Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Demi-Lune
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Demi-Lune »

Phnom&Penh a écrit :La chute de ce salopard de Nixon devant un tel scandale?
Ben non, ça c'est en 1976 avec le Watergate, comme l'indique la fin du film.
Tutut, la démission de Nixon intervient en 1974, après deux ans de bras de fer avec la commission d'enquête du Sénat, et avant que la procédure d'impeachment lancée à son encontre n'ait eu le temps d'aboutir.
A noter quand même une très grosse facilité que s'est permis Spielberg. Dans son film, Robert Mc Namara est clairement présenté comme le Secrétaire à la Défense de Nixon.
La scène du début, montrant McNamara en exercice en tant que Secrétaire d’État à la Défense, se passe en 1966. Il était donc bien en poste, et sous la présidence de Johnson, pas Nixon (qui arrive au pouvoir en janvier 1969). Le film ne m'a pas semblé entretenir une ambivalence à ce sujet, puisque McNamara est clairement montré comme retiré des affaires politiques et se contentant de graviter dans les cercles de la haute bourgeoisie de Washington - sa préoccupation quant aux conséquences des révélations portent sur sa réputation et sur son bilan "progressiste" (malgré les mensonges forcés) au Pentagone, et pas sur une solidarité gouvernementale à laquelle il devrait être tenu vis-à-vis de l'administration Nixon. Ses avertissements donnés à Meryl Streep en sont la meilleure preuve.
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Phnom&Penh
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Phnom&Penh »

:lol: Avec le temps, je confonds toujours l'année du Watergate avec celle du film de Pakula :oops:
Pour McNamara, tu as raison. Il m'est apparu comme étant en poste puisqu'il revient régulièrement et je n'ai pas vu de date au début, j'ai cru qu'Allsberg prenait les papiers juste après son retour.
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Strum
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Strum »

Phnom&Penh a écrit :Parce qu'il faut à mon avis l'optimisme d'un Strum plus que celui de Spielberg pour ne pas voir que l'accession de Trump au pouvoir est aussi du à la médiocrité de la presse d'aujourd'hui (enfin, aujourd'hui, il faut plus parler des médias en général) qui a perdu le contact avec les populations et cultive plus que jamais l'entrisme, le suivisme et le goût pour l'entre-soi avec les élites politiques et économiques (celles qui sont fréquentables, bien sûr).
Non, ce sont les médias et dans leur sillage, les réseaux sociaux, aisément manipulables, qui ont permis l'accession de Trump au pouvoir, pas la presse écrite. Trump, c'est d'abord une star de la télé américaine, connu de toute l'Amérique pour The Apprentice. Pendant toute la campagne, le Washington Post (que je lis) et consorts ont essayé d'éteindre l'incendie, en disant pis que pendre de Trump, mais sans succès car les américains, les jeunes notamment, lisent beaucoup moins la presse et ne la croient plus guère pour une grosse minorité. Le désamour des américains avec leur presse est un vrai problème et il faut bien des films comme celui-ci pour essayer de le soigner. Cela ne signifie pas que la presse soit exempte de reproche et ne suive pas parfois les dérapages des réseaux sociaux pour des raisons de tirage, mais elle fait ce qu'elle peut. Et je suis beaucoup plus pessimiste que ce que tu crois (je ne sais d'où tu sors cette idée d'optimisme à vrai dire, rien aujourd'hui ne me rend optimiste). J'ajoute que pas une fois McNamara n'est présenté comme le secrétaire d'Etat à la Défense de Nixon dans le film, le distinguo 1965-1971 est extrêmement clair et McNamara qui n'aime pas Nixon dit bien à Graham qu'il est d'une autre espèce que les présidents qui l'ont précédé.
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Coxwell
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Coxwell »

Strum a écrit :
Coxwell a écrit :Et que dire sur ce message "la presse est le brouillon de l'histoire" phrase qui en dit long sur cet angélisme particulièrement surprenant - et dangereux- vis à vis de la virginité objective/objectivée de la presse tout autant que du rapport malsain, mais volontairement tu ici, de dépendance de survie qui anime quotidiennement presse et pouvoir. Il suffit de voir le discours final sur les "Founding fathers ayant une vision magnifiquement démocratique et respectueuse de l'exercice de la pluralité de la presse (sic)*" pour comprendre que ce qui se joue ici n'est pas beaucoup plus qu'une forme d'activisme moral plus ou moins gracieux au service de la défense de la presse dans un contexte d'attaques ad nauseam made by D. Trump.

*Quand on sait que George Washington était lui-même particulièrement fermé à toute remarque négative/critique vis à vis de l'exercice présidentiel qui incombe à son fonction, et que Mark Twain évoquait plus tard : "Quand je ne lis pas les journaux, je ne suis pas informé ; quand je les lis, je suis désinformé"... il y a effectivement de quoi avoir de sérieux doutes quant à l'équilibre et la transparence noble d'une mise en scène qui ne serait pas l'illustration/représentation d'un propos autre que moral et assez lourd.
A titre personnel, je n'ai pas une opinion très haute de la presse. Mais vu ce qui se passe aux Etats-Unis où nous avons un dictateur en puissance comme président avec 40% des américains qui croient Trump quand il parle de fake news selon les sondages, je pense que ce n'est pas le moment de couper les cheveux en quatre et de faire dans la demi-mesure pour défendre la presse américaine, qui reste une des meilleures au monde. A ce titre, le film est utile. Pour autant, je le maintiens, la citation assez célèbre du brouillon de l'histoire a beau être utilisée, le film ne fait pas preuve d'angélisme vis-à-vis de la presse (tout ce qui intéresse Bradlee ici, c'est son scoop...) et montre plus d'une fois les liens existant et ayant existé entre le pouvoir et Graham et Bradlee, ce à quoi je ne m'attendais pas. Il suffit de lire entre les lignes et de lire aussi ce que la mise en scène nous dit.
C'est exactement ce que je reproche à ce film. En raison d'un contexte donné, il tombe dans une forme de film militant un peu trop facile dont la mise en scène aussi réfléchie soit-elle, n'est clairement pas suffisante pour mettre réellement en contrepoids l'effet d'un script qui manque clairement de distanciation par rapport à son objet d'étude. La question de Bradlee fait un très faible contrepoids à toute la démonstration fluide et humainement touchante de ces preux chevaliers combattant l'empire du mal gouvernemental. Je trouve ça caricatural et justement très faiblement réflexif sur les ressorts qui entremêlent politique/medias/enjeux internationaux(de la guerre froide qui plus est).
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Alexandre Angel
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Alexandre Angel »

Strum a écrit :Et je suis beaucoup plus pessimiste que ce que tu crois.
..et quand bien même : être optimiste ne veut pas dire être niais. C'est aussi une forme de courage et de principe de réalité : nous sommes "condamnés" à l'optimisme, sinon, à quoi bon...
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Coxwell
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Coxwell »

Strum a écrit :
Phnom&Penh a écrit :Parce qu'il faut à mon avis l'optimisme d'un Strum plus que celui de Spielberg pour ne pas voir que l'accession de Trump au pouvoir est aussi du à la médiocrité de la presse d'aujourd'hui (enfin, aujourd'hui, il faut plus parler des médias en général) qui a perdu le contact avec les populations et cultive plus que jamais l'entrisme, le suivisme et le goût pour l'entre-soi avec les élites politiques et économiques (celles qui sont fréquentables, bien sûr).
Non, ce sont les médias et dans leur sillage, les réseaux sociaux, aisément manipulables, qui ont permis l'accession de Trump au pouvoir, pas la presse écrite. Trump, c'est d'abord une star de la télé américaine, connu de toute l'Amérique pour The Apprentice. Pendant toute la campagne, le Washington Post (que je lis) et consorts ont essayé d'éteindre l'incendie, en disant pis que pendre de Trump, mais sans succès car les américains, les jeunes notamment, lisent beaucoup moins la presse et ne la croient plus guère pour une grosse minorité. Le désamour des américains avec leur presse est un vrai problème et il faut bien des films comme celui-ci pour essayer de le soigner. Cela ne signifie pas que la presse soit exempte de reproche et ne suive pas parfois les dérapages des réseaux sociaux pour des raisons de tirage, mais elle fait ce qu'elle peut. Et je suis beaucoup plus pessimiste que ce que tu crois (je ne sais d'où tu sors cette idée d'optimisme à vrai dire, rien aujourd'hui ne me rend optimiste). J'ajoute que pas une fois McNamara n'est présenté comme le secrétaire d'Etat à la Défense de Nixon dans le film, le distinguo 1965-1971 est extrêmement clair et McNamara qui n'aime pas Nixon dit bien à Graham qu'il est d'une autre espèce que les présidents qui l'ont précédé.
C'est partiellement faux. L'aversion de Clinton par une grande majorité du public américain (même démocrate), qui plus est, nourri de la perception d'un bashing du midwest redneck perpétré par les journaux des megacities de la côte (Est) ont contribué à un sentiment de revanche des territoires périphériques contre les medias des grandes villes. Ce n'est pas qu'une question de réseau social, ou alors, ceux ci ont joué le relais d'une rancœur à l’encontre de toute une partie des medias mainstream qui jouaient l'opposition villes mondialisées/midwest déclassé. Retour de bâton.
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Strum »

Coxwell a écrit :C'est exactement ce que je reproche à ce film. En raison d'un contexte donné, il tombe dans une forme de film militant un peu trop facile dont la mise en scène aussi réfléchie soit-elle, n'est clairement pas suffisante pour mettre réellement en contrepoids l'effet d'un script qui manque clairement de distanciation par rapport à son objet d'étude. La question de Bradlee fait un très faible contrepoids à toute la démonstration fluide et humainement touchante de ces preux chevaliers combattant l'empire du mal gouvernemental. Je trouve ça caricatural et justement très faiblement réflexif sur les ressorts qui entremêlent politique/medias/enjeux internationaux(de la guerre froide qui plus est).
Je n'ai jamais vu le côté "preux chevaliers" que tu perçois - même si comme je l'ai écrit, il y a deux trois scènes un peu édifiantes par leur dialogue qui m'ont moins plus - et je pense que la mise en scène du film donne utilement à réfléchir.
Alexandre Angel a écrit :.et quand bien même : être optimiste ne veut pas dire être niais. C'est aussi une forme de courage et de principe de réalité : nous sommes "condamné" à l'optimisme, sinon, à quoi bon...
Tu as sans doute raison mais l'époque ne plaide guère en faveur de l'optimisme.
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Strum »

Coxwell a écrit :C'est partiellement faux. L'aversion de Clinton par une grande majorité du public américain (même démocrate), qui plus est, nourri de la perception d'un bashing du midwest redneck perpétré par les journaux des megacities de la côte (Est) ont contribué à un sentiment de revanche des territoires périphériques contre les medias des grandes villes. Ce n'est pas qu'une question de réseau social, ou alors, ceux ci ont joué le relais d'une rancœur à l’encontre de toute une partie des medias mainstream qui jouaient l'opposition villes mondialisées/midwest déclassé. Retour de bâton.
Il y a plusieurs causes (comme pour tout) à l'élection de Trump effectivement, et la très mauvaise campagne de Clinton qui est allée jusqu'à insulter les électeurs de Trump n'y est pas pour rien. Mais on s'éloigne de Pentagon Papers.
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Phnom&Penh »

@Strum Je rejoins l'avis de Coxwell. La principale raison de l'élection de Trump c'est que les élites démocrates ont choisi le pire candidat possible avec Hillary Clinton. Alors que les républicains avaient des candidats aussi épouvantables les uns que les autres, ils se sont fait dépasser par Trump qui n'aurait jamais dû être élu mais l'a été parce qu'il avait Hillary Clinton en face. Et ce choix désastreux de la part des democrates, il est le fruit d'une collusion entre les élites politiques, économiques et médiatiques dont la presse écrite de premier rang.
Attention, c'est mon avis et je ne prétend pas que ce soit celui de Spielberg. Mais le désastre est tel, et l'implication de la presse de haut niveau est bien là, que je doute que le film se veuille plus qu'un regard nostalgique.
Pour l'optimisme, je faisais plus allusion à l' indépendance de la presse qu'à l'état du monde. Autre exemple un peu lointain, je ne crois pas me souvenir que la presse américaine de premier plan ait été particulièrement virulente contre le gouvernement en 2003 avant l'invasion de l'Irak. Mais c'est vieux, je me trompe peut-être.
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Demi-Lune »

Phnom&Penh a écrit :Pour McNamara, tu as raison. Il m'est apparu comme étant en poste puisqu'il revient régulièrement et je n'ai pas vu de date au début, j'ai cru qu'Allsberg prenait les papiers juste après son retour.
A l'inverse, je trouve le déroulement du film pour le moins obscur, sinon simplificateur, s'agissant du passage à l'acte de Daniel Ellsberg. Le film conditionne son geste au fait d'être témoin (après avoir vu le bourbier vietnamien de près) des mensonges publics de McNamara à la presse, mais entre le moment où les documents sont photocopiés et celui où ils commencent à être exploités par le New York Times, il s'écoule plusieurs années. C'est en tout cas l'impression que donne l'enchaînement des scènes et des cartons indicatifs. Cet angle mort chronologique est commode pour des raisons de narration et d'efficacité, mais cantonne ce qui est pourtant historiquement le premier des lanceurs d'alerte à un rôle purement fonctionnel. Et on touche là à l'un des problèmes de fond, pour moi, de ce film : vanter le courage de la presse en tant que rempart démocratique face à la Présidence n'offre qu'un discours entendu avec des relents d'auto-congratulation corporatiste si l'on ne s'intéresse pas dans le même temps à ce qui conditionne l'investigation : la source. Le film fétichise la source papier (les Pentagon Papers) au détriment de l'aspect humain d'une telle décision de trahison... alors que sans cela, rien ne se joue ! Ça donne par conséquent à ce courage objectif du Washington Post un aspect unilatéral, assez bulldozer et aristocratique (toute cette caste consanguine de la haute bourgeoisie de Washington, qui fricote ensemble de réceptions mondaines en restaurants prestigieux) qui survole celui sans lequel il n'aurait pas été permis : les convictions d'un simple fonctionnaire de la Défense, 40 ans avant Snowden. Par choix assumé ou par étroitesse de regard, le prisme du film est très rétrécissant et c'est une lacune selon moi fatale dans un tel sujet. Les meilleurs films sur le journalisme d'investigation le sont justement parce qu'ils replacent constamment le tribut essentiel de la source sur un plan humain : ce sont toutes ces personnes (et pas que Gorge Profonde) que vont chercher Woodward et Bernstein dans Les hommes du Président, et qui hésitent à parler, mesurent leur peur et le risque, c'est la chute de Russell Crowe dans Révélations parce qu'il a parlé à Al Pacino. Dans Pentagon Papers, on reste dans un combat d'entre-soi de la haute, c'est dommage.
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Phnom&Penh »

Si on rentre dans le détail de l'histoire de Daniel Ellsberg, elle devient tout de suite beaucoup plus complexe et bizarre que ce qui est raconté dans le film, qui ressemble grosso-modo à ce que les gens ont en tête avant d'avoir vu le film: un analyste de la Rand, qui travaille avec d'autres experts pour McNamara et qui après sa rencontre avec le pacifiste Randy Kehler, décide de risquer la prison en divulguant à la presse son très long rapport qui prouve que les gouvernements successifs savaient que la guerre ne pouvait que mal se terminer et la continuait pourtant.

En réalité, McNamara a commandé ce rapport en 1967, il a été fini vers le milieu de 1968. Entre temps, il y a eu l'offensive du Têt en janvier 1968 et c'est principalement cet événement qui fait comprendre que la guerre ne pourra être gagnée. Bien sûr, le rapport dévoile plein d'autres secrets plus ou moins honteux sur les administrations Kennedy et Johnson. Mais en ce qui concerne la prévisible issue de la guerre c'est chronologiquement ce qui concerne la période Janvier-Mars 1968 qui indique cela.

McNamara démissionne en 1968 parce qu'il doute de l'issue de la guerre. Johnson décide en mars 1968 de ne pas se représenter. Les démocrates basculent du côté "la guerre doit s'arrêter". Nixon, lui, fait logiquement campagne pour la stabilité et "la victoire" parce que son électorat est de ce côté, et bien sûr, contre les pacifistes.
Une fois élu, les faits sont là, c'est mal barré au Vietnam. D'ailleurs, Ellsberg rencontrera plusieurs fois Kissinger entre 1968 et 1971.

Après avoir copié le rapport en 1969, Ellsberg ne le donne pas d'abord à la presse. Il en confie des pages à des sénateurs pour la paix (de mémoire, McGovern et d'autres). C'est seulement parce que cela ne donne rien, qu'il le donne au NY Times puis au Washington Post.

Quand j'insinue qu'Ellsberg a été manipulé par cette crapule de Nixon, je délire bien sûr un peu :mrgreen:
Ce qui est certain, c'est qu'Ellsberg a très vite été vu comme la source possible, qu'il avait déjà fait circuler des feuilles du rapport à des sénateurs. Bien sûr, le gouvernement a tremblé, tempêté, poursuivi les journeaux et Ellsberg. Mais, au bout des choses, cela a surtout permis à Nixon d'aller contre son électorat de 1968 et de lancer le désengagement au Vietnam. Et Nixon a été confortablement réélu en 1972 tandis que les troupes rentraient.

Pour moi, les Pentagon Papers, vu comme un scoop, c'est un peu le petit côté de la lorgnette, puisque c'est surtout un incident qui a permis de débuter un désengagement qui de toute façon aurait eu lieu. Aujourd'hui, et contrairement au Watergate, tout le monde avait plus ou moins oublié cette histoire, avant qu'on en reparle avec ce film.
En revanche, dans l'histoire du Washington Post (finalement plus que dans celle du NY Times alors que c'est lui qui a sorti l'affaire), c'est un événement capital et ça fait une belle histoire. Logiquement, si le film s'était centré sur Ellsberg, il aurait du être centré sur la relation Ellsberg / Sheehan. C'est peut-être le côté bancal du scénario, donner comme sujet du film la sortie d'un gros scoop, alors que le film commence avec le concurrent qui sort un gros scoop :)
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Strum »

Phnom&Penh a écrit :@Strum Je rejoins l'avis de Coxwell. La principale raison de l'élection de Trump c'est que les élites démocrates ont choisi le pire candidat possible avec Hillary Clinton. (...)
Pour l'optimisme, je faisais plus allusion à l' indépendance de la presse qu'à l'état du monde. Autre exemple un peu lointain, je ne crois pas me souvenir que la presse américaine de premier plan ait été particulièrement virulente contre le gouvernement en 2003 avant l'invasion de l'Irak. Mais c'est vieux, je me trompe peut-être.
Je pense également qu'Hillary Clinton était la pire candidate possible - mais les causes du désastre actuel sont multiples. Sinon, en 2003, la presse US s'est couverte de honte en soutenant l'invasion en Irak.
Demi-Lune a écrit :Et on touche là à l'un des problèmes de fond, pour moi, de ce film : vanter le courage de la presse en tant que rempart démocratique face à la Présidence n'offre qu'un discours entendu avec des relents d'auto-congratulation corporatiste si l'on ne s'intéresse pas dans le même temps à ce qui conditionne l'investigation : la source. Le film fétichise la source papier (les Pentagon Papers) au détriment de l'aspect humain d'une telle décision de trahison... alors que sans cela, rien ne se joue ! Ça donne par conséquent à ce courage objectif du Washington Post un aspect unilatéral, assez bulldozer et aristocratique (toute cette caste consanguine de la haute bourgeoisie de Washington, qui fricote ensemble de réceptions mondaines en restaurants prestigieux) qui survole celui sans lequel il n'aurait pas été permis : les convictions d'un simple fonctionnaire de la Défense, 40 ans avant Snowden. Par choix assumé ou par étroitesse de regard, le prisme du film est très rétrécissant et c'est une lacune selon moi fatale dans un tel sujet.
C'est vrai, c'est le prisme du film. J'ai moi aussi regretté que l'on n'en sache pas plus sur Ellsberg, même si c'est un choix. Ce n'est pas l'étroitesse d'un regard, c'est autre chose, car le film raconte d'abord l'émancipation de Katharine Graham en tant que femme. Spielberg simplifie la complexe histoire d'Ellsberg car il veut parler de Graham avant tout. Le sort d'Ellsberg, c'est l'angle mort du film, comme je l'écris sur mon blog. Constat ou reproche selon les points de vue. Cela étant, le fait que le fil narratif de Graham se déroule dans la haute bourgeoisie de Washington permet aussi à Spielberg de montrer les rapports étroits qu'elle entretient avec les cercles du pouvoir, rapports qui sont au centre de plusieurs conversations entre Graham et Bradlee, et font partie des interrogations soulevées en creux par le film. Tout l'enjeu du récit est de montrer comment Graham parvient à se défaire de l'inertie et des compromissions de son milieu pour devenir patronne de presse - c'est alors que son fil narratif rejoint le fil narratif de Bradlee.
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Demi-Lune »

Bon donc sinon, très rapidement, pas d'applaudissements particuliers de ma part pour ce Spielberg très sage et, dans le sillage des derniers travaux du Maître, malheureusement assez inconséquent - c'est terrible, mais le film s'efface déjà doucement de ma mémoire. :|
En faisant d'un choix moral le pivot de l'intrigue, l'approche du film devient authentiquement spielbergienne. Mais elle ne peut jamais s'échapper d'un programme à mon sens très convenu et schématique sur le monde de la presse, quand bien même le métier du cinéaste y apporte une indiscutable fluidité, à défaut d'une vision réellement aboutie et marquante. Opposition entre la direction et le chef de la rédac, pressions de l'extérieur, euphorie de la piste qui tient ses promesses, réunions sur la brèche, tous les clichés sont scrupuleusement respectés et souffrent de la comparaison avec les meilleurs films sur le journalisme, bien moins sujets au fétichisme. Le film de Spielberg subit en effet sa reconstitution artificielle qui fait du décorum 70's non un lieu de vie pour les personnages, mais un espèce de musée cinématographique où sont javellisés les souvenirs des Hommes du Président, ombre tutélaire trop forte. Les nuances sur l'éthique professionnelle (les relations privilégiées avec les anciens Présidents, l'appât du scoop) restent assez cosmétiques face aux convictions de journalistes dont le public connaît déjà l'issue et le bien-fondé du combat : en ce sens, le film apparaît, n'en déplaise à GTO, moins riche et subtil que Lincoln s'agissant des concessions morales faites au nom d'un idéal. En outre, les facteurs cornéliens que sont l'introduction du Post à la Bourse et l'actionnariat à contenter, des amitiés haut placées ou la menace de poursuites judiciaires suite aux divulgations, ne constituent pas des moteurs dramatiques suffisamment forts pour densifier une intrigue de chambre ronflante, dans son exécution comme dans ses intentions. D'un côté, le récit d'émancipation féminine, dans un univers de couilles, est intelligemment arrimé à l'enjeu historique par un Spielberg faisant au passage la nique à ses détracteurs ; mais il reste là encore très convenu et prévisible, car le choix moral que devra prendre Kay Graham n'est pas soutenu par un conflit intérieur fort, sans parler de l'implication (c'est le problème de se focaliser sur cette caste politico-médiatique de Washington). D'un autre côté, le propos sur Trump est tellement translucide qu'il est difficile de ne pas trouver in fine petits bras un film qui loue à tout bout de champ le courage de s'opposer face à la Présidence des États-Unis, mais ne le fait qu'en biais, en prenant un dossier des années 70, histoire de pas être trop transgressif. Je n'attends pas forcément un brûlot à la Oliver Stone, et beaucoup de films en forme de parabole parlent très bien de leur temps présent, mais celui-ci se veut investi d'une telle noble cause que sa facture très policée n'en signe que d'autant plus la futilité...
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par lowtek »

Y a quand même un gros problème de direction artistique dans ce film supposé se passer dans les années 70, mais dont les décors et costumes évoquent plus les années 50 (mis à part les quelques hippies disposés dans quelques coind de cadre). Et aussi Katharine Graham (qui avait 54 ans au moment des faits) n'était pas du tout cette petite chose fragile qui transpire du jeu (un peu pété quand même) de Meryl Streep. Mais cette caractérisation fait partie de l'entreprise de simplification de Spielberg, qui surgonfle tous les enjeux.
Je trouve aussi que de mettre des têtes connues dans tous les seconds et troisièmes rôles n'est pas forcément une bonne idée, tant on est en permanence en train de se demander dans quelle série on a vu cet acteur.

Bon et puis tous ces plans de rotatives: c'est lourd.
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Jeremy Fox
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Re: Pentagon Papers (Steven Spielberg - 2017)

Message par Jeremy Fox »

lowtek a écrit : Et aussi Katharine Graham (qui avait 54 ans au moment des faits) n'était pas du tout cette petite chose fragile qui transpire du jeu (un peu pété quand même) de Meryl Streep. Mais cette caractérisation fait partie de l'entreprise de simplification de Spielberg, qui surgonfle tous les enjeux.
Ca s'appelle le cinéma qui n'a pas forcement vocation ni à se subtiliser à un livre d'histoire ni à peindre un personnage réel en étant au plus juste.
Bon et puis tous ces plans de rotatives: c'est lourd.
C'est beau !
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