Patrice Leconte
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Re: Patrice Leconte
Et elle est très bien aussi dans le registre de la comédie comme dans L'arnacoeur par exemple.
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Re: Patrice Leconte
Merci pour cette belle chronique Justin Mon film préféré de Patrice Leconte avec Tandem (avec aussi un personnage d'artiste has-been , mais sur un ton plus mélancolique) et le loufoque Les vécés étaient fermés de l'intérieur.
Les dialogues jubilatoires me prennent à chaque fois et Catherine Jacob est délirante dans le rôle de Sandra Milo.
Et puis les bouts de scènes de la pièce de théâtre qui montrent le succès croissant de celle-ci et qui se terminent par un choral : sur Guingamp !!, j'adore !!
Musique d'Angélique et Jean-Claude Nachon, avec Didier Lockwood au violon
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Re: Patrice Leconte
Le Parfum d'Yvonne (1994)
Un jeune comte qui se prétend d'origine russe et rentier, en villégiature sur les bords d'un lac (le lieu n'est pas précisé, mais le tournage eut lieu à Évian), tombe amoureux d'une sublime jeune femme, Yvonne, qui est accompagnée de son dogue allemand Oswald et d'un vieil homme excentrique, le docteur Meinthe. Peu à peu, le comte va découvrir la singularité de ces êtres, et recevoir en particulier bien des mises en garde au sujet de la jeune femme qu'il souhaite épouser et emmener en Amérique pour y faire éclater son talent d'actrice. L'homosexualité du vieux médecin, auto surnommé la reine des Belges, est également plusieurs fois évoquée, toujours sous forme insultante.
Le Parfum d'Yvonne s'inscrit dans le registre dramatique initié par Patrice Leconte à partir de Tandem (1987) et surtout Monsieur Hire (1989), tout en le lançant sur une veine romanesque rétro qui perdurera dans La Veuve de Saint-Pierre (2000), Rue des plaisirs (2002) ou le plus récent Une promesse (2014). Adapté du roman Villa triste de Patrick Modiano, le film dans sa narration dresse un constant parallèle entre apaisement et agitation. C'est d'abord dans le contexte initial, une villégiature de province qui n'a que faire des tumultes du pays en cette année 1958 (conscription, Guerre d'Algérie, attentats), baignée dans sa langueur ensoleillée. C'est également le cas dans la temporalité où un présent sombre et torturé annonce la tournure dramatique des flashbacks lumineux qui dominent le récit. Patrice Leconte reste très évasif dans ces enjeux et la caractérisation de ses personnages, l'émotion se ressentant au jour le jour à la manière du personnage mutin et sensuel d'Yvonne (Sandra Majani). Les raisons qui mènent Victor (Hippolyte Girardot) là ainsi que son passé restent nébuleux, tout comme les secrets que dissimulent la bonhomie du docteur Meinthe (Jean-Pierre Marielle). Patrice Leconte nous plonge dans une atmosphère tour à tour solaire et torturée, romantique et pesante, le tout porté par des somptueuses compositions de plan (la balade en bateau d'Yvonne et Victor) et une photo stylisée d'Edouardo Serra.
Le problème est que tout cela finit par tourner à vide et sonner faux, à cause de la fadeur de l'héroïne. Sandra Majani n'existe que par sa photogénie mais rien dans l'attitude, la diction ou le mystère ne parviennent à sortir son personnage de sa dimension quelconque. La sensualité fonctionne sur un aspect plus publicitaire qu'autre chose (Sandra Majani étant déshabillée plus qu'à son tour tout au long du film), l'actrice n'ayant ni le glamour insaisissable nous la sensualité plus ravageuse que pouvait dégager une Pauline Laffont dans L'été en pente douce (1987). Sans enjeu romantique consistant le drame ne fonctionne pas et toutes les idées formelles de Patrice Leconte tombent à plat (le très bon plan revisitant longuement en pleine mer le souffle sous la robe de Sept ans de réflexion). Une des dernières scènes avec Richard Bohringer en oncle d'Yvonne fait bien plus exister celle-ci par l'entremise d'un autre que par sa propre présence à l'écran. Peut-être aurait-il fallu tenir le parti pris de cette scène et ne faire d'Yvonne qu'une incarnation lointaine faisant tourner la tête des autres protagonistes. L'hésitation entre la nature évanescente et plus ordinaire ne fonctionne pas en tout cas et rend le drame final moins puissant qu'attendu malgré de remarquables Hippolyte Girardot et Jean-Pierre Marielle. 3/6
Un jeune comte qui se prétend d'origine russe et rentier, en villégiature sur les bords d'un lac (le lieu n'est pas précisé, mais le tournage eut lieu à Évian), tombe amoureux d'une sublime jeune femme, Yvonne, qui est accompagnée de son dogue allemand Oswald et d'un vieil homme excentrique, le docteur Meinthe. Peu à peu, le comte va découvrir la singularité de ces êtres, et recevoir en particulier bien des mises en garde au sujet de la jeune femme qu'il souhaite épouser et emmener en Amérique pour y faire éclater son talent d'actrice. L'homosexualité du vieux médecin, auto surnommé la reine des Belges, est également plusieurs fois évoquée, toujours sous forme insultante.
Le Parfum d'Yvonne s'inscrit dans le registre dramatique initié par Patrice Leconte à partir de Tandem (1987) et surtout Monsieur Hire (1989), tout en le lançant sur une veine romanesque rétro qui perdurera dans La Veuve de Saint-Pierre (2000), Rue des plaisirs (2002) ou le plus récent Une promesse (2014). Adapté du roman Villa triste de Patrick Modiano, le film dans sa narration dresse un constant parallèle entre apaisement et agitation. C'est d'abord dans le contexte initial, une villégiature de province qui n'a que faire des tumultes du pays en cette année 1958 (conscription, Guerre d'Algérie, attentats), baignée dans sa langueur ensoleillée. C'est également le cas dans la temporalité où un présent sombre et torturé annonce la tournure dramatique des flashbacks lumineux qui dominent le récit. Patrice Leconte reste très évasif dans ces enjeux et la caractérisation de ses personnages, l'émotion se ressentant au jour le jour à la manière du personnage mutin et sensuel d'Yvonne (Sandra Majani). Les raisons qui mènent Victor (Hippolyte Girardot) là ainsi que son passé restent nébuleux, tout comme les secrets que dissimulent la bonhomie du docteur Meinthe (Jean-Pierre Marielle). Patrice Leconte nous plonge dans une atmosphère tour à tour solaire et torturée, romantique et pesante, le tout porté par des somptueuses compositions de plan (la balade en bateau d'Yvonne et Victor) et une photo stylisée d'Edouardo Serra.
Le problème est que tout cela finit par tourner à vide et sonner faux, à cause de la fadeur de l'héroïne. Sandra Majani n'existe que par sa photogénie mais rien dans l'attitude, la diction ou le mystère ne parviennent à sortir son personnage de sa dimension quelconque. La sensualité fonctionne sur un aspect plus publicitaire qu'autre chose (Sandra Majani étant déshabillée plus qu'à son tour tout au long du film), l'actrice n'ayant ni le glamour insaisissable nous la sensualité plus ravageuse que pouvait dégager une Pauline Laffont dans L'été en pente douce (1987). Sans enjeu romantique consistant le drame ne fonctionne pas et toutes les idées formelles de Patrice Leconte tombent à plat (le très bon plan revisitant longuement en pleine mer le souffle sous la robe de Sept ans de réflexion). Une des dernières scènes avec Richard Bohringer en oncle d'Yvonne fait bien plus exister celle-ci par l'entremise d'un autre que par sa propre présence à l'écran. Peut-être aurait-il fallu tenir le parti pris de cette scène et ne faire d'Yvonne qu'une incarnation lointaine faisant tourner la tête des autres protagonistes. L'hésitation entre la nature évanescente et plus ordinaire ne fonctionne pas en tout cas et rend le drame final moins puissant qu'attendu malgré de remarquables Hippolyte Girardot et Jean-Pierre Marielle. 3/6
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Re: Patrice Leconte
Patrice Leconte au Forum des Images :
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Re: Patrice Leconte
(en italiques : films découverts en salle à leur sortie)
Les bronzés font du ski
Peu de films sont susceptibles comme celui-ci de faire éprouver l’écart pouvant exister entre le culte populaire et la valeur artistique : il est de ces classiques du répertoire télévisuel que tout le monde a vu, devant lequel chacun se tord de rire, mais que même ses plus ardents défenseurs ne considéreront jamais comme une œuvre de création esthétique. Cantonné au rang de technicien rudimentaire, Leconte se contente de mettre en boîte et d’aligner bout à bout, sans aucune plus-value personnelle, les gags concoctés par la troupe du Splendid. C’est bien dans l’anecdote que l’ironie de la troupe fait mouche, lorsque l’acrimonie corrosive du portrait atteint à une réelle férocité et la cocasserie ubuesque des situations à une vigueur comique assez redoutable. Zéro cinéma donc, mais parfaitement hilarant. 4/6
Les spécialistes
Argument : un vrai flic (donc un faux truand) et un vrai gangster se donnent la main pour dépouiller la mafia et réaliser le casse du siècle au casino de Nice. Le film creuse le sillon bien identifié du récit d’aventures mi-comédie mi-polar, avec grands espaces naturels (les gorges du Verdon) et amitié virile, celui-là même qui valut à Delon et Belmondo quelques-unes des leurs heures de gloire, et qui permet ici à Lanvin et Giraudeau d’assurer dans le registre mauvais garçons sympathiques-beaux mecs-grandes gueules. Les péripéties sont agencées selon une mécanique efficacement huilée et les dialogues de Michel Blanc permettent de glisser entre les deux protagonistes une complicité rieuse et tonique, cernant en quelques paramètres les caractéristiques de l’un et de l’autre. Un divertissement solide, donc. 4/6
Tandem
C’est une comédie certes, mais au lieu de s’esclaffer et de danser on y grince, tant la noirceur du trait fige souvent le rire qui s’amorce. C’est aussi l’histoire d’une amitié, l’union de deux solitudes, la force d’un nain et d’un géant ne tenant debout que parce qu’ils sont ensemble. C’est encore une chronique douce-amère, un portrait de couple sans dames, une balade à la fois drôle et attachante qui capte avec la dérision grinçante des satires de mœurs italiennes la détresse des professionnels de la galère. À travers le portrait nostalgique d’un matamore usé, vedette radiophonique sur le déclin haïssant la France profonde et poujadiste qui est pourtant la seule à le faire encore roi, le cinéaste livre une fable dont la rosserie pourrait être insupportable, mais dont l’ironie voisine avec une chaleureuse tendresse. 4/6
Monsieur Hire
Hitchcock avait fait du voyeurisme la métaphore du spectacle cinématographique, Renoir l’évasion face au sordide de la vie. Chez Leconte il est impuissance, expression cachée d’un désespoir oppressant. Loin de la remarquable version de Duvivier, il s’approprie le roman de Simenon en cultivant sa dimension fantasmatique et en appuyant la stylisation austère et glacée d’une mise en images rigoureuse, épurée, dont la photographie uniformément cendreuse impose l’impression de cauchemar morne. La musique lancinante de Nyman, le climat d’étrangeté qui réduit l’environnement à une quasi-abstraction, les ambiguïtés psychologiques de l’étude de caractères confèrent à ce drame intimiste et cruel un cachet singulier. Masque blafard et costume de deuil, Michel Blanc y accomplit une prestation étonnante. 4/6
Le mari de la coiffeuse
Peut-on traduire un fantasme en images ? La raison dit non, le talent dit oui. Et Leconte de prouver son éclectisme en conjuguant la tendance comique-café théâtre (un salon de coiffure avec ses clients qui viennent tour à tour raconter leur histoire et confier leurs problèmes) et la tendance esthétique (bel espace reconstitué en studio, savant jeu de couleurs, ralentis à laisser rêveur). Sur une intrigue très ténue, il cherche à capter des instants fugaces, distille une poésie du quotidien rivée aux expériences et aux souvenirs de son héros – Jean Rochefort, savoureux en hédoniste aux pulsions de mousmé, tout en lubies adolescentes et coquetteries malicieuses. Si le ton est à la légèreté, voire à la sensualité, il ménage également une morale mélancolique, un peu désenchantée, quant à la volatilité du bonheur. 4/6
Ridicule
L’histoire d’un hobereau naïf et idéaliste qui, venu à la cour de Louis XVI, apprend à manier le verbe. C’est un western intellectuel où les mots d’esprit sont maniés comme des armes dans des duels à fleurets non mouchetés, où un abbé mondain connaît en un instant une disgrâce inattendue faute d’avoir trop voulu briller, où une jeune fille moderne invente l’avenir, et où une comtesse manipulatrice dépassée par ses sentiments se démasque soudain, des larmes plein les yeux. Très inspiré, Leconte épingle la vanité du genre humain en un conte moral cinglant et acéré, servi par des dialogues au cordeau : la satire de cette société du paraître, peuplée d’êtres serviles et mesquins, codifiée par des rites méticuleux où règnent l’esprit courtisan, l’égoïsme et l’hypocrisie, est un petit bijou d’élégance et de férocité. 5/6
La fille sur le pont
Deux êtres solitaires (une jeune femme malmenée par la vie, un lanceur de couteaux qui s’affirme comme son ange gardien) se rencontrent dans un Paris en noir et blanc, stylisé, post-fellinien. La chance qui avait manqué à l’un comme à l’autre leur sourit dès lors qu’ils sont ensemble. Au-delà du spectacle censé capter une certaine tristesse des gens du cirque, Leconte semble dire, un peu en contrebande, qu’il n’est pas vraiment dupe de l’économie trop lourde que doit assumer son entreprise. À l’image de son héros, il est lui-même un artiste de music-hall contraint de produire de la poudre aux yeux quand son désir serait de raconter une histoire plus intime. D’où le charme intermittent produit par le film, dont certaines scènes (les numéros forains envisagés comme rituels érotiques) frisent même le ridicule. 3/6
La veuve de Saint-Pierre
Dès le premier plan, lent et solennel travelling en profondeur vers une femme regardant à la fenêtre, le ton est donné : celui d’un certain académisme international du film en costumes, surdéterminé par un souci pictural censé l’ennoblir. Mais dès que les différents éléments (la guillotine, le gouverneur et les habitants de l’île, le capitaine et sa femme, le condamné) commencent à prendre entre eux, la mise en scène s’en défait en partie, exprime les sentiments qui brisent le masque glacé des convenances et des lois, passe des figures imposées aux figures libres. Fustigeant avec conviction la peine de mort, l’auteur trouve alors une respiration romanesque stimulante qui offre son assise à la réflexion sur la culpabilité, la rédemption et le pardon, et inscrit le récit dans une ligne tragique épurée. 4/6
Mon top :
1. Ridicule (1996)
2. Monsieur Hire (1989)
3. Le mari de la coiffeuse (1990)
4. Tandem (1987)
5. Les bronzés font du ski (1979)
Il fait partie de ces cinéastes français populaires qui semblent constamment courir après la respectabilité et ne cessent de vouloir convaincre de leur légitimité artistique. Souvent méprisé par l’intelligentsia, il a pourtant su faire preuve d’éclectisme, parfois d’ambition, et offrir une poignée de franches réussites.
Peu de films sont susceptibles comme celui-ci de faire éprouver l’écart pouvant exister entre le culte populaire et la valeur artistique : il est de ces classiques du répertoire télévisuel que tout le monde a vu, devant lequel chacun se tord de rire, mais que même ses plus ardents défenseurs ne considéreront jamais comme une œuvre de création esthétique. Cantonné au rang de technicien rudimentaire, Leconte se contente de mettre en boîte et d’aligner bout à bout, sans aucune plus-value personnelle, les gags concoctés par la troupe du Splendid. C’est bien dans l’anecdote que l’ironie de la troupe fait mouche, lorsque l’acrimonie corrosive du portrait atteint à une réelle férocité et la cocasserie ubuesque des situations à une vigueur comique assez redoutable. Zéro cinéma donc, mais parfaitement hilarant. 4/6
Les spécialistes
Argument : un vrai flic (donc un faux truand) et un vrai gangster se donnent la main pour dépouiller la mafia et réaliser le casse du siècle au casino de Nice. Le film creuse le sillon bien identifié du récit d’aventures mi-comédie mi-polar, avec grands espaces naturels (les gorges du Verdon) et amitié virile, celui-là même qui valut à Delon et Belmondo quelques-unes des leurs heures de gloire, et qui permet ici à Lanvin et Giraudeau d’assurer dans le registre mauvais garçons sympathiques-beaux mecs-grandes gueules. Les péripéties sont agencées selon une mécanique efficacement huilée et les dialogues de Michel Blanc permettent de glisser entre les deux protagonistes une complicité rieuse et tonique, cernant en quelques paramètres les caractéristiques de l’un et de l’autre. Un divertissement solide, donc. 4/6
Tandem
C’est une comédie certes, mais au lieu de s’esclaffer et de danser on y grince, tant la noirceur du trait fige souvent le rire qui s’amorce. C’est aussi l’histoire d’une amitié, l’union de deux solitudes, la force d’un nain et d’un géant ne tenant debout que parce qu’ils sont ensemble. C’est encore une chronique douce-amère, un portrait de couple sans dames, une balade à la fois drôle et attachante qui capte avec la dérision grinçante des satires de mœurs italiennes la détresse des professionnels de la galère. À travers le portrait nostalgique d’un matamore usé, vedette radiophonique sur le déclin haïssant la France profonde et poujadiste qui est pourtant la seule à le faire encore roi, le cinéaste livre une fable dont la rosserie pourrait être insupportable, mais dont l’ironie voisine avec une chaleureuse tendresse. 4/6
Monsieur Hire
Hitchcock avait fait du voyeurisme la métaphore du spectacle cinématographique, Renoir l’évasion face au sordide de la vie. Chez Leconte il est impuissance, expression cachée d’un désespoir oppressant. Loin de la remarquable version de Duvivier, il s’approprie le roman de Simenon en cultivant sa dimension fantasmatique et en appuyant la stylisation austère et glacée d’une mise en images rigoureuse, épurée, dont la photographie uniformément cendreuse impose l’impression de cauchemar morne. La musique lancinante de Nyman, le climat d’étrangeté qui réduit l’environnement à une quasi-abstraction, les ambiguïtés psychologiques de l’étude de caractères confèrent à ce drame intimiste et cruel un cachet singulier. Masque blafard et costume de deuil, Michel Blanc y accomplit une prestation étonnante. 4/6
Le mari de la coiffeuse
Peut-on traduire un fantasme en images ? La raison dit non, le talent dit oui. Et Leconte de prouver son éclectisme en conjuguant la tendance comique-café théâtre (un salon de coiffure avec ses clients qui viennent tour à tour raconter leur histoire et confier leurs problèmes) et la tendance esthétique (bel espace reconstitué en studio, savant jeu de couleurs, ralentis à laisser rêveur). Sur une intrigue très ténue, il cherche à capter des instants fugaces, distille une poésie du quotidien rivée aux expériences et aux souvenirs de son héros – Jean Rochefort, savoureux en hédoniste aux pulsions de mousmé, tout en lubies adolescentes et coquetteries malicieuses. Si le ton est à la légèreté, voire à la sensualité, il ménage également une morale mélancolique, un peu désenchantée, quant à la volatilité du bonheur. 4/6
Ridicule
L’histoire d’un hobereau naïf et idéaliste qui, venu à la cour de Louis XVI, apprend à manier le verbe. C’est un western intellectuel où les mots d’esprit sont maniés comme des armes dans des duels à fleurets non mouchetés, où un abbé mondain connaît en un instant une disgrâce inattendue faute d’avoir trop voulu briller, où une jeune fille moderne invente l’avenir, et où une comtesse manipulatrice dépassée par ses sentiments se démasque soudain, des larmes plein les yeux. Très inspiré, Leconte épingle la vanité du genre humain en un conte moral cinglant et acéré, servi par des dialogues au cordeau : la satire de cette société du paraître, peuplée d’êtres serviles et mesquins, codifiée par des rites méticuleux où règnent l’esprit courtisan, l’égoïsme et l’hypocrisie, est un petit bijou d’élégance et de férocité. 5/6
La fille sur le pont
Deux êtres solitaires (une jeune femme malmenée par la vie, un lanceur de couteaux qui s’affirme comme son ange gardien) se rencontrent dans un Paris en noir et blanc, stylisé, post-fellinien. La chance qui avait manqué à l’un comme à l’autre leur sourit dès lors qu’ils sont ensemble. Au-delà du spectacle censé capter une certaine tristesse des gens du cirque, Leconte semble dire, un peu en contrebande, qu’il n’est pas vraiment dupe de l’économie trop lourde que doit assumer son entreprise. À l’image de son héros, il est lui-même un artiste de music-hall contraint de produire de la poudre aux yeux quand son désir serait de raconter une histoire plus intime. D’où le charme intermittent produit par le film, dont certaines scènes (les numéros forains envisagés comme rituels érotiques) frisent même le ridicule. 3/6
La veuve de Saint-Pierre
Dès le premier plan, lent et solennel travelling en profondeur vers une femme regardant à la fenêtre, le ton est donné : celui d’un certain académisme international du film en costumes, surdéterminé par un souci pictural censé l’ennoblir. Mais dès que les différents éléments (la guillotine, le gouverneur et les habitants de l’île, le capitaine et sa femme, le condamné) commencent à prendre entre eux, la mise en scène s’en défait en partie, exprime les sentiments qui brisent le masque glacé des convenances et des lois, passe des figures imposées aux figures libres. Fustigeant avec conviction la peine de mort, l’auteur trouve alors une respiration romanesque stimulante qui offre son assise à la réflexion sur la culpabilité, la rédemption et le pardon, et inscrit le récit dans une ligne tragique épurée. 4/6
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2. Monsieur Hire (1989)
3. Le mari de la coiffeuse (1990)
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Il fait partie de ces cinéastes français populaires qui semblent constamment courir après la respectabilité et ne cessent de vouloir convaincre de leur légitimité artistique. Souvent méprisé par l’intelligentsia, il a pourtant su faire preuve d’éclectisme, parfois d’ambition, et offrir une poignée de franches réussites.
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Re: Patrice Leconte
Toujours intéressant à lire!
Néanmoins, celui que tu aimes le moins est celui que je considère comme son chef-d'oeuvre!
Néanmoins, celui que tu aimes le moins est celui que je considère comme son chef-d'oeuvre!
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- Jeremy Fox
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Re: Patrice Leconte
Trente ans après Monsieur Hire, Patrice Leconte adapte de nouveau Simenon. Il nous raconte tout ça lors d'un entretien avec une personne que les ex-lecteurs de Starfix connaissent très bien, Frédéric Albert Levy.
-
- Régisseur
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Re: Patrice Leconte
Il est toujours fascinant à lire (ou à écouter) Leconte. On sent que c'est un mec bien. (et keskilecon ce Delon ! Le nombre de projets alléchants qu'il a laissé tombé ces dernières années c'est juste pas possible...)Jeremy Fox a écrit :Trente ans après Monsieur Hire, Patrice Leconte adapte de nouveau Simenon. Il nous raconte tout ça lors d'un entretien avec une personne que les ex-lecteurs de Starfix connaissent très bien, Frédéric Albert Levy.
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Re: Patrice Leconte
Depuis Maigret tend un piège ?... oh lala ! Voilà quelqu'un qui connaît bien son sujet.Normalement (on ne sait plus trop dans le contexte actuel), en février, je débute les prises de vues de Maigret et la jeune morte. Ce sera le premier Maigret au cinéma depuis Maigret tend un piège, sorti sur les écrans en 1958 ! Je vais le faire avec Gérard Depardieu dont je ne savais pas qu’il était un grand admirateur de Simenon.
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Re: Patrice Leconte
Bien dit ! (surtout pendant mon ouiquènde à Saint-Fiacre !)
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Re: Patrice Leconte
Gérard Depardieu a évidemment la carrure pour le rôle de Maigret mais s'aura t-il exprimer encore l'humanisme bienveillant du personnage, en plus d'une énorme présence?
Je suis un immense fan de l'interprétation de Bruno Cremer.
Sinon, Leconte Cherche à adapter Tintin avec Les Bijoux de la Castafiore, mais se heurte à un problème de droits:
https://www.lefigaro.fr/cinema/tintin-p ... e-20201012
Je suis un immense fan de l'interprétation de Bruno Cremer.
Sinon, Leconte Cherche à adapter Tintin avec Les Bijoux de la Castafiore, mais se heurte à un problème de droits:
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Re: Patrice Leconte
Ça sent quand même l'idée à la con qu'il aurait lancé comme ça, pour un projet qui ne se fera jamais.batfunk a écrit : ↑14 oct. 20, 14:48 Sinon, Leconte Cherche à adapter Tintin avec Les Bijoux de la Castafiore, mais se heurte à un problème de droits:
https://www.lefigaro.fr/cinema/tintin-p ... e-20201012
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Re: Patrice Leconte
Après, c'est tellement mort au niveau blockbusters américains cette année que la revente des droits est peut être la solution pour gagner un peu d'argent.
Sans compter que l'aura de Tintin aux Usa, c'est pas vraiment ça.
Sans compter que l'aura de Tintin aux Usa, c'est pas vraiment ça.
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Re: Patrice Leconte
Mais le vendre en disant "il y aura des têtes connues DANS TOUS LES RÔLES", pas sûr que ça donne beaucoup envie. On a déjà vu ce que ça donne avec Astérix aux Jeux Olympiques.