Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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hansolo
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par hansolo »

tenia a écrit : Donc à l'heure actuel, oui, Black Panther étant une production à caractère exceptionnel, elle est traitée comme telle. Quelle surprise.
Avec au final une oeuvre qui a aussi peu d’intérêt artistiquement que les Marveleries moyennes ...
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tenia
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

hansolo a écrit :
tenia a écrit : Donc à l'heure actuel, oui, Black Panther étant une production à caractère exceptionnel, elle est traitée comme telle. Quelle surprise.
Avec au final une oeuvre qui a aussi peu d’intérêt artistiquement que les Marveleries moyennes ...
Je l'ai vu hier, et c'est même pire quand on le prend sous l'angle sociologique. C'est quand même le film où les blacks sont trop occupés à se buter les uns les autres qu'un blanc prend les rênes pour sauver leur pays africain (Christopher Lebron était pile poil dessus avec sa critique pour le Boston Review). Mais le tout avec des SFX absolument affreux (le combat final, mon dieu quelle horreur). Les femmes s'en sortent par contre immensément mieux.

Et d'un point de vue plus classique, y a un énorme problème de rythme (le film met 1h15 à démarrer) et d'équilibrage des personnages et des enjeux (le gentil obligé de tricher pour se défaire d'un ennemi légitime l'ayant battu à la loyale), sans compter les habituelles scènes d'action mises en scène avec les pieds (aaah que serait un film d'action sans sa scène de baston dans le noir totalement illisible).
Et j'oublie la BO supervisée par Kendrick Lamar, utilisée (rarement) en dépit de tout bon sens, et autrement noyée au milieu de la bouillie insipide habituelle chez Marvel.
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Farnaby
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Farnaby »

Duke Red a écrit : (Votez pour moi !)
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Message par A serious man »

pol gornek a écrit :Dès que l'on parle d'égalité ou de rapport plus équitable, le premier argument « contre » c'est l'uniformisation. Vous vous sentez si peu en sécurité pour craindre que cette équité ou du moins une répartition plus équitable, puisse rogner sur votre confort ? Votre Art « si parfait » perdrait à donner un peu plus la parole aux femmes ? A les montrer différemment ? A leur apporter les mêmes conditions de travail que leurs homologues masculins ? Vous n'avez pas l'impression qu'il gagnerait à donner le choix ? Vous ne pensez pas que la multiplication des points de vue serait bénéfique ? Non, vous semblez craindre que votre confort personnel s'en trouve bousculer, parce que, pour vous, si ce n'est pas cassé, il n'y a aucune raison de réparer...

Il y aura toujours des Kechiche pour faire des films bourrés de male gaze mais je ne serais pas contre d'avoir un peu plus de Jill Solloway.
Je ne pense pas que quiconque s'oppose a cela ici.
En revanche on peut discuter de la manière dont tout cela est parfois exprimé. Parce qu'à voir la manière dont peut être utilisée le test de Bechdel dans la vidéo a propos du Lee Chang Dong, ou encore la manière dont de nombreuses critiques auto-proclamé féministe propose une lecture désespérément aplatie des films souvent réduit a des tracts pour ou contre ou le moindre élément doit être analysé selon une grille moralisante qui reste totalement sourde aux aspects artistiques du film ou a la moindre nuance et je ne parle pas seulement de l’inénarrable Le cinéma est politique, mais également de blog et de publication plus sérieuse, comme le genre et l'écran animé par Genevieve Seillier ( universitaire co-auteur avec Noël Burch du très bon La drôle de guerre des sexes du cinéma français) qui contient de bons articles mais tombe aussi souvent dans ces travers, les diatribes d'un Noël Burch sont d'ailleurs fatigante a force de polémique franchement stérile, il n'y a pas pire fanatique que le nouveau converti Burch qui est passé d'un formalisme assez radical au gender studies et a la théorie féministe brule les idoles qu'il adoraient jadis et rejette toute approche purement esthétique, crache sa bile sur la critique française aussi bien la critique littéraire et journalistique façon nouvelle vague que la critique universitaire d'inspiration linguistique et esthétique. Ce n'est pas que je suis fan de ces approches mais cette manière de rejeter tout ce qui relève du "formalisme" comme l'expression immuable de la domination patriarcale est agaçante en plus d'être simpliste, et ça obscurcit a la réception de travaux par ailleurs intéressant et fécond (et surtout Burch range un peu tout et n'importe quoi sous cette bannière commode de formalisme et le confond de manière uniforme avec la variété singulière et particulièrement desséché qu'il a lui même pratiqué)
Quant au male gaze et au test de Bechdel, je pense qu'on peut être d'accord pour dire que le problème n'est pas le male gaze en lui même mais le fait qu'il soit dominant. Le problème c'est que souvent on assiste de fait à une forme de tentative de culpabilisation du male gaze, comme s'il faudrait avoir honte du fantasme, comme si tout fantasme masculin hétérosexuel était par essence une menace pesant sur les femmes a bannir des représentations artistiques. Ce n'est peut être pas le but mais souvent c'est comme ça que ça ressort et on peut comprendre que cela agace.
Surtout un tel usage du concept de male gaze manque de nuance, comme si on pouvait appliquer tel quel un concept que sa créatrice a conçut avant tout a partir d'une analyse du cinéma hollywoodien. Ce dernier est influent mais tous le cinéma mondial n'est pas conçut sur le modèle du cinéma hollywoodien et surtout ce concept de male gaze a été discuté, critiqué, nuancé, reformulé par d'autres théoriciennes et théoriciens féministes justement parce qu'il pouvait sembler trop monolithique y compris pour rendre compte du seul cinéma hollywoodien (comme le montre le travail de Tania Modleski sur Hitchcock)
Quant au test de Bechdel c'est au départ comme l'a dit Allison Bechdel un gag lesbien dans une revue féministe, certes ça se fonde sur un constat formulé d’abord par Virginia Woolf et c'est intéressant (ça le serait d'ailleurs toujours sans cette origine littéraire) mais c'est aussi un moyen d'investigation très limité, c'est amusant comme ça en passant, ça peut éventuellement révéler quelque chose appliqué a une très large quantité de film mais franchement ça n'est pas un outil d'analyse très poussé (ce n'est même pas vraiment un outil d'analyse) et ça ne remplace pas un vrai travail de sociologie et d'analyse filmique.
Surtout ça n'a aucun sens appliqué à un film individuel coupé de tout contexte. Pour revenir sur la vidéo sur le Lee Chang Dong, est-ce que nous éclaire sur le film? non pas du tout puisque c'est complétement hors sujet par rapport a ce que le film raconte. Est-ce qu'elle produit une analyse de la place des femmes dans le cinéma? donne une explication quand a leur absence dans le film? produit une critique constructive des oppressions systémiques a l'égard des femmes dans le cinéma coréens? non, non et non. Pourtant on nous ressort encore et toujours le test de Bechdel parce que c'est suffisamment simple et simplificateur pour faire l'objet d'une pastille de 3 à 5 minutes, parce que c'est ludique et parce que ça permet une opposition binaire entre bon film qui passe le test et promeuve l'égalité et mauvais film patriarcal et aveugle aux injustices contemporaines. C'est simpliste et caricatural, la critique féministe ne devrait pas être réduite à ça (et elle l'est trop souvent) et elle n'est pas toujours une grille de elcture pertinente et infaillible
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Duke Red »

(Merci, citoyen Farnaby 8) )
tenia a écrit :
Duke Red a écrit :Que les femmes puissent se heurter à un plafond de verre dans leur carrière, c'est un fait. Mais faut-il imposer qu'il y ait moit-moit hommes-femmes chez les chefs op, les chefs déco, les scénaristes etc. comment certains semblent le penser ? Visiblement, il semble inconcevable pour certains que des métiers attirent plus de femmes ou plus d'hommes. Non, c'est forcément la faute au méchant patriarcat. (Je réclame la parité absolue chez les scriptes)
Le problème, c'est qu'il y a un mélange là dedans de plein de choses.
Je ne pense pas que les quotas changeront grand chose parce qu'ils s'appliquent en aval le plus souvent alors qu'ils devraient être opérés en amont (formation, projets, etc), mais le fait qu'on s'y résout me laisse penser que c'est parce que rien ne changera si on laisse faire sans forcer (ta "main invisible").

Maintenant, le plafond de verre vient d'où à part les choix des hommes en position de choix et de pouvoir ? Les écarts de salaire, l'asymétrie des prises de congés pour les enfants (parentaux, maladie), les présupposés sur les compétences, etc etc ?
Mais toi, tu enquilles sur "des métiers attirent plus de femmes ou plus d'hommes". Quel est le rapport ? Comment pourrait-on expliquer ces écarts juste en disant que les femmes aient donc un attrait pour des métiers moins bien payés et/ou avec moins d'évolution ? "Pas de chance, elles préfèrent les trucs avec plafonds de verre" ?

C'est effectivement tout mélanger, parce que ça permet de brouiller les choses et se voiler la face. Donc oui, c'est bien pratique et permet de botter en touche.
Tenia, jusqu'à ce que tu me sortes ton article de Forbes sur les plus grandes fortunes du monde, mes interventions ne visaient que le secteur du cinéma. Alors effectivement, le plafond de verre dans la Silicon Valley, les entreprises du CAC 40 ou ton usine manufacturière, je vais dire que je m'en cogne ici, c'est pas le sujet de ce fil.

Donc Eurimages utilise le test de Bechdel, ce qui est selon toi la preuve de la crédibilité dudit test. Primo, depuis quand le fait qu'une instance politico-artistique utilise une méthode est la démonstration que cette méthode est bonne ? (Bonjour le raisonnement à l'envers... plus d'une fois on a vu des Etats utiliser des outils foireux pour justifier de leurs politiques). Secundo, tu le trouves toi-même limité ("Je pense qu'on fait aujourd'hui avec ça faute de mieux"). Comme l'article que tu mentionnes l'avoue benoîtement : "The Bechdel test isn’t measuring whether a film is a model of gender equality. It doesn’t certify that a movie is “good” when it comes to integrating women. And passing it doesn’t mean that female characters are well written, play crucial roles in the plot or display meaningful depth of character. But it’s the best test on gender equity in film we have — and, perhaps more important for our purposes, the only test we have data on."

En gros, on n'a pas mieux en boutique, désolé. Ouais ben non, alors, il sert à quoi votre truc ?
En fait, c'est quoi l'objectif ? Que 100% de la production cinématographique mondiale réussisse la version améliorée du Bechdel en 2157 ? Nul doute que les Suédois seront aux anges mais est-ce que ça rend les films meilleurs ?
Et peut-être verra-t-on éclore d'ici là des variantes du Bechdel sur les homos, les trans, les Blacks, les Beurs, les Asiates, les roux... Youpi, encore plus de statistiques, de bureaucratie à la con, de petits commissaires qui se délecteront à enculer les mouches, décortiquant le moindre photogramme pour vérifier que le film entre bien dans les clous.

S'agissant des métiers du cinéma, d'après l'article d'EWA que tu mentionnes :
Analysis of figures for 2012 shows a strong disparity, as the average representation of women in 5 major functions (production, directing, script, editing, photo) is only 23% and, more importantly, the success rate in terms of support granted for projects written and directed by women is inferior (37%) to that of men (50%).
On peut compléter ces infos par l'article suivant : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/art ... 55770.html

D'accord.
Mais du coup, on fait quoi ? Toi-même admets que les quotas ne changeraient probablement pas grand-chose.
Avant que tu n'édites ton message, tu disais : "Par exemple, combien de % de femmes en section réalisation en école de cinéma ?" Dans le cas des écoles privées, qui sont nettement majoritaires en France, qu'est-ce qu'on fait s'il y a 70% d'inscrits hommes pour 30% de femmes ? On ferme l'école ? On met un flingue sur la tempe d'autres nanas pour qu'elles s'y inscrivent ?

Tu peux te foutre de ma gueule lorsque je parlais des aspirations des individus, mais dans le cas du cinéma, comme des autres milieux artistiques, le dogme égalitariste se heurte à un double mur : il faut avoir la vocation et il faut avoir du talent. Bien sûr, l'histoire regorge de médiocres qui ont fait fortune (hommes comme femmes d'ailleurs), mais tant qu'à faire, essayons de viser haut. Or on ne peut pas demander à ces critères d'être répartis également entres les individus. On est dans le domaine du hasard, tout comme il y a des beaux, des moches, des forts et des faibles sur cette Terre. Il est illusoire de croire que notre race peut tendre vers un strict égalitarisme : la société humaine et ses innombrables métiers, caractères et envies individuelles ne s'ordonneront jamais comme par magie entre 50% de femmes et 50% d'hommes. Est-ce vraiment un but souhaitable d'ailleurs ?

S'agissant du cinéma, des femmes ont-elles vu leurs projets refusés par des producteurs car elles étaient femmes ? Je n'en doute pas. Cette attitude est-elle prédominante dans le milieu ? Bien malin serait celui qui pourrait citer des chiffres. Car il y a mille et une raisons légitimes pour refuser un scénario, et j'imagine que les producteurs n'iraient pas dire de but en blanc "Pas question, t'es une meuf". On pourra trouver des témoignages qui me contrediront, sans aucun doute, mais ça ne fait pas une statistique fiable. Face à un problème aussi flou, difficile de savoir comment agir. Notre Ministre de la culture, elle, n'y va pas par quatre chemins. Elle souhaite l'instauration d'un fonds spécifique pour les femmes (pas sûr que le Conseil constitutionnel valide ça), et des mesures visant une stricte parité : http://www.lemonde.fr/festival-de-canne ... 66360.html
Fin juin, des « Assises de l’égalité femmes-hommes dans le cinéma » seront organisées à Paris, afin d’aboutir à des « mesures concrètes » dans six domaines : la formation ; l’égalité salariale ; la prévention du harcèlement ; l’accès aux postes de direction ; la lutte contre les stéréotypes ; et la promotion de la parité par la régulation. L’objectif, ajoute la ministre, est de parvenir à une « Charte de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cinéma » signée par les professionnels. « L’adhésion à cette Charte et aux engagements qu’elle définira sera une condition d’attribution des aides du CNC. En parallèle, je souhaite qu’un système de “bonus” soit mis en place pour soutenir les films dont les équipes sont exemplaires en matière de parité. »
OK.
Mais alors cela signifie-t-il que les producteurs vont devoir se livrer à des comptes de boutiquiers pour boucler leurs équipes et leurs budgets ? "Le directeur de la photographie tient absolument à son assistant opérateur, qui est aussi un homme, donc ça veut dire que je dois renoncer soit à mon responsable de figu, soit à l'assistant monteur, oui mais la directrice de casting et la chef monteuse m'ont dit niet, et le réalisateur a toujours bossé avec elles, du coup si je restreins l'équipe régie, puis que je multiplie par l'âge du capitaine..."
Faire un film, c'est idéalement réunir une somme de talents à un instant T. Ces talents peuvent être des hommes ou des femmes. Quand je lis la déclaration de Françoise Nyssen, je me dis qu'elle doit avoir une idée étrange du processus de création cinématographique. Là c'est le 7ème art revisité par la fonction publique.

Tu dis que le changement doit se faire en amont. Mais concrètement, tu proposes quoi ? Comment influer sur le nombre de femmes qui décident de suivre une formation de direction de la photographie ou de réalisation ? Comment faire pour qu'il y ait plus de compositrices de musiques de film ? On touche là à mon sens aux limites de l'initiative publique, car il s'agit d'influer sur les aspirations des individus, de susciter l'envie de faire tel ou tel métier.

Pour moi, la problématique n'est pas : y a-t-il autant de réalisatrices que de réalisateurs ? C'est regarder la situation avec le petit bout de la lorgnette. Non la vraie question c'est, une fille lambda souhaitant devenir réalisatrice a-t-elle autant de probabilité de réussite au départ qu'un garçon lambda ? Je pense que non. Comment améliore-t-on la situation ? J'en sais trop rien ^^ Même si elle fait grincer des dents, je me demande si cette idée de fonds de soutien 100% girl power n'est pas la moins mauvaise. C'est de l'argent, donc du concret, et ça pourrait être un coup de pouce bénéfique sur le long terme. Mais cette parité raide comme une trique, niet...
tenia a écrit :
Duke Red a écrit :Alors qu'on devrait se foutre comme d'une guigne de la couleur de peau des personnages.
Sauf qu'on ne pourra s'en foutre qu'à partir du moment où ce sera suffisamment récurrent pour ne plus surprendre.
Si une part non négligeable des super héros n'était pas blanc caucasien, on ne poserait pas la question de la rareté d'un super héros black.
Si une part non négligeable des blacks au cinéma n'était pas uniquement des dealers ou des macs ou des métiers sous-qualifiés pour ceux qui ont de la chance de ne pas être galériens, on ne se poserait pas la question.
Si une part non négligeable des blockbusters à 300 millions était réalisée par des minorités ethniques, on ne se poserait pas la question.
Il n'y aurait pas en 2018 un livre "Noire n'est pas mon métier".

Donc à l'heure actuel, oui, Black Panther étant une production à caractère exceptionnel, elle est traitée comme telle. Quelle surprise.
Et les éléments explicatifs sont évidents et logiques.
Ce que je reproche à la presse, c'est non seulement d'en faire des caisses, mais de manquer considérablement de recul sur la qualité réelle du film. De par son statut de "premier méga blockbuster 100% noir", on a là un chef-d'oeuvre intouchable. La blackitude du truc excuse tout. Il faut aimer le film. C'est le La La Land de 2018. Comme pour faire pénitence après avoir relégué les Noirs à trop de stéréotypes dans le passé, Hollywood tombe dans l'excès inverse. C'est noir, donc génial. Aux USA, j'ai l'impression que les critiques étaient complètement hors-sol. C'était limite aussi important que l'élection de Barack Obama. Et on assiste à la même chose pour la cause des femmes. Sur ce point, la couverture du dernier Festival de Cannes par Le Monde frôlait la parodie. Je crois qu'il y a eu au moins 5 ou 6 articles sur la présidence "féministe" de Cate Blanchett et la prépondérance des femmes dans le jury, sans parler d'autres papiers du même tonneau comme celui que j'ai cité plus haut. Qu'on nous en parle, oui, qu'on nous gave avec, non. Le cinéma ne se réduit pas qu'à ça, surtout quand j'ai l'impression désagréable que ces articles servent avant tout de profession de foi progressiste des journalistes.
tenia a écrit :Je l'ai vu hier, et c'est même pire quand on le prend sous l'angle sociologique. C'est quand même le film où les blacks sont trop occupés à se buter les uns les autres qu'un blanc prend les rênes pour sauver leur pays africain (Christopher Lebron était pile poil dessus avec sa critique pour le Boston Review).
Ne me dis pas que tu parles de Martin Freeman pilotant le vaisseau durant la bataille finale :? Parce que là, bonjour la mauvaise foi... (Dieu nous préserve qu'un Blanc prête assistance à des Noirs.)
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Rockatansky »

Il parait qu'à la femis les élèves sont à peu près réparti 50/50
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par A serious man »

Duke Red a écrit : Ce que je reproche à la presse, c'est non seulement d'en faire des caisses, mais de manquer considérablement de recul sur la qualité réelle du film. De par son statut de "premier méga blockbuster 100% noir", on a là un chef-d'oeuvre intouchable. La blackitude du truc excuse tout. Il faut aimer le film. C'est le La La Land de 2018. Comme pour faire pénitence après avoir relégué les Noirs à trop de stéréotypes dans le passé, Hollywood tombe dans l'excès inverse. C'est noir, donc génial. Aux USA, j'ai l'impression que les critiques étaient complètement hors-sol. C'était limite aussi important que l'élection de Barack Obama. Et on assiste à la même chose pour la cause des femmes. Sur ce point, la couverture du dernier Festival de Cannes par Le Monde frôlait la parodie. Je crois qu'il y a eu au moins 5 ou 6 articles sur la présidence "féministe" de Cate Blanchett et la prépondérance des femmes dans le jury, sans parler d'autres papiers du même tonneau comme celui que j'ai cité plus haut. Qu'on nous en parle, oui, qu'on nous gave avec, non. Le cinéma ne se réduit pas qu'à ça, surtout quand j'ai l'impression désagréable que ces articles servent avant tout de profession de foi progressiste des journalistes.
Spot on!

sinon ce que tu dit sur Black Panther, c'est un peu comme certains critiques (souvent amateurs il est vrai) qui s'extasiaient devant le dernier Star Wars parce qu'il était teeeeelleeeeemeeent progressiste, féministe avec Ray, Holdo et Leïa, avec des personnages racisés positifs et une petite note vegan avec Chewbacca et les petits animaux mignons (qui ont l'air quand même faire de délicieux rôties) mais se poser de question sur la qualité d'écriture de ces personnages, la mise en scéne etc, bref sans se demander l'essentiel quand on va au cinéma: est-ce que le film est bon?
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par la_vie_en_blueray »

En angleterre, l'aide du CNC local est deja refusée si tu ne prouves pas que pendant et après le tournage (notion d'emploi créé), tu as satisfait les quotas multi-ethniques, multi-genres anglais.

Aux US, on y est deja, parce qu'il a été montré qu"en moyenne, les % des races au sortir des castings correspondaient aux % de repartition des races aux US.
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Billy Budd »

Rockatansky a écrit :Il parait qu'à la femis les élèves sont à peu près réparti 50/50
A l’ENM, c’est plutôt 70 % de femmes - 86 % des magistrats de moins de 35 ans sont des femmes.

Cela va bientôt être la même chose pour les avocats - il y a déjà plus de 50 % de femmes et plus de 70 % des élèves sont de sexe féminin.
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tenia
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Duke Red a écrit :Donc Eurimages utilise le test de Bechdel, ce qui est selon toi la preuve de la crédibilité dudit test.
Non.
Tu faisais remarquer que seuls les SJW devaient probablement s'intéresser à ce test. Eurimages me semble être un exemple prouvant le contraire.
Duke Red a écrit :Tu peux te foutre de ma gueule lorsque je parlais des aspirations des individus, mais dans le cas du cinéma, comme des autres milieux artistiques, le dogme égalitariste se heurte à un double mur : il faut avoir la vocation et il faut avoir du talent.
Je ne me fous pas de ta gueule, je te dis juste que ce que tu sous-entend, c'est que les disparités hommes-femmes constatées à l'échelle mondiale s'expliqueraient qu'elles n'ont globalement moins la vocation et le talent pour ces postes à plus hautes responsabilités et salaires, ou que parmi les innombrables métiers, caractères et envies individuelles, pas de chances, les hommes gagnent plus et dirigent plus que les femmes.
Soit une belle périphrase pour dire que le résultat actuel est en fait de leur faute.
J'expliquerai ça à mes collègues et à ma copine, si je reviens entier, je posterai les réponses. :mrgreen:
Duke Red a écrit :Ce que je reproche à la presse, c'est non seulement d'en faire des caisses, mais de manquer considérablement de recul sur la qualité réelle du film.
On est tout à fait d'accord là dessus.
Duke Red a écrit :C'était limite aussi important que l'élection de Barack Obama.
Une équipe quasi 100% black derrière un blockbuster à $300M et qui fait $700M de BO aux USA et $1343 en tout, c'est un événement, qu'on le veuille ou non. Je ne suis pas surpris qu'on vienne en faire des caisses.
C'était trop, et trop contextualisé, finalement trop éloigné du réel contenu du film.
Mais je ne suis pas surpris.

Et on assiste à la même chose pour la cause des femmes. Sur ce point, la couverture du dernier Festival de Cannes par Le Monde frôlait la parodie. Je crois qu'il y a eu au moins 5 ou 6 articles sur la présidence "féministe" de Cate Blanchett et la prépondérance des femmes dans le jury, sans parler d'autres papiers du même tonneau comme celui que j'ai cité plus haut. Qu'on nous en parle, oui, qu'on nous gave avec, non. Le cinéma ne se réduit pas qu'à ça, surtout quand j'ai l'impression désagréable que ces articles servent avant tout de profession de foi progressiste des journalistes.
Duke Red a écrit :Ne me dis pas que tu parles de Martin Freeman pilotant le vaisseau durant la bataille finale :? Parce que là, bonjour la mauvaise foi... (Dieu nous préserve qu'un Blanc prête assistance à des Noirs.)
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Supfiction »

Vu que ce topic est parti pour durer, il faudrait un titre plus équilibré, portant davantage à la discussion et sans ambiguïté sur le fait que l’on parle de cinéma.

Je propose un truc du genre : « Le cinéma face aux dérives du féminisme et à la suprématie du regard masculin ».

En outre, si on pouvait utiliser les termes bien français de « Regard masculin » ou phallocratie plutôt que l’exaspérant « male gaze »...
Dernière modification par Supfiction le 21 mai 18, 11:49, modifié 1 fois.
Duke Red
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Duke Red »

Le titre que tu proposes ne prend pas en compte les minorités ethniques et sexuelles.

Sale suprémaciste blanc hétéronormé !
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par pol gornek »

A serious man a écrit :Je ne pense pas que quiconque s'oppose a cela ici.
Tout le monde ne semble pas aussi raisonnable que toi sur la question, si j'en lis certains messages.
En revanche on peut discuter de la manière dont tout cela est parfois exprimé. Parce qu'à voir la manière dont peut être utilisée le test de Bechdel dans la vidéo a propos du Lee Chang Dong, ou encore la manière dont de nombreuses critiques auto-proclamé féministe propose une lecture désespérément aplatie des films souvent réduit a des tracts pour ou contre ou le moindre élément doit être analysé selon une grille moralisante qui reste totalement sourde aux aspects artistiques du film ou a la moindre nuance et je ne parle pas seulement de l’inénarrable Le cinéma est politique, mais également de blog et de publication plus sérieuse, comme le genre et l'écran animé par Genevieve Seillier ( universitaire co-auteur avec Noël Burch du très bon La drôle de guerre des sexes du cinéma français) qui contient de bons articles mais tombe aussi souvent dans ces travers, les diatribes d'un Noël Burch sont d'ailleurs fatigante a force de polémique franchement stérile, il n'y a pas pire fanatique que le nouveau converti Burch qui est passé d'un formalisme assez radical au gender studies et a la théorie féministe brule les idoles qu'il adoraient jadis et rejette toute approche purement esthétique, crache sa bile sur la critique française aussi bien la critique littéraire et journalistique façon nouvelle vague que la critique universitaire d'inspiration linguistique et esthétique. Ce n'est pas que je suis fan de ces approches mais cette manière de rejeter tout ce qui relève du "formalisme" comme l'expression immuable de la domination patriarcale est agaçante en plus d'être simpliste, et ça obscurcit a la réception de travaux par ailleurs intéressant et fécond (et surtout Burch range un peu tout et n'importe quoi sous cette bannière commode de formalisme et le confond de manière uniforme avec la variété singulière et particulièrement desséché qu'il a lui même pratiqué).

L'un des principaux « problèmes » du féminisme aujourd'hui réside dans son éclatement. Il n'y a pas une pensée féministe, mais de nombreuses orientations, comme des catégories ou spécialisations. Cela participe aux messages parfois confus que semblent exprimer certains ou certaines. L'autre « soucis » c'est que, malgré tout, cela reste un courant jeune qui, s'il se base sur des textes fondateurs (on parle de seconde ou troisième vague aujourd'hui), possède énormément de « jeunes converti(e)s » dont l'expression manque parfois de structure. Donc oui, parfois, on fait des erreurs d'appréciation, on manque de recul. A l'opposé du spectre, on se sert de ces erreurs ou ces différences d'appréciation pour discréditer tout le mouvement. Chose que l'on retrouve régulièrement sur ce forum.

Les « analyses anglées » ont souvent leur limite. L'unique prisme (qu'il soit féministe, politique, esthétique) rend toujours le résultat incomplet. Néanmoins, on peut également lire (et comprendre ou saisir) ce que tente de nous dire ces analyses, tout en prenant du recul. De se dire « oui, mais... » ou « non, mais... ». Cela a toujours existé dès lors que l'on s'est mis à analyser une œuvre. Est ce que l'on peut évacuer la dimension politique quand on s'attaque au Zombie de Romero ? La question raciale dans La Nuit des Mort Vivants ? Le film n'est pas que cela mais cela le constitue également. Est ce que Fincher peut se résumer uniquement sur l'esthétique et la technique de ses films ? Quand bien même un film ne peut se voir qu'à travers le prisme du féminisme, l'analyser avec cette grille de lecture permet aussi de révéler certaines choses... pourvu que l'on ne sur-analyse pas (et cela c'est valable, peu importe le sujet) : c'est l'œuvre qui doit porter l'analyser et non l'œuvre qui doit souligner l'analyse.

Alors on pourra toujours reprocher à Kéchiche de filmer les femmes selon son point de vu d'homme hétéro (après tout, on peut très bien être insensible ou agacer par cela - moi, j'aime bien les contre-plongés de Michael Bay, alors que beaucoup déteste, question de sensibilité), on pourra toujours exprimer son analyse - libre à chacun d'être d'accord ou non, de partager ou non, d'être capable d'être en contradiction (et pas seulement « non, mais tu dis n'importe quoi, blablabla... »)
Quant au male gaze et au test de Bechdel, je pense qu'on peut être d'accord pour dire que le problème n'est pas le male gaze en lui même mais le fait qu'il soit dominant. Le problème c'est que souvent on assiste de fait à une forme de tentative de culpabilisation du male gaze, comme s'il faudrait avoir honte du fantasme, comme si tout fantasme masculin hétérosexuel était par essence une menace pesant sur les femmes a bannir des représentations artistiques. Ce n'est peut être pas le but mais souvent c'est comme ça que ça ressort et on peut comprendre que cela agace.
Surtout un tel usage du concept de male gaze manque de nuance, comme si on pouvait appliquer tel quel un concept que sa créatrice a conçut avant tout a partir d'une analyse du cinéma hollywoodien. Ce dernier est influent mais tous le cinéma mondial n'est pas conçut sur le modèle du cinéma hollywoodien et surtout ce concept de male gaze a été discuté, critiqué, nuancé, reformulé par d'autres théoriciennes et théoriciens féministes justement parce qu'il pouvait sembler trop monolithique y compris pour rendre compte du seul cinéma hollywoodien (comme le montre le travail de Tania Modleski sur Hitchcock).
Je pense, honnêtement, qu'aujourd'hui, certaines formes d'objectivation des femmes n'est plus possible. Cela fait parti de l'évolution générale de notre société. Filmer des femmes comme des bouts de bidoches bonnes à exciter le mâle alpha en rut, ce n'est plus possible (oui, je prends le cas le plus extrême). Quand on parle de Male Gaze et de ses reproches, c'est plus facile pour ses détracteurs de sortir Hitchcock (ou Kéchiche comme je l'ai fait un peu plus haut) de son chapeau pour dire que « le male gaze, c'est bien » (je caricature volontairement). En revanche, n'en déplaise à Thierry Frémaux, le cinéma, c'est aussi une industrie avec des objets moins « artistiques » mais qui touchent beaucoup plus de gens. Jusqu'à présent, je n'ai vu personne me sortir Les Tuches 3 ou Gangesterdam pour exprimer leur point de vu. Et pourtant, de bien des façons, ces films, dans une forme ou dans une autre, participent à entretenir des stéréotypes, des modèles dominants... tout en touchant des millions de gens (peut-être pas pour Gangsterdam, je ne connais pas les chiffres). Et les études, dénonciation du male gaze, test de Bechdel,... permettent aussi d'éveiller les gens sur ces questions.
Quant au test de Bechdel c'est au départ comme l'a dit Allison Bechdel un gag lesbien dans une revue féministe, certes ça se fonde sur un constat formulé d’abord par Virginia Woolf et c'est intéressant (ça le serait d'ailleurs toujours sans cette origine littéraire) mais c'est aussi un moyen d'investigation très limité, c'est amusant comme ça en passant, ça peut éventuellement révéler quelque chose appliqué a une très large quantité de film mais franchement ça n'est pas un outil d'analyse très poussé (ce n'est même pas vraiment un outil d'analyse) et ça ne remplace pas un vrai travail de sociologie et d'analyse filmique.

Je trouve l'outil pertinent par sa capacité à révéler un caractère récurrent d'écriture. L'équivalent « d'un personnage maghrébins est soit un voyou, soit un terroriste », le genre de récurrence problématique quant aux facilités d'écriture qui s'expriment régulièrement dans la fiction. Maintenant, comme tu le dis, il reste un outil limité, et il ne faudrait pas lui donner plus de poids qu'il n'en a en réalité. Mais après, c'est comme pour tout, c'est moins la faute de l'outil que l'utilisation que les gens en font.
Pourtant on nous ressort encore et toujours le test de Bechdel parce que c'est suffisamment simple et simplificateur pour faire l'objet d'une pastille de 3 à 5 minutes, parce que c'est ludique et parce que ça permet une opposition binaire entre bon film qui passe le test et promeuve l'égalité et mauvais film patriarcal et aveugle aux injustices contemporaines. C'est simpliste et caricatural, la critique féministe ne devrait pas être réduite à ça (et elle l'est trop souvent) et elle n'est pas toujours une grille de elcture pertinente et infaillible
Là, c'est un problème qui touche le journalisme, où on applique un pansement sur une fracture : tous les moyens semblent bons pour faire du clic.
Le public qui grandit devant la télé affine son regard, acquiert une compétence critique, une capacité à lire des formes compliquées. Il anticipe mieux les stéréotypes et finit par les refuser car il ne jouit plus d'aucune surprise ni curiosité, les deux moteurs de l'écoute.Il faut donc lui proposer des programmes d'un niveau esthétique plus ambitieux. La série télé s'est ainsi hissée, avec ses formes propres, au niveau de la littérature et du cinéma.
(Vincent Colonna)
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Supfiction »

Duke Red a écrit :Le titre que tu proposes ne prend pas en compte les minorités ethniques et sexuelles.

Sale suprémaciste blanc hétéronormé !
:mrgreen:

Oui j’y est pensé. Faut il étendre ou non le topic aux revendications ethniques et homo-sexuelles ou non ?
Dans ce cas, il suffit de rajouter blanc hétérosexuel à la fin.
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par A serious man »

pol gornek a écrit :
A serious man a écrit :Je ne pense pas que quiconque s'oppose a cela ici.
Tout le monde ne semble pas aussi raisonnable que toi sur la question, si j'en lis certains messages.

je pense que c'est en grande partie du a l'effet forum, et au caractère polarisant de la question, personne ici je pense (j’espère) ne s'oppose a ce que l'on crée les condition pour permettre a plus de femme de devenir réalisatrice, le conflit j'ai l'impression tient surtout, a tort ou a raison, sur le choix des mots et le tons que certains peuvent ressentir comme agressif (des deux côtés du débat d'ailleurs, entre des militants qui défendent une cause et d'autres qui se défendent contre ce qu'ils perçoivent a tort ou a raison comme une attaque).
pol gornek a écrit :L'un des principaux « problèmes » du féminisme aujourd'hui réside dans son éclatement. Il n'y a pas une pensée féministe, mais de nombreuses orientations, comme des catégories ou spécialisations. Cela participe aux messages parfois confus que semblent exprimer certains ou certaines. L'autre « soucis » c'est que, malgré tout, cela reste un courant jeune qui, s'il se base sur des textes fondateurs (on parle de seconde ou troisième vague aujourd'hui), possède énormément de « jeunes converti(e)s » dont l'expression manque parfois de structure. Donc oui, parfois, on fait des erreurs d'appréciation, on manque de recul. A l'opposé du spectre, on se sert de ces erreurs ou ces différences d'appréciation pour discréditer tout le mouvement. Chose que l'on retrouve régulièrement sur ce forum.

Ça tiens aussi beaucoup au fait que ces jeunes sont souvent les plus actifs et les plus "agressivement militant" (la foi du jeune converti justement, qui parfois est passé d'un extrême a l'autre, j'ai un ami comme ça) et tendent a obscurcir des propositions plus structurée. En revanche tu as raison pour l'utilisation des différences à l'intérieur du mouvement féministe, elles sont souvent utilisé pour discrédité très rapidement et par pure paresse et mauvaise foi le mouvement féministe dans son entièreté.
pol gornek a écrit :Les « analyses anglées » ont souvent leur limite. L'unique prisme (qu'il soit féministe, politique, esthétique) rend toujours le résultat incomplet. Néanmoins, on peut également lire (et comprendre ou saisir) ce que tente de nous dire ces analyses, tout en prenant du recul. De se dire « oui, mais... » ou « non, mais... ». Cela a toujours existé dès lors que l'on s'est mis à analyser une œuvre. Est ce que l'on peut évacuer la dimension politique quand on s'attaque au Zombie de Romero ? La question raciale dans La Nuit des Mort Vivants ? Le film n'est pas que cela mais cela le constitue également. Est ce que Fincher peut se résumer uniquement sur l'esthétique et la technique de ses films ? Quand bien même un film ne peut se voir qu'à travers le prisme du féminisme, l'analyser avec cette grille de lecture permet aussi de révéler certaines choses... pourvu que l'on ne sur-analyse pas (et cela c'est valable, peu importe le sujet) : c'est l'œuvre qui doit porter l'analyser et non l'œuvre qui doit souligner l'analyse.

Alors on pourra toujours reprocher à Kéchiche de filmer les femmes selon son point de vu d'homme hétéro (après tout, on peut très bien être insensible ou agacer par cela - moi, j'aime bien les contre-plongés de Michael Bay, alors que beaucoup déteste, question de sensibilité), on pourra toujours exprimer son analyse - libre à chacun d'être d'accord ou non, de partager ou non, d'être capable d'être en contradiction (et pas seulement « non, mais tu dis n'importe quoi, blablabla... »)

Bien sur que le prisme féministe peut toujours apporter quelque chose d’intéressant, mais a condition de respecter la complexité de tout film et de ne pas le réduire la simple expression d'une idéologie en essentialisant (le travers le plus répandu) les personnages féminin et masculin pour les faire représenter tous les hommes, de ne pas chercher simplement ce qui peut confirmer nos suppositions (parce qu'on peut toujours trouver quelque chose même si c'est absurde) mais également ce qui peut les infirmer. Bref un peu de prudence scientifique et épistémologique ça ne serait pas mal (hors je le vois rarement, je parle évidemment de publication essentiellement militante et adressé a un public large). Après chacun à le droit n'exprimer que son strict ressenti, une simple opinion mais dans ce cas on évite de convoquer tous l'attirail des sciences humaines (vocabulaire de la sociologie surtout mais également de la théorie du cinéma) pour donner une sorte de caution pseudo-scientifique à ladite opinion pour pouvoir mieux ridiculiser la critique sans demander s'il a vraiment tort de dire que c'est n'importe quoi.

Concernant la charge politique des films bien sur qu'on ne peut pas l'évacuer des zombies de romero, mais justement on parle d'exemple ou la politique est explicite, ce n'est pas une surinterprétation, parce que les films sont relativement explicite dans leur traitement du consumérisme ou du racisme. De la même manière le "male gaze" de Kechiche ne peut pas être nier tellement il est assumé par le réalisateur dans sa manière de filmer les corps (cela dit on parle de male gaze hétéro, évidemment pour la vie d'Adéle il y a cette dimension du fantasme masculin dans les scéne d'amour lesbien, qui pour moi relève clairement de la pornographie à peine soft bref passons, mais comment sont filmé les corps masculins dans Mektoub, est-ce qu'il y a une différence de traitement entre homme et femme, est-ce que l'homme n'est pas lui aussi l'objet d'une forme de fetichisme? je n'ai pas vu le film ce sont de vrai question, mais elles doivent entré en jeu lorsque l'on parle de "male gaze")
En tout cas ce sont des films qui invite eux même a une lecture centré sur les questions politiques (Romero) ou sur celle du désir et de la sexualité (hétérosexuelle pour Mektoub) et donc des relation entre homme et femme. Mais ce n'est pas systématiquement évident pour tous les films et ça aussi il faut en tenir compte.
pol gornek a écrit :Je pense, honnêtement, qu'aujourd'hui, certaines formes d'objectivation des femmes n'est plus possible. Cela fait parti de l'évolution générale de notre société. Filmer des femmes comme des bouts de bidoches bonnes à exciter le mâle alpha en rut, ce n'est plus possible (oui, je prends le cas le plus extrême). Quand on parle de Male Gaze et de ses reproches, c'est plus facile pour ses détracteurs de sortir Hitchcock (ou Kéchiche comme je l'ai fait un peu plus haut) de son chapeau pour dire que « le male gaze, c'est bien » (je caricature volontairement). En revanche, n'en déplaise à Thierry Frémaux, le cinéma, c'est aussi une industrie avec des objets moins « artistiques » mais qui touchent beaucoup plus de gens. Jusqu'à présent, je n'ai vu personne me sortir Les Tuches 3 ou Gangesterdam pour exprimer leur point de vu. Et pourtant, de bien des façons, ces films, dans une forme ou dans une autre, participent à entretenir des stéréotypes, des modèles dominants... tout en touchant des millions de gens (peut-être pas pour Gangsterdam, je ne connais pas les chiffres).

Nous sommes bien d'accord et je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas de critiques féministes du cinéma, ni une critique de l'objectification des femmes au cinéma. Il faut simplement de la nuance, Hitchcock c'était un artiste et un auteur évidemment, mais c'était aussi quelqu'un qui était pleinement engagé dans l'industrie du cinéma qui faisait des films commerciaux et grand public (contrairement a Kechiche). Simplement Hitchcock montre qu'on ne peut pas avoir une définition rigide et une perception unanimement négative du "male gaze" (s'il s'agit même de "male gaze" justement il me semble que la discutions des films d'Hitchcock par Tania Modleski cherchait justement à dépasser ce concept pour proposer une approche moins monolithique). On peut tout autant te reprocher de prendre des exemples ou les stéréotypes sont évidents et grossiers. Je pense que tout le cinéma (dans ses aspects les plus "nobles" comme les plus "bas") peut être discuter sous l'angle du féminisme mais simplement je pense qu'on peut faire preuve de nuance, et surtout ne pas essayer d'écraser les autres approches sous prétextes qu'étant purement esthétique elles seraient détachés du monde et de ses misères (et donc futile) le cinéma est certes un divertissement de masse c'est aussi un art et s'il n'est pas au dessus de la critique il faut essayer de respecter sa complexité quand elle existe.
pol gornek a écrit :
Quant au test de Bechdel c'est au départ comme l'a dit Allison Bechdel un gag lesbien dans une revue féministe, certes ça se fonde sur un constat formulé d’abord par Virginia Woolf et c'est intéressant (ça le serait d'ailleurs toujours sans cette origine littéraire) mais c'est aussi un moyen d'investigation très limité, c'est amusant comme ça en passant, ça peut éventuellement révéler quelque chose appliqué a une très large quantité de film mais franchement ça n'est pas un outil d'analyse très poussé (ce n'est même pas vraiment un outil d'analyse) et ça ne remplace pas un vrai travail de sociologie et d'analyse filmique.

Je trouve l'outil pertinent par sa capacité à révéler un caractère récurrent d'écriture. L'équivalent « d'un personnage maghrébins est soit un voyou, soit un terroriste », le genre de récurrence problématique quant aux facilités d'écriture qui s'expriment régulièrement dans la fiction. Maintenant, comme tu le dis, il reste un outil limité, et il ne faudrait pas lui donner plus de poids qu'il n'en a en réalité. Mais après, c'est comme pour tout, c'est moins la faute de l'outil que l'utilisation que les gens en font.
Assez d'accord, c'est utile si on le met en série pour mettre au jour des tendances
"Il ne faut pas être timide avec la caméra. Il faut lui faire violence, la pousser jusque dans ses derniers retranchements, parce qu'elle est une vile mécanique. Ce qui compte, c'est la poésie."

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