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Kevin95
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Message par Kevin95 »

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MAD... MA VIE ! - Jean-Pierre Putters (2012)

Vu qu’aucun ouvrage n’existait jusqu'alors sur l'Histoire de Mad Movies, Mad... ma vie fait donc figure de pionnier avant que l'édition ne se réveille (trois plombes à la bourre) et se dise qu'il y a quelque chose à faire avec la revue. Le livre, soigné comme souvent chez Rouge profond, est à la fois l'évocation du parcours de Jean-Pierres Putters par lui-même et le listing de chaque numéro, de sa création en juin 1972 (format fanzine, Putters seul sur le dossier) à mars 2001 (le mag a depuis longtemps les reins solides mais JPP se retire du jeu) avec un petit commentaire en dessous. Il ne faut pas s'attendre à une analyse précise et complète de chaque numéro non, Putters liste selon son envie le sommaire ou part complétement à coté (surtout comme la couverture ne l'arrange pas trop genre Masters of the Universe ou Blair Witch 2). Le tout est entrecoupé de quelques sujets hors Mad et d'interventions de divers plumes du canard (avec souvenirs à l'appui). Si la partie bio est - je m'en excuse d'avance - peu trépidante, notamment le service militaire de JP dont on se fout cordialement, ses débuts dans le fanzine et la maturation du bébé Mad sont passionnants, relique d'un temps aujourd'hui lointain où la cinéphilie était bouillonnante et partagée. Mad... ma vie reste évidemment très subjectif, toutes les prises de bec sont plus ou moins passées sous silence et rien n'est dit d'un point de vue critique sur la place du magazine hier ou aujourd'hui. Ce n'est d'ailleurs pas le rôle de Putters, qui s'amuse plus qu'autre chose de l'espace que lui accorde le livre. La porte est ouverte, le travail critique autours de Mad Movies reste donc à faire.
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poet77
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Message par poet77 »

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Il y a tout juste deux ans, je m'apprêtais à lire, dès sa parution, le nouvel ouvrage d'Emmanuel Carrère, "Le Royaume", dont le sujet, bien évidemment, m'intéressait au plus haut point, puisqu'il y était question des origines du christianisme. Je n'avais encore lu aucun livre de cet auteur et j'avais été frappé, étonné et conquis par les choix narratifs qui étaient les siens. Il ne s'agissait pas pour lui de raconter les origines du christianisme comme s'il se plaçait en dehors de son sujet, comme un érudit ou un observateur, mais plutôt de se raconter lui-même allant à la recherche des origines du christianisme. Le recours fréquent à la première personne du singulier risquait certes d'indisposer certains lecteurs, mais avait toutes les chances d'en séduire d'autres. Et j'ai fait partie de ceux-ci, j'ai été séduit. Aujourd'hui, après avoir lu "Un roman russe", je me rends compte que ce jeu du je s'apparente à une marque de fabrique chez Emmanuel Carrère. Car, dans ce livre également, l'auteur se raconte autant qu'il raconte les autres ou le sujet qui est le sien. Ici il est question de Kotelnitch, un bled perdu de Russie dans lequel a été retrouvé un Hongrois qui s'est avéré être le plus vieux prisonnier de la Seconde Guerre Mondiale. Mais ce fait divers n'est qu'un point de départ, un prétexte, car ce qu'entreprend de faire Emmanuel Carrère, c'est, en partant de cet événement, raconter Kotelnitch et ses habitants, mais aussi raconter sa famille d'origine russe et, comme dans "Le Royaume", se raconter lui-même. Ce livre, comme peut-être tous les livres de l'auteur, n'est rien d'autre qu'une confession, et une confession qui ne craint pas même d'aller jusqu'à l'impudicité. Cela pourrait être gênant, mais je trouve que c'est surtout désarmant de franchise et de sincérité et, en fin de compte, très émouvant. 8/10
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Message par Max Schreck »

poet77 a écrit : Il y a tout juste deux ans, je m'apprêtais à lire, dès sa parution, le nouvel ouvrage d'Emmanuel Carrère, "Le Royaume", dont le sujet, bien évidemment, m'intéressait au plus haut point, puisqu'il y était question des origines du christianisme. Je n'avais encore lu aucun livre de cet auteur et j'avais été frappé, étonné et conquis par les choix narratifs qui étaient les siens. Il ne s'agissait pas pour lui de raconter les origines du christianisme comme s'il se plaçait en dehors de son sujet, comme un érudit ou un observateur, mais plutôt de se raconter lui-même allant à la recherche des origines du christianisme. Le recours fréquent à la première personne du singulier risquait certes d'indisposer certains lecteurs, mais avait toutes les chances d'en séduire d'autres. Et j'ai fait partie de ceux-ci, j'ai été séduit. Aujourd'hui, après avoir lu "Un roman russe", je me rends compte que ce jeu du je s'apparente à une marque de fabrique chez Emmanuel Carrère. Car, dans ce livre également, l'auteur se raconte autant qu'il raconte les autres ou le sujet qui est le sien. Ici il est question de Kotelnitch, un bled perdu de Russie dans lequel a été retrouvé un Hongrois qui s'est avéré être le plus vieux prisonnier de la Seconde Guerre Mondiale. Mais ce fait divers n'est qu'un point de départ, un prétexte, car ce qu'entreprend de faire Emmanuel Carrère, c'est, en partant de cet événement, raconter Kotelnitch et ses habitants, mais aussi raconter sa famille d'origine russe et, comme dans "Le Royaume", se raconter lui-même. Ce livre, comme peut-être tous les livres de l'auteur, n'est rien d'autre qu'une confession, et une confession qui ne craint pas même d'aller jusqu'à l'impudicité. Cela pourrait être gênant, mais je trouve que c'est surtout désarmant de franchise et de sincérité et, en fin de compte, très émouvant. 8/10
Je suis justement en train de lire Le Royaume, et c'est effectivement la marque de fabrique de cet auteur que de se mettre au cœur de son travail littéraire, même lorsque ce n'est pas l'objet du livre proprement dit. Même s'il y a déjà beaucoup de lui dans ses précédentes publications, ça a vraiment démarré avec L'Adversaire, et je n'arrive pas à expliquer la fascination que son style et sa voix exercent sur moi. Tu peux aller les yeux fermés sur le reste de son œuvre. La vision de son très émouvant documentaire évoqué dans Un roman russe s'impose et complètera idéalement ta lecture.
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Johnny Doe a écrit :
Ouf Je Respire a écrit :
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La fête de l'insignifiance, de Milan KUNDERA.

L'éditeur présente l'ouvrage comme suit:

"Jeter une lumière sur les problèmes les plus sérieux et en même temps ne pas prononcer une seule phrase sérieuse, être fasciné par la réalité du monde contemporain et en même temps éviter tout réalisme, voilà La fête de l'insignifiance. Drôle de rire inspiré par notre époque qui est comique parce qu’elle a perdu tout sens de l’humour."

Perso, je le présente comme suit:

"Rarement autant ennuyé dans une lecture. Les pseudo-réflexions philosophique font pschit le temps de les lire, les saynètes n'ont pas de liant entre elles, ou peu. Aucune tension dramatique (hormis la mère d'Alain, dans l'épisode de la rivière). Et même si je m'attendais à une légèreté de discours sur des sujets potentiellement graves, ben là j'ai obtenu une légèreté de discours sur des sujets... insignifiants. Et le discours sur les nombrils, ça donne un côté un poil ringard au livre. Bref: je ne recommande pas ce livre plat."

A + :D
Tu as lu d'autres Kundera? Tu aimes en général? Je suis curieux parce que j'adore le monsieur (un de mes 2-3 auteur favoris) mais je n'ai pas (encore) lu celui-ci.
J'avais surtout lu "L'insoutenable légèreté..." et parcouru "La plaisanterie". Ca m'avait transporté comme rarement. J'avais surkiffé.
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Message par Johnny Doe »

Ouf Je Respire a écrit :
Johnny Doe a écrit : Tu as lu d'autres Kundera? Tu aimes en général? Je suis curieux parce que j'adore le monsieur (un de mes 2-3 auteur favoris) mais je n'ai pas (encore) lu celui-ci.
J'avais surtout lu "L'insoutenable légèreté..." et parcouru "La plaisanterie". Ca m'avait transporté comme rarement. J'avais surkiffé.
Ah donc pas très encourageant pour celui-ci. :? Mais je ne saurais que te conseiller de lire tout Kundera de toute manière, de ces romans j'ai tout lu justement sauf ce dernier, aussi lu deux de ces essais (l'incroyable L'art du roman et le pas mal Les testaments trahis), même si tout n'est pas du même tonneau, il n'y a rien ne serait-ce que passable à mes yeux.

Je remarque en regardant sa biblio que ça faisait 11 ans qu'il n'avait plus écrit de roman.
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Message par poet77 »

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Il y a à peu près 45 ans, au temps joli (?) où j'étais collégien, mon professeur d'allemand avait fait traduire aux élèves de ma classe un extrait des "Enfants Jéromine" de Ernst Wiechert tout en ne tarissant pas d'éloges sur les très grandes qualités de ce roman. Il faut croire que ces propos s'étaient logés dans un coin quelconque de mon cerveau puisque, il y a quelques semaines, en voyant ce livre sur l'étal d'une librairie, je m'en suis souvenu. Et je me suis dit qu'il était grand temps, après toutes ces années, de le lire enfin, ce roman, et de vérifier par moi-même si le dithyrambe de mon ex-professeur était justifié.
Aujourd'hui, l'ayant lu (et c'est un roman de plus de 1000 pages), je peux dire que oui, en effet, il s'agit bel et bien d'un chef d'oeuvre de la littérature. Et j'ajoute qu'il faudrait redonner toute sa place au très grand écrivain que fut Ernst Wiechert.
"Les Enfants Jéromine", achevé d'écrire en 1946, se divise en deux parties, la première très dramatique et très sombre, la deuxième beaucoup plus lumineuse bien qu'il y soit question de la montée du nazisme et de l'instauration de son effroyable régime.
L'ensemble du roman se déroule durant la première moitié du XXe siècle, essentiellement à Sowirog, un petit village allemand sis au coeur d'une forêt proche de la Pologne. C'est là que vit (ou que survit) la famille Jéromine. Le père, charbonnier de son métier, gagne juste de quoi nourrir ses sept enfants. La pauvreté, voire la misère, sont le lot commun de la quasi totalité des habitants du village. Dans la première partie du roman, Wiechert relate essentiellement cela, les dures conditions de vie de la famille Jéromine et des autres familles du bourg, les famines, les maladies, la mort. Cette dernière est omniprésente, et bien davantage encore lorsque survient la grande guerre. Le ton du livre confine au désespoir. Le pasteur du village est si ébranlé par les tragédies qui frappent ses ouailles qu'il en perd la foi.
Mais au cœur de cette désespérance commence à poindre une lumière, ce que développe la deuxième partie du roman. On y suit la destinée et les choix de vie de Jons, le benjamin des enfants Jéromine. L'instituteur du village s'étant pris d'affection pour lui et croyant en ses dons, il réussit à l'envoyer à la ville pour y faire des études. Jons a la chance de rencontrer des guides, parmi lesquels, tout particulièrement, un juif du nom de Lawrenz. Car le garçon réussit si bien dans ses études qu'il entreprend de devenir médecin. Ayant passé brillamment ses examens, se pose pour lui la question de son orientation. Tout le monde le voit déjà chirurgien de renom, mais Jons, guidé par son mentor et gardant le souvenir de son enfance, de son père qui lui lisait la Bible, de la misère sévissant à Sowirog, fait le choix du retour à son village. Plutôt que d'être un grand médecin gagnant somptueusement sa vie, il préfère être le médecin des pauvres, de ceux qui n'ont jamais eu qui que ce soit pour les secourir quand ils étaient malades. C'est ce que raconte la fin du roman, tout éclairée par de belles figures (celles de Jons, de Lawrenz et de plusieurs autres habitants du village). Paradoxalement, par contraste, survient au même moment la montée inexorable du nazisme. La menace est là, grondante, de plus en plus présente, elle tue, mais la plupart des habitants de Sowirog ne pactise pas avec elle.
Ce grand roman est aussi, il faut le préciser pour finir, tout imprégné de Bible, de foi chrétienne, de recherche de Dieu. On peut dire, me semble-t-il, que la première partie du roman, sombre et désespérée, est celle de l'absence ou du silence de Dieu (le pasteur de Sowirog perd la foi, je l'ai dit), tandis que la deuxième partie est celle de la foi retrouvée, ou en tout cas d'un chemin de foi à nouveau possible.
Même lorsqu'on le lit dans une traduction française, on perçoit que le roman est doté d'un style et d'un ton qui lui sont propres et qu'on a affaire à un grand écrivain. Ce n'est pas un roman facile à lire, il faut faire un effort de lecture pour en venir à bout, rien à voir avec les guimauves d'un Paulo Coelho par exemple, mais cet effort est largement récompensé. Mon seul regret, c'est d'avoir attendu si longtemps (45 ans!) pour le découvrir ! 9,5/10
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Message par NotBillyTheKid »

J'avais dit que je vous en reparlerai à sa sortie... Voilà, c'est fait, ce matin...
Mon nouveau bouquin est sorti aujourd'hui. Il est bourré de références et emprunts aux films noirs (Gun Crazy, They live by night, out of the past...) et de plein d'autres même si tout cela se déroule en Ardèche... C'est un livre qui ressemble à un album 33t 1/3 : deux faces, sombres, aux sillons noirs qui brillent et tournent en rond en se répondant face à face. Et c'est aussi un livre qui devrait plaire à tous les springsteeniens du forum qui y comprendront en plus les références.
Je vous poste une critique parue hier sur la Cause littéraire (et reprise sur ce blog avec des extraits en plus).

Donc voilà, si ça vous tente,... :wink:
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Message par Max Schreck »

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Passionnant à plus d'un titre. Partant de sa fascination pour le christianisme, son Histoire et sa philosophie (il eut lui-même une brève période de foi), Carrère endosse le rôle d'enquêteur, revenant aux sources des textes et croisant les exégèses. Loin de se prétendre Historien, l'auteur assume bien au contraire son métier d'écrivain, ne se privant pas de combler les trous, de broder selon ses intuitions ou plus simplement selon son goût du romanesque. Plus que de Jésus, il fait surtout de Saint-Luc et Saint-Paul des personnages complexes, dans la tête desquels il s'efforce de pénétrer, avec tout le talent dont il a déjà pu faire la preuve.

Evidemment, comme dans pratiquement tous ses derniers livres, sa personne elle-même n'est jamais loin derrière le sujet officiel. Et ce qui est extraordinaire, c'est comment ce travail se révèle parfaitement complémentaire des précédents. La figure de Philip K. Dick, sur lequel il a écrit une biographie exemplaire est par exemple régulièrement conviée, mais on constate une nouvelle fois à quel point tout est souvent lié dans le choix de ses sujets, et trouve un écho dans sa propre existence.

J'ai adoré cette approche iconoclaste, complètement affranchie des règles et des conventions historiennes, qui lui permet sans doute de toucher souvent juste (en tous cas, ça me convient). On devine que derrière le texte, il y a une somme de travail colossale (il m'a méchamment donné envie de lire Renan). Le livre est parfaitement construit, mais plus ouvert que jamais aux digressions, il m'a semblé un poil moins rigoureux dans son écriture que d'habitude, dans la tournure des phrases, certains enchaînements, Carrère étant un vrai styliste de la phrase faussement simple.
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Il faut avoir le coeur et l'estomac bien accrochés pour lire ce livre sans l'abandonner en chemin. L'auteur y décrit les conditions de vie de son enfance dans un village de Hongrie proche de la Roumanie à la fin des années 60. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ces conditions de vie sont épouvantables. La misère matérielle et surtout morale des gens y est terrifiante. Ils survivent comme ils peuvent en élevant des poules et en cultivant un lopin de terre et arrivent à peu près à se nourrir. Mais c'est au prix d'une vie qui n'est que fardeau. Les hommes, on n'en est pas surpris, sont, pour la plupart, ivrognes et violents, les femmes triment du matin au soir pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Mais leurs efforts demeurent insuffisants: partout il n'y a que crasse, violences et malheurs. Les enfants maltraités maltraitent à leur tour et leur violence s'abat sur les animaux, chiens et chats. Ils n'entendent autour d'eux que jurons et propos racistes (en particulier contre les Juifs et les Tziganes). Tout n'est que saleté, travail éreintant et misère, sauf, rarement, à l'occasion d'une fête religieuse ou d'une petite escapade des enfants qui peuvent enfin s'adonner à des jeux. L'impression d'ensemble de ce livre reste néanmoins très rude. On en sort secoué! 7,5/10
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L'auteur a trouvé sa source d'inspiration dans un récit plutôt laconique des Evangiles, en l'occurrence les quarante jours passés par Jésus dans le désert. Dans le roman, le désert est habité par plusieurs personnages dont Jésus, surnommé Gally (!). Il y a aussi une femme appelée Miri et son mari du nom de Musa. Jim Crace ne manque pas d'imagination pour conter les aventures de son petit monde. Personnellement, j'ai trouvé ça certes curieux mais pas très passionnant. 5/10
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Message par Max Schreck »

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Adoré cette peinture aussi riche que pertinente d'une époque et d'un milieu. Despentes confronte les idéaux du passé aux désillusions du présent, un projet qui en soit peut paraître convenu, mais sa plume est d'une justesse et ses observations d'une précision admirables. C'est un milieu qui me parle (le Paris gentiment underground de la fin des 80's), c'est dénué de cliché, et la construction en une suite de portraits n'a rien de fastidieux, l'auteur parvenant à enrichir sa mosaïque de façon passionnante, et souvent surprenante. On est accroché aux basques de tous ces personnages, il y a autant de crudité que d'humour. Bref, j'ai été complètement emballé.
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Message par poet77 »

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Même si cet ouvrage contient une part revendicative et peut-être nostalgique, on ne peut, à mon avis, qu'en saluer l'exemplarité. Ce qu'a fait Victor Segalen est différent de tout ce qui avait été fait avant lui à propos de la Polynésie et je ne sais si, depuis, quelqu'un d'autre a fait quelque chose de semblable. C'est un roman qu'a écrit Segalen, mais un roman qui sonne incontestablement plus vrai, plus authentique que tous les récits écrits sur Tahiti, y compris "Le mariage de Loti" (qui ne manque pourtant pas de qualités). La différence entre Segalen et les autres écrivains? C'est que tous ont raconté Tahiti en simples témoins de passage, en voyageurs, avec un regard extérieur, alors que Segalen a essayé, autant que faire se peut, de se mettre à la place du Ma'hoi de Tahiti, de lui donner la parole. Le roman se déroule sur un peu plus de vingt ans, de mars 1797 jusqu'à l'année 1819, c'est-à-dire depuis l'arrivée des missionnaires protestants jusqu'à l'année de la conversion massive de la plupart des autochtones de l'île. Une vingtaine d'années a suffi pour que quasiment tous les Tahitiens deviennent chrétiens. Segalen, en puisant à de multiples sources et en chahutant un peu la chronologie, essaie donc de transmettre la parole même des premiers concernés, les Tahitiens. Il fait ressentir à quel point le christianisme leur a d'abord paru étrange, puis comment ils ont vécu leur conversion, comment ils l'ont ressentie de l'intérieur. Le moralisme étroit des missionnaires et leurs références à la loi divine n'a pas été admise par tous avec évidence. Quelque chose de l'ordre de la joie semble s'être perdu, au profit d'un rigorisme qui était étranger aux moeurs des habitants de l'île. Ce livre offre un témoignage sans équivalent, me semble-t-il, sur l'histoire de Tahiti. Il est précieux et formidablement écrit. 9/10
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Message par Ouf Je Respire »

NotBillyTheKid a écrit :J'avais dit que je vous en reparlerai à sa sortie... Voilà, c'est fait, ce matin...
Mon nouveau bouquin est sorti aujourd'hui. Il est bourré de références et emprunts aux films noirs (Gun Crazy, They live by night, out of the past...) et de plein d'autres même si tout cela se déroule en Ardèche... C'est un livre qui ressemble à un album 33t 1/3 : deux faces, sombres, aux sillons noirs qui brillent et tournent en rond en se répondant face à face. Et c'est aussi un livre qui devrait plaire à tous les springsteeniens du forum qui y comprendront en plus les références.
Je vous poste une critique parue hier sur la Cause littéraire (et reprise sur ce blog avec des extraits en plus).

Donc voilà, si ça vous tente,... :wink:
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Ca, ça me paraît bien. Les extraits présents dans le lien m'attirent au plus haut point. :D
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Mouais. L'intrigue elle-même n'a rien de bien passionnant, il n'y a pratiquement pas d'enquête, donc pas de tension particulière alors que ça tourne quand même à la chasse à l'homme dans le sous-sol parisien. Personnages vaguement développés, tournant gentiment à la caricature. Écriture fonctionnelle, sans faute de goût mais sans saveur particulière. J'en retiens donc avant tout le cadre où tout ça se déroule, et la façon dont il est exploité, le métro parisien ayant largement de quoi me fasciner. Et la balade fut d'autant plus plaisante qu'on sent que Daeninckx s'est bien documenté, que son utilisation du réseau est juste. C'est même souvent amusant étant donné qu'il évoque des lignes ou des stations qui ont depuis été modifiés (roman écrit en 83-84).

Du coup, ça m'a donné envie de lire le Metronome de Deutsch...
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Message par poet77 »

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Sous des apparences de simplicité, le nouveau roman d'Amos Oz ne manque ni de subtilité ni de complexité et il ne fait aucun doute qu'on peut le compter parmi les oeuvres importantes de cet auteur. L'intrigue peut assez facilement se résumer. Tout se déroule entre fin 1959 et début 1960 à Jérusalem. Un étudiant hirsute et barbu âgé de 25 ans et prénommé Shmuel, ayant perdu à la fois sa fiancée (qui le plaque pour un autre) et l'allocation mensuelle que lui versait son père, décide d'interrompre ses études. Peu de temps plus tard, il tombe sur l'annonce d'un vieil homme cherchant "un homme de compagnie". Shmuel se présente et est engagé: Son travail consistera simplement à faire la conversation tous les soirs avec l'instigateur de l'annonce qui s'appelle Wald. Avec lui, réside une mystérieuse et belle femme prénommée Atalia dont on découvre, au fil du récit, qu'elle est la veuve du fils de Wald (mort au combat pendant la guerre d'indépendance de 1948) et la fille d'un certain Shealtiel Abravanel (qui fut considéré, en Israël, comme un traître à cause de ses idéaux de paix et de ses liens amicaux avec des Arabes). La complexité du roman d'Amos Oz provient de ce que, en prenant appui sur ses personnages, sur les liens qui existent ou ont existé entre eux, sur leurs évolutions - Shmuel ne tarde pas à tomber amoureux d'Atalia, qui est pourtant bien plus âgée que lui -, l'auteur aborde, non sans érudition et subtilité, divers thèmes dont, en particulier, celui du traître. Une grande partie du roman, se fondant sur les discussions des personnages et leurs recherches, s'interroge sur la figure du traître. Celui-ci apparaît, tout particulièrement, sous les traits de deux personnages: Shealtiel Abravanel, dont j'ai déjà parlé et qui s'est opposé aux choix politiques de Ben Gourion, Shealtiel qui fut rejeté presque unanimement parce qu'il était considéré comme un rêveur ayant trahi sa patrie, et Judas Iscariote, celui qu'on méprise, le traître par excellence sur qui s'est fondé l'antisémitisme de générations de chrétiens. Car, si Shmuel a pris la décision d'abandonner ses études, il n'en continue pas moins de s'interroger au sujet de Jésus et de son disciple Judas. Et il émet des hypothèses: l'Iscariote était-il vraiment le traître qu'on se plaît à détester et qui fut représenté dans l'iconographie comme la caricature du Juif perfide?
Amos Oz n'est certes pas le premier écrivain à s'emparer de la figure du traître, à s'interroger à son sujet en se référant à celui qui semble en être l'archétype. Bien évidemment, le romancier se plaît à malmener les idées toutes faites. Les hypothèses qu'il formule à propos de Judas ne sont d'ailleurs pas totalement nouvelles. Dès le IIe siècle, un écrit apocryphe ("L'Evangile selon Judas") estimait que, de tous les disciples, l'Iscariote était le seul à avoir vraiment compris qui était Jésus. Je ne sais si Amos Oz a eu connaissance de ce récit, car il ne le cite pas dans son roman. Toujours est-il que, depuis longtemps, l'on s'interroge à propos de Judas et que l'on n'a sans doute pas fini de le faire. Amos Oz, par le biais d'un roman qui est aussi une méditation et une réflexion sur le thème de la traîtrise, y contribue à sa manière et il le fait avec intelligence. Quoi qu'on pense des hypothèses qui sont formulées dans ce livre, on n'en est pas moins interpellé et dérangé dans ses certitudes ou ses idées toutes faites. Personnellement, j'ai fait depuis longtemps ce choix de préconiser davantage les écrits qui nous interrogent, voire qui nous déstabilisent, plutôt que ceux qui se contentent de nous conforter dans ce que nous croyons (ou croyons croire) déjà! De ce point de vue, outre ses indéniables qualités littéraires, le "Judas" d'Amos Oz apparaît comme des grands romans de cette rentrée littéraire. 9/10
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