Un jour de pluie à New York (Woody Allen - 2019)

[Farnaby]

Vous allez vraiment finir par me donner envie d'aller le voir...

[Supfiction]

Pour au moins mille films de Woody Allen, on a dit cela. Et c'est vrai en un sens. Et j'adore chez lui cette capacité à introduire des variations à l 'infini sur des motifs ressassés. Reproche-t-on ça au dessinateur Schultz et ses Peanuts?
L'exemple que tu donnes ne m'a pas frappé. Je ne l'ai même pas calculé. Mais le film a une photo somptueuse, de nombreux cadres sont très élégants.Sur les critères que tu donnes, la majorité de son cinéma est en pilotage automatique à ce compte-là. Dans pratiquement tout ses films, on trouve des exemples de mise en scène désinvolte par endroit, comme improvisée à l'arrache. Et c'est ce qui fait souvent leur charme. Pour moi, je me suis fait une raison depuis belle lurette : il y a eu une période de grâce, allant grosso modo, de Annie Hall à Radio Days où les Woody Allen étaient extrêmement tenus, formellement. Puis, à partir de September, on est passé à quelque chose de plus (faussement) routinier, de plus "attendu" dans la succession des films.
Et il ne s'est jamais agi de se mettre à genoux à chaque fois mais il ne faut pas confondre modestie et démission.

Tous les films d'Allen ressassent plus ou moins les même thématiques et pourtant, ses films n'ont jamais cessé d'évoluer. Je regardais ce week-end Harry dans tous ses états et sur la forme, il n'y a vraiment rien de commun avec ses films actuels (le montage haché par exemple m'a surpris).
Quand on aime un film on passe sur ses défauts (cf. Ad Astra et ses énormités ). A l'inverse, on donne pour argument de mauvais choix de mise en scène (je ne vois pas non plus à quel problème de mise en scène El Dadal fait référence, la scène au piano chez Selena Gomez ?) si la magie du film n'a pas opérée sur soi.

En revanche, l'argument d'un film qui "arrive trop tard" est intéressant car effectivement, c'est un film fondamentalement desué, plus encore que les précédents qui se passaient dans les années 30, 40, 50 et/ou avec des acteurs plus âgés. Jamais peut-être un Woody Allen n'a semblé à ce point en décalage avec son temps.
Il faut donc pour y adhérer considérer les films de Woody Allen pratiquement comme un genre en soi, situé dans une réalité parallèle où les jeunes gens écoutent du jazz, fréquentent des lieux huppés, discutent de vieux films et sont globalement coupés des problèmes du monde. Parfois, comme avec Blue Jasmine ou Maudite Aphrodite, Allen s'aventure dans d'autres classes sociales mais dans ces cas il ne se prive pas de caricatures car ce n'est pas son monde et il ne prétend pas le connaître.

[Alexandre Angel]

Parfois, comme avec Blue Jasmine ou Maudite Aphrodite, Allen s'aventure dans d'autres classes sociales.

...et dans Whonder Wheel, La Rose Pourpre du Caire, Broadway Danny Rose, Le Rêve de Cassandre (il me semble), Anything Else (on est pas loin de Broadway Danny Rose), Escrocs mais pas trop (50/50), Accords et désaccords, Zelig, Ombres et Brouillard, etc... (atypiques).
Il y en a pas mal des comme ça...

[Jeremy Fox]

Jusqu'à aujourd'hui, j'étais fin prêt à y aller ce soir mais en lisant le titre Whonder Wheel, je me souviens d'un coup de l’incommensurable ennui que fut cette laborieuse séance. Du coup j'hésite... C'est malin Alexandre !

[Alexandre Angel]

Jusqu'à aujourd'hui, j'étais fin prêt à y aller ce soir mais en lisant le titre Whonder Wheel, je me souviens d'un coup de l’incommensurable ennui que fut cette laborieuse séance. Du coup j'hésite... C'est malin Alexandre !

Il y a peu de ressemblance! Ça devrait mieux te plaire.
Moi, j'ai trouvé Elle Fanning poilante

[Thaddeus]

il y a eu une période de grâce, allant grosso modo, de Annie Hall à Radio Days où les Woody Allen étaient extrêmement tenus, formellement.

Je bornerais cette période faste d'Annie Hall à Maris et Femmes, personnellement. Des films comme Une Autre Femme ou (plus encore) Crimes et Délits me semblent appartenir à la veine royale de Woody Allen.

[Alexandre Angel]

Des films comme Une Autre Femme ou (plus encore) Crimes et Délits me semblent appartenir à la veine royale de Woody Allen

A moi aussi et plus loin, j'ajouterais Coups de feu sur Broadway que j'aime beaucoup, beaucoup, et Tout le monde dit I love you, qui nous a tous éclaté à sa sortie et qui avait fait l'événement.
Mais ce que je veux dire, c'est que la tranche dont je parle, c'est un peu comme certains albums de Tom Waits ou de Prince à une époque, ils étaient en tête des tops rédac, systématiquement. Il n'y a guère que Comédie érotique d'une nuit d'été (et peut-être aussi Broadway Danny Rose) qui avait été reçus avec tiédeur dans mon souvenir (moi, j'en raffole).

[Jeremy Fox]

[ Il n'y a guère que Comédie érotique d'une nuit d'été qui avait été reçus avec tiédeur dans mon souvenir (moi, j'en raffole).

Un régal !

[Thaddeus]

Mais ce que je veux dire, c'est que la tranche dont je parle, c'est un peu comme certains albums de Tom Waits ou de Prince à une époque, ils étaient en tête des tops rédac, systématiquement.

J'étais en culottes courtes à l'époque, et ne peux donc pas confirmer ou infirmer ce que tu avances, mais il me semble que Crimes et Délits et Maris et Femmes ont été parmi les films les plus acclamés de Woody Allen à leur sortie, non ? Pour mémoire.

[Alexandre Angel]

Ah mais tu dois avoir raison! Mais encore une fois, je parle de sorties successives devant lesquelles on se pâmait tous comme si le cinéaste atteignait sa consécration artistique (le triplé Zelig, Rose Pourpre, Hannah !!!).
Crimes et délits est sorti après September et Une autre femme qui n'avaient pas fait l'unanimité (perso, j'étais moins à la fête).
Quant à Maris et Femmes, à charge de rafraîchir mon appréciation, mais pour l'instant, je n'en suis pas fou.

[Supfiction]

Au moins un film sur deux a été accueilli comme un bijou.
Match Point a eu une presse dithyrambique.

[Alexandre Angel]

Normal, c'est un sommet.

[Thaddeus]

Au moins un film sur deux a été accueilli comme un bijou.
Match Point a eu une presse dithyrambique.

De Celebrity à Melinda et Melinda (six films d'affilée), c'était quand même un sacré ventre mou si on en croit la presse (qui était loin d'être dithyrambique). Je n'ai pas tout vu mais il y a une sorte de consensus pour dire que le cinéaste traversait une crise. Après, que certains y trouvent plus ou moins ponctuellement son bonheur, c'est autre chose.

[Supfiction]

De Celebrity à Melinda et Melinda (six films d'affilée), c'était quand même un sacré ventre mou si on en croit la presse (qui était loin d'être dithyrambique). Je n'ai pas tout vu mais il y a une sorte de consensus pour dire que le cinéaste traversait une crise. Après, que certains y trouvent plus ou moins ponctuellement son bonheur, c'est autre chose.

Accords et désaccords et Hollywood Ending ont eu très bon accueil. Les autres (Anything else, Le scorpion de jade, Melinda Melinda et même Celebrity) un bon accueil.

J’ai revu Celebrity d’ailleurs. Le mimétisme de Branagh est pratiquement gênant en fait, au point qu’on a l’impression que Allen l’a doublé lui-même en post production. A ce titre Chalamet s’en sort mieux je trouve en instillant simplement quelques mimiques alleniennes.

[Alexandre Angel]

Le jour funeste où il nous quittera, je verrais bien cette photo en couv de Libé, sans jeu de mots, sans rien, juste en grand.