Hérédité (Ari Aster - 2018)

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tenia
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par tenia »

Je reste mitigé face au film.
C'est à la fois intéressant, mais en même temps assez complaisant dans ses longueurs, dans son final. C'est bien foutu, mais parfois prévisible, avec des acteurs impliqués mais parfois têtes à claques, et évitant les jump scares mais pas totalement.

Le final est probablement assez symptomatique d'un film qui semble chercher à naviguer entre deux eaux pour prendre le spectateur par surprise mais aussi jouer sur 2 tableaux pour se donner de l'épaisseur, mais qui finalement rate le coche de peu et tombe dans des rebondissements autrement plus éculés que ce qui précédait. Il m'a aussi paru bien moins compliqué à saisir que ce que j'ai pu lire ci et là, même s'il est clair qu'il vaut mieux avoir l'oeil partout pour saisir les symboles, les repères, les redondances.
C'est probablement assez logique aussi que dans ce contexte, la désintégration familiale m'a parue nettement plus intéressante (et pas qu'un peu) que tout le pan plus horrifique du film, qui m'en a un peu touché une sans bouger l'autre.

Retrospectivement, je n'ai pas forcément de problème avec la dernière image du film. Elle semble un peu incongrue, et plus comme un rappel un peu artificiel qu'autre chose, mais finalement reflète bien cette famille fonctionnant comme en huis clos, enfermée sur elle-même (bon en même temps, elle morfle à mort :lol: ).

Byrne est excellent, Collette bien dans un rôle surchargé jusqu'à l'indigestion, le fiston insupportable. Neutre pour la gamine.
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Mama Grande!
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par Mama Grande! »

tenia a écrit : le fiston insupportable.
Marrant, je sors du film à l’instant et je me suis fait pile la remarque contraire. J’ai souvent beaucoup de mal avec les personnages de teenager, mais celui-là m’est apparu suffisament nuancé pour ne pas être tête à claques. Oui, il pense à se bourrer la gueule avec ses potes et à pécho, mais sa souffrance est réelle, et sa réaction face à celle-ci compréhensible. J’ai donc eu de l’empathie pour lui, comme pour tous les autres personnages principaux. Et là est la réussite du film, qui permet de nous faire trembler jusqu’au terrifiant climax. C’est encore tout chaud dans mon esprit et je me garderai de développer, mais la première partie en forme de drame bergmanien sur le deuil permet de développer cette empathie. Ainsi, quand on bascule plus franchement dans le fantastique horrifique, Aster reprend les effets de film d’horreur nippon, mais avec cette chaleur humaine qui souvent (je suis pas un expert non plus) leur fait défaut. J’ai ainsi été beaucoup plus collé à mon siège, et j’ai plus tremblé. Et même si j’aurais préféré plus de suggestion et de non-dits sur le final, c’est quand même déjà très bien.
Anorya
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par Anorya »

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Lorsque Ellen, matriarche de la famille Graham, décède, sa famille découvre des secrets de plus en plus terrifiants sur sa lignée. Une hérédité sinistre à laquelle il semble impossible d’échapper.

Pour son premier long métrage, Ari Aster, réalisateur et scénariste, dévoile une vision unique, transformant une tragédie familiale en cauchemar éveillé.



Dans le pavé des excellentes surprises de cette année 2018, Hérédité fut l'un de mes gros coups de coeur en salles et vu que j'ai déjà vu le film 3 fois (il faut bien ça pour analyser avec un tant soit peu de profondeur ce bidule plus riche qu'on ne le pense, je crois, enfin avis perso as usual), j'avais envie de m'attarder un peu dessus. Avec le recul, depuis sa sortie cinéma, le film a acquis une belle réputation qui lui permet de figurer d'ores et déjà parmi les films les plus cultes. C'est du moins ce que pensent plusieurs chroniqueurs et cinéphiles là où, subjectivité et sensibilité oblige (et que comme pour toutes choses en Art) d'un autre côté il divisera beaucoup d'autres spectateurs, c'est selon. D'ailleurs au moment où j'ai rédigé cette chronique je n'ai rien lu des avis qui ont été donné dessus sauf venant de chez GTO et Demi-Lune il y a un moment (c'est en première page donc oui ça fait même un sacré bout de temps).

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La toute jeune Milly Shapiro, un effet spécial à elle seule.

Surtout un nouveau visionnage permet de déceler que dès le départ, le réalisateur Ari Aster annonce le programme sans ambages via un des cours que suit l'aîné de la famille sur la tragédie d'Hercule chez Sophocle. On y apprend que le héros grec n'est en fait qu'un pion dans un engrenage fatal dont il pense vainement maîtriser un tant soit peu sa destinée. Fatal écho à cette famille qui ne maîtrisera jamais un instant les rouages diaboliques dont elle fait partie, et ce quand bien même Annie (Toni Collette) essayera à plusieurs reprises de changer la situation... en vain.


Dès le début, Aster va dans ce sens en nous présentant (superbe ouverture) l'envers du décor où travaille Annie avec ses maquettes reproduisant à échelle réduite l'environnement familial de la famille : La maison essentiellement isolée où une bonne partie de la tragédie va avoir lieu mais aussi une maternité ou une chambre d'hopital. Comme on s'en aperçoit très vite, les maquettes en vue d'une future exposition sans cesse repoussée semblent un exutoire de la mère sur sa propre vie mouvementée comme le moyen de fixer des jalons toujours malheureux dans le creux du souvenir. Quitte pour celà à mettre en scène les moments de deuils. Une attitude que ne comprend d'ailleurs pas son mari (Gabriel Byrne), plus rationnel et essayant de ne pas sombrer dans cette entreprise familiale en pleine tempête. Le réalisateur quand à lui laisse seul juge le spectateur qui pourra à la fois y voir une femme qui s'enlise d'elle-même volontairement dans les problèmes comme un possible exutoire. En revanche par cette idée d'enchâssement des cadres d'une habitation (fusse-ce une maquette) à travers les cadres liés à la mise en scène cinématographique, il annonce clairement la couleur : les personnages ne sont que les pions, les pantins, les marionnettes d'une scène plus grande et d'une volonté (diabolique) infiniment supérieure.

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S'il y en a bien un qui a utilisé les acteurs sur la scène du théâtre ou à la caméra, quitte à même donner un titre très programmatique à l'un de ses films (De la vie des marionnettes), c'est Ingmar Bergman, justement mentionné comme une de ses références par le réalisateur. Et effectivement, c'est une référence qui crève les yeux sans être heureusement jamais pourtant reprise telle quelle.

C'est la confession d'Annie sur sa mère et l'emprise qu'elle avait sur sa famille ainsi que leurs rapports conflictuels dans une réunion anonyme pour faire le deuil, constat dur et désenchanté qui rejoint la vision que Bergman nous livre entre une mère et sa fille dans Sonate d'Automne (découvert cette année lors de la rétrospective qui lui a été consacrée en plus de mon côté). C'est une scène de repas cathartique où mère et fils s'affrontent dans un discours de reproches froids qui n'ont rien à envier à une fameuse scène de dispute glacée d'un couple dans Scènes de la vie conjugale. Ou une surimpression à la lumière rouge d'un chauffage (vers 40mn de film) qui peut rappeler de loin les fondus au rouge de Cris et chuchotements. Ou bien ces dialogues violents au sortir d'une séance de somnambulisme. Aster est un cinéaste cultivé et respectueux de ses influences et ça se voit. Et rien que cette réutilisation d'une Histoire du Cinéma sans vouloir la pointer obligatoirement ou avec de gros sabots comme d'autres cinéastes, ça me plaît. Oui, vraiment.


Cette même culture cinéphile est brillamment réutilisée donc pour donner un film d'épouvante où tout ce qui pourrait être cliché est soigneusement évité au profit d'une oeuvre extrêmement bien charpentée tant dans sa mise en scène, que ses plans ou le travail sonore (ces derniers, plans et sons évoqueront d'ailleurs le travail de Stanley Kubrick et son équipe sur Shining. La demeure étant parfois filmée dans ses travellings et ses cadres comme un espace mental façon labyrinthe de Shining, impression accentuée par les maquettes et certains travellings).


Il y a constamment une idée de mise en scène à chaque plan, une trouvaille d'effet spécial, de narration (géniale idée de représenter subjectivement --par la vue même de Peter-- la culpabilité par la vision d'un rétroviseur en salle de cours !) ou de son. Quitte par exemple à personnifier celui-ci et associer un bruitage à un personnage sur la longueur. Ce qui est un banal TOC de claquement de langue d'une jeune fille presque autiste devient ainsi un instrument de terreur ingénieusement utilisé dans le film.

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Thématiquement le film respecte totalement son programme.


L'hérédité comme malédiction dont on ne peut échapper. Les fautes des mères se répercutent sur les autres, fussent-elles programmées avec une cruauté inconcevable (cf, cette note dans les affaires de la grand-mère, glaçante quand on a déjà vu le film et qu'au second visionnage on comprend d'emblée !). Les confessions d'Annie sont à ce titre remarquables parce qu'elles éclairent à chaque fois d'une souffrance nouvelle sur quelque chose qui remonte visiblement à très très loin. Les maquettes construites retranscrivant l'histoire familiale du point de vue d'Annie rappellent en effet que cette transmission visuelle, plus que la transmission orale est ici une hérédité du personnage envers les autres (même le spectateur). Maquettes qui trônent même en deux exemplaires dans le hall d'entrée de la maison, une autre manière de prévenir qu'on entre ici d'emblée dans un lieu chargé de mémoire mais d'une certaine manière déconnecté (de plus en plus) de la réalité du monde extérieur au profit d'un monde plus intérieur lié à la cellule familiale (laquelle va en prendre un certain coup dans la gueule comme on le sait par la suite).


Un troisième visionnage récent en ce 31 décembre où je rédige la chronique m'a même indiqué trois maquettes dans l'entrée de la maison, qui m'avait échappées alors jusqu'ici : On remarque au fond du patio en fait 2 maisons enchassées dans un meuble et une troisième au sommet de ce qui peut finalement être comparable à un arbre taillé englobant ces 3 maisons. Or n'évoque t'on pas l'arbre dans le patrimoine généalogique comme le lieu de tous les embranchements héréditaires ? Cette maison plantée au sommet comme une survivance qui a poussée sur une mauvaise graine, encore un détail remarquable du discours du réal que je ne découvre que maintenant !

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Il y a donc ainsi dans l'histoire quelque chose d'inquiétant et de flou, une menace voilée qui plane sur les personnages. Les visions vont se transmettre et contaminer un travail de deuil qui, dans d'autres conditions aurait été plus supportable et moins vulnérable. Cette menace (que je ne dévoilerais pas, les indices du film sont suffisamment net à ce sujet, pas besoin de spoiler. La grande intelligence du film c'est de faire confiance à son spectateur et son degré de croyance en ce qu'il voit) va ainsi lentement isoler les personnages les uns des autres. Charlie est la première visée : déjà de nature très repliée sur elle-même, c'est elle que le deuil touche en priorité plus qu'Annie. Elle réclame ainsi sa grand-mère comme une enfant en bas-âge quand sa mère la retrouve pieds nus dans les broussailles qui bordent la maison, sortant d'une étrange transe. Le dialogue un peu rude entre la fille et sa mère lors de la mise au lit ne surprendra dès lors personne : "Qui va s'occuper de moi maintenant ?" Et la mère, d'être surprise et de répondre de sa propre personne. La petite fille se reprend alors "...Quand tu seras morte ?" "Mais, papa !" Charlie ne sera pas plus convaincue... Quand à Peter, il va être atteint par un événement imprévu qui va le pousser à rouvrir de vieilles blessures et pousser sa culpabilité jusqu'à un point quasi psychosomatique (quand il s'étrangle et étouffe avec une cigarette, il reproduit l'allergie de sa soeur vue plus tôt dans le film).


Film sur le visible et l'invisible, sur ce qui est perçu et inaperçu (même certains plans fantômatiques très courts marquent méchamment), sur les vivants et ceux qui reviennent nous hanter (même par possession interposée -- il y en a deux dans le film qui fonctionnent comme pivots essentiels), sur ce qui se répercute et se transmet, d'un son de claquement de langue à un carnet qui brûle à distance celui qui veut s'en débarrasser, Hérédité s'impose comme un film à retenir. Si on y ajoute en plus que les comédiens sont tous parfaits dans leurs rôles (la gamine est vraiment "normale", pas une beauté. L'ado est un ado typique comme vous et moi ou celui que nous avons été, que nous serons --dédicace à mon plus jeune lecteur), on obtient un film quasi parfait.


Seule la fin pourra en gêner certains, elle est pourtant assez raccord pour moi avec ce qui a précédé et la thématique développée et permet d'ouvrir le film vers une autre direction. Petit plus perso : le générique de fin qui est une reprise de Joni Mitchell par Judy Collins (Both sides now !), voilà qui me mettait aux anges ! Une manière de terminer sur une note des plus apaisées toute la furie destructrice vue pendant les deux heures qui ont précédé : la destruction implacable et terrifiante de toute une famille.
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Omael
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par Omael »

Je me retrouve totalement dans ton texte. grande découverte que ce film pour moi également.

Merci pour ce remarquable billet :D
DannyBiker
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par DannyBiker »

Vu il y a quelques jours et c'est sans doute le meilleur film du genre que j'ai vu depuis It Follows et même Shining si on remonte aussi loin. L'atmosphère, les acteurs, la musique, le propos et le final, c'est un vrai bon film d'horreur. Merci à Flol de m'avoir mis sur la piste.
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Jeremy Fox
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par Jeremy Fox »

DannyBiker a écrit :Vu il y a quelques jours et c'est sans doute le meilleur film du genre que j'ai vu depuis It Follows et même Shining
J'attendais la même chose mais ce fût la douche froide :(
DannyBiker
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par DannyBiker »

Jeremy Fox a écrit :ce fût la douche froide :(
Fallait aller revoir le Grand Bain alors. :o
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G.T.O
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par G.T.O »

Jeremy Fox a écrit :
DannyBiker a écrit :Vu il y a quelques jours et c'est sans doute le meilleur film du genre que j'ai vu depuis It Follows et même Shining
J'attendais la même chose mais ce fût la douche froide :(
Perso, je préfère la saison 7 de ma Sorcière bien aimée, n'est-ce pas Jeremy ?! :mrgreen:
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Jack Griffin
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par Jack Griffin »

C'est sur qu'on est loin de Jean-pierre et Samantha.

Bien aimé pour ses qualités esthétiques (travail sur la profondeur de champs, lumière, jeu des acteurs) même si comme certains le film m'a paru déséquilibré entre sa première et deuxième partie. Plus le film avançait plus je me disais que tout ça ne tenait plus vraiment la route et qu'aux questions familiales se substituait un ride horrifique, certes efficace, mais d'une teneur plus banale (même si j'aime la toute fin comme dévoilement d'un outremonde maléfique qui suintait tout le long du film, c'est bien amené et surtout avec une économie de moyen bénéfique).

On est heureusement devant comme je l'ai dit un film soigné et bien interprété, originale dans le traitement de certaines scènes et arrivant presque à gommer des défauts présent sur le papier. La dernière engueulade entre Gabriel Byrne et Toni Collette est complétement hystérique, invraisemblable dans ses dialogues mais le choix de filmer cela en longs plans séquences posés et effet savamment distillé (la bouche ouverte dont parle GTO) donne une saveur particulière, un effet de stupeur.

A suivre donc.
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El Dadal
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par El Dadal »

Comptez moi parmi les déçus.

Ari Aster fait montre d'une impressionnante maîtrise technique. Chaque plan semble millimétré, au cordeau, le montage est incisif. Rien à redire à ce niveau là, c'est de la belle ouvrage (bien aidé par un mix qui rehausse grandement le quotient de flippe toutefois, parfois de manière un peu facile avec ces basses fréquences et ces battements cardiaques incessants qui se mêlent au score atonal).
Et pendant toute la première partie, l'ambiance de menace sourde et persistante garde le mystère intact. On plonge à chaque nouvelle scène plus profondément dans le malaise, à la limite de la crise de panique filmique, mais sans qu'on comprenne réellement quels sont les tenants et aboutissants, ce qui motive toute cette dégradation.

Et malheureusement, c'est là que le film a commencé à me perdre. Son côté bicéphale (drame vs. horreur pure) ne permet à aucune des deux parties d'imposer une vision véritablement ancrée. On me rétorquera que c'est dans cet entre-deux que le film trouve son identité, certes, mais qu'en fait-il ? L'horreur annihile le drame humain, et la fin couillonne détruit les fondations que le film avait pris soin de bâtir. Et certaines ficelles ou visualisations étranges ou horrifiques deviennent faciles, plus que poétiques (par exemple cette petite lumière bleutée qui représente quoi, l'âme du défunt ?)

On se retrouve avec un thème du deuil un peu balourd laissé en plan et des illuminés (comme il en existe de par le monde malheureusement beaucoup plus qu'on ne le dit, encore aujourd'hui) programmatiques. Je n'ai jamais eu l'impression qu'Aster faisait grand chose avec les notions de deuil ou d'hérédité (c'est un comble), toutefois le film développe une piste intéressante avec celle de la confiance comme ciment des relations (martelée dans le discours même par le personnage de Toni Colette) autour de nombreux non-dits (le fils clairement issu d'un métissage, les raisons de la difformité de la fille, la volonté - inconsciente - d'avoir gardé la grand-mère à proximité toutes ces années). De la confiance à la foi aveugle, il n'y a qu'un pas, ce qui donne tout de même à réfléchir.

Je ne veux pas paraître trop dur. Ça se suit bien, Colette est excellente (ses expressions faciales incroyables, dans la droite lignée d'un Bruce Campbell période Evil Dead 2) et le film a pour lui deux scènes excellentes (la double réalisation traumatique de l'accident, la scène du repas), et la tension est permanente. Mais subsiste une sensation malheureuse de tout ça pour ça.
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par Joshua Baskin »

El Dadal a écrit : 29 avr. 21, 10:56 Comptez moi parmi les déçus.

Ari Aster fait montre d'une impressionnante maîtrise technique. Chaque plan semble millimétré, au cordeau, le montage est incisif. Rien à redire à ce niveau là, c'est de la belle ouvrage (bien aidé par un mix qui rehausse grandement le quotient de flippe toutefois, parfois de manière un peu facile avec ces basses fréquences et ces battements cardiaques incessants qui se mêlent au score atonal).
Et pendant toute la première partie, l'ambiance de menace sourde et persistante garde le mystère intact. On plonge à chaque nouvelle scène plus profondément dans le malaise, à la limite de la crise de panique filmique, mais sans qu'on comprenne réellement quels sont les tenants et aboutissants, ce qui motive toute cette dégradation.

Et malheureusement, c'est là que le film a commencé à me perdre. Son côté bicéphale (drame vs. horreur pure) ne permet à aucune des deux parties d'imposer une vision véritablement ancrée. On me rétorquera que c'est dans cet entre-deux que le film trouve son identité, certes, mais qu'en fait-il ? L'horreur annihile le drame humain, et la fin couillonne détruit les fondations que le film avait pris soin de bâtir. Et certaines ficelles ou visualisations étranges ou horrifiques deviennent faciles, plus que poétiques (par exemple cette petite lumière bleutée qui représente quoi, l'âme du défunt ?)

On se retrouve avec un thème du deuil un peu balourd laissé en plan et des illuminés (comme il en existe de par le monde malheureusement beaucoup plus qu'on ne le dit, encore aujourd'hui) programmatiques. Je n'ai jamais eu l'impression qu'Aster faisait grand chose avec les notions de deuil ou d'hérédité (c'est un comble), toutefois le film développe une piste intéressante avec celle de la confiance comme ciment des relations (martelée dans le discours même par le personnage de Toni Colette) autour de nombreux non-dits (le fils clairement issu d'un métissage, les raisons de la difformité de la fille, la volonté - inconsciente - d'avoir gardé la grand-mère à proximité toutes ces années). De la confiance à la foi aveugle, il n'y a qu'un pas, ce qui donne tout de même à réfléchir.

Je ne veux pas paraître trop dur. Ça se suit bien, Colette est excellente (ses expressions faciales incroyables, dans la droite lignée d'un Bruce Campbell période Evil Dead 2) et le film a pour lui deux scènes excellentes (la double réalisation traumatique de l'accident, la scène du repas), et la tension est permanente. Mais subsiste une sensation malheureuse de tout ça pour ça.
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par Flol »

Envie de chialer.
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par Alexandre Angel »

A cause des pandas ou bien de la critique négative (réservée je dirais) qui précède ?
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par Torrente »

El Dadal a écrit : 29 avr. 21, 10:56 Comptez moi parmi les déçus.

Ari Aster fait montre d'une impressionnante maîtrise technique. Chaque plan semble millimétré, au cordeau, le montage est incisif. Rien à redire à ce niveau là, c'est de la belle ouvrage (bien aidé par un mix qui rehausse grandement le quotient de flippe toutefois, parfois de manière un peu facile avec ces basses fréquences et ces battements cardiaques incessants qui se mêlent au score atonal).
Et pendant toute la première partie, l'ambiance de menace sourde et persistante garde le mystère intact. On plonge à chaque nouvelle scène plus profondément dans le malaise, à la limite de la crise de panique filmique, mais sans qu'on comprenne réellement quels sont les tenants et aboutissants, ce qui motive toute cette dégradation.

Et malheureusement, c'est là que le film a commencé à me perdre. Son côté bicéphale (drame vs. horreur pure) ne permet à aucune des deux parties d'imposer une vision véritablement ancrée. On me rétorquera que c'est dans cet entre-deux que le film trouve son identité, certes, mais qu'en fait-il ? L'horreur annihile le drame humain, et la fin couillonne détruit les fondations que le film avait pris soin de bâtir. Et certaines ficelles ou visualisations étranges ou horrifiques deviennent faciles, plus que poétiques (par exemple cette petite lumière bleutée qui représente quoi, l'âme du défunt ?)

On se retrouve avec un thème du deuil un peu balourd laissé en plan et des illuminés (comme il en existe de par le monde malheureusement beaucoup plus qu'on ne le dit, encore aujourd'hui) programmatiques. Je n'ai jamais eu l'impression qu'Aster faisait grand chose avec les notions de deuil ou d'hérédité (c'est un comble), toutefois le film développe une piste intéressante avec celle de la confiance comme ciment des relations (martelée dans le discours même par le personnage de Toni Colette) autour de nombreux non-dits (le fils clairement issu d'un métissage, les raisons de la difformité de la fille, la volonté - inconsciente - d'avoir gardé la grand-mère à proximité toutes ces années). De la confiance à la foi aveugle, il n'y a qu'un pas, ce qui donne tout de même à réfléchir.

Je ne veux pas paraître trop dur. Ça se suit bien, Colette est excellente (ses expressions faciales incroyables, dans la droite lignée d'un Bruce Campbell période Evil Dead 2) et le film a pour lui deux scènes excellentes (la double réalisation traumatique de l'accident, la scène du repas), et la tension est permanente. Mais subsiste une sensation malheureuse de tout ça pour ça.
Pas mieux !
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Spongebob
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Re: Hérédité (Ari Aster - 2018)

Message par Spongebob »

Assez d'accord avec tout ça. Désolé Flol !
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