Paulo Rocha (1935 - 2012)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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bruce randylan
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Paulo Rocha (1935 - 2012)

Message par bruce randylan »

Hommage en ce moment à la Cinémathèque Française à l'un des grands noms du cinéma portugais (et dont j'ignorais l'existence il y a encore 3 mois :mrgreen: ).
Son intégrale sera ainsi diffusé.

http://www.cinematheque.fr/cycle/paulo-rocha-434.html

Pour l'ouverture de la rétrospective, ce fut son premier film Les vertes années(1963) qui lança logiquement les festivités puisqu'il est considéré comme l'un des titres initiateurs de la nouvelle vague locale.

Image

Fraîchement arrivé à Lisbonne, un apprenti cordonnier tombe amoureux d'une jeune domestique qui s'amuse de son caractère provincial.

Un premier film avec du caractère et pas mal de bonnes idées mais qui n'arrive pas toujours à passionner à cause d'un certaine froideur qui évite heureusement l'intellectualisme. Le problème provient des personnages qui n'arrivent pas vraiment à exister sur l'écran. Ils leur manquent de corps et d'un peu d'âmes. On sent les intentions mais ça manque d'assurance dans la direction il m'a semble, surtout pour le jeu de héros qui manque un peu d'unité dans son comportement. Ce sentiment provient aussi d'un narration qui n'a pas l'air de progresser avec un montage sans variation, un rythme linéaire et une musique, certes belle, mais bien trop répétitive qui finit par donner un sentiment de surplace. Et je ne suis pas sur que ça soit une manière d'appuyer la psychologie et l'évolution de ce couple. Ou alors, il aurait fallut être plus centré sur le seul personnage masculin, bien plus passif que sa compagne... Sans qu'on sache vraiment pourquoi d'ailleurs.
La réalisation alterne des moments assez plats avec d'autres séquences brillantes, tant dans leur contenu que dans leur exécution : la domestique essayant les costumes de sa patronnes (suivi d'un cours de danse), le gilet jeté dans une mare, la virée nocturne avec un anglais saoul, la copine rencontrant des amis lors d'une ballade dans un parc et le final avec les vitres brisées et le héros face aux voitures.
On sort alors d'une certaine lassitude pour un sentiment plus étouffant et mélancolique où la ville et les paysages sont assez bien filmés et participe aux états d'âmes des personnages.

Pour un premier film et une tentative d'apporter un sang neuf au cinéma portugais d'alors (qui m'est tout autant inconnu cela dit mais qui semblait bien moribond à priori), on devine une sensibilité, une culture cinématographique et un regard affirmé qui ne demande qu'à être affûté.

Un exemple d'une très belle scène


Je vais essayer de voir quelques autres titres du cinéastes mais je vais en rater pas mal à commencer par une co-production avec le Japon qui a l'air très alléchante (L'île des amours). Il avait l'air de bien connaître le pays et a d'ailleurs signé un documentaire d'une heure sur Shohei Imamura qu'on trouve dans les éditions Elephant.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
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Re: Paulo Rocha (1935 - 2012)

Message par bruce randylan »

Changer de vie (Mudar de vida - 1965)

Après des années d'exil en Afrique, un soldat revient dans on village natal où il découvre que la femme qu'il aimait a épousé son frère.

Deuxième long-métrage pour Rocha pour un incroyable gain en maturité.
Il se débarrasse de ses influences cinématographiques et bien qu'on pense à La terre tremble de Visconti, il n'en suivra pas la piste sociale/néo-réaliste. De même, la musique est exploitée avec plus de parcimonie, les acteurs mieux dirigés et son sens du cadre est plus harmonieux.
L'histoire est encore très mélancolique avec cette homme de retour trop tardivement pour renouer avec ses aspirations mais qui n'ose plus repartir et peine à trouver sa place dans ce village de pêcheur.
En revanche, l'émotion est plus contenue, c'est une douleur plus enfouie avec une approche plus distante et épurée qui sera heureusement contre-balancée par l'arrivée d'un nouveau personnage féminin très intéressant et plus à fleur de peau. L'occasion de retrouver sa comédienne des Vertes années, Isabel Ruth, qui a aussi gagné en présence et même un mélange de force et de grâce qui colle bien à son personnage, farouche indépendante qui ne se soucie pas de la morale.
Elle vient relancer l'histoire dans un dernier tiers, littéralement plus terrestre et moins marin. Comme si les 2 personnages parvenaient à se couper de leur passé, à s'échapper d'un filet communautaire.
La réalisation même s'éloigne de son approche documentaire (avec quelques plans magnifiques sur les bateaux de pêches et sur les plages) pour tendre vers un peu plus de lyrisme, toujours sobre.

Ca manque un poil d'émotion peut-être à mon goût. Pour autant, j'ai été pris par l'histoire même sans forcément m'identifier aux personnages. Paulo Rocha ne vise pas la facilité d'ailleurs dans son choix des comédien mais cherche une véracité avec des visages marquées, authentiques. Et on comprend pourquoi le film fut considéré comme l'un des portraits les plus justes du Portugal de l'époque.


Le fleuve d'or (O rio do ouro - 1997) est peut-être le film le plus connu de son auteur (pour ce que ça veut dire).
Il s'agit d'une co-production avec le Brésil et le moins qu'on puisse dire c'est qu'on reconnait le style littéraire sud-américain (qu'il me faudrait approfondir) avec son étrange fantaisie au premier degré, à la fois ancré dans un contexte bien défini et irréel, décalé mais pas forcément absurde.
Du coup, j'ai compris les grandes lignes mais pas nécessairement beaucoup plus c'est à dire une épouse jalouse de l'attention que son mari porte à sa nièce et qui semble se tourner vers la sorcellerie. Je me suis plutôt laisser porter par les images plutôt que de vouloir suivre à tout prix les dialogues (placées en plus bien trop bas par rapport à l'écran). De toute façon, c'est sans doute conçu pour être pris comme un songe éveillé avec sa très belle photo et sa réalisation composée majoritairement de plans-séquences à la grue qui savent bien chorégraphiés les déplacement des acteurs dans l'environnement et la nature, thème qui est peut-être le principal du film. C'est presque un exercice de style à ce niveau là, mais fait dans une volonté de grasse aérienne et suspendue. Rien d'étonnant à ce titre que la maison s'envole sans raison durant la scène finale.
De là à dire que j'ai aimé, je n'en sais trop rien mais le pouvoir de fascination est indéniable.
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bruce randylan
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Re: Paulo Rocha (1935 - 2012)

Message par bruce randylan »

M. Wenceslau de Moraes à Tokushima (1993)

Catalogue de la cinémathèque :
Paulo Rocha filme, en mêlant reportage sauvage et plans séquences élaborés, et sans avoir jamais tourné en vidéo, une journée et la représentation publique du soir d'une troupe de théâtre lisboète mettant en scène un collage de textes de Wenceslau de Moraes.
Bonne nouvelle pour les parents qui filment le spectacle de fin d'année de leur chérubin et qui utilisent un pied de caméra, vous pouvez vous targuer de faire des plans séquences élaborés.
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