Cinéma et Théâtre - Le théâtre en héritage ?

Rubrique consacrée aux contributions et aux discussions relatives aux Quinzaines Thématiques.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

homerwell
Assistant opérateur
Messages : 2502
Inscription : 12 mars 06, 09:57

Re: Cinéma et Théâtre - Le théâtre en héritage ?

Message par homerwell »

Crousti Crousta a écrit :
le point commun entre le cinéma et le théâtre: le souci du regard de l'autre, des conditions dans lesquelles il s'exerce. On n'a pas le droit de se moquer.

Cette phrase est pour moi incompréhensible ! j'aimerais bien qu'on me l'explique
Je n'aurai pas cette prétention, mais si on la prend dans son sens le plus simple et le plus pragmatique, elle veut juste dire que les spectacles, films ou pièces, doivent être fait avec le soucis du regard du spectateur. J'admet qu'elle n'apporte pas grand chose à notre discussion. :wink: Mais j'ai veillé fort tard hier soir pour retrouver une phrase de Godard sur le théâtre que j'avais trouvé intéressante et en désespoir de cause, j'ai fini par recopier celle-ci :|
les films de Lynch sont différents mais utilisent aussi le réalisme comme base de création : c'est parce les images de lynch utilisent les codes du réel de manière détournée...
Utiliser des codes du réel de manière détournées, (quant un acteur se déguise en chat ! :wink: ) c'est ce que fait le théâtre. Et je rebondis tout de suite sur une autre de tes phrases, tu parles du théâtre et tu dis :
c'est la "réalité" du comédien qui permet d'aborder une forme de "vérité"
Et je pense que l'on peut aussi prendre cette affirmation pour le cinéma.
Le cinéma ne vit et ne respire que par le hors champs, c'est un fait, mais il peut aussi bien s'appliquer au théâtre je pense.
Il me semble que le hors champs (de vision) nécessite un cadre délimitant ce champ... qui rend une partie de la situation invisible mais présente, au théâtre, la possibilité qu'une partie de la scène échappe au regard du spectateur tout en participant de la situation me paraît moindre... Il dois bien exister des situations de ce type mais qui me semble bien plus rare et l'utilité pour la "performance théatrâle" me parait aussi limitée
J'ai moi l'impression que dans les formes de théâtre modernes, il devient un élément important de la "performance théâtrale". Et même si ce n'est pas le cas, cet argument ne me parait pas très opportun pour différencier cinéma et théâtre. La scène est aussi un cadre délimitant un champ, laissant le loisir au metteur en scène d'utiliser ou non un hors champs.
Tous ces arguments se retournent à l'envie, ce que tu fais avec maestria, :wink: , mais ils ne constituent pas un étayage assez solide pour opposer cinéma et théâtre d'une façon aussi abrupte.

L'argument solide reste pour moi l'opposition entre spectacle vivant, la recherche de performance, le ici et maintenant qui est différent du ici et maintenant de la représentation de lendemain. C'est la grande force du théâtre qui lui permet en plus de s'adapter à son contexte socio-culturel au fur et à mesure du temps.
En opposition au spectacle mort, enregistré, qui peut soit tomber en désuétude, soit renaître suivant l'environnement dans lequel il est projeté.
et si le documentaire était finalement bien plus proche du théâtre que du cinéma ?
Tu veux dire que le documentaire n'utilise pas le réalisme comme base de création...
Crousti Crousta
Stagiaire
Messages : 23
Inscription : 7 janv. 08, 07:46

Re: Cinéma et Théâtre - Le théâtre en héritage ?

Message par Crousti Crousta »

elle veut juste dire que les spectacles, films ou pièces, doivent être fait avec le soucis du regard du spectateur.
Cela n'est vraiment pas plus clair pour moi.... j'aimerai que tu retrouve l'autre citation de Godard, elle pourrait nous aider à comprendre mieux ton point de vue...
J'ai moi l'impression que dans les formes de théâtre modernes, il devient un élément important de la "performance théâtrale". La scène est aussi un cadre délimitant un champ, laissant le loisir au metteur en scène d'utiliser ou non un hors champs.
Aurais-tu quelques exemples à nous proposer ?

sinon je continue à retourner les choses dans tous les sens pour explorer la question :

une expression existe : Il "fait son cinéma", il en rajoute, il en fait trop, il en fait des tonnes... le charme du cinéma c'est avant tout pour moi de vouloir me faire croire à quelque chose, me faire croire que ce que je vois existe même si parfois on est bien loin du "réel", Même si c'est une fantasmagorie délirante, le cinéma veut me faire croire à cette réalité factice, dans laquelle je "rentre" ou je ne "rentre" pas. C'est une "douce duperie" dans laquelle j'aime à me laisser prendre. L'art du réalisateur c'est bien l'art de maîtriser cette manipulation visant à construire une réalité dans laquelle le spectateur va s'immerger.
Le théâtre a pour moi un autre charme bien différent qui est celui de vouloir me faire participer, de me faire vivre un échange, de me proposer un dialogue. J'y participe de cette expérience et j'attends des acteurs qu'ils ne se contentent pas de jouer (comme c'est possible pour un acteur de cinéma) mais aussi "qu'ils soient". Quand je vais au théâtre, je suis aussi passionné par les marques de sueurs sur le tshirt du comédien, que de son bouton de braguette qui est mal fermé ou par le texte ou le reste de la situation. La réalité est là qui ne peut pas m'échapper, il est donc vain de chercher à la reconstruire, mais il est par contre très ambitieux de la rendre vraie, de la jouer de manière véridique pour que celle-ci me prenne, et m'inclue dans le dialogue, la situation.
Cinéma ou théâtre cherchent ainsi tout deux à m'attirer dans leur filet, mais ce filet n'est pas construit du même fil. Celui du cinéma est tricoté dans le monde du paraître, celui du théâtre dans le monde de l'être. Le cinéma utilise des artifices, et peut exister sans spectateurs parce que de toute façon il y a un spectateur originel attitré et qui peut lui suffire qui est la caméra (le machin qui impose un champs !, parce que la caméra comme médiateur impose la mise en place d'un langage, et pas de caméra, pas de cadre, pas de champs...). Le théâtre ne connaît que le spectateur en chair et en os pour proposer un dialogue, "en direct". Le dialogue du spectateur de cinéma, médiatisé par la caméra (et le réalisateur) est bien donc le résultat d'un artéfact, d'une reconstruction de la réalité, c'est pour cela que je plaçait le cinéma du côté de la construction d'une réalité et le théâtre du côté de la recherche de vérité.
Dans ma logique, le documentaire est alors quelque chose a mi chemin du cinéma et du théâtre, construisant bien un artéfact, mais à partir d'une matière brute préexistante qui parfois se rapproche d'une expérience théâtrale. Je pense ici aux courts métrages "no comment" qui filment en caméra fixe des évènements, je pense aussi aux films de Warhol, toujours en caméra fixe, dans lesquelles on cherche à réduire au maximum la distance du spectateur au sujet filmé, et où on cherche à réduire la médiation par la caméra... ne présente-t-on pas d'ailleurs cela comme des "performances"...
homerwell
Assistant opérateur
Messages : 2502
Inscription : 12 mars 06, 09:57

Re: Cinéma et Théâtre - Le théâtre en héritage ?

Message par homerwell »

Crousti Crousta a écrit : Cela n'est vraiment pas plus clair pour moi.... j'aimerai que tu retrouve l'autre citation de Godard, elle pourrait nous aider à comprendre mieux ton point de vue...
:lol: Je ne peux pas me coucher à 2 heures du matin tous les jours ! Cette citation d'ailleurs, n'illustrait pas mon propos. C'était une phrase que je trouvais intéressante et que je voulais partager. Je crois me souvenir qu'elle comparait les décors de théâtre qui forcent le spectateur à un effort d'acceptation de l'artificiel (décors en carton pâte) et le cinéma des débuts qui était en noir et blanc qui imposait la même abstraction ; avant l'arrivée de la couleur.
J'ai moi l'impression que dans les formes de théâtre modernes, il devient un élément important de la "performance théâtrale". La scène est aussi un cadre délimitant un champ, laissant le loisir au metteur en scène d'utiliser ou non un hors champs.
Aurais-tu quelques exemples à nous proposer ?
Premier petit exemple, je ne suis pas sur de moi, mais il me semble que les trois coups de départ de la pièce peuvent s'apparenter à du hors champ.

Autre exemple, dans l'une des dernières pièces à laquelle j'ai assisté : Le Diable rouge, avec Claude Rich en Mazarin. Le décor était très ingénieux, comprenant un grand miroir suspendu et laissant découvrir le reflet du sol de la scène. Ce sol était richement orné et décoré avec sur un côté un cadre légèrement surélevé et dont le reflet était visible dans le miroir. Le spectateur comprend par la suite ce qu'est ce cadre lorsque Mazarin s'adresse à son singe censé être enfermé dans un sous-sol communiquant par un soupirail avec les appartements de son maître. Nous ne verrons évidement jamais le singe, ni sa cage, il ne répond pas à Mazarin (ce n'est pas un singe savant) Il est un confident pour son maître, et l'objet de soin (nourriture) et d'inquiétude quant à son devenir.

J'ai aussi vu une représentation de Médée d'Euripide, mise en scène par Laurent Fréchuret. Pendant l'infanticide, on entend les cris et les plaintes mais on ne voit rien des deux enfants et pendant cette scène, on ne voit pas Médée non plus.
Crousti Crousta
Stagiaire
Messages : 23
Inscription : 7 janv. 08, 07:46

Re: Cinéma et Théâtre - Le théâtre en héritage ?

Message par Crousti Crousta »

A merci pour les exemples... continuons la discussion je commence à mieux saisir les points d'achoppements...
même si en effet ce singe n'est pas visible et est bien hors champ, j'ai du mal à y voir un effet du même ordre que le "hors champ" du cinéma, et ceci parce que je crois que nous ne concevons pas de la même manière le cadre qui circonscrit de langage théâtral et le langage cinématographique.
Dans mon analyse, au théâtre le cadre n'est pas délimité par la scène, tout simplement parce que, contrairement au cinéma, ce qui se passe sur scène dépend aussi de ce qui se passe dans la salle (et inversement); au théâtre le spectateur fait partie du cadre de l'œuvre. Au cinéma, le spectateur impuissant ne peux que subir le dictact du champ, et donc du hors champ qui est le seul à avoir un effet sur ce qui se déroule à l'écran (c'est d'ailleurs sur cela que joue le réalisateur, et qui fait de cette question du cadre, du champ, du hors champ, du contre champ la base du vocabulaire et du langage cinématographique, termes que l'on ne retrouve pas me semble-t-il dans le vocabulaire du théâtre. De ce fait, ce hors champ théâtral que tu décris ici n'a pas me semble-t-il la même fonction qu'au cinéma, il s'apparente plus à un effet scénique qu'à un élément de langage constitutif d'une grammaire théâtrale.
homerwell
Assistant opérateur
Messages : 2502
Inscription : 12 mars 06, 09:57

Re: Cinéma et Théâtre - Le théâtre en héritage ?

Message par homerwell »

Crousti Crousta a écrit :même si en effet ce singe n'est pas visible et est bien hors champ, j'ai du mal à y voir un effet du même ordre que le "hors champ" du cinéma, et ceci parce que je crois que nous ne concevons pas de la même manière le cadre qui circonscrit de langage théâtral et le langage cinématographique.
C'est gentil de le dire comme ça... :mrgreen:
Dans mon analyse, au théâtre le cadre n'est pas délimité par la scène, tout simplement parce que, contrairement au cinéma, ce qui se passe sur scène dépend aussi de ce qui se passe dans la salle (et inversement)
Forcément, puisque scène, acteurs et spectateurs sont dans une unité de lieu. Cela n'empêche pas que ce qui est caché au regard du spectateur puisse correspondre dans certains cas à du hors champ. C'est la fonction du décor notamment ou même de l'absence de décor car il y a toujours au moins un rideau pour soustraire des éléments de la pièce au regard de la salle.
Le fait que tous les soirs, une nouvelle alchimie se crée entre un public et une troupe est une caractéristique du théâtre, mais cette interactivité est une dimension supplémentaire, pas une dimension qui retranche d'autres qualités.
Par contre, je pense à un truc ce soir, c'est que la scène peut être à géométrie variable ; un metteur en scène peut décider qu'un personnage va d'un coup envahir un espace normalement réservé aux spectateurs.
La 3D a encore du chemin à faire pour être à la hauteur ! :arrow:
Autre restriction, ce qui est hors champs au cinéma peut lorsque la caméra se déplace surgir dans le champs. Alors que le hors champs du théâtre a plus de chance de le rester. Encore que l'on peut imaginer des tours de passe passe avec des trappes et des caches amovibles.
De ce fait, ce hors champ théâtral que tu décris ici n'a pas me semble-t-il la même fonction qu'au cinéma, il s'apparente plus à un effet scénique qu'à un élément de langage constitutif d'une grammaire théâtrale.
Je ne vois pas pourquoi tu réserves vocabulaire et langage, pour le hors champs au cinéma et grammaire et langage, pour le hors champs au théâtre. Comme ci au cinéma, le hors champs participait juste vulgairement à la narration et qu'au théâtre, il fallait hausser la barre et atteindre une grammaire. Un hors champ, ça peut être bête comme chou, comme un personnage qui s'adresse à un autre que l'on ne voit pas, ou comme un personnage qui nous décrirait un paysage qu'il verrait par une fenêtre alors qu'elle donne sur les loges (et sur gégé le vieux pompier qu'est encore en train de fumer ses gauloises dans les coursives pendant le spectacle).
Un décor de théâtre peut aussi être pensé pour donner un sens plus spirituel au hors champ. Je me souviens de cette pièce de Wajdi Mouawad, "Forêts", durant laquelle j'ai vraiment fini par imaginer une foret autour des personnages alors qu'il n'y avait que des grandes tentures. C'est aussi la force de la mise en scène et la performance des acteurs qui me l'a fait croire.
Crousti Crousta
Stagiaire
Messages : 23
Inscription : 7 janv. 08, 07:46

Re: Cinéma et Théâtre - Le théâtre en héritage ?

Message par Crousti Crousta »

Je ne vois pas pourquoi tu réserves vocabulaire et langage, pour le hors champs au cinéma et grammaire et langage, pour le hors champs au théâtre Comme ci au cinéma, le hors champs participait juste vulgairement à la narration et qu'au théâtre, il fallait hausser la barre et atteindre une grammaire
Je ne fais aucune distinction de ce type d'autant plus que je ne vois pas pourquoi il faudrait voir entre vocabulaire et grammaire une supériorité de l'un ou de l'autre - tout comme je l'ai déjà dit de la même façon entre théâtre et cinéma, la question n'est pas, comme tu semble l'aborder, celle de la supériorité de l'un sur l'autre mais celle des différences de format et de langage : qui comme j'essaye de le dire me semblent être liées au rôle de l'expérientiel et du cadre dans ces deux modes d'expression artistique.
homerwell
Assistant opérateur
Messages : 2502
Inscription : 12 mars 06, 09:57

Re: Cinéma et Théâtre - Le théâtre en héritage ?

Message par homerwell »

:D :D :D
Pas de hierarchie pour moi non plus entre ses deux formes d'arts. J'ai repris plusieurs de tes arguments à mon compte, et je module certains autres. C'est juste que je trouve ton constat de départ un peu tranché. J'ai du mal à ne pas voir de filiation entre cinéma et théâtre. Et je trouvais interressant de disserter, même un peu vainement, sur la notion de hors-champ au théâtre ; et même si c'est un concept un peu folklorique. Je ne voudrais pas faire mentir la signature que j'ai piqué à Oscar. :wink:
J'adore parler de rien c'est le seul domaine où j'ai de vagues connaissances.
Crousti Crousta
Stagiaire
Messages : 23
Inscription : 7 janv. 08, 07:46

Re: Cinéma et Théâtre - Le théâtre en héritage ?

Message par Crousti Crousta »

Tout cela est bien vain en effet et n'intéresse pas grand monde..., et même si je n'ai pas de maxime, je suis comme toi tout prêt à raconter n'importe quoi pour multiplier ma trombine dans ce forum (mon avatar est bien le seul vrai intérêt de mes posts, mais avouez que cette trombine n'est pas mal quand même !)...
homerwell
Assistant opérateur
Messages : 2502
Inscription : 12 mars 06, 09:57

Re: Cinéma et Théâtre - Le théâtre en héritage ?

Message par homerwell »

Si tu lisais tes messages privés, tu saurais que je me suis interressé depuis un moment déjà à ton avatar... :fiou:
Répondre