quelques impressions à chaud (je sors de la salle, le temps de faire un thé et de taper quelques mots et me voilà) et..; je ne sais pas mettre de note, enfin si, je l'ai fait durant des années mais il faudrait une grille de critères et je n'ai jamais pensé à faire ça pour les films. Sinon, j'ai fait court et je ne fais que survoler quelques points.
(pour info, je n'ai pas vu
gravity)
À part la colonne des avis de Mad, je ne connaissais rien du film. Enfin si, le réalisateur (c’est pour ça que j’y suis allé), l’acteur principal et l’affiche.
On a droit à une aventure spatiale mélangeant les rebondissements et l’introspection. Si on résume le film à ses ressorts scénaristiques, on pourrait se croire aux débuts de la SF avec ce surhomme, sans faille, qui part à l’aventure, passant outre les dangers et les pièges, repoussant ses limites et avec lui celle de l’humanité (il a un self control à toutes épreuves, il sait tout faire, on lui fait confiance, il réagit très vite et toujours pour bien faire et sait puiser dans ses ressources sans perdre espoir). Dit comme ça, on pourrait croire à un actionner de plus. De l’autre côté le film se propose de suivre un fils sans père, un pur produit de son époque, qui suit les protocoles, les rêves, les normes et qui, face à la quête du père et à ses enjeux, va devoir remettre en cause l’autorité de ses supérieurs puis celle de son père à travers une introspection de tous les instants et une remise en cause de des préceptes et valeurs qui le guident.
Souvent ce type de mélange « ambition » se casse la gueule en cherchant à calquer deux ou trois phrases philosophiques sur une suite d’actions sans sens ou pimentant un sous-2001 de trois explosions. Ici James Gray choisi de raconter l’histoire au rythme de son personnage. En ce sens la scène d’introduction plonge directement le spectateur dans les enjeux esthétique et psychologique du film. La tonalité est globalement réaliste (dans un futur proche mais aux technologies avancées sans être hors de notre perception actuelle), l’image est léchée, la lumière superbe et la voix-off de Brad Pitt nous informe que tout est sous contrôle. J’ai adoré (au sens où j’ai trouvé ce choix pertinent et maîtrisé sur une très grande partie du métrage) le choix de la voix-off introspective, parce que nous sommes toujours en train de nous parler à nous-mêmes, que c’est l’essence de l’humanité que de commenter ce qu’elle vit et qu’avoir une tel recul sur les choses, le monde, les émotions pousse à l’identification en même temps qu’au malaise.
Si la quête du personnage est universelle (celle du père, celle de l’avenir, celle d’un contact, etc), il reste difficile d’être totalement en empathie avec lui tant il est distancié vis-à-vis de ce qu’il vit et des autres. Dans le même temps, ce contrôle, ce respect des protocoles porte une esthétique du « design » (alors que le terme est souvent galvaudé ou pris pour « le décor » je trouve qu’ici la notion de design a une importance folle, dans les choses, les sons, les décors, les objets, les gestes…) et de l’épure. De fait tout ce qui rappelle la vie terrestre ou l’humain prend très vite des tons criards (la « cellule de repos » -qui rappelle une scène de
soleil vert- à tendance à produire l’effet inverse et à crispé le personnage et le spectateur). Être sensible à cette épure, à cette esthétique, à cette contemplation c’est être coupé des hommes, des autres, du contact. Je trouve que Gray nous permet de comprendre cette contradiction (c’est beau mais impossible de partager cette beauté).
Dans le même temps, la société du contrôle qu’est l’agence spatiale space.com rend bien compte de cette acceptation (impossible de ne pas voir un écho à ce que nous vivons) la psychologie est réduite à la mesure du bien être par des chiffres, des mesures biométriques que l’on prend en toute occasion et qui donne une image « objective » de l’individu, image lui octroyant alors des libertés ou des interdits. Cette réification constante nous amène à refuser la sauvagerie (
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- scène du singe, dont on trouve un reflet avec le père à la fin
) autant que la compassion ou l’amour au nom de la raison, (confondue avec le rationnel dans cette société du futur).
Si on ajoute à cela les thématiques éthérées de Max Richter (où les notes de piano sont à la fois simples et étrangères), j’ai trouvé là un film d’une grande cohérence.
Petit bémol, j’ai trouvé la fin un peu longue (disons que ça me semblait redondant et, pour le coup, trop explicatif alors que justement le personnage devrait avoir dépassé ce stade), certains effets visuels ne sont pas à la hauteur (quand la capsule entre dans le champ d’astéroïdes… outch).
Plus globalement, il me semble qu’il faudrait parvenir à faire ce genre de films avec autre chose que la thématique « père-fils » qui pèse trop lourd à mes yeux (en connaissant l’argument au départ, j’aurais sans doute hésité à me rendre en salle). Dans la même veine, j’ai vu la bande annonce de
Portrait de la jeune fille en feu, ça semble très beau mais.. ; pourquoi, encore, une histoire de lesbienne ? Je n’ai rien du tout contre les lesbiennes mais à ça me semble ici tomber dans le cliché de l’attirance entre des regards, du non-dit, des symboles et de l'émotion … c’est plus rarement un choix qui se porte autour de l’homosexualité masculine et quand celle-ci pointe le bout de son nez on a droit à d’autres clichés. Bref, les problèmes père-fils… ça devient poussif.