wheeler Winston Dixon

Où l'on apprend que la volte face sur Ford a eu lieu en 1973 (l'année de sa mort), il avait 41 ans, sachant que Les 400 coups date de 1959, son livre d'entretien avec Hitchcock de 1966, pas vraiment un jeunot, ni en manque d'expérience.
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Re: François Truffaut - le critique

Message par Phnom&Penh »

J'avoue ne pas comprendre cette hargne que tu as contre Truffaut, parce qu'il n'aimait pas Ford, jusqu'à aller citer des textes en anglais, qu'on trouve facilement en français (le texte que tu cites est le début de sa critique de La prisonnière du désert). Truffaut n'aimait pas Ford et il a commis quelques deux ou trois articles contre ses films (La prisonnière du désert, déjà cité, et Ce n'est qu'un au revoir). Bref, c'est tout sauf une obsession chez lui. A ma connaissance, il n'a jamais plus écrit sur ses films après les années 50.
Son obsession, c'est plus contre Autant-Lara, Duvivier, Aurenche et Bost, et, dans la même période, il a écrit sur eux des articles admiratifs sur des films qu'il aimait. Donc, il était capable de changements d'attitude - plus que de revirements - parce qu'il avait aimé les films.
Pour en terminer sur Ford, il a écrit lors de la mort de John Ford, en 1973, un article, Dieu bénisse John Ford (qu'on trouve dans Les films de ma vie), qui n'est pas une volte-face, mais juste un rééquilibrage où il dit qu'il était un cinéaste qu'il n'aimait pas sur ses thématiques, mais qui est un monument du cinéma. Cet article, par ailleurs très court, revient juste sur le fait que John Ford n'était pas misogyne parce qu'il a donné de grands rôles à des femmes (notamment Maureen O'Hara), et revient sur le côté statique qu'il reprochait à La prisonnière de désert:

En 1956: "Dans La prisonnière du désert, la caméra arrive toujours après la bataille, avec la rame de John Ford en retard, pour filmer les ruines encore fumantes, les cadavres toujours chauds, les traces de pas ou de sabots. Et comme John Ford ne sait pas filmer le temps qui passe, on a le sentiment que deux jours seulement, au lieu de cinq ans, se sont écoulés entre la première image et la dernière...".

Ce qui, à mon avis, n'est pas faux, même si je considère le film comme un chef d'oeuvre.

Et, en 1973: "John Ford pourrait recevoir - ex aequo avec Howard Hawks - le prix de "la mise en scène invisible"., je veux dire que le travail de la caméra chez ces grands raconteurs d'histoires n'est pas discernable pour l'oeil du spectateur: très peu de mouvements d'appareils - seulement pour accompagner un personnage - une majorité de plans fixes, toujours filmés à la distance exacte, ce style créant une écriture souple et fluide que l'on peut comparer à celle de Guy de Maupassant ou de Tourgeniev.
Avec une aisance royale, John Ford savait faire rire le public et savait le faire pleurer; la seule chose qu'il ne savait pas faire c'était l'ennuyer!
Et puisque John Ford croyait en Dieu, God bless John Ford!"
.

En citant cela, je t'ai quasiment cité la moitié de l'article. Donc, "volte-face"...Garde ton article anglo-saxon.

François Truffaut n'était pas seulement un grand critique de cinéma, c'était un écrivain et un artiste en devenir. Donc, il ne critiquait pas des films, il se montait sa carrière, non pas de critique mais d'artiste. Il aimait énormément Vadim, mais là, à mon avis, moins en critique qu'en futur réalisateur qui pensait que le sexe devait tenir une grande place dans le cinéma (et c'est sûr que pour ça, Ford s'est peut-être laissé dépasser quelquefois par ses actrices plus qu'il ne les a maîtrisé :mrgreen:), ce n'était pas son truc.

Une dernière chose, pour te donner une corde à ton arc - je suis généreux :mrgreen: , Truffaut adorait Mizoguchi mais n'aimait pas du tout Kurosawa. C'est moins connu car il n'a jamais écrit contre les films de Kurosawa, mais il ne l'aimait pas.
Dans son éloge à la mort d'André Bazin, qui comme tu le sais sans doute a été son père spirituel comme son père adoptif, il concluait son éloge sur:
(C'est une citation d'André Bazin qui concluait ainsi l'article de Truffaut, Adieu à André Bazin (1958)):
"Je regrette bien de n'avoir pu avoir vu avec vous, à la Cinémathèque, les films de Mizoguchi. Je le place aussi haut que vous autres et prétends l'aimer mieux encore en aimant aussi Kurosawa, qui est l'autre versant le la montagne: connaît-on bien le jour sans la nuit? Détester Kurosawa pour aimer Mizoguchi n'est qu'un premier stade de la compréhension. Certes, qui préférerait Kurosawa serait un irrémédiable aveugle, mais qui n'aime que Mizoguchi est un borgne. Il y a dans l'art tout entier une veine contemplative et mystique et une veine expressionniste".

Donc, ouvert d'esprit jusqu'à citer dans son éloge funèbre, en conclusion, un réalisateur qu'il n'aimait pas mais qu'il regrettait que son père en cinéma ne lui ai pas fait aimer.

J'ajoute, pour les plus jeunes que ce désamour de Kurosawa pourrait choquer, qu'à l'époque, en dehors des films présentés en festivals, les cinéphiles ne les voyaient qu'en Cinémathèque, et généralement en versions sans sous-titres. Et en de rares diffusions, donc à replacer dans l'époque.

Pour finir sur John Ford et Kurosawa, c'étaient de très grands réalisateurs pour son père en cinéma, André Bazin. Il l'a toujours respecté, mais qu'il ait voulu le titiller...Truffaut était un grand sentimental avec une jeunesse très difficile dont Bazin l'avait sauvé. Que Ford, l'amateur d'uniformes, et Kurosawa, le Samouraï, aient été des contre-exemples de Mizoguchi, l'amateur de bordels et de filles perdues, je ne vais pas rentrer dans une psychanalyse de Truffaut, mais je pense qu'avant d'être un grand critique, c'était un écrivain et un réalisateur en devenir.
C'est un peu comme Serge Daney, qui, certes, n'a jamais réalisé. Mais le voir comme un critique sur un texte sur un film...Serge Daney est un écrivain dont il faut connaître l'oeuvre avant de s'attaquer à une critique en particulier.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Je précise, parce que cette allusion à Serge Daney peut, à juste titre, paraître curieuse ici, qu'elle vient de la remontée du topic Les dents de la mer, dont Daney avait fait une critique négative, mais pas si stupide si on la lit avec un regard non cinéphile, mais simplement curieux de celui qui l'a écrite. Et qu'un cinéphile qui n'a jamais mis les pieds à Ronda, Andalousie, m'explique un des plus beaux textes de Serge Daney sur une ville où le cinéphile en question n'aura probablement jamais mis les pieds, mais qui est un de ses plus beaux textes sur le cinéma, alors qu'on ne parle absolument pas d'un film mais d'un lieu cinématographique.
Truffaut, comme Serge Daney, n'était pas un simple critique de cinéma, mais avant tout l'artiste d'une oeuvre. Pour les comprendre et éventuellement les aimer, il faut retourner les jumelles, et passer du plan large à l'observation fine et délicate.
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Re: François Truffaut - le critique

Message par homerwell »

François Truffaut sur Bazin, le terme "écrivain de cinéma", Pivot qui taquine Truffaut sur sa férocité.

https://www.ina.fr/video/I00012983
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Re: François Truffaut - le critique

Message par homerwell »

Je n'ai pas de hargne contre Truffaut, enfin pas plus que tu n'as envie de lui consacrer un topic laudateur,je veux seulement aborder tous les sujets et échanger.
Critique, écrivain, artiste, réalisateur, en devenir ou pas, colle lui l'étiquette que tu voudras, ne changera pas grand chose mais enfin, le titre que tu as toi même posté est "François Truffaut - le critique".

Par contre, j'aime bien l’appellation d'écrivain de cinéma qu'il emploie pour Bazin, et d'après ce que tu dis et ce que j'ai constaté, elle lui va bien aussi.

Pendant le festival Lumière à Lyon, j'ai découvert un film de André Cayatte, Le passage du Rhin, que j'ai trouvé plutôt pas mal,malgré deux trois petites lourdeurs. Et j'avais auparavant déjà vu Les amants de Vérone, surtout pour des raisons personnels extra-cinéphile.

Voilà ce que l'on trouve sur la fiche wikipédia de Cayatte :
François Truffaut est lapidaire, qualifiant ses longs-métrages de « films à thèse » et ironise à plusieurs reprises : « Si les gens de cinéma voient dans Cayatte un avocat, les gens de robe le prennent pour un cinéaste » et « C'est une chance que Cayatte ne s'attaque pas à la littérature ; il serait capable à l'écran d'acquitter Julien Sorel ; Emma Bovary en serait quitte pour la préventive et le petit Twist irait se faire rééduquer à Savigny »
Si Truffaut est cité, ce n'est pas seulement pour la qualité de sa plume, ou pour la justesse de ses assertions, mais bien pour la férocité de ses commentaires. Alors oui il vaut mieux le lire quand il est positif, passeur, et que son enthousiasme pour sa passion est si communicatif, comme dans le Hitchcock. Mais il ne faut pas oublier que sa parole était si écoutée qu'il a façonné une partie de monde du cinéma tel que nous le connaissons aujourd'hui.
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Re: François Truffaut - le critique

Message par homerwell »

Et ce n'est pas si bête de savoir comment des cinéphiles Américains ont reçu les critiques de Truffaut sur des réalisateurs américains.

Ainsi sur Huston pour prendre un cinéaste dont je suis moins friand :
John Huston, while he interests Truffaut to some degree, is seen by the young critic as a figure of considerably less magnetism. "Will John Huston always be no more than an amateur ?" Truffaut asks. In a lengthy appraisal of Huston's works, Truffaut comes to the conclusion, stated in the title of the following article, that while Huston may be "an excellent scriptwriter" he is undeniably "a second-rate director." What interests Truffaut the most in Huston's work is the theme of failure, of reaching beyond one's grasp.
Et pour revenir sur la volte face, on peut lire page 54 :
Then comes Truffaut's attack on The Searchers. After that, there is literally nothing in Truffaut's writings on Ford until "About John Ford" in 1973. What went on in this long gap between Truffaut's public pronouncements on Ford is anyone's guess. Nevertheless, it seems more than a little odd that Truffaut would choose to reprint only the hagiographic "About John Ford" in The Films in My Life and completely ignore, except in passing mention, the extensive corpus of writing against Ford he created in the mid-1950s. Certainly this is a revisionist strategy: it also gives us no real clue as to how Truffaut's critical reevaluation of Ford took place. Is Truffaut's 1973 assessment of Ford an accurate indication of his final feelings toward the director? Or is it a sentimental marker, a salute from one filmmaker to another, even if the writer is not particularly fond of Ford's work? Truffaut's repudiation of his initial critical work on Ford remains one of the most mysterious and inconsistent acts of Truffaut's career as a writer. There is no gradual awakening, no shift, just a sudden denial.
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Re: François Truffaut - le critique

Message par kiemavel »

homerwell a écrit :
Then comes Truffaut's attack on The Searchers. After that, there is literally nothing in Truffaut's writings on Ford until "About John Ford" in 1973. What went on in this long gap between Truffaut's public pronouncements on Ford is anyone's guess. Nevertheless, it seems more than a little odd that Truffaut would choose to reprint only the hagiographic "About John Ford" in The Films in My Life and completely ignore, except in passing mention, the extensive corpus of writing against Ford he created in the mid-1950s. Certainly this is a revisionist strategy: it also gives us no real clue as to how Truffaut's critical reevaluation of Ford took place. Is Truffaut's 1973 assessment of Ford an accurate indication of his final feelings toward the director? Or is it a sentimental marker, a salute from one filmmaker to another, even if the writer is not particularly fond of Ford's work? Truffaut's repudiation of his initial critical work on Ford remains one of the most mysterious and inconsistent acts of Truffaut's career as a writer. There is no gradual awakening, no shift, just a sudden denial.
Une stratégie révisionniste, rien que ça
Si l'on peut trouver pour le moins étrange que Truffaut soit ainsi passé à coté de grands films de Ford dans les années 50, on peut aussi croire qu'il ait pu changer d'avis, sincèrement, sans les arrières pensées qu'on lui prêtent ici, 20 ans plus tard, non ?
"répudier" certains de ses textes de ses années de critique pour voir - même très tardivement - les qualités d'une œuvre, et, du coup, ne pas les (re)publier, c'est possible ou bien ?
Parvenir à le faire avec Ford, c'est compréhensible il me semble ... quand d'autres y sont arrivés pour des metteurs en scène bien moins doués. Je pense par exemple à ce que Bertrand Tavernier pouvait écrire sur certains cinéastes dans les premières moutures de 50 ans …. et ce qu'il dit d'eux et de leurs films aujourd'hui dans les bonus des éditions Sidonis.
Même suspicion que pour Truffaut ? Est-il sincère ou bien ajoute t'il au reniement, non plus la flatterie envers un confrère prestigieux (puisque c'est une supposition exprimée par l'auteur américain), mais le plus vilain mercantilisme ? :wink:
Evidemment je n'en crois rien … mais j'espère que dans la mise à jour du bouquin il ne va pas contredire ce qu'il a pu dire des films dans ces bonus :mrgreen:

Par contre, pour continuer la comparaison, en ce qui concerne un point reproché à Truffaut … Dans 50 ans ... , les avis anciens et obsolètes étaient repris dans les éditions ultérieures et donc les auteurs se contredisaient sans le discimuler. ça oui ... Mais ça ne veut pas dire que Truffaut n'avait pas voulu, lui, qu'apparaissent ses "erreurs" passées.
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