Portrait de la jeune fille en feu (Céline Sciamma - 2019)

[Flol]

les cahiers ont raison: gag involontaire pas si loin des ZAZ

Carrément.
On est quand même pas loin du nawak, là.

[Thaddeus]

C'est l'occasion de ressortir cet aveu (ça faisait longtemps...) :

Alors ton avis posté était plus lapidaire que ta pensée

Exactly. Comme souvent...

[G.T.O]

Lapidaire ne veut pas dire revirement, hein. Je doute qu’il y ait une réévaluation...

[Wuwei]

c'est marrant les "intentions" de l'auteur.
tout le monde (moi y compris) parle du lien entre les deux derniers James Gray et dans un entretien il est limite "ha bon ?, ha ben oui tiens, j'avais pas vu." (bon après, il précise savoir qu'il tourne autour des mêmes thèmes).

Ici, le feu crépite comme jamais, partout, tout le temps.
mais en même temps : les pommes dans la corbeille à pomme, la broderie, le bruit des pinceaux, le bruit des vagues.... il y a beaucoup de détails (signifiants à mon sens, mais j'vais pas me répéter) et les mèches de coton pour allumer les bougies, la même pour allumer la pipe du début et celle d'après, les nombreuses bougies, le feu de la "fête"...
ces deux propositions (les détails et le feu plus que présent) peuvent sembler lourds, mal utilisés, mal employés... mais il me semble qu'il sont là volontairement. Du coup moquer leur côté grossier car trop visible et donc gaguesque, ça m'interroge.

[G.T.O]

Détails signifiants (broderies, pinceaux...) certes mais surtout lourdeur du procédé. Association feu-passion est totalement éculé. Feu dans l'âtre de la cheminée, robe d'Heloise prenant feu, le titre...Pas étonnant que cela rappelle le running gag de la cheminée dans "Top secret". Ce détail n'a pas échappé aux Cahiers qui s'en est moqué. C'est un détail que je trouvé révélateur de l'échec du film qui, prend souvent des grands airs, derrière une sorte de glacis, pour refourguer les pires images académiques et frelatées.

[Wuwei]

J'avais bien compris le lien entre le feu et top secret.
et ça me semble toujours étrange (parce qu'au-delà d'aimer ou pas, le fait de cataloguer dans classique ou grotesque ça nie le côté "auteur" et donc "lecture" (ou plaisir) possible, sur des critères que je ne comprends pas).

[G.T.O]

Pas pour moi car je considère que l'intelligibilité d'un discours ou bien l'intentionnalité d'un auteur, n'est pas quelque chose de suffisant pour légitimer tous les procédés. Surtout si le procédé en question est un lieu commun, un cliché, pour évoquer la passion amoureuse. Dans pareille situation, un tel recours est un signe de défaite de l'imagination. La lecture n'est pas gênée; bien au contraire: elle est d'une limpidité embarrassante. C'est aussi cela le cliché, une image qui ne possède plus de ressources. Une représentation univoque.

[Wuwei]

Je ne connais pas suffisamment le cinéma de Sciamma sur le lesbianisme et son propre parcours.
Merci de vos précisions (le "je" me permets de mieux comprendre) on va dire que je ressens plus un trope qu'un cliché.
L'effet est celui du portrait d'un portrait et du rapport entre l'art et le souvenir. On part du dévoilement (devant une cheminée ou du fait d'une capuche qui se retire), de petites touches (on essaie de regarder pour se souvenir afin de dresser un portrait, on brode ce qui est condamné à disparaître, etc), de la peur de la fin, pour parvenir à une intrication entre vécu, souvenir et art. Le tout rehaussé par une réflexion entre la condition du désir et la condition de la femme.
Je trouve que cela "fait sens" et qu'il y a une intentionnalité parce que tout se joue sur l'ekphrasis et que rien ne se cache. Le fait de rebondir sur le mythe d'Orphée et d'Eurydice (qui est justement un trope pictural et littéraire, traité comme tel) enfonce pour ainsi dire le clou. Le tableau de la fin - celui soit-disant signé par le père - est explicite en ce sens : c'est une variation nouvelle sur un mythe connu, exactement ce que propose le film.

[Jack Griffin]

En gros d'accord avec Wuwei...C'est un film qui sait tirer de ses choix affirmés (qu'on peut raisonnablement prendre en grippe) sa force et qui arrive à transformer l'essai. La passion (amoureuse, artistique) est transmise en même temps que sa mélancolie. Un film tourné vers la construction du souvenir.

[Strum]

De belles images pour ce film littéraire, bien pensé et bien filmé, mais l'émotion ne surgit que dans le dernier plan où l'on voit enfin le point de vue du personnage d'Adèle Haenel, qui n'était jusque là qu'une image, comme Eurydice (avant de devenir souvenir). Dommage. Noémie Merlant est très bien.

[Zeldoune]

Sentiment similaire de mon côté. La fin du film est très belle, mais le reste est beaucoup trop froid et rigide à mon goût.

Cela reste joliment filmé et bien représenté dans l'ensemble (Noémie Merlant en tête, évidemment). Je rejoins toutefois G.T.O. sur le fait que Adèle Haenel est décalée. C'est une actrice que j'aime bien (comme beaucoup j'imagine), mais elle paraît trop contemporaine pour un tel film.

Dommage donc.

[ed]

Pas trop le temps de développer, mais comme je le disais dans un autre topic :

Portrait de la jeune fille en feu : 8.5/10
Absolument sublime de bout en bout. J'ai beau chercher, je ne trouve strictement rien à lui reprocher. Choc aussi bien esthétique qu'émotionnel.
Et alors gros coup de coeur pour Noémie Merlant.
Assurément dans mon top 3 de fin d'année. On n'est pas loin du chef-d'oeuvre.

Quand même étonné du peu de réactions générées par le film - il faut dire que le flop est malheureusement réel.

Je rejoins l'avis de Flol, totalement.
Que le film joue sur des motifs symboliques éculés, je m'en contrefous, car il opère avec une telle rigueur formelle et scénaristique... Nom de nom, combien de films aussi précis (et y compris sur des choses aussi indicibles que le trouble) le cinéma français nous a-t-il offert ces dernières années ?
A mi-film (pour être précis, entre le départ de la mère d'Héloïse et le premier baiser), il y a 4 ou 5 scènes vraiment incroyables.

[Flol]

Cœur sur toi.

[Supfiction]

Éloignez vous de l’écran si vous ne comprenez pas l’affiche.

[Karras]

Interview de Céline Sciamma au Guardian. Elle semble regretter la frilosité du public français à l’égard du film :
https://www.theguardian.com/film/2020/f ... dy-on-fire