Phantom Thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Flol
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Flol »

Phnom&Penh a écrit :Franchement, pour ma part, cette histoire d'amour plus qu'originale, avec deux caractères riches et secrets, dans le monde d'une maison de couture qui colle si bien à la mise en scène cinématographique, ça suffit entièrement à mon bonheur. D'autant que la mise en scène, justement, est somptueuse.
Et ces dialogues mon dieu, ces dialogues. Quel régal.
Et alors je crois que personne n'en a encore parlé, mais Lesley Manville dans le rôle de la soeur protectrice, elle en impose grave.
Quant à Jonny Greenwood, son boulot se densifie de film en film et sa musique est ici plus que jamais en adéquation parfaite avec la mise en scène de PTA. Ce mec m'épate (et tant pis pour sa gueule de serial-killer).
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Non franchement, quel régal ce film. Je crois que Demi-Lune cherche un petit peu trop à chercher du sens ou du second degré là où ce n'en est pas vraiment la peine. A aucun moment je ne me suis demandé comment Woodcock pouvait bien savoir qu'elle allait l'empoisonner avec son omelette. Ça m'a paru totalement implicite et sous-entendu qu'il avait vu clair dans son jeu depuis longtemps, et il préfère à ce moment là s'abandonner totalement à elle, lâcher prise. Peut-être pour la première fois de sa vie.
Et ça, c'est beau.
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Alexandre Angel
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Alexandre Angel »

Flol a écrit :Quant à Jonny Greenwood, son boulot se densifie de film en film et sa musique est ici plus que jamais en adéquation parfaite avec la mise en scène de PTA.
J'ai trouvé particulièrement réussie la partition glamour de la toute première séquence d'essayage. Je buvais du petit lait.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Flol
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Flol »

Alexandre Angel a écrit :
Flol a écrit :Quant à Jonny Greenwood, son boulot se densifie de film en film et sa musique est ici plus que jamais en adéquation parfaite avec la mise en scène de PTA.
J'ai trouvé particulièrement réussie la partition glamour de la toute première séquence d'essayage. Je buvais du petit lait.
Ohlala oui, ces accords cristallins, on se croirait presque chez Debussy (c'était déjà un peu le cas sur certains passages de Inherent Vice).
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Demi-Lune
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Message par Demi-Lune »

Phnom&Penh a écrit :Je peux me tromper, ma vision du film est simple, mais je pense qu'il n'y a pas de véritable second degré à rechercher dans ce film. Toute la richesse du film est dans sa mise en scène, très recherchée, très précise. Un second visionnage fera sans doute beaucoup mieux apprécier certains détails, de possibles références à des films (en le voyant, je n'ai pas du tout pensé à Rebecca mais cela me paraît évident maintenant)...

Après, ce n'est pas parce que l'histoire, déjà riche au premier degré, ne cherche pas à en dire plus que ce qui est montré, que le film serait finalement pauvre de sens.
Non non, bien sûr. Si le film me résiste et me chiffonne malgré sa ligne claire, c'est parce qu'il y a dans le même temps quelque chose de très cérébral dans son exécution qui le rend énigmatique, obscur.
C'est peut-être moi qui cherche de la complication pour pas grand-chose. Mais c'est un ressenti commun à tous les derniers PTA. L'impression de manquer quelque chose, de ne pas avoir la clé du truc alors que ce qu'on a sous les yeux n'est pas si ardu que ça.
Ça reste quand même un film très fuyant sur le plan émotionnel, parce que refermé sur la vision du monde de Woodcock. C'est un choix logique mais je continue de déplorer le manque de contrepoint, le manque de chair concernant Alma, qui empêche le film d'atteindre cette forme d'évidence dramatique qu'évoquait Alexandre Angel.

Ah et sinon, la BO est une splendeur elle aussi et mériterait largement de rafler l'Oscar.
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Phnom&Penh
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Phnom&Penh »

Demi-Lune a écrit :Non non, bien sûr. Si le film me résiste et me chiffonne malgré sa ligne claire, c'est parce qu'il y a dans le même temps quelque chose de très cérébral dans son exécution qui le rend énigmatique, obscur.
C'est peut-être moi qui cherche de la complication pour pas grand-chose. Mais c'est un ressenti commun à tous les derniers PTA. L'impression de manquer quelque chose, de ne pas avoir la clé du truc alors que ce qu'on a sous les yeux n'est pas si ardu que ça.
Je pense qu'il n'y a rien de plus mystérieux que cela dans ce qui est montré, mais qu'en revanche, le mystère vient de ce que les personnages sont très particuliers, ont été étudiés et construits avec beaucoup de soin et qu'au final, on n'en saura pas plus sur eux que ce qui est dit dans le film. Cela peut permettre de faire travailler l'imaginaire du spectateur, mais aussi créer une frustration.
M'intéressant depuis toujours au monde de la mode des années 50 aux 80, je me suis demandé où il avait été chercher son personnage de Woodcock. On a parlé de Balenciaga, mais hormis le fait que Balenciaga aimait utiliser des dentelles et tissus précieux dans certaines compositions, je ne vois pas bien de lien. Lui, dans des interview, cite des photos de Christian Dior. Et, effectivement, bien que physiquement et psychologiquement, les personnages n'aient à priori rien à voir, il y a quelque chose dans les photographies de la maison Dior qui fait penser à la maison Woodcock.
Mais ce personnage qui reste mystérieux est la création d'Anderson, et un couturier des années 50 qui lance des "Fuck you!" dès qu'il est énervé, je crois qu'il s'est surtout inspiré de lui-même :mrgreen:

Pour Alma, on n'en sait encore moins, c'est vrai. Cela dit, j'ai lu dans une critique qu'elle était une immigrée d'origine allemande. Je ne me souviens pas d'avoir entendu cela dans le film, mais ça montre au moins que si on ne ressent pas de frustration, on peut laisser travailler son imaginaire :uhuh:
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Alexandre Angel
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Alexandre Angel »

Par contre, j'ai été un peu largué pendant la séquence où la grosse dame en robe verte fait une conférence de presse. Il est question de visas juifs et là, j'ai pas trop compris.
On aperçoit un bellâtre à ses côtés et mon papa m'a dit que c'était peut-être une référence à Porfirio Rubirosa, séducteur professionnel dominicain qui avait épousé Danielle Darrieux en 42.
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Phnom&Penh »

La grosse en vert, c'est Barbara Rose. Si on est vers 1950/53, il y avait encore des juifs dans les camps de réfugiés qui ne voulaient pas rentrer dans leurs pays (souvent de l'est). Je ne me souviens plus du détail, mais comme elle est américaine, elle promet peut-être des visas pour les USA (parcours Le choix de Sophie).
Le bellâtre, c'est celui qu'elle épouse, non? Dans ce cas, ca ne peut pas être Rubirosa, c'était un séducteur de très belles femmes, pas un gigolo :mrgreen:
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Alexandre Angel »

Phnom&Penh a écrit :Si on est vers 1950/53, il y avait encore des juifs dans les camps de réfugiés qui ne voulaient pas rentrer dans leurs pays (souvent de l'est). Je ne me souviens plus du détail, mais comme elle est américaine, elle promet peut-être des visas pour les USA (parcours Le choix de Sophie).
Oui, on a d'un seul coup des informations un peu annexes au cœur du film, c'est bizarre.. (et merci pour cet éclairage)
Sinon, tu dis "Barbara Rose" comme si elle était célèbre. Tu peux m'en dire plus si c'est le cas? Ça ne me dit rien (il y a une critique d'art qui s'appelle Barbara Rose mais ça n'a rien à voir).
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Watkinssien »

Flol a écrit :[
Et alors je crois que personne n'en a encore parlé, mais Lesley Manville dans le rôle de la soeur protectrice, elle en impose grave.
Clairement. Elle en imposait également, dans un tout autre registre, dans le magnifique Another Year, où elle crevait l'écran. Là, c'est du béton armé.
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Phnom&Penh »

Alexandre Angel a écrit :Sinon, tu dis "Barbara Rose" comme si elle était célèbre. Tu peux m'en dire plus si c'est le cas? Ça ne me dit rien (il y a une critique d'art qui s'appelle Barbara Rose mais ça n'a rien à voir).
Ah non, je dis Barbara Rose juste parce que j'ai été vérifié sur imdb comment s'appelait la grosse en vert :)
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Alexandre Angel »

:mrgreen:
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Phnom&Penh »

:wink: Sinon, je me suis aussi demandé s'il n'y avait pas une source d'inspiration pour le très beau personnage de Cyril Woodcock. Certes, il y a du Mrs Danvers dans sa position, mais même si elle fait un peu peur, elle reste un personnage bienveillant.
Je pense que pour l'atmosphère de la maison, Anderson s'est plus inspiré de Dior que de Balenciaga. Christian Dior avait une sœur très chère et proche de lui, Catherine Dior. Elle n'a pas du tout dirigé sa maison mais elle partageait avec lui le goût des fragrances, est devenue une grande spécialiste des fleurs destinées à la production de parfum, et c'est à elle qu'il a dédié son premier parfum, Miss Dior.
Or cette délicate personne a été une grande résistante, elle travaillait chez son frère pendant l'occupation, il ignorait tout de ses activités, uniquement préoccupé de son art. Elle a été prise par la Gestapo en juin 44, torturée mais n'a jamais parlé. Elle a été deportée à Ravensbruck et en est revenue vivante. Après son retour, elle ne travaillait pas pour lui mais en était très proche et protectrice.
Bon, j'extrapole pas mal mais ne connaissant pas d'autre couturier de l'époque ayant eu une sœur très proche de lui, et Anderson s'étant sérieusement intéressé à Christian Dior je me dis qu'il y a peut-être un peu de Catherine Dior chez Cyril Woodcock.
Je reconnais aussi qu'en disant cela, je fais pire que la critique qui parlait d'Alma comme d'une immigrée allemande car il est vrai que l'actrice a un léger accent :wink:
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Watkinssien
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Watkinssien »

Phnom&Penh a écrit : Je reconnais aussi qu'en disant cela, je fais pire que la critique qui parlait d'Alma comme d'une immigrée allemande car il est vrai que l'actrice a un léger accent :wink:
Elle est Luxembourgeoise pour être plus exact.
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Phnom&Penh »

Watkinssien a écrit :Elle est Luxembourgeoise pour être plus exact.
Oui je sais, l'actrice, mais si je peux comprendre que la critique ait imaginée le personnage d'Alma comme une immigrée allemande, j'aurai bien rigolé si elle l'avait imaginée en immigrée luxembourgeoise :lol:
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Re: Phantom thread (Paul Thomas Anderson - 2017)

Message par Strum »

Un film dont le fil conducteur caché, le fil fantôme, est dans la droite ligne des récents films de Paul Thomas Anderson. Sous le couvert feutré du Londres de la haute société de 1950, sous l'ornement d'une histoire d'amour devenant emprise, Paul Thomas Anderson raconte à nouveau une lutte pour la domination entre deux êtres, comme il racontait une lutte entre un capitaliste et un homme d'église dans There will be blood, ou une lutte entre un gourou et son proche entourage dans The Master. Ici, Galatée se révolte contre Pygmalion et c'est elle qui finit d'une certaine manière par le façonner à sa guise. On admire la grande maitrise formelle à défaut d'aimer avec passion.
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