Supfiction a écrit :En revanche, Canet explique au passage le mépris à son égard en évoquant Jappeloup et son passé (l’équitation, symbole de la haute, ses parents sont éleveurs de chevaux et possèdent un haras). Il faut être Belmondo pour réussir à faire oublier qu’on a pas eu la chance d’avoir des parents communistes ou au moins une enfance difficile.
En passant, être propriétaire d’un haras peut donner l’impression d’être de la haute, mais pour connaître le sujet, je peux te dire qu’il y a nombre de passionnés qui y dévouent leur vie par amour du métier, mais vu ce que ça coûte et le peu que ça rapporte, il y a en beaucoup plus qui ont des fins de mois difficiles, que les rares qui s’en mettent plein les fouilles. Après, c’est vrai qu’il vaut mieux hériter ou avoir un bon capital de départ pour se lancer là-dedans, c’est pas donné à tout le monde. Voir d’ailleurs
Jappeloup dont c’est un peu le second sujet du film.
Sur Guillaume Canet et l’équitation:
J’évoquais le parcours de cavalier de très haut niveau de Guillaume Canet. Je pense qu’il y a peu de cavaliers sur le forum, je vais me permettre de développer un peu. Ça n’est pas cinématographique (encore que ça en dira peut-être beaucoup aux amateurs de westerns sur la différence entre un réalisateur qui utilise une cavalerie, et un réalisateur qui connaît les chevaux et sait les mettre en scène), mais ça donnera sans doute plus d’idées sur le caractère de Guillaume Canet que de savoir s'il est bobo / pas bobo.
L’équitation est sans doute le seul sport olympique (je ne suis pas un grand connaisseur en sport en général, je dis peut-être une connerie) où hommes et femmes concourent à égalité dans les mêmes épreuves. C’est aussi un sport où concourent des cavaliers de plus de cinquante ans, avec des jeunots de vingt ans (voire Michel Robert, encore au niveau champion du monde à 63 ans, qui arrête la compétition en 2013 après une chute mémorable au CSI5 du Saut Hermès).
Le physique ne compte pas vraiment, c’est le cheval qui fait le boulot. A haut niveau, bien sûr, vu l’entraînement régulier et la hauteur des obstacles, il vaut mieux être en très bonne forme. Mais on peut très bien monter sans être un athlète. A haut niveau, en tous cas, il faut être un champion sur le mental. Physiquement, ce n’est pas du rugby. Mais se faire éjaculer en ¼ de seconde à 3m de hauteur (un cheval fait en moyenne 1m60 de haut, et une bonne ruade, ça met très facilement à 3m de haut), faut quand même tenir la route, et au rugby, je ne crois pas que ça arrive souvent. A mon avis, on se casse sérieusement plus souvent en équitation de haut niveau qu’au rugby.
Le cheval, justement. Les néophytes et cavaliers du dimanche disent souvent que le cheval est un animal un peu con. Au contraire, c’est un animal très intelligent, sensible, et qui sait très vite reconnaître même pas qui le monte, mais qui va le monter. Il peut être très trouillard, mais une bonne jument de compétition, très sensible et douce, peut te faire gicler parce que tu étais en mauvaise forme, toi-même un peu trouillard ce jour-là, et que tu lui as filé ta trouille, ou parce que tu n’as pas su anticiper un fantôme (expression d’usage qui désigne un bruit inattendu, un bruissement soudain d’arbres, un coup de vent sur l’eau…). Ça peut être aussi un étalon de 5 ans, brave et ombrageux, qui, lui, ne voit jamais de fantômes, mais saura t’accueillir comme tu le mérites si tu rentres dans son box pour le seller et brider, sans lui avoir dit bonjour poliment en lui donnant le temps de répondre "bonjour à toi aussi".
Bien sûr, tous les chevaux ne sont pas de haut niveau. Mais cons…La plupart des chevaux de club ont accepté de se faire monter 4h par jour par des débutants et deviennent très vite abîmés. Le plus souvent, ça les rend impassibles, comme la plupart d’entre nous avec la vie de tous les jours. Mais, quelquefois, quand ils sont au-dessus de la moyenne et mal utilisés, ça les rend joueurs. Soit du genre à te jeter parce que tu ne faisais pas gaffe et qu’il a su faire la différence entre le gentil débutant - le cheval est de naturel gentil et jette rarement les inexpérimentés, sauf quand le cheval a eu peur - et le cavalier expérimenté, mais qui mérite une leçon parce qu’il ne fait pas attention à son cheval. Avec ceux-là, ça arrive souvent au repos, quand tu ne t’y attends pas, mais, là, les 3m de haut, tu y as droit. Et puis, il y a celui, qui sans être devenu pervers, s’amuse et trouve que ce jour-là, tu n’es pas à ton niveau, saute bien et pile juste après l’obstacle. Là aussi, les 3m de haut de chute, tu y as droit. Bref, les chevaux, de haut niveau ou pas, ne sont pas un animal de compagnie mais un partenaire de jeu, de travail, et éventuellement de compétition. Je parlais de l’égalité hommes – femmes entre cavaliers, mais c’est aussi un des seuls sports de couple homme – animal.
Un dernier détail à propos de ce sport avant d'en revenir au sujet. Les néophytes qui aiment bien les animaux, n'aiment pas du tout la cravache et les éperons. Sur un vieux canasson, ça peut être la dernière façon de le faire bouger. Comme un âne dans
La folie des grandeurs. Mais sur un bon cheval, allez lui donner de la cravache ou des éperons sans raison et durement, et vous allez juste mourir
La cravache, c'est pour lui donner du tonus juste au bon moment, et évidemment très léger. Tant qu'aux éperons...un bon maître d'équitation vous les mets aux pieds vers 10 ans, pour vous apprendre...à ne pas vous en servir. Un cheval, ça ne se mène pas à coups de pieds, mais avec le mollet et la cuisse. Les éperons servent d'abord à apprendre à éloigner les pieds du cheval pour ne pas lui blesser les reins. Puis, au bout d'au moins un an d'entraînement, quand vous avez compris et acquis de l'expérience, on apprend à les utiliser, comme la cravache, très (mais très) légèrement, pour lui donner un coup de tonus au bon moment, à l'obstacle, ou pour le diriger, au dressage. Il y a de très différents éperons, mais je peux vous garantir que les plus petits sont pour les débutants, et que ceux qui paraissent les plus méchants (à molette, comme utilisés à Versailles par les élèves de Bartabas) sont très puissants mais utilisés avec la plus grande finesse. Si quelqu'un blesse son cheval avec des éperons, c'est lui qui finit à la cravache
C'est un sport où le respect de l'animal passe avant tout.
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- Et pour la main c'est pareil. Plus les brides sont fortes, plus la main doit être légère. Sur le contact entre la main de l'homme et la bouche du cheval (oui, le cheval a une bouche et pas une gueule), le Général Pierre Durand, (champion olympique 1962 et ancien Grand Dieu (cherchez ), à ne pas confondre avec son homonyme Pierre Durand (JO 1984), celui qui les a gagné avec Jappeloup, disait "je reconnais toujours un cavalier à sa poignée de main. "Une main d'acier dans un gant de velours", cette expression ne m'a jamais parlé. Une main ferme avec un contact toujours de velours, ça oui, ça me parle".
J’en reviens à Guillaume Canet. Il fait de la haute compétition (Trophée Longines, CSI4 avec obstacles à 1m50), on peut le voir comme un privilégié, c’est vrai qu’à ce niveau, c’est un sport qui coûte cher. Mais c’est un sport qui coûte cher aussi en courage (voir ses blessures et chutes), en abnégation (tu dois monter très régulièrement pour être à ce niveau), en humilité (même les plus grands se font jeter facilement par un animal qui fait 500/700Kg. J’écrivais plus haut au sujet de Michel Robert qui a arrêté la compet en 2013 après une chute mémorable en public (j’étais là et j’ai vraiment souffert pour ce grand champion), due à un tournant qu’il a voulu négocier trop vite juste après un saut. A 63 ans, des chutes, il en a vécu, mais ce jour-là, il a sans doute compris qu’il avait eu bien de la chance de ne pas finir vraiment cassé pour de bon et il a eu l’humilité de dire stop).
La relation homme – cheval, ce n’est pas de l’humain. Mais le cheval te sent plus vite qu’un autre humain et la collaboration peut te coûter très vite très cher si tu n’as pas su être attentionné et respectueux avec ton partenaire. Ce n’est pas comme les retrouvailles Gilles Lellouche / François Cluzet dans
Nous vieillirons ensemble qui peuvent se permettre de prendre du temps. Avec un cheval, ça passe, sinon tu gicles. Ce qui ne veut pas dire que c’est par le regard ou par l’esprit. Tout bon cavalier sait qu’on doit parler à son cheval, et tout le temps. Les mots, il ne les comprend pas, bien sûr, mais c’est l’intonation et le fluide de la parole qui fait la relation…(quel beau travail d’acteur entre guillemets
). J’ai monté pendant un an des chevaux polonais qui n’avaient suivi aucun cours de langue, je parle d’expérience, ça marche
.
Le rapport avec Guillaume Canet acteur / réalisateur ? C’est l’intuition, l’humilité, les rapports humains (si tu sais aimer et respecter un animal, vas-tu perdre ton talent et ta vie à mettre en scène des gens qui « se détestent » ?), le courage, la volonté, et les rapports avec « l’autre ». L’"autre", qui peut donner l’impression d’être très con / trouillard / désabusé / hautain / ombrageux…mais qui, animal et la plupart du temps être humain, au fond ne demande qu’à être ton partenaire, pour peu que tu le respecte. Et Marion, je répète par rapport aux postes précédents, il ne lui a évidemment pas donné ses meilleurs rôles, mais avec lui, elle s’amuse, se lâche, et passe les 1m50 sourire aux lèvres. Même quand on a une carrière internationale de premier plan, c’est bon d’avoir le droit de faire la grosse conne grâce à un homme qui vous aime.
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- Je précise que cet éloge de Guillaume Canet cavalier n’est pas une éloge cachée de Phonm&Penh cavalier. J’ai été un gentil amateur jusqu’à 16 ans, ait repris comme simple amateur à 40 ans. Un parcours d’obstacles à 80cm me fout la trouille, et un obstacle d’1m à passer en travers (c’est-à-dire pas de face mais à 45°) est mon Everest Mais j'adore ce sport, les chevaux, et...
A chaque fois fois que je vois Guillaume Canet, je le vois comme un super bon pote que la vie ne m'a pas permis de rencontrer. Et, en y réfléchissant (ça m'est venu avec
L'homme qu'on aimait trop), comme un acteur de premier plan.
Un jour meilleur, j'avais même oublié que c'était lui...la faute à Leïla Bekhti, un autre de mes amours de cinéma