Sybil (Justine Triet - 2019)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jack Griffin
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Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Jack Griffin »

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Le film tourne autour de Sibyl, une psychothérapeute, qui revient à sa première passion : l'écriture. Mais sa nouvelle patiente, Margot, une actrice troublée et en devenir, s'avère être une source d'inspiration bien trop tentante. Fascinée presque à un point obsessionnel, Sibyl s’implique de plus en plus dans la vie tumultueuse de Margot, ravivant des souvenirs explosifs qui la confrontent au passé.

Réalisation : Justine Triet
Assistant réalisateur : Benjamin Papin
Scénario : Justine Triet et Arthur Harari
Directeur de la photographie : Simon Beaufils
Son : Julien Sicart
Mixage : Simon Apostolou
Montage son : Ingrid Simon
Décors : Toma Baquéni
Costumes : Virgine Montel
Montage : Laurent Sénéchal

Je ne saurais pas très bien parler du film tant celui ci m'a ennuyé. Triet n'est pas arrivée à me mettre au niveau des petits drames bourgeois vécus par ses personnages alors que j'avais bien accroché à ses deux précédents films. Il est vrai qu'on est ici dans un autre registre. Au deux comédies précédentes se substitue ici un ton plus grave, sérieux, où la réalisatrice nous met face à l'intériorité de son personnage principal Sybil, joué avec originalité par Virginie Efira. Avec une autre actrice cela aurait été peut être encore plus douloureux. Il n'y a qu'à voir la façon dont est dirigé Adèle Exarchopoulos, tout en reniflements et yeux humides, vite limitée dans une reproduction de ce qu'elle avait fait sur le Kéchiche. Je comprends mal dès lors la volonté de Sybil de s'accrocher à tout prix à ce personnage (on saisi au fur et à mesure que les deux femmes ont vécu la même chose) qui peut paraitre doublement pénible. Elle réinvestit un passé par le biais de la fiction (1) (film tourné à Stromboli *clin d'oeil*) en prenant en charge la psychanalyse d'une des actrices (2). Rajouté à cela l'écriture d'un roman (inspiré de) (3) qui complexifie notre rapport à l'identité du personnage. Le jeu de miroir se mettant en place devient du coup trop labyrinthique et nous perd. Elle perd aussi les personnage secondaires qui ont un peu de mal à véritablement exister si ce n'est comme figure caricaturale et monocorde gravitant autour du perso principal. Combien de fois avons nous vu ces scènes de tournage avec un metteur en scène qui pète les plombs ?
Heureusement le film joue au départ l'astuce de ne pas dévoiler entièrement le portrait de Sybil. De très courtes scénettes sans véritable lien constituent la première partie du récit et donne un rythme pas déplaisant. De même tout ce qui tourne autour des enfants (comme véritable trace indélébile du passé) est ce qu'il y a de plus réussi....Mais que de détours (ni drôle, ni émouvant) pour ça.
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Alexandre Angel
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Alexandre Angel »

+1
Mais en un poil plus sévère encore :?
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Supfiction
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Supfiction »

Comme je l’ai écrit dans le topic Efira, seule la séquence sur Stromboli a permis de réveiller mon attention. Adèle E. est bien quand elle n’est pas dans l’apitoiement. La sélection à Cannes n’était pas tellement justifiée sauf s’il s’agissait de remplir des quotas.
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Flol
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Flol »

Je vous trouve quand même un peu sévère. Certes le film parait très difficile à saisir, entre les différentes temporalités, les montages alternés, un script peut-être un peu trop ambitieux...mais ça reste pour moi extrêmement intéressant.
C'est effectivement une sacrée évolution pour Justine Triet, après 2 films a priori plus "simples", mais elle tente énormément de choses ici (qui plus est avec une Virginie Efira une fois de plus impériale), elle ne les réussit pas toutes, mais ça faisait longtemps que je n'avais pas vu une telle proposition de cinéma en France.
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Alexandre Angel
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Alexandre Angel »

Pour ma part, ce n'est pas la complexité qui me gêne, c'est le côté fabriqué et fier de l'être, vu comme un véhicule "classe", "intellectuel" pour une Virginie Efira en phase "beaux rôles" taillés sur mesure.

Je trouve, dans l'ensemble, que la critique a sauté là-dedans à pieds joints (chacun a aussi le droit d'aimer, cela va sans dire) comme si c'était un gage de réussite. Comme le dit Jack Griffin, c'est surtout un festival de clichés, de motifs et de références vus cent fois ailleurs (Stromboli, bien sûr, mais aussi Le Mépris, plus la psy qui se psychanalyse elle-même, la sœur acariâtre qui dit "tu es si sûre de toi, rien ne peut t'atteindre, tu es glacée", les antécédents alcooliques, le cul...). N'en jetez plus SVP.
Cette histoire de tournage est improbable et même, je lâche le mot, ridicule (l'actrice qui fait la réalisatrice m'a paru horripilante).
Et en plus l'image est terne, étale...

Pour moi, et sans méchanceté ni acharnement, le film surévalué de l'année pour l'instant.

Et puis, ça pleure beaucoup, beaucoup : limite humide
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Flol »

Alexandre Angel a écrit :l'actrice qui fait la réalisatrice m'a paru horripilante)
Sandra Hüller ? Je l'ai au contraire trouvée excellente. Elle m'avait déjà rendu bien plus supportable mon visionnage du pénible Toni Erdmann.
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Alexandre Angel
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Alexandre Angel »

Flol a écrit :
Alexandre Angel a écrit :l'actrice qui fait la réalisatrice m'a paru horripilante)
Sandra Hüller ? Je l'ai au contraire trouvée excellente. Elle m'avait déjà rendu bien plus supportable mon visionnage du pénible Toni Erdmann.
Ah c'est elle!!!! :oops:
Elle est bien :mrgreen: (mais pas son personnage)
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Jack Griffin »

J'adore cette actrice aussi mais je n'ai rien compris au tournage à Stromboli (ça se veut drôle j'imagine)...La gifle, Efira qui remplace un acteur (?) puis la réalisatrice (?)...ça passe pas très bien
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par cinéfile »

Comme Flol, je vous trouve relativement sévères.

Le film est certes très imparfait, mais son ambition impressionne. Victoria sortait déjà nettement des sentiers rebattus de la comédie. On y mélangeait allégrement les genres (comédie loufoque, drame, film de prétoire), avec encore une fois plus ou moins de réussite, mais toujours dans l'optique de proposer une approche originale et inattendue.

Il se dégage des 3 premiers long-métrages de Justine Triet, une exposition de la douleur et des situations au bord de l'implosion (les engueulades interminables "à la Pialat" dans Solferino, le délitement psychologique de V. Efira dans les 2 suivants) que je trouve remarquable. Notamment dans tout ce qui attrait à la dépression. On la montre rarement de cette manière au cinéma (Salvadori l'avait fait aussi dans Les Apprentis avec le personnage de F. Cluzet, film par ailleurs souvent loufoque et hilarant). Il en résulte un inconfort pour le spectateur. Le film n'emballe d'ailleurs pas le public : moyenne public Allociné à 2.5/5, j'étais seul dans la salle hier...

Avec Sybil, la réalisatrice "pousse le bouchon" encore plus loin. La structure et le montage épouse carrément les états internes du personnage principal, ce qui lui permet de distiller petit à petit les informations et de créer une sorte de suspense. La proposition est séduisante, principalement dans la première moitié. Le film déçoit par contre sur la durée, car il finit par se perdre dans les méandres d'une intrigue trop boursoufflée, qui ouvre trop de portes et s'éparpille inutilement, pour au final ne rien traiter de front. Comme il a été dit également, les seconds rôles manquent d'étoffe (là où Vincent Lacoste apportait un contre-point formidable dans Victoria). Comme un goût d'inachevé...

5,5/10
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Alexandre Angel
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Alexandre Angel »

cinéfile a écrit : Le film est certes très imparfait, mais son ambition impressionne
Je suis très nettement plus impressionné par l'ambition des films d'Arnaud Despléchin, de Mathieu Amalric voire de certains Pascal Bonitzer.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Alibabass
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Alibabass »

Bonjour tout le monde,

Je viens d'écouter à l'instant "La Dispute" sur France Culture, et c'est pas non plus gégé ^^ . Une proposition singulière comme celle-là, il y a pas de juste milieu comme Synonymes de Nadav Lapid il y a quelques mois.

Justine Triet déstructure la temporalité du film, il y a une peur de destruction aussi chez Sibyl. L'introduction est d'ailleurs carré : la littérature selon cet éditeur, c'est de faire de plus en plus de projet de faits divers, des meurtres, de raconter de la fiction. Sibyl, c'est elle dans la fiction, c'est elle dans le vampirisme de la fiction, c'est la perte totale de sens dans les choses qui sont proches d'elles (sa sœur, joué par Laure Calamy, d'un cynisme hors compétition, son ex, l'alcool), afin d'oublier, de passer à autre chose, et donc d'être dans un fantasme de dédoublement idéal, soit la patiente actrice.

J'ai eu pour la première partie une peur pour Virginie Elfira, car elle peux devenir en une seconde autant dangereuse pour les autres que pour elle. Un état de désaxé. Autant le récit est complexe, mais quand on se concentre bien, la fluidité du mouvement des plans et sa finalité dans les flashbacks (ou pas d'ailleurs, on peux le voir comme un avant-propos de l'action en devenir, soit un fantasme concret) donne une chose hyper maitrisé.

La deuxième partie du film, à Stromboli, continue le changement de tout manger sur son passage, de tout faire, de tout dérégler aussi. La fin est d'ailleurs sublime, qui ramène une autre douleur, une spirale.

Il fourmille de questionnement sur la mise en scène, le pouvoir de la fiction, le dérèglement de la vie réelle, qui fait que c'est une proposition rare dans le cinéma Français (et c'est assez dingue que France TV est suivi un chemin comme Sibyl ... enfin déjà sur Victoria je m'étais fait la même remarque), et d'une maitrise incroyable.

Justine Triet n'aime pas être dans la codification, son état d'âme en temps que spectatrice c'est d'être dans la différence, donc elle agit, forme une équipe (Arthur Harari au scénario avec elle), expérimente, et fait du cinéma. D'ailleurs, le tournage à Stromboli de Mika (Sandra "Toni Erdmann" Hüller tiens tiens ...) peux être un parallèle avec la réalisatrice en vrai.

Sibyl est tout sauf une comédie, et va se prendre une fessée.
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par MJ »

Ca faisait plaisir de voir plusieurs fois le nom de Jacques Audiard au générique de fin : on peut penser ce qu'on veut de sa propre filmo, c'est qqn qui en fait l'air de rien bcp pour le "jeune cinéma français"...
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Alibabass
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Alibabass »

Exactement MJ,

D'ailleurs, heureusement que l'aide de Jacques Audiard s'est faite entendre parce-que Justine Triet pour son dernier film n'a pas eu d'aide du CNC (son scénario n'a pas été aimé par eux deux fois de suite). C'est l'aide financière de Jacques Audiard qui l'a sauvé pour le tournage (court mais intense) à Stromboli dans sa 2ème partie. C'est ce qu'elle raconte dans le Cahiers Du Cinéma du mois dernier.
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par Supfiction »

Alibabass a écrit :Exactement MJ,

D'ailleurs, heureusement que l'aide de Jacques Audiard s'est faite entendre parce-que Justine Triet pour son dernier film n'a pas eu d'aide du CNC (son scénario n'a pas été aimé par eux deux fois de suite). C'est l'aide financière de Jacques Audiard qui l'a sauvé pour le tournage (court mais intense) à Stromboli dans sa 2ème partie. C'est ce qu'elle raconte dans le Cahiers Du Cinéma du mois dernier.
Comme quoi, le CNC fait quand même attention aux scénarios contrairement à ce qu’on peut croire parfois.
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cinephage
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Re: Sybil (Justine Triet - 2019)

Message par cinephage »

:?: :?: :?:
L'aide sélective à l'écriture, et l'avance sur recette sont attibuées par des commissions. On peut parfois soupçonner des intérets croisés, des a priori ou une certaine nonchalance de membre de ces commissions, mais le principe reste quand même celui d'une aide qualitative.
Supfiction a écrit :Comme quoi, le CNC fait quand même attention aux scénarios contrairement à ce qu’on peut croire parfois.
Parfois, il suffit de s'informer pour ne plus croire des sottises.
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