Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Flol
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Flol »

El Dadal a écrit :La régulière étrangeté des situations (l'écureuil qui s'écrase tel un présage divin - Magnolia n'est pas loin avec ce travelling menaçant qui précède la chute, le Roi des sans-abris qui apparaît tel un deus ex machina et œuvre pour les happy fews de la cité des anges, les menaces qui pèsent sur la ville et ses habitants (dog killer, the owl)...) rapproche aussi le film de Mitchell des écrits de Bret Easton Ellis (et du récent Neon Demon auquel j'ai beaucoup pensé durant la séance), offrant très peu de prises au monde réel, autres qu'amertume, mélancolie passive et jeux de piste fincheriens comme seules réflexions autorisées à des personnages peu attachants. Le monde de Sam n'est plus qu'un terrain de jeu dévitalisé et ses habitants les pions interchangeables (littéralement) d'une bataille pour donner du sens à la vie (d'où selon moi les multiples références religieuses, soit le dernier rempart de l'ancien monde). Los Angeles devient ainsi un cocon géant et Sam son petit ver à soie.

Du reste, le film est trop touffu pour que je puisse y apposer sereinement un avis définitif, si ce n'est d'avoir assisté à un spectacle total qui possède, malgré son approche en effet palimpsestique (une scène = une référence), un côté presque altier dans sa singularité (à l'image de cette scène de balade au bord du réservoir où Sam déverse sa haine à l'égard des SDF). "Vous pouvez trouver autant de citations que vous voulez, ça m'amuse autant que vous, mais ne soyons pas dupes, dans le fond ça n'a aucune importance car chacun - chaque film - n'existe que pour lui-même", semble raconter Mitchell.

La scène de basculement avec le compositeur est un chef-d’œuvre.
Entièrement d'accord avec tout ça (et c'est joliment dit, en sus).
J'ai personnellement adoré me perdre dans les méandres de cette enquête absurde, dans un Los Angeles interlope plein de codes secrets et de messages cachés. Ça fourmille d'idées et de références : on pense forcément à Altman, à Lynch, à Hitchcock, à PTA (sans jamais que cela soit gratos, selon moi) ; mais on pense surtout que David Robert Michell est un putain de surdoué
Un film qui transpire littéralement le cinéma à ce point, on n'en voit clairement pas chaque semaine.
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Supfiction
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Supfiction »

Ça oui, on pense forcément à des tas de trucs, des films et des réalisateurs, des bonnes idées de mise en scène. Pendant ce temps là, on ne pense pas à l’histoire qui se déroule sous nos yeux. Il n’y en a pas.
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Alexandre Angel
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Alexandre Angel »

Supfiction a écrit :Ça oui, on pense forcément à des tas de trucs, des films et des réalisateurs, des bonnes idées de mise en scène. Pendant ce temps là, on ne pense pas à l’histoire qui se déroule sous nos yeux. Il n’y en a pas.
:lol: C'est pas tout à fait faux.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Flol
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Flol »

Supfiction a écrit :Pendant ce temps là, on ne pense pas à l’histoire qui se déroule sous nos yeux.
Si si, je n'ai fait que ça. Alors ok la résolution de l'intrigue n'est pas ce qu'il y a de plus réussi dans le film, mais les moyens pour y parvenir sont absolument passionnants.
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par 7swans »

Truffaut Chocolat a écrit :
Thaddeus a écrit :le héros ne s'est jamais vraiment remis de sa rupture amoureuse (ne ratez pas la scène explicative, vers la fin, lorsque l'ex lui présente son nouveau fiancé)
Ah oui je l'avais oubliée cette scène ! Je ne sais pas trop quoi en penser, vu qu'on n'a pas d'éléments concrets qui vont dans cette direction

C’est pourtant la scène qui explique tout le film.
Tout le film (ou en partie) n’est qu’une fantasmagorie, c’est le parcours intérieur d’un homme qui cherche à oublier son ex, se remettre enfin d’une rupture qui le laissait léthargique et à enfin aller de l’avant.

La majorité des séquences ne font que renvoyer à des indices présentés en amont : La fille de Severence meurt dans le lac, en prenant la pose de la couverture de son playboy, chez le compositeur il retrouve la guitare qui s’affiche sur le poster au dessus de son lit, les 3 filles qu’il recherche sont la représentation des 3 femmes de Comment épouser un millionnaire qu’il regarde à un moment à la tv, etc… Sa copine blonde qu’il ne retrouve presque que pour faire l’amour, n’est probablement que la matérialisation d’un fantasme masculin.
Quand il retrouve finalement Sarah, il est déjà trop tard, elle lui dit (approximativement) "c’est peut être une erreur mais c’est comme ça, on ne peut pas revenir en arrière", il répond enfin qu’il est dans le même état d’esprit. Il a fait son deuil de la fille de l’affiche pour les lentilles de contact, cette affiche qui disait quelque chose comme "I see clearer now… ".

L’enquête se tient et me parait totalement lisible, même si drolatique et ubuesque, elle n’est probablement que le rêve d’un homme qui se reconstruit en reprenant confiance dans la logique de son raisonnement.

Je trouvais le film presque artificiel dans sa mise en scène trop consciente, mais elle fait sens avec cette lecture fantasmée.

Envie de le revoir pour creuser tous les indices, tous les jeux de miroirs. C'est un film très ludique sur la reconstruction.
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Truffaut Chocolat
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Truffaut Chocolat »

7swans a écrit :
Truffaut Chocolat a écrit : Ah oui je l'avais oubliée cette scène ! Je ne sais pas trop quoi en penser, vu qu'on n'a pas d'éléments concrets qui vont dans cette direction

C’est pourtant la scène qui explique tout le film.
Tout le film (ou en partie) n’est qu’une fantasmagorie, c’est le parcours intérieur d’un homme qui cherche à oublier son ex, se remettre enfin d’une rupture qui le laissait léthargique et à enfin aller de l’avant.

La majorité des séquences ne font que renvoyer à des indices présentés en amont : La fille de Severence meurt dans le lac, en prenant la pose de la couverture de son playboy, chez le compositeur il retrouve la guitare qui s’affiche sur le poster au dessus de son lit, les 3 filles qu’il recherche sont la représentation des 3 femmes de Comment épouser un millionnaire qu’il regarde à un moment à la tv, etc… Sa copine blonde qu’il ne retrouve presque que pour faire l’amour, n’est probablement que la matérialisation d’un fantasme masculin.
Quand il retrouve finalement Sarah, il est déjà trop tard, elle lui dit (approximativement) "c’est peut être une erreur mais c’est comme ça, on ne peut pas revenir en arrière", il répond enfin qu’il est dans le même état d’esprit. Il a fait son deuil de la fille de l’affiche pour les lentilles de contact, cette affiche qui disait quelque chose comme "I see clearer now… ".

L’enquête se tient et me parait totalement lisible, même si drolatique et ubuesque, elle n’est probablement que le rêve d’un homme qui se reconstruit en reprenant confiance dans la logique de son raisonnement.

Je trouvais le film presque artificiel dans sa mise en scène trop consciente, mais elle fait sens avec cette lecture fantasmée.

Envie de le revoir pour creuser tous les indices, tous les jeux de miroirs. C'est un film très ludique sur la reconstruction.
Maintenant que tu le dis et à tête reposée, ok, j’entends. Le problème, c’est que pour moi, c’est apparu sous forme d’allusions et relégué au 2nd plan.
Mais ça se tient plus que bien.
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Martine Cachet »

7swans a écrit :
Truffaut Chocolat a écrit : Ah oui je l'avais oubliée cette scène ! Je ne sais pas trop quoi en penser, vu qu'on n'a pas d'éléments concrets qui vont dans cette direction

C’est pourtant la scène qui explique tout le film.
Tout le film (ou en partie) n’est qu’une fantasmagorie, c’est le parcours intérieur d’un homme qui cherche à oublier son ex, se remettre enfin d’une rupture qui le laissait léthargique et à enfin aller de l’avant.

La majorité des séquences ne font que renvoyer à des indices présentés en amont : La fille de Severence meurt dans le lac, en prenant la pose de la couverture de son playboy, chez le compositeur il retrouve la guitare qui s’affiche sur le poster au dessus de son lit, les 3 filles qu’il recherche sont la représentation des 3 femmes de Comment épouser un millionnaire qu’il regarde à un moment à la tv, etc… Sa copine blonde qu’il ne retrouve presque que pour faire l’amour, n’est probablement que la matérialisation d’un fantasme masculin.
Quand il retrouve finalement Sarah, il est déjà trop tard, elle lui dit (approximativement) "c’est peut être une erreur mais c’est comme ça, on ne peut pas revenir en arrière", il répond enfin qu’il est dans le même état d’esprit. Il a fait son deuil de la fille de l’affiche pour les lentilles de contact, cette affiche qui disait quelque chose comme "I see clearer now… ".

L’enquête se tient et me parait totalement lisible, même si drolatique et ubuesque, elle n’est probablement que le rêve d’un homme qui se reconstruit en reprenant confiance dans la logique de son raisonnement.

Je trouvais le film presque artificiel dans sa mise en scène trop consciente, mais elle fait sens avec cette lecture fantasmée.

Envie de le revoir pour creuser tous les indices, tous les jeux de miroirs. C'est un film très ludique sur la reconstruction.
Franchement chapeau pour cette analyse, qui donne un synthèse globale de l'oeuvre, que je trouve par ailleurs très réussie.

David Robert Mitchell, comme d'autres disciples Lynchiens sont là pour nous montrer que le cinéma est un art complexe et qui sous des abords premiers de pur divertissement, doit parfois entraîner l'effort du spectateur qui n'en ressort que grandi, comme lorsqu'il lit un immense roman russe, qui remplira de façon conséquente sa bibliothèque.
Je ne peux rien citer, j'ai pas de mémoire...
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Major Tom »

RedLetterMedia n'est pas mort. ;)



Je repense souvent à ce film, ses images sont ancrées dans ma mémoire, et je crois bien qu'en dépit de certaines longueurs, c'est jusque là mon film préféré de David Robert Mitchell.
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Thaddeus
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Thaddeus »

Personnellement j'ai totalement oublié ce film, ses images se sont volatilisées de mon cerveau, et je crois bien qu'en dépit de certaines scènes vaguement intéressantes, c'est jusque là le film que j'aime le moins de David Robert Mitchell. :mrgreen:
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Demi-Lune
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Demi-Lune »

Oui mais toi tu n'es plus fiable, comme spectateur. :mrgreen:
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Jeremy Fox »

Thaddeus a écrit :Personnellement j'ai totalement oublié ce film, ses images se sont volatilisées de mon cerveau, et je crois bien qu'en dépit de certaines scènes vaguement intéressantes, c'est jusque là le film que j'aime le moins de David Robert Mitchell. :mrgreen:

Pas mieux mais il faut dire que j'ai tellement aimé ses deux films précédents que je suis tombé de haut avec celui-ci.
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Thaddeus
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Thaddeus »

Demi-Lune a écrit :Oui mais toi tu n'es plus fiable, comme spectateur. :mrgreen:
:cry:
Jeremy Fox a écrit :Pas mieux mais il faut dire que j'ai tellement aimé ses deux films précédents que je suis tombé de haut avec celui-ci.
J'avais adoré It Follows avant ; j'ai beaucoup aimé The Myth of the American Sleepover depuis. Mon parcours avec ce réalisateur est donc un peu chaotique (je termine même par le début), mais c'est peu dire que je préfère lorsqu'il croit en son récit et ses personnages, que lorsqu'il verse dans l'ironie distanciée.
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Major Tom »

Thaddeus a écrit :Personnellement j'ai totalement oublié ce film, ses images se sont volatilisées de mon cerveau, et je crois bien qu'en dépit de certaines scènes vaguement intéressantes, c'est jusque là le film que j'aime le moins de David Robert Mitchell. :mrgreen:
Je crois que c'est tout à fait le genre de cinéma auquel on peut être hermétique ou au contraire adorateur.
Je fais partie du deuxième cas, donc, et pourtant, ça va paraître contradictoire, mais Dieu sait que je ne supporte plus les carnavals de références et d'auto-références comme Tarantino a pu me gaver ces dernières années, The Hateful 8 représentant alors l'immense exception notable pour moi (où le mec décide finalement de lâcher ses petits soldats et figurines avec lesquels il refaisaient des scènes de films qu'il adore puérilement, et de prendre sa caméra pour filmer enfin quelque chose et mettre en scène un vrai film... mais c'est mon avis). Logiquement, j'aurais dû détester Under the Silver Lake et ces milliers de références et d'auto-références, et en le voyant, j'étais autant happé par les images, la critique du Hollywood qui tombe juste (résonance avec l'affaire Weinstein), et complètement avec le personnage de paumé magnifique, brillamment interprété par Andrew Garfield (acteur que j'apprécie beaucoup au passage, excellent dans Silence). Il y a des films comme ça...
Et en faisant une recherche, je me suis rendu compte que je n'avais même pas parlé de ce film, même dans les films du mois, et ça me surprend. :o
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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par Mosin-Nagant »

Major Tom a écrit :en le voyant, j'étais autant happé par les images
Moi aussi.



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Re: Under the Silver Lake (David Robert Mitchell - 2018)

Message par tenia »

Si visuellement, le film est extrêmement plaisant, et si le casting est très efficace lui aussi, j'ai eu le souci d'avoir l'impression d'un film qui semble volontairement tourner à vide, un peu comme son personnage. Alors évidemment, cela semble être en partie le propos du film, mais en pratique, la longueur du film couplée à cette impression de non-événements m'ont rendu le visionnage du film assez pénible. J'ai pourtant bien aimé la première moitié du film, suffisamment intrigante pour conserver ma curiosité assez fascinée, mais finalement, doucement mais sûrement, mon intérêt s'est tout simplement étiolé.
La quête de sens de son protagoniste n'est pourtant pas inintéressante, mais la façon dont elle est amenée a fini par ne plus m'intéresser (même si j'ai beaucoup aimé la révélation de la fin de l'enquête), à force de paraître plus intéressé à accumuler des tonnes de détails pas forcément captivants et/ou utiles, pour une enquête surréaliste en mode complotiste lvl 99. Au final, je ne sais pas si on est censé avoir de l'empathie pour ce stoner un peu barré cherchant un sens à sa vie dans les moindres détails d'une espèce de mirage et s'en servant pour se reconstruire ou si on est censé plutôt s'en moquer doucement.

Au fond, c'est probablement sa durée (qui me parait excessive) qui m'a plombé. Je suppose que l'idée de cette longueur était de se rapprocher de l'état de flottement de son protagoniste, ainsi que de proposer quelque chose de plus atmosphérique, mais cela semble aussi très complaisant. Et a pesé malheureusement dans la balance bien plus que le reste.
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