Une Intime Conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
AntonChigurh
Assistant opérateur
Messages : 2352
Inscription : 30 sept. 17, 11:58

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par AntonChigurh »

AntonChigurh a écrit :Chez moi ils ne le passent pas :? .
Programmé le Jeudi 04 Avril au ciné-club 8) .
Image
Avatar de l’utilisateur
Roilo Pintu
Accessoiriste
Messages : 1849
Inscription : 7 oct. 17, 15:13

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2019)

Message par Roilo Pintu »

Une intime conviction – Antoine Raimbault (2019) : 8/10

Un film de procès redoutable monté comme un thriller. Tendu de bout en bout, le film arrive à déjouer les attentes d’une résolution en faisant partager au spectateur l’obsession contagieuse d’un personnage, une obsession qui vole en éclat sur une scène simple dans un couloir. Une efficacité pleinement soutenu par son duo d’acteurs, qu’ils soient ensemble, séparés, en confrontation, la dynamique entre Olivier Gourmet (immense sans surprise, j’adore cet acteur!) et Marina Fois (impressionnante, elle a un visage, des expressions qui valent des dialogues) est passionnante. Laurent Lucas très bien choisi, a une forte présence, mutique, mystérieuse (forcément porté par toute sa filmographie) et sur laquelle repose tout l’équilibre du film (le doute).

Des idées de mise en scènes simples, très visuelles comme le papier bleu (qui résonne comme les cartouches évoquées par Dupont Moretti) le murs de photos qui changent (le fils de Nora n’est jamais mis de côté dans l’intrigue) le dessin des enfants (idée formidable qui ramène l’intrigue dans le drame et à hauteur des enfants), ou dans le rythme (le montage concernant Nora qui se partage entre son travail et ses écoutes)
Bref, captivant et maîtrisé.
A voir.
AntonChigurh : Programmé le Jeudi 04 Avril au ciné-club 8) .
Après 3-4 semaines de sortie, enfin chez moi depuis Mercredi.
Patience...
LordAsriel
Assistant(e) machine à café
Messages : 188
Inscription : 31 janv. 15, 12:54

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2019)

Message par LordAsriel »

Je tente un rapprochement qui paraîtra peut-être hasardeux au premier abord, mais tant pis : Une intime conviction m'a retourné un peu au même endroit que l'avait fait The Strangers il y a deux ans et demi : sur le terrain post-hitchcockien de la direction de spectateurs.

Tout dans le long-métrage d'Antoine Raimbault respire l'exigence intellectuelle et artistique, à commencer par les fondements mêmes de son projet. Toute la démarche du cinéaste semble en effet partir de la fameuse phrase prononcée par Me Dupont-Moretti lors de la plaidoirie de Jacques Viguier : « Ce dossier est devenu un concours Lépine de l'hypothèse ! » ; laquelle formule conclut d'ailleurs comme une épiphanie le film.
De fait, le caractère fascinant de l'affaire Viguier, dont Une intime conviction retrace les temps forts du deuxième procès, c'est que par son irrésolution elle demeure en quelque sorte un carrefour d'histoires, un genre de machine à générer du récit (donc du cinéma), à l'image de l'arborescence des possibles sur le devenir de leur mère dessinée par les enfants de la famille, et présentée aux Assises.

L'herméneutique qui préside à une enquête criminelle, mais aussi à n'importe quelle opération intellectuelle – en sciences expérimentales comme en exégèse, repose sur la confrontation d'hypothèses formulées par l'esprit, à un réel établi par le concret de preuves et d'évidences. Or, la difficulté du cas de la disparition de Suzanne Viguier, c'est que concrètement, il n'y a rien à quoi confronter les hypothèses, la question de la mort effective de la jeune femme n'étant même pas établie. A partir de là, toute conviction ne peut être réduite qu'au statut de fantasme et de fiction. Et c'est précisément de cette fiction que s'empare Antoine Raimbault, d'une certaine manière en lui donnant un corps avec le personnage entièrement inventé de Nora. Celle-ci, jurée du premier procès persuadée de l'innocence de Jacques, le mari de la disparue soupçonné du meurtre de cette dernière, va s'abîmer dans le déchiffrage de l'affaire au point d'en oublier ses priorités familiales, personnelles et professionnelles. Surtout, elle va peu à peu se forger et ancrer une conviction propre sur les tenants et les aboutissants du mystère auquel elle et tout le monde se heurtent.

D'une cohérence absolue avec son titre, le film explore ainsi les implications les plus fines contenues dans la notion juridique d'intime conviction, apparaissant en cela comme une sorte de miroir de 12 hommes en colère qui interrogeait celle, corollaire, de doute raisonnable.
Sur le plan artistique, le film est alors doublement admirable. D'une part en effet, parce que dans le personnage de Nora, Raimbault trouve le vecteur idéal d'une mécanique dramatique décomplexée, et déploie un modèle de récit d'enquête, avec tout ce que le genre peut avoir de stimulant, de haletant, de ludique même. D'autre part parce que ce vecteur, figure d'identification du spectateur, permet au regard du cinéaste d'adopter la distance éthique parfaite avec le matériau « inspiré d'une histoire vraie » sur lequel il se pose. En effet, par son dispositif même, le film permet d'explorer un ensemble de possibles, d'histoires plus ou moins crédibles, plus ou moins fondées (comme au Cluedo, il faut trouver un coupable, un lieu, une arme, un mobile...) autour d'une vérité à jamais inaccessible. Or précisément, le récit n'oublie jamais de rappeler que derrière ces jeux de l'esprit, personne ne doit oblitérer la réalité d'une affaire de justice, ni la méthodologie qui est censée au final permettre le rendu de celle-ci.

Et c'est là que le film devient grand : comme le long-métrage de Na Hong-jin évoqué plus haut, et comme d'une certaine manière une autre œuvre de Lumet, l'extraordinaire et éprouvant The Offence, Une intime conviction puise la puissance de son propos dans sa maîtrise impériale des points de vue. Appelé à adopter avec Marina Foïs le regard de Nora, le spectateur est piégé comme elle par tout un ensemble de mécanismes intellectuels et émotionnels fondamentalement humains dans son observation de l'affaire, dans le traitement de ce qui lui est donné à voir et à entendre : frustration de l'irrésolution, soif de vérité, conscience diffuse de l'importance des enjeux qui pèsent sur la décision de justice, tentation de l'interprétation... En somme plutôt des tropismes louables, en tout cas guère condamnables. Et pourtant, des élans qui sont la porte de passions dangereuses dans lesquelles va s'enferrer le personnage – des débordements émotionnels du même ordre, finalement, que ceux qui mènent aux crimes passionnels, dont Nora donne une définition à son fils un soir ; ou encore que ceux qui semblent animer les arrangements suspects de Durandet, l'amant autoproclamé de la disparue, principal accusateur de Jacques, et coupable de subornation de témoins pour faire éclater sa (?) vérité.
Très fort, le film finit en fait par opérer une catharsis complète, et devient carrément bouleversant lorsque nous, en même temps que Nora, constatons à quel point les différentes visions d'un même objet sont poreuses et fragiles. Et le vertige du spectateur ainsi de naître, face ce qui constitue pour chacun à la fois la clé et le cadenas de toute vérité : l'esprit humain qui la contemple.
"This kind of certainty comes but once in a lifetime..."
Avatar de l’utilisateur
AntonChigurh
Assistant opérateur
Messages : 2352
Inscription : 30 sept. 17, 11:58

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2019)

Message par AntonChigurh »

Il aura droit à une sortie Blu-Ray apparemment (chez Memento le 6 Juin) :
Image
Avatar de l’utilisateur
Rockatansky
Le x20, c'est dangereux
Messages : 44777
Inscription : 13 avr. 03, 11:30
Last.fm
Liste DVD

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par Rockatansky »

Grand prix du festival de la Ciotat et Prix du Public :mrgreen:

Le réalisateur sera en dédicace du Blu Ray ce vendredi chez Gibert.
Clear Eyes, Full Hearts Can't Lose !
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
Avatar de l’utilisateur
G.T.O
Egal à lui-même
Messages : 4839
Inscription : 1 févr. 07, 13:11

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par G.T.O »

Transfert de Domino terminé :arrow:

Merci Jack ! ;-)
Dernière modification par G.T.O le 3 juin 19, 23:40, modifié 2 fois.
Avatar de l’utilisateur
Jack Griffin
Goinfrard
Messages : 12389
Inscription : 17 févr. 05, 19:45

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par Jack Griffin »

wrong topic
mannhunter
Laspalès
Messages : 17387
Inscription : 13 avr. 03, 11:05
Localisation : Haute Normandie et Ile de France!
Contact :

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par mannhunter »

G.T.O a écrit :Transfert de Domino terminé :arrow:
Antoine Raimbault va dédicacer le blu ray du De Palma à Gibert aussi :?:
Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54773
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par Flol »

G.T.O a écrit :Transfert de Domino terminé :arrow:

Merci Jack ! ;-)
J'appelle immédiatement Hadopi.
Avatar de l’utilisateur
Rick Blaine
Charles Foster Kane
Messages : 24124
Inscription : 4 août 10, 13:53
Last.fm
Localisation : Paris

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par Rick Blaine »

Je rejoins toutes les louanges qui ont était faites au film sur ce topic. Le travail de raimbault est remarquable, dans l'écriture et le choix de regarder son sujet par le prisme du regard de Nora et de s'y tenir, donnant un guide au récit et la possibilité d'explorer pleinement son sujet. Dans la mise en scène aussi, sobre mais faite d'idées remarquables (le papier bleu) ou d'éclats qui frappent le spectateur comme un coup de poing (l'accident).
Un film tendu, intelligent , rythmé et prenant qui doit aussi évidemment beaucoup à son duo d'acteur. Gourmet est comme toujours formidable, et Marina Foïs s'impose définitivement comme la plus grande actrice française du moment. Sublime.
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99608
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par Jeremy Fox »

J'en attends énormément et je pense pouvoir le visionner ce mois-ci 8)
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99608
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par Jeremy Fox »

Pas grand chose à rajouter à tout ce qui a déjà été dit ici y compris dernièrement par Roilo Pintu et Rick Blaine. C'est d'une efficacité redoutable, les deux acteurs principaux sont formidables, c'est intelligent, superbement écrit, formidablement bien rythmé et en plus ça nous fait venir les larmes aux yeux dans le final. Du très grand cinéma populaire.
Avatar de l’utilisateur
AntonChigurh
Assistant opérateur
Messages : 2352
Inscription : 30 sept. 17, 11:58

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par AntonChigurh »

Et le film se paye (en plus de toutes ses autres qualités) le luxe d'être parfois très drôle à plusieurs reprises 8) .
Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54773
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par Flol »

Vu hier soir, et c'est indéniablement passionnant. Je regrette un léger manque de cinéma (toutes les séquences de procès sont filmées de manière hyper attendue), toujours un peu gêné par le jeu de Marina Foïs (qui ne parvient pas toujours à se débarrasser de ses intonations de Sophie Pétoncule), par contre Olivier Gourmet est monumental.
Autant je le trouve parfois un peu faux, autant là je suis obligé de reconnaître qu'il est impeccable et dégage un charisme de fou. Il est absolument parfait en Dupond-Moretti, rien à dire là-dessus.
Avatar de l’utilisateur
Rockatansky
Le x20, c'est dangereux
Messages : 44777
Inscription : 13 avr. 03, 11:30
Last.fm
Liste DVD

Re: Une intime conviction (Antoine Raimbault - 2018)

Message par Rockatansky »

Je te trouves un peu dur quand tu dis que le procès manque de cinéma, mais content que cela t'ai plu.
Clear Eyes, Full Hearts Can't Lose !
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
Répondre