Oui, donc tu n'as pas compris.
Dès lors que je parle d'une partie du public qui "voit le film de façon manichéenne", ça devient à chaque fois "m'sieur, 'y a Major Tom qui dit que le spectateur est trop con". NON. Et pour moi, c'est le contraire, dès lors qu'on amène des théories simplistes, du genre male gaze, Deckard proxy du spectateur, qu'on se contente de la surface des choses, c'est là qu'on prend le public pour des cons. C'est à balayer d'un revers de main au même titre que les théories d'extrême droite dans
Starship Troopers (c'est bon peut-être pour faire du clic sur Harrison Ford, mais ce n'est pas valable sur un forum de cinéma). À l'image de cette fameuse licorne au mystère longtemps gardé,
Blade Runner est un film qui se décortique, qui amène la réflexion. Je ne traite pas pour autant le public de cons, et quand je parle du public large, je parle de celui qui ne se dirigerait pas vers un cinéma mal aimable. Tu le sais bien, puisque tu es d'accord avec moi, que sous ses dehors sexys de film visuellement bluffant et révolutionnant la science-fiction,
Blade Runner a dû surprendre en s'avérant faire partie d'un cinéma plus "cérébral". Sans être antipathique, il va au-delà du simple film de SF avec lequel on veut l'assimiler, où le "bon" triompherait des "méchants". Le bon ici, il est plutôt vague. Passons sur ses défauts déjà évoqués pour arriver directement à la fin. Il se fait sauver la vie par celui qu'on décrivait comme le "méchant". Si tout ce qui précède n'avait pas existé, la scène de "Tears in Rain" n'existait pas, tout simplement. Le film est construit pour nous amener vers ça. Tout ce qui précède est nécessaire à ce qui en fait sa force. La petitesse de Deckard, face à ce que toi-même tu as appelé le "Dieu" Batty (en fait celui qui semble pourvu d'une âme). Toute la philosophie, la beauté et la morale du film est ici. Ridley Scott n'est pas un génie, apparemment, et c'est vrai qu'il aurait pu faire les choses plus simplement : un bon héros sympa qui gagne, un méchant dégueulasse qui meurt. C'est pourtant là que se trouve la morale douteuse. Ça aurait épargné un débat sur le côté malaisant de Deckard, mais n'aurait pas donné le même film.
Par ailleurs, je ne mélange pas les intentions d'un cinéaste et le résultat à l'écran (le comble de me faire cette remarque à
moi, qui l'ait lancée cent fois par le passé sur le forum), mais je posais légitiment la question du cinéphile, celui qui connait les filmos sur le bout des doigts, établit des liens, fait des rapprochements (comme avec l'écran "PURGE" d'
Alien qui se retrouve ici), et qui pourrait logiquement s'interroger sur ce que le cinéaste avait voulu
dire d'autre avec cette scène. Mais de toute façon, encore une fois, le film lui-même répond à cette question...