La Pianiste (Michael Haneke - 2001)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jordan White
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Message par Jordan White »

Tom Peeping a écrit :
Jordan White a écrit :Autant d'avis négatifs pour un si grand film, j'avoue que je suis scié ! Et pourtant je n'aime aucun autre film de Michael Haneke, même si je n'ai pas vu Funny Games que beaucoup loue.
Et Le Septième Continent ?
Et Code Inconnu ?
Et (dans une moindre mesure) 71 Fragments du Hasard ?
Si on compte en plus Benny's Video, Funny Games et La Pianiste, ça fait quand même une oeuvre plus qu'originale et cohérente, non ? Je n'ai pas vu Le Temps du Loup.
La force de La Pianiste vient de sa distanciation, au contraire de ses autres oeuvres où l'on sent un regard inquisiteur, très moralisateur.
Les films de Haneke montrent tous des comportements extrêmes analysés (disséqués?) avec un regard glacial, au scalpel : c'est ce qui fait leur force mais c'est aussi ce qui dérange. Je ne le trouve ni inquisiteur, ni moralisateur, juste sociologue de l'extrême. Et très viennois dans l'âme, un descendant direct des Actionnistes des années 1960-1970.
Annie Girardot de plus en plus rare sur grand écran...

Mais je l'ai vue dans le métro (ligne 1, direction Château de Vincennes) la semaine dernière.
Je n'ai pas tenu jusqu'à la fin du Septième continent que j'ai trouvé assez ennuyeux.
Benny's Video est pas mal, je le place juste après La Pianiste. Je n'ai pas vu le reste de sa filmographie.
Annie Girardot a tourné dans quelques téléfilms mais je ne me souviens pas d'un rôle plus marquant que celui de La Pianiste ces dernières années.
Elle s'est aussi consacrée au théâtre.
Quant à l'Actionnisme Viennois je ne sais pas si Haneke est aussi radical que ce mouvement et à des artistes comme Otto Muehl ou Hermann Nistch.
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Tom Peeping
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Message par Tom Peeping »

Jordan White a écrit :Je n'ai pas tenu jusqu'à la fin du Septième continent que j'ai trouvé assez ennuyeux.
Si tu n'as pas vu les 20 dernières minutes, tu n'as pas vu le film : la lenteur des débuts y bascule dans l'horreur absolue, mais une horreur toujours minutieuse et glaciale.
Quant à l'Actionnisme Viennois je ne sais pas si Haneke est aussi radical que ce mouvement et à des artistes comme Otto Muehl ou Hermann Nistch.
Il n'est pas aussi radical dans les moyens qu'il utilise (il y a toujours la distance de l'écran qui fait protection au contraire des actionnistes qui mettaient physiquement en péril leur public dans leurs happenings) mais la critique sociale de la petite-bourgeoisie autrichienne est exactement la même.
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Jordan White
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Message par Jordan White »

Tom Peeping a écrit :
Jordan White a écrit :Je n'ai pas tenu jusqu'à la fin du Septième continent que j'ai trouvé assez ennuyeux.
Si tu n'as pas vu les 20 dernières minutes, tu n'as pas vu le film : la lenteur des débuts y bascule dans l'horreur absolue, mais une horreur toujours minutieuse et glaciale.
Quant à l'Actionnisme Viennois je ne sais pas si Haneke est aussi radical que ce mouvement et à des artistes comme Otto Muehl ou Hermann Nistch.
Il n'est pas aussi radical dans les moyens qu'il utilise (il y a toujours la distance de l'écran qui fait protection au contraire des actionnistes qui mettaient physiquement en péril leur public dans leurs happenings) mais la critique sociale de la petite-bourgeoisie autrichienne est exactement la même.
Si j'en ai l'occasion et le courage j'essaierai de revoir le Septième Continent, mais à la première vision le film m'avait agacé.
Je n'ai pas vu en "live" les actionnistes viennois mais pour avoir étudié le mouvement c'était quelque chose de jusqu'au-boutiste qui n'a pas ou peu d'équivalent ( peut-être que Encolpio pourrait préciser, mais je pense que c'est le mouvement artistique le plus radical du XXième siècle, et les clichés que j'ai vu de certains happenings sont très impressionnants).
Jean-Louis Costes s'en rapproche peut-être dans une certaine mesure, bien qu'il faille prendre ses shows au second degré.
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Message par Tom Peeping »

Jordan White a écrit :Je n'ai pas vu en "live" les actionnistes viennois
Moi non plus ! :roll: mais les images (photos et films) qu'on en a ne peuvent être qu'une évocation de ce qu'ont été leurs actions.
Jean-Louis Costes s'en rapproche peut-être dans une certaine mesure, bien qu'il faille prendre ses shows au second degré.
Oui et il est plus loin de 39-45 que ne l'étaient les viennois. La force politique de ce qu'il fait n'a rien à voir avec celle que dégageaient les happenings de ses prédecesseurs, qui étaient en quelque sorte des terroristes artistiques.

Mais je te conseille de revoir jusqu'au bout Le Septième Continent, qui est pour moi LE chef-d'oeuvre de Haneke. :wink:
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Re: La Pianiste de Michael Haneke

Message par Pancake »

Le seul Haneke parmi ceux que j'ai vus dans lequel je perçois un coeur et pas seulement des cordes. Emu comme rarement. Huppert est au-delà des mots.

6/6
M_RiK
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Message par M_RiK »

Personnellement, je n'ai pas réussi à entrer dans le film... et donc j'en suis sorti en me disant : "mouais, c'est pas normal et c'est malheureux, mais j'en strictement ai rien à foutre". Les acteurs (et surtout les actrices), bien qu'excellent(e)s, ne m'ont pas fait partager le trouble - pour utiliser un doux euphémisme - de leurs personnages, et à partir de là, ce n'est pas la mise en scène super factuelle d'Haneke qui allait m'aider à m'impliquer émotionellement. Sinon, que dire ? Que bien que je n'y connais rien en musique "classique" la bande originale du film m'a bien plu, mais à part ça : un film qui ne me fait ni chaud ni froid.
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NUTELLA

Message par NUTELLA »

c'est un film d'une force émotionnelle terrassante,qui laisse bon nombres de sentiments sur le carreau.c'est fort,puissant,souvent dérangéant,toujours passionnant.Huppert ne joue pas le personnage,elle est ce personnage.
la grande force de ce film,réside dans la caractérisation de ce personnage principal,ce qui lui confère une réelle existence,une réelle dimension,une réelle aura,et l'histoire de ce film,est peut-être tout simplement la plus belle preuve d'amour qu'on puisse(la complexité des rapports humains sont au coeur de ce film ) donner à l'aitre aimer.c'est beau,c'est fort,c'est du passionné en concentré.
un choc!!!
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Message par Gaston »

Nikita a écrit :Je n'ai pas cru un seul moment à l'interprétation de Magimel - difficile d'entrer dans le film dans ces conditions, bon heureusement y'avait Schubert
Pareil... Une impression générale de gâchis de talent (Huppert évidemment) pour cause de réalisateur rigide et pas très clair dans sa tête, qui veut absolument faire son film et ne pas l'adapter aux personnalités des interprètes...
:roll: De là à trouver Girardot géniale... Elle joue, c'est tout, alors que je sens souvent Huppert contrainte d'aller au delà de son talent.

Film agaçant et malsain, fait penser un peu à du Breillat au masculin :cry: N'est pas Kubrick qui veut
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Message par Pancake »

GASTON a écrit :Film agaçant et malsain, fait penser un peu à du Breillat au masculin :cry:
Pour avoir vu "Anatomie de l'enfer" hier, je peux t'assurer que Haneke est un bisounours à côté des grotesqueries de Breillat. :)

Et puis ce n'est pas parce que le personnage a quelque chose de malsain en elle que le film l'est aussi, il y a beaucoup moins de jeu et d'emphase que dans les autres Haneke.
GASTON a écrit :N'est pas Kubrick qui veut
Par contre là je ne vois pas le rapport. :?:
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Re: La pianiste (Michael Haneke, 2001)

Message par Alligator »

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C'est très étrange, mais j'avais pratiquement tout oublié de ce film, vu il n'y a pas si longtemps, 5 ou 6 années à tout casser. Pourtant, j'en gardais un bon souvenir. Ce n'est donc même pas le refus, la dénégation d'un film dérangeant qui peut expliquer cette absence. Peu importe, passons.

Malgré l'épouvantable tenue du dvd, j'ai à nouveau été extrêmement touché par le personnage interprété par Isabelle Huppert. Haneke nous convie à partager l'existence cauchemardesque de cette pauvre femme complètement déstructurée, cassée par une relation à la mère plus que branque, totalement monstrueuse.

La lente progression de l'histoire l'est un peu de manière excessive. On peut s'ennuyer à suivre cet étrange ballet amoureux, ce personnage mal cerné, si brutal, si froid et qu'on sent pourtant perturbé par immixtion d'un homme empressé de conquérir et de consommer cet amour.

Benoit Magimel joue un jeune pianiste éperdument amoureux qui la harcèle de louanges et de courbettes. On est à la fois perplexe et lassé par cette relation trouble, cette espèce d'obsession malsaine que Magimel fait vivre, avec plus ou moins de crédibilité d'ailleurs. Je ne suis pas sûr que ce soit la faute du comédien. J'envisagerais plutôt celle du dialogue : ce qu'on lui fait dire sonne de façon trop ampoulée et factice pour être dit avec sincérité. Cela dit, Haneke voudrait, je pense, que cela apparaisse comme vrai, suffisamment du moins pour convaincre le personnage joué par Huppert, mais cela ne fonctionne pas bien. Dommage car le personnage de Magimel perd en densité comme en émotion ce que gagne en profondeur et empathie celui d'Huppert. Je ne le déplore que dans une moindre mesure car, en fin de comte, ce fossé entre les personnages est à l'image de l'incompréhension sur laquelle ils viennent se briser. C'est juste que de cette dichotomie, Magimel n'en sort pas indemne sur le plan moral. J'ai l'impression que l'histoire le juge. Il apparait un peu comme le salopard, le joli cœur embobineur, manipulateur, le Don Juan qui s'éloigne sitôt conquis sa citadelle, dans la dernière scène, sans s'attacher, comme un coup de vent, l'oubli, la mémoire et les sentiments qui passent. Oui, c'est cela qui me dérange un peu.

Quoiqu'il en soit, je trouve ce film émouvant, à défaut d'être passionnant. Les derniers instants ne le deviennent que parce que tout le reste du film déroule son récit sur un rythme et des propositions de jeu en trompe l'œil, à l'image du personnage d'Huppert., totalement contre-faite, figure du professeur de musique rigide, sévère, rigoriste, propre, mais dont la vie intime est faite d'éclatements, de fascination pour la douleur et la salissure, esclave de ses passions morbides, humiliantes et contradictoires.

Avant de partir, il faut tordre le cou à à l'histoire cannoise : ce film n'est pas indigeste, ni ultra nauséeux. J'ai encore en mémoire ces images et ces voix du public sortant de la salle en vociférant toute leur indignation et leur vomissement. C'est disproportionné. Le film n'est pas irregardable. On n'est ni devant "Salo" ni "Irréversible". Certes, ce que vit Huppert est dur, très difficile à comprendre.

De toute façon, doit-on le comprendre? Même pas. Il s'agit plutôt de ressentir toute la détresse de cette femme, restée enfant, enfermée dans une vie biscornue. Le personnage vaut vraiment la peine d'être visité.

Et Isabelle Huppert, comme Annie Girardot d'ailleurs, livre une de ses plus époustouflantes prestations. Annie Girardot, vieillissante mais toujours juste, le regard tout aussi perdu que celui de sa fille. Ces deux actrices sont dans mon panthéon des toutes meilleures actrices. Superbes.
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Watkinssien
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Re: La pianiste (Michael Haneke - 2001)

Message par Watkinssien »

C'est un film que je trouve meilleur à la deuxième vision... Pas mal de Haneke m'a fait cette sensation...

La Pianiste est une réussite dans la filmo du bonhomme, à mes yeux, grâce à une Isabelle Huppert transcendée et à une mise en scène au cordeau...
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batfunk
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Re: La Pianiste (Michael Haneke - 2001)

Message par batfunk »

Ça fait des années que je tourne autour de ce film, sans jamais avoir eu le courage de me lancer(Haneke, film difficile, tout ça :mrgreen:) et hop, j'ai plongé!
Alors ça fait quel effet me direz vous? Eh bien, la désagréable sensation de se noyer, millimètre par millimètre...
Cette évocation de la vie d'une femme au premier regard, austère et coincée, va vite basculer dans l'horreur absolue.
Car on sent tout de suite que quelques chose cloche:Anika est Belle mais porte des vêtements ternes, qui cachent son corps. Anika vit avec sa vieille mère. Rien de grave au premier abord, sauf qu'elles dorment dans le MEME lit..
Sa rencontre avec Benoît Magimel(excellent en amoureux sincère et paumé) laisse entrevoir un espoir pour elle..,vite refermé, qui ne fera que confirmer notre pressentiment : Anika est une femme morte, castrée par une mère omnipotente, dans l'ignorance et la peur totale de toute relation amoureuse, qu'elle a remplacée par une sexualité fait de bric et de broc. Sa relation Avec Magimel ne faite que reproduire sa relation de dominée avec sa mère,en pire, puisqu'elle décide de s'effacer complètement, de disparaitre.
Inutile de dire qu'Isabelle Huppert est absolument prodigieuse, sa froideur cachant une multitude d'émotions refoulées, que lui fait parfois ressentir la musique de Schuman et Schubert(à l'instar de certains films de Bertrand Blier) . Cette solitude insondable, cette aliénation est sublimée par la mise en scène oppressante de Haneke.:Anika se cogne litteralement contre les quatres coins des cadres fixes du réalisateur, comme une mouche dans un bocal.Et seul le son désincarné de la télévision l'accompagne chez elle...
La fin, ouverte, ne laisse pourtant aucun doute sur le fort de l'héroíne.
Un grand film d'horreur, proche d'un Crash de Cronenberg, et un très grand film tout court.
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