Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Alexandre Angel
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Alexandre Angel »

Telmo a écrit :(eh ho la convergence des luttes les féministes de troisième génération !)
Si tu veux dire par là que pendant qu'on fait la guerre tout azimut à la moindre trace de sexisme, où quelle se trouve, on laisse de côté toutes les autres luttes politiques et sociales à mener, je suis d'accord.
Dernière modification par Alexandre Angel le 12 mars 18, 15:01, modifié 1 fois.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Thaddeus
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Thaddeus »

tenia a écrit :J'ai du mal à imaginer ce que serait le cinéma français aseptisé. :?:
Ce sera par exemple le Elle de Verhoeven qui ne passera pas l'étape préalable de validation par les différents comités, au motif qu'il ne correspond pas aux normes en vigueur et qu'il perpétue la culture du viol. Mais c'est une simple hypothèse, bien sûr.

Parce que le cinéma français ce n'est pas que les Chtis, Clavier et Dany Boon. C'est aussi, et entre autres, Desplechin (trop de clopes), Kechiche (trop male gaze) ou bien Audiard (trop réac').
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tenia
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Je tends à penser précisément qu'un Elle serait au contraire pointé comme un film qui ne perpétue pas le cliché de la femme victime-objet des hommes et capable au contraire de prendre sa vie en main et s'en émanciper, même dans ces circonstances.
Le contraire d'un Red Sparrow qui serait probablement ré-écrit de A à Z.

Mais peut-être suis-je à nouveau naïf et que ce serait effectivement en fait le contraire.
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Flol
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Flol »

tenia a écrit :Je tends à penser précisément qu'un Elle serait au contraire pointé comme un film qui ne perpétue pas le cliché de la femme victime-objet des hommes et capable au contraire de prendre sa vie en main et s'en émanciper, même dans ces circonstances.
Tu étais sur les internets un peu, en mai 2016 ?
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tenia
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Je pré-suppose qu'entre la vindicte générale de la foule sur le net et ce que conseilleraient des "experts" en pré-lecture, il peut y avoir une différence non-négligeable.
Notamment parce que je suppose que, par définition, le grand public n'est pas expert et donc se viande lamentablement assez régulièrement (soit sur le fond, soit sur la forme).

Donc oui, je pense que pas mal de féministes auraient pu voir dans Elle un film profondément anti-victimisation, voire avant-gardiste sur le sujet (comme a su régulièrement l'être Verhoeven dans sa carrière - je n'ai pas lu le bouquin cependant donc ne peut dire combien du film en provient -), en offrant un rôle de femme refusant d'être impacté par la violence provenant des hommes et d'être réduite psychologiquement à son expérience de victime.
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par AtCloseRange »

tenia a écrit :Je pré-suppose qu'entre la vindicte générale de la foule sur le net et ce que conseilleraient des "experts" en pré-lecture, il peut y avoir une différence non-négligeable.
Notamment parce que je suppose que, par définition, le grand public n'est pas expert et donc se viande lamentablement assez régulièrement (soit sur le fond, soit sur la forme).

Donc oui, je pense que pas mal de féministes auraient pu voir dans Elle un film profondément anti-victimisation, voire avant-gardiste sur le sujet (comme a su régulièrement l'être Verhoeven dans sa carrière - je n'ai pas lu le bouquin cependant donc ne peut dire combien du film en provient -), en offrant un rôle de femme refusant d'être impacté par la violence provenant des hommes et d'être réduite psychologiquement à son expérience de victime.
heureusement, tout va bien, ce sont des féministes ouvertes et compréhensives qui se chargeraient de ces relectures.
Je suis tout à fait rassuré.
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Rockatansky »

Perso pour suivre qqs discussions en amont sur des projets tout ce qu'il y a plus de basique, quand je vois les précautions d'usage prises, je me dis que si ça devient la norme on est mal barrés.
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Supfiction »

Je ne défends pas Qu’est ce qu’on a fait au bon Dieu mais c’est le contraire d’un film raciste.
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tenia
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Supfiction a écrit :Je ne défends pas Qu’est ce qu’on a fait au bon Dieu mais c’est le contraire d’un film raciste.
Voilà une analyse qui se rapproche assez grandement de ma sensation vis-à-vis du film, que je trouve finalement exactement dans la même verve que Bienvenue chez les Ch'tis : on nous explique tout du long qu'on rit des clichés et des préjugés, mais en fait, on rit avec eux, on rit des accents foireux, des alcoolos, des irresponsables, etc.

EDIT : Thoret abondait aussi dans l'analyse qui est que finalement, le film accumule les clichés comme pour les banaliser mais sans jamais les désamorcer : "C’est pas un film qui nous raconte comment on doit s’attaquer au problème du racisme avec intelligence en démontrant sa bêtise, ou en étudiant ses causes économiques, sociales... C’est un film qui dit que tout le monde est un peu raciste. Il y a une phrase extraordinaire dans ce film : un des personnages dit “on va pas s’engueuler car on est tous un peu racistes”. Tout va bien alors, toi, tu me lances une blague sur l’Arabe, l’autre va répondre avec une blague sur les Chinois et à la fin dans ce grand moment décomplexé, immonde, tout le monde s’en sort. Car finalement, la meilleur façon d’accepter son propre racisme, c’est de montrer que l’autre en face est raciste. En cela, le film fait du racisme un socle d’identification commune, là où la communauté républicaine devrait se faire sur l’acceptation de l’Autre, le partage de valeurs communes. Donc le racisme, c’est pas quelque chose qu’on va combattre mais qu’on doit apprendre aux douze millions de gens qui sont allés le voir en salles, c’est que : 1) c’est vraiment répandu, car même les Arabes et les Chinois sont racistes ; 2) si tout le monde l’est, au fond c’est pas si grave. Et la mise en commun des racismes des uns et des autres ça fait la communauté, c’est ce que raconte “Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?”

En fait, c'est un film qui t'explique que le racisme peut être sympa, au fond. Et si en plus, l'Afrique noire absout la France blanche, ouf, on est sauvé.
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Telmo »

Alexandre Angel a écrit :
Telmo a écrit :(eh ho la convergence des luttes les féministes de troisième génération !)
Si tu veux dire par là que pendant qu'on fait la guerre tout azimut à la moindre trace de sexisme, où quelle se trouve, on laisse de côté toutes les autres luttes politiques et sociales à mener, je suis d'accord.
C'est exactement ça. Ce n'est même pas la première fois que les féministes servent d'idiots utiles pour le Capital cf. "Torches of Freedom (flambeaux de la Liberté) où la féministe Ruth Hale servit la cause de l'industrie du tabac pour faire consommer les cigarettes aux femmes, promues symboles d'émancipation féminine.
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Message par tenia »

Le droit de conduire pour les femmes, du coup, ça sert l'industrie automobile ?
L'indépendance financière les banques ?
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Message par Jack Griffin »

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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Telmo »

tenia a écrit :Le droit de conduire pour les femmes, du coup, ça sert l'industrie automobile ?
L'indépendance financière les banques ?
Conspirationnisme, à la Soral, mais version de gauche post-moderne.
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Duke Red »

Karras a écrit :
Karras a écrit :Sur la page Facebook d'une des instigatrices on peut même lire ceci :
Je me quote puisque je viens de découvrir que ce système existe déjà aux US, "Les sensitivity readers" :
https://www.franceculture.fr/emissions/ ... ecits-sans
https://www.nytimes.com/2017/12/24/book ... rship.html
bientôt l'équivalent pour le cinéma ?
Flippant. Et on s'étonne que Donald Trump ait été élu. La gauche politically correct dans toute sa connerie. Au nom de quelle expertise ces "sensitivity readers" viennent-ils mettre leur nez dans le travail des autres ? On ne parle pas d'historiens ou de linguistes, juste de gus qui se déclarent bien placés pour donner leur avis parce qu'ils font partie d'une catégorie ethnique, sexuelle, etc spécifique. (Genre si t'es gay, t'as forcément une connaissance innée et illimitée de comment un homo se comporte, c'est bien connu) Le procédé est vraiment dangereux, car ce n'est pas la compétence du consultant qui parle, mais sa propre sensibilité (sensiblerie ?).

J'adore l'anecdote dans l'article du NY Times à propos du roman American Heart, qui parle d'islamophobie. Le site Kirkus met en ligne une critique élogieuse, des lecteurs viennent chouiner car ils trouvent que le livre donne une vision stéréotypée des musulmans et exige que Kirkus retire son avis. Or il s'avérait que la bonne critique avait été faite par... une musulmane. Ce qui n'empêche pas le site de la remplacer par un autre avis, plus tiède (comme de par hasard).

Mais tout va bien, nous dit Tenia, c'est pour la bonne cause :|

Faites de beaux rêves...
"On est juste une bande de glands qui n'a rien trouvé de mieux à faire de sa vie." (Colqhoun)
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Telmo a écrit :
tenia a écrit :Le droit de conduire pour les femmes, du coup, ça sert l'industrie automobile ?
L'indépendance financière les banques ?
Conspirationnisme, à la Soral, mais version de gauche post-moderne.
Note que j'imagine sans aucun doute que tous ces fournisseurs de services sont très contents de toucher une clientèle supplémentaire, hein.
Mais c'est vrai que c'est un angle d'attaque, hum, pas forcément intuitif. :mrgreen:
Duke Red a écrit :Mais tout va bien, nous dit Tenia, c'est pour la bonne cause :|
Je me dis que les principaux intéressés peuvent y gagner à avoir des gens qui repassent derrière eux.

Maintenant, j'imagine sans aucun doute que l'équilibre est plus que précaire et que si on parle de subjectivité et non de compétence objective, c'est la porte ouverte à tout. Mais à vu de nez, il y a aussi énormément d'ouvrages (et de films) qui pensent toucher de façon juste certaines cultures, certains contextes et qui, faute de s'être renseignés correctement, se vautrent dans un fatras médiocre de clichés en tout genre.
De fait, vaut-il mieux écrire seul de la merde blindée de préjugés culturellement sourds ou avoir des gens pour repasser derrière nous pour éviter ce carnage et potentiellement permettre quelque chose de plus juste ? (question ouverte, pour le coup).

A nouveau, je conçois les dérives assez évidentes de la chose, notamment par excès de subjectivité. Mais je ne vois, spontanément, pas que ça.

Cela étant dit, on est d'accord sur le fait qu'opposer au populisme à la Trump une opposition dans ce style est tout sauf une bonne idée. C'est le match des contraires, sans grande nuance.
Duke Red a écrit :Le site Kirkus met en ligne une critique élogieuse, des lecteurs viennent chouiner car ils trouvent que le livre donne une vision stéréotypée des musulmans et exige que Kirkus retire son avis. Or il s'avérait que la bonne critique avait été faite par... une musulmane. Ce qui n'empêche pas le site de la remplacer par un autre avis, plus tiède (comme de par hasard).
Ça mélange 2 choses dont je parlais plus haut : le fait que le grand public restera toujours potentiellement ignorant par définition (et arrivera toujours à se grouper pour dénoncer que pour louanger) et le choix éditorial de la facilité.
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