Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Watkinssien
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par Watkinssien »

hansolo a écrit : J'ai en revanche détesté la référence a un film de Kubrick: incompréhensible dans le cadre du film et assez indigeste.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Toujours la meilleure séquence du film pour ma part, de loin la plus vertigineuse et la plus couillue. Et je la trouve totalement compréhensible aussi bien dans le cadre du film que dans son apport méta-textuel. Ce moment vient tout simplement après un jeu de pistes logique, suivant une énigme dont la résolution fait partie de la connaissance purement cinéphile des joueurs. Comme il est indiqué, le créateur qui finit par détester sa création suffit pour se projeter dans The Shining, film qui aurait pu très probablement avoir marqué Halliday et qu'il s'amuse en tant que créateur tout-puissant à rendre hommage tout en exorcisant ses propres peurs pour aller au-delà de ces émotions primaires. Le côté ludique de l'univers est encore plus appuyé et atteint ainsi un caractère infini des possibilités du jeu, même dans ses dépassements des limites morales et éthiques d'une oeuvre pré-existante et/ou vénérée.
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The Eye Of Doom
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par The Eye Of Doom »

C'est un des véritables problèmes du film: il est base sur des références cinématographiques qui ne peuvent être celles des protagonistes. Si ce n'est, de deuxième main, dans le cas de l'étude des références de Halliday pour pouvoir trouver les œufs.
Mais le film n'est pas clair sur ce point : on occile entre ce qui nous est présenté comme les références dès protagonistes ( le géant de fer par exemple ou Saturday Night Fever) et ce qui relève des références propres de Halliday comme Shining. Ce dernier choix m'a paru aussi assez peu compréhensible: immerger les joueurs dans Gremlins ou Retour vers le futur auraient été plus fun et dans l'esprit du film.
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par Flol »

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Watkinssien
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par Watkinssien »

Il y a des choses (un tout petit) peu intéressantes, mais bon rien de réellement constructif. Surtout retenu le bonhomme de droite rire de manière insupportable.
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par Strum »

Pour comprendre le choix du film dans le film, il faut se référer au parcours de Spielberg lui-même et à sa propre connection avec Kubrick (sachant que le mouvement du film tel qu'impulsé par Spielberg/Halliday est un retour en arrière), choix qui fait aussi le lien avec la chambre d'enfant reconstituée à la fin qui fait elle aussi écho à Kubrick, via la fin d'A.I. où l'on trouve aussi un appartement reconstitué. Un choix très cohérent donc.
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par Flol »

Watkinssien a écrit :Il y a des choses (un tout petit) peu intéressantes, mais bon rien de réellement constructif. Surtout retenu le bonhomme de droite rire de manière insupportable.
Ils confirment surtout que le bouquin d'origine a l'air nul à chier.
Et le rire de Rich Evans (puisque c'est son nom) me fait personnellement mourir de rire.
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Watkinssien
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par Watkinssien »

Flol a écrit :
Watkinssien a écrit :Il y a des choses (un tout petit) peu intéressantes, mais bon rien de réellement constructif. Surtout retenu le bonhomme de droite rire de manière insupportable.
Ils confirment surtout que le bouquin d'origine a l'air nul à chier.
Ah oui, j'ai oublié de le mentionner, mais j'ai lu le bouquin avant de voir le film. C'est un livre assez médiocre, malgré le concept de départ.
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hansolo
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par hansolo »

Strum a écrit :Pour comprendre le choix du film dans le film, il faut se référer au parcours de Spielberg lui-même et à sa propre connection avec Kubrick (sachant que le mouvement du film tel qu'impulsé par Spielberg/Halliday est un retour en arrière), choix qui fait aussi le lien avec la chambre d'enfant reconstituée à la fin qui fait elle aussi écho à Kubrick, via la fin d'A.I. où l'on trouve aussi un appartement reconstitué. Un choix très cohérent donc.
Disons que j'ai apprécié moyennement qu'on "m'impose" un extrait de film d'horreur dans ce film, film que je ne connais pas. Mais j'imagine que ceux qui connaissent le film l'ont sans doute vécu différemment.
En revanche la chambre d'enfant reconstitué m'a beaucoup plu!
Watkinssien a écrit :Ah oui, j'ai oublié de le mentionner, mais j'ai lu le bouquin avant de voir le film. C'est un livre assez médiocre, malgré le concept de départ.
Dommage que Spielberg & ses scénaristes n'aient pas su améliorer la fin totalement imbuvable et invraisemblable ...
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par The Eye Of Doom »

Strum a écrit :Pour comprendre le choix du film dans le film, il faut se référer au parcours de Spielberg lui-même et à sa propre connection avec Kubrick (sachant que le mouvement du film tel qu'impulsé par Spielberg/Halliday est un retour en arrière), choix qui fait aussi le lien avec la chambre d'enfant reconstituée à la fin qui fait elle aussi écho à Kubrick, via la fin d'A.I. où l'on trouve aussi un appartement reconstitué. Un choix très cohérent donc.
Que ce passage est du sens pour Spielberg c'est une évidence. Mais cela ne veut pas dire que le choix Shining dans Ready Player one soit cohérent du film, de sa construction, de son thème ou du public visé.
Une évocation d'un film véritablement culte et grand public comme Gremlins ou Retour vers le futur aurait été plus dans le ton général.
Après c'est son film et j'ai dit plus haut ce que j'en pensé.
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harry
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par harry »

Watkinssien a écrit :
Flol a écrit : Ils confirment surtout que le bouquin d'origine a l'air nul à chier.
Ah oui, j'ai oublié de le mentionner, mais j'ai lu le bouquin avant de voir le film. C'est un livre assez médiocre, malgré le concept de départ.
Mediocre, c'est assez vache, c'est pas revolutionnaire ou quoi mais le concept est plaisant meme si ca n'invente ou ne reinvente rien. C'est un bouquin qui se lit vite mais qui reste trop a la surface de ce qu'il raconte. Quoique le passage infiltration en mode THX1138 chez IOI etait pas mal, peu etre au final un point plutot faible du film par rapport au bouquin.

Sur le passage "Shining" c'est 1/Spielberg qui se fait plaisir 2/ca parle peu etre un peu plus aux gens que Wargames 3/ca correspond aux changement dans la nature des epreuves pour obtenir les cles: jouer a des vieilles bornes d'arcades 80's oubliees de tout le monde ou peter des high scores c'est pas les trucs les plus cinegeniques du monde.
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Roy Neary
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par Roy Neary »

Du bon usage de la pop culture...
(Plein de spoilers inside)

J'allais voir le film l'esprit libre, en sachant en partie ce que j'allais voir et espérant déjà un spectacle vivifiant et sympathique. Et j'en ressors avec plus d'enthousiasme qu'attendu car Ready Player One n'est pas simplement un "film de plus" sur la frontière entre le monde réel et le monde virtuel. Je ne sais pas encore si c'est un grand film ou pas, je n'en suis même pas certain, mais ce qui est sûr - et c'est ce qui m'intéresse le plus - c'est la réappropriation total du matériel initial par Spielberg qui s'avère très intéressante et c'est ce qui rend ce film de plus en plus passionnant pour moi à mesure que le temps passe. Si j'ai pris vraiment du plaisir - au niveau des sens - devant le spectacle fourni qui est un ride excitant avec cet aspect ludique et roboratif fourni par les multiples références conviées (il faudrait plusieurs visions pour les rassembler toutes), c'est surtout l'aspect personnel de l'œuvre dont j'ai envie de parler ici. Je ne m'étendrai donc pas sur ses côtés funs ou encore les clichés inévitables (narratifs et visuels) de ce type de production qui font que Ready Player One ne trônera probablement pas au sommet des films de SF de Spielberg. Une chose m'est évidente : si le cinéaste a pu profiter des très longs mois de postproduction pour tourner un autre film, soit donc The Post, celui-ci se révèle certes un brillant exercice de style mais c'est plutôt dans Ready Player One que bat le cœur de l'œuvre spielbergienne (surtout de son évolution vers une forme de sagesse due à sa lente introspection).

Ready Player One poursuit ainsi les questionnements intimes de Spielberg sur son art et sur ses responsabilités de créateur démiurge qui a participé à forger notre pop culture depuis plus de 40 ans. Dans le domaine de la SF et du fantastique, du Hammond de Jurassic Park au Géant du BGG, en passant évidemment par le Pr Hobby de A.I., les projections du Spielberg concepteur se succèdent, pourvoyeur de merveilleux et de réconfort apporté par la puissance créatrice de l'imaginaire mais aussi conscient des dangers inhérents à la confiance aveugle qu'on peut leur accorder. Dans Ready Player One, on franchit une dimension supplémentaire ; profitant des thématiques mêmes du film (les avatars, l'emboitement des degrés de narration), la mise en abyme atteint un point d'orgue inédit et osé (à mon sens) quand Wade pose la question au James Halliday du "niveau final" sur sa véritable nature (puisqu'il n'est ni l'inventeur ni son avatar). Halliday ne répond pas mais il n'en a pas besoin. On a certes tous compris que Spielberg se cache derrière lui (mais aussi indirectement derrière le jeune Wade) mais on va au-delà du simple jeu avec un alter ego : ce qui m'apparaît fascinant et malin, conceptuellement et visuellement parlant, c'est que parallèlement à la découverte de l'easter egg de l'Oasis par Wade (et par les personnages du film) on assiste à la découverte de l'easter egg du film lui-même par ses spectateurs. Halliday est un easter egg, l'easter egg spielbergien, la voilà sa nature profonde. Spielberg épouse donc la forme même du film pour se livrer à nouveau ; comme le créateur d'un jeu vidéo interagit de façon plus intime avec le joueur via son message caché, le cinéaste fait de même au niveau de l'expression cinématographique. La question posée par Wade, c'est à nous d'y répondre car c'est à nous que s'adresse Halliday. Le cinéaste pouvait donc facilement se débarrasser de la quasi-totalité des références à son œuvre que contenait le roman, d'autant que le film aurait eu l'air d'une expérience narcissique et prétentieuse s'il les avait conservées, puisque que la forme même du film et les interrogations qu'elle véhicule in fine est directement spielbergienne.

Et que nous dit cet easter egg ? Quelle est sa "morale" (au sens de la fable, pas du sermon moralisateur) ? Ce n'est pas "mangez cinq fruits et légumes par jour", comme j'ai pu lire ici (sérieusement, Pomponazzo... :lol: ) La première réflexion que j'ai eue aussitôt le film terminé (ma compagne a eu la même), c'est : à 30 ans Spielberg (du moins une partie forte de sa personnalité) dans Rencontres du troisième type nous invite à fuir la réalité pour rejoindre les étoiles, à 70 ans dans Ready Player One il nous dit de nous méfier de la fuite éperdue dans l'imaginaire, de la perte de soi dans l'illusion - aussi belle, attrayante et ludique soit-elle. Il prône le retour aux sens (la nourriture, le contact sexuel), non pas fondamentalement en opposition mais comme ancrage à la réalité pour conserver son libre arbitre. Le film rejoint là la parabole futuriste critique du 1er niveau de narration, avec l'aliénation sociale générée par l'addiction aux mondes virtuels qu'exploite le trust dirigé par le businessman symptomatique d'un néocapitalisme excluant de plus en plus l'humain. Spielberg est conscient de la marche du monde avec l'avènement de l'intelligence artificielle, de sa manipulation potentielle par des grandes entreprises oligopolistiques qui peuvent à l'avenir transformer notre essence même. Que l'humanité se retrouve enfermée dans des mondes imaginaires et c'est le meilleur moyen pour ces dernières de leur permettre d'arriver à leurs fins.

Cette inquiétude sociétale est donc fondamentalement mise en parallèle avec le questionnement intime du créateur (de formes et de mondes) qu'est Spielberg qui mesure ses propres responsabilités dans le domaine de la pop culture. Spielberg n'émet pas de regret sur son œuvre, mais probablement sur l'héritage qu'il laisse car mal capté par ceux qui s'estiment ses héritiers. Plus généralement, c'est l'éternelle dualité du cinéaste qui continue à s'exprimer. La dualité des bienfaits de l'imaginaire face à ses illusions, la dualité de l'entertainer au sein du système hollywoodien face à l'artiste accompli au cinéma très personnel dont chaque plan de ses plus grands films porte sa marque, la dualité entre l'aboutissement d'une quête individuelle et la difficile conservation d'une entité familiale, la dualité entre la dynamique positive qu'il imprime au cheminement de ses personnages face à la profonde mélancolie qui transparaît souvent à la fin de leur aventure. Il n'y a pas de regrets, je pense, exprimés dans Ready Player One, mais toujours cette même lucidité sur le sens d'une œuvre tiraillée par ses contradictions, ainsi qu'une forme de mise en garde. La chambre de la séquence finale dans l'Oasis est aussi la sienne, comme les deux incarnations de Halliday (l'enfant et l'homme âgé) forment une projection à deux moments de sa vie, et le vieil homme imprime un mouvement important puisqu'il fait sortir l'enfant de la pièce car il s'agit de ne pas rester prisonnier de l'autre monde. Cette chambre fait aussi écho à celle du final de A.I., comme le rappelait justement Strum, espace spatio-temporel fermé sur lui-même dont le caractère d'éternité renseignait aussi sur la dérive tragique d'une odyssée qui s'achevait dans un angle mort.

C'est à ce niveau que l'utilisation de Shining s'avère logique et d'une grande cohérence. A ce sujet, Demi-Lune, et j'en suis désolé, mais ta réaction épidermique devant ce qui t'apparaît comme un sacrilège me semble d'une exagération folle qui en plus t'empêche de voir ce qui se joue vraiment là, et c'est dommage. Cela dit, je pense que si Spielberg n'avait pas noué des liens d'amitié et de respect avec Kubrick, il n'aurait pas investi son film de la sorte. Donc Shining. Dans l'œuvre d'un grand cinéaste, il y a toujours au moins un film qui parle de création artistique (à des degrés divers) et des ses répercussions, c'est le cas ici avec cet opus de Kubrick. L'un des niveaux de lecture les plus évidents de Shining, c'est l'obsession créatrice (avec ses contradictions, ses obstacles, ses échecs) qui confine à la folie au point que l'univers entier du film devienne contaminé par cette démence. C'est la destinée de Jack Torrance d'être happé par l'univers de l'Overlook et d'en finir prisonnier, comme Halliday se retrouve prisonnier de se recréation dans l'Oasis sur la photo détournée du film de Kubrick. L'insatisfaction, l'obsession maladive, l'exclusion des autres (qui peut aller jusqu'à leur destruction), le repli sur soi et sur son imaginaire qui modifie l'environnement autour de soi, c'est aussi ce dont parle Shining (qui utilise les bases dramatiques de King pour aller vers autre chose). Et c'est bien sûr ce dont parle Ready Player One à son niveau plus spectaculaire et moins viscéral.

Ready Player One est film imparfait à maints égards mais un film-cerveau comme je les aime et qui appelle bien des révisions.
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par Roilo Pintu »

Je reste bloqué à bloquer techniquement sur une scène, « comment l’ont-il fait – qu’est-ce que je regarde ?»

La scène : celle ou Nolan croit être revenu dans la réalité, mais est toujours coincé dans l’Oasis, parce que Parzival et sa bande l’on « hacké », et lui font croire qu’il est dans son bureau.
Wade et Toshiro tiennent en joue Nolan, si il ne fait ne fait aucun doute que Ben Mendelshon soit présent dans la scène pour incarner Nolan, de leurs côtés Wade et Toshiro ont le visage assez lisse des personnages numériques. Cette représentation a du sens dans l’explication de la scène et permet de mettre en connivence le spectateur sur la scène qu’il regarde, elle est d’ailleurs vite désamorcer par la sortie de la pièce de Wade qui va rejoindre Aech.
Mon interrogation porte sur Wade et Toshiro, le tournage de cette scène s’est-elle faite avec les deux acteurs, puis « maquillés » numériquement (le visage uniquement) pour leur corps IRL en tant qu’Avatar, ou bien les deux acteurs sont entièrement recréés (motion cap de A à Z) dans un environnement de synthèse (sauf Nolan), le plan où Wade quitte la pièce est d’ailleurs un plan séquence qui permet de révéler la supercherie. Quand le fond rejoint la forme.

C’est une des nombreuses scènes qui me trottent dans la tête depuis que je l’ai vu, elle participe bien à la facilité que souhaite donner Spielberg aux allers retour « Oasis – Real life » dans les deux sens.
Elle donne aussi le bon effet miroir avec la première confrontation « Parzival-Nolan », ou Parzival est un hologramme dans la vie réelle face à un Nolan / environnement réel. Ici la scène est inversée mais pas sur les deux personnages, Nolan lui reste réel tout le reste est recréé. Là aussi la scène a du sens, Nolan reste le personnage qui n’a pas cette facilité-là de mouvement dans les deux univers, d’ailleurs le méga fauteuil confortable est là pour l’appuyer, un fauteuil dont on ne bouge pas, par opposition aux tapis omni directionnel qui rendent tous les autres joueurs « actifs » (dans les deux mondes).

D’un point de vue purement technique, j’y vois là aussi un challenge que Spielberg pourrait relever, dans un film qui en compte beaucoup, celui-là tient de l’imperceptible, du moins évident, de l’inédit, du pari, une scène photo-réaliste quasiment parfaite (une scène qui ne souhaite pas forcément être démonstrative techniquement) qui permet de démontrer un tour de force, car la scène en serait un pour le coup.
J’ai sans doute envie d’y voir la malice d’un Spielberg qui n’a pas envie de révéler tous ses tours, mais sa filmographie comme celle de Cameron est parsemée de ses scènes qui sont des défis, des tournants techniques. Ready Player One est un film qui permet d’occuper ce terrain.
Hâte de voir le making-of et ses premières featurettes sur les FX.
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par hansolo »

Roy Neary a écrit :Dans Ready Player One, on franchit une dimension supplémentaire ; profitant des thématiques mêmes du film (les avatars, l'emboitement des degrés de narration), la mise en abyme atteint un point d'orgue inédit et osé (à mon sens) quand Wade pose la question au James Halliday du "niveau final" sur sa véritable nature (puisqu'il n'est ni l'inventeur ni son avatar). Halliday ne répond pas mais il n'en a pas besoin. On a certes tous compris que Spielberg se cache derrière lui (mais aussi indirectement derrière le jeune Wade) mais on va au-delà du simple jeu avec un alter ego : ce qui m'apparaît fascinant et malin, conceptuellement et visuellement parlant, c'est que parallèlement à la découverte de l'easter egg de l'Oasis par Wade (et par les personnages du film) on assiste à la découverte de l'easter egg du film lui-même par ses spectateurs.
J'avoue n'avoir absolument pas compris la "véritable nature" - pour reprendre ton expression - du Halliday qui se trouve dans la chambre d'enfant. Ok, il n'est ni l'inventeur, ni son avatar ... Mais ce qu'il est effectivement ne me semble absolument pas évident contrairement à toi!
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par Watkinssien »

Roy Neary a écrit :Du bon usage de la pop culture...
(Plein de spoilers inside)

J'allais voir le film l'esprit libre, en sachant en partie ce que j'allais voir et espérant déjà un spectacle vivifiant et sympathique. Et j'en ressors avec plus d'enthousiasme qu'attendu car Ready Player One n'est pas simplement un "film de plus" sur la frontière entre le monde réel et le monde virtuel. Je ne sais pas encore si c'est un grand film ou pas, je n'en suis même pas certain, mais ce qui est sûr - et c'est ce qui m'intéresse le plus - c'est la réappropriation total du matériel initial par Spielberg qui s'avère très intéressante et c'est ce qui rend ce film de plus en plus passionnant pour moi à mesure que le temps passe. Si j'ai pris vraiment du plaisir - au niveau des sens - devant le spectacle fourni qui est un ride excitant avec cet aspect ludique et roboratif fourni par les multiples références conviées (il faudrait plusieurs visions pour les rassembler toutes), c'est surtout l'aspect personnel de l'œuvre dont j'ai envie de parler ici. Je ne m'étendrai donc pas sur ses côtés funs ou encore les clichés inévitables (narratifs et visuels) de ce type de production qui font que Ready Player One ne trônera probablement pas au sommet des films de SF de Spielberg. Une chose m'est évidente : si le cinéaste a pu profiter des très longs mois de postproduction pour tourner un autre film, soit donc The Post, celui-ci se révèle certes un brillant exercice de style mais c'est plutôt dans Ready Player One que bat le cœur de l'œuvre spielbergienne (surtout de son évolution vers une forme de sagesse due à sa lente introspection).

Ready Player One poursuit ainsi les questionnements intimes de Spielberg sur son art et sur ses responsabilités de créateur démiurge qui a participé à forger notre pop culture depuis plus de 40 ans. Dans le domaine de la SF et du fantastique, du Hammond de Jurassic Park au Géant du BGG, en passant évidemment par le Pr Hobby de A.I., les projections du Spielberg concepteur se succèdent, pourvoyeur de merveilleux et de réconfort apporté par la puissance créatrice de l'imaginaire mais aussi conscient des dangers inhérents à la confiance aveugle qu'on peut leur accorder. Dans Ready Player One, on franchit une dimension supplémentaire ; profitant des thématiques mêmes du film (les avatars, l'emboitement des degrés de narration), la mise en abyme atteint un point d'orgue inédit et osé (à mon sens) quand Wade pose la question au James Halliday du "niveau final" sur sa véritable nature (puisqu'il n'est ni l'inventeur ni son avatar). Halliday ne répond pas mais il n'en a pas besoin. On a certes tous compris que Spielberg se cache derrière lui (mais aussi indirectement derrière le jeune Wade) mais on va au-delà du simple jeu avec un alter ego : ce qui m'apparaît fascinant et malin, conceptuellement et visuellement parlant, c'est que parallèlement à la découverte de l'easter egg de l'Oasis par Wade (et par les personnages du film) on assiste à la découverte de l'easter egg du film lui-même par ses spectateurs. Halliday est un easter egg, l'easter egg spielbergien, la voilà sa nature profonde. Spielberg épouse donc la forme même du film pour se livrer à nouveau ; comme le créateur d'un jeu vidéo interagit de façon plus intime avec le joueur via son message caché, le cinéaste fait de même au niveau de l'expression cinématographique. La question posée par Wade, c'est à nous d'y répondre car c'est à nous que s'adresse Halliday. Le cinéaste pouvait donc facilement se débarrasser de la quasi-totalité des références à son œuvre que contenait le roman, d'autant que le film aurait eu l'air d'une expérience narcissique et prétentieuse s'il les avait conservées, puisque que la forme même du film et les interrogations qu'elle véhicule in fine est directement spielbergienne.

Et que nous dit cet easter egg ? Quelle est sa "morale" (au sens de la fable, pas du sermon moralisateur) ? Ce n'est pas "mangez cinq fruits et légumes par jour", comme j'ai pu lire ici (sérieusement, Pomponazzo... :lol: ) La première réflexion que j'ai eue aussitôt le film terminé (ma compagne a eu la même), c'est : à 30 ans Spielberg (du moins une partie forte de sa personnalité) dans Rencontres du troisième type nous invite à fuir la réalité pour rejoindre les étoiles dans, à 70 ans dans Ready Player One il nous dit de nous méfier de la fuite éperdue dans l'imaginaire, de la perte de soi dans l'illusion - aussi belle, attrayante et ludique soit-elle. Il prône le retour aux sens (la nourriture, le contact sexuel), non pas fondamentalement en opposition mais comme ancrage à la réalité pour conserver son libre arbitre. Le film rejoint là la parabole futuriste critique du 1er niveau de narration, avec l'aliénation sociale générée par l'addiction aux mondes virtuels qu'exploite le trust dirigé par le businessman symptomatique d'un néocapitalisme excluant de plus en plus l'humain. Spielberg est conscient de la marche du monde avec l'avènement de l'intelligence artificielle, de sa manipulation potentielle par des grandes entreprises oligopolistiques qui peuvent à l'avenir transformer notre essence même. Que l'humanité se retrouve enfermée dans des mondes imaginaires et c'est le meilleur moyen pour ces dernières de leur permettre d'arriver à leurs fins.

Cette inquiétude sociétale est donc fondamentalement mise en parallèle avec le questionnement intime du créateur (de formes et de mondes) qu'est Spielberg qui mesure ses propres responsabilités dans le domaine de la pop culture. Spielberg n'émet pas de regret sur son œuvre, mais probablement sur l'héritage qu'il laisse car mal capté par ceux qui s'estiment ses héritiers. Plus généralement, c'est l'éternelle dualité du cinéaste qui continue à s'exprimer. La dualité des bienfaits de l'imaginaire face à ses illusions, la dualité de l'entertainer au sein du système hollywoodien face à l'artiste accompli au cinéma très personnel dont chaque plan de ses plus grands films porte sa marque, la dualité entre l'aboutissement d'une quête individuelle et la difficile conservation d'une entité familiale, la dualité entre la dynamique positive qu'il imprime au cheminement de ses personnages face à la profonde mélancolie qui transparaît souvent à la fin de leur aventure. Il n'y a pas de regrets, je pense, exprimés dans Ready Player One, mais toujours cette même lucidité sur le sens d'une œuvre tiraillée par ses contradictions, ainsi qu'une forme de mise en garde. La chambre de la séquence finale dans l'Oasis est aussi la sienne, comme les deux incarnations de Halliday (l'enfant et l'homme âgé) forment une projection à deux moments de sa vie, et le vieil homme imprime un mouvement important puisqu'il fait sortir l'enfant de la pièce car il s'agit de ne pas rester prisonnier de l'autre monde. Cette chambre fait aussi écho à celle du final de A.I., comme le rappelait justement Strum, espace spatio-temporel fermé sur lui-même dont le caractère d'éternité renseignait aussi sur la dérive tragique d'une odyssée qui s'achevait dans un angle mort.

C'est à ce niveau que l'utilisation de Shining s'avère logique et d'une grande cohérence. A ce sujet, Demi-Lune, et j'en suis désolé, mais ta réaction épidermique devant ce qui t'apparaît comme un sacrilège me semble d'une exagération folle qui en plus t'empêche de voir ce qui se joue vraiment là, et c'est dommage. Cela dit, je pense que si Spielberg n'avait pas noué des liens d'amitié et de respect avec Kubrick, il n'aurait pas investi son film de la sorte. Donc Shining. Dans l'œuvre d'un grand cinéaste, il y a toujours au moins un film qui parle de création artistique (à des degrés divers) et des ses répercussions, c'est le cas ici avec cet opus de Kubrick. L'un des niveaux de lecture les plus évidents de Shining, c'est l'obsession créatrice (avec ses contradictions, ses obstacles, ses échecs) qui confine à la folie au point que l'univers entier du film devienne contaminé par cette démence. C'est la destinée de Jack Torrance d'être happé par l'univers de l'Overlook et d'en finir prisonnier, comme Halliday se retrouve prisonnier de se recréation dans l'Oasis sur la photo détournée du film de Kubrick. L'insatisfaction, l'obsession maladive, l'exclusion des autres (qui peut aller jusqu'à leur destruction), le repli sur soi et sur son imaginaire qui modifie l'environnement autour de soi, c'est aussi ce dont parle Shining (qui utilise les bases dramatiques de King pour aller vers autre chose). Et c'est bien sûr ce dont parle Ready Player One à son niveau plus spectaculaire et moins viscéral.

Ready Player One est film imparfait à maints égards mais un film-cerveau comme je les aime et qui appelle bien des révisions.
Merci pour cette lecture spielbergienne par un spielbergien. J'ai revu le film, je n'arrête pas d'y trouver de nouvelles richesses et de nouvelles profondeurs.
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Re: Ready Player One (Steven Spielberg - 2018)

Message par Ouf Je Respire »

Roy Neary a écrit :Ready Player One est film imparfait à maints égards mais un film-cerveau comme je les aime et qui appelle bien des révisions.
Eh ben moi je pense que nous sommes face à un grand film. Je développerai à l'occasion.
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